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Full text of "Le Ḥadhramout et les colonies arabes dans l'archipel Indien"

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LE  HADHRAMOUT 

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ET  LES 

COLONIES  ARABES 


DANS 

L’ARCHIPEL  INDIEN 


L.  W.  C.  VAN  DEN  13  Eli  G 


OUVRAGE  PUBLIÉ  PAR  ORDRE  DU  GOUVERNEMENT 


BATAVIA 

IMPRIMERIE  DU  GOUVERNEMENT 
1886 


• LE  HADHRAMOUT 

ET  LES 

COLONIES  ARABES 

DANS 


L’ARCHIPEL  INDIEN. 


LE  HADHRAMOUT 


ET  LES 


DANS 


L’AllCHIPEL  INDIEN  • 


PAR 


v/ 

L.  W.  C.  VAN  DEN  BERG 


OUVRAGE  PUBLIÉ  PAR  ORDRE  DU  GOUVERNEMENT 


BATAVIA 

IMPRIMERIE  DU  GOUVERNEMENT 


J 


Il  y a environ  deux  ans  et  demi,  S.  E.  le  Gouverneur-Général 
des  Indes  orientales  hollandaises  m’a  chargé  de  lui  faire  un  rapport 
sur  les  Arabes  établis  dans  l’Archipel  indien.  L’ouvrage  qu’on  va  lire 
contient  les  résultats  scientifiques  des  recherches  faites  en  conséquence 
de  cet  ordre.  Ces  résultats  m’ont  paru  assez  intéressants  pour 'être 
publiés  dans  une  langue  plus  répandue  que  le  hollandais. 

Batavia,  1 novembre  1886. 

L.  W.  C.  VAN  DEN  BERG. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


PAGE 

Introduction I 

PREMIÈRE  PARTIE. 

La  patrie  des  Arabes  établis  dans  l’Archipel  indien. 

Chapitre  I.  Géographie  du  Hadliramout 9 

§ 1.  Aperçu  général 9 

§ 2.  Voyages  en  Hadliramout 17 

Chapitre  II.  Population  et  gouvernement  en  Hadliramout 32 

Chapitre  111.  Origine  et  division  actuelle  des  habitants  du  Hadliramout 48 

Chapitre  IV.  Vie  publique  et  privée  en  Hadliramout G2 

§ 1.  Aspect  des  villes  et  des  maisons G2 

g 2.  Nourriture G7 

g 3.  Domestiques  et  esclaves 69 

g 4.  Valeur  de  l’argent 71 

g 5.  Commerce,  industrie,  agriculture,  chasse,  etc 73 

g G.  Culte 82 

g 7.  Sciences  et  arts 8G 

g 8.  Les  Sayyid 93 

g 9.  Position  sociale  des  femmes 9G 

g 10.  Costume 98 

DEUXIÈME  PARTIE. 

Les  Arabes  dans  l’Archipel  indien. 

Chapitre  1.  Origine  et  état  actuel  des  colonies  arabes 104 

Chapitre  IL  Caractère  des  immigrants  arabes 123 

Chapitre  III.  Moyens  de  subsistance 134 


VIII 


page 

Chapitre  IV.  Culte  et  instruction 159 

Chapitre  V.  Opinions  et  aspirations  politiques , 173 

Chapitre  VI.  Différence  entre  les  Arabes  dans  l'Archipel  indien  et  ceux  en  Hadhramout.  18-1 

Chapitre  VII.  Influence  sur  la  population  indigène 192 

§ 1.  Influence  politique., 192 

§ 2.  Influence  économique,  sociale  et  religieuse 204 

Chapitre  Mil.  Métis  arabes 213 

TROISIÈME  PARTIE. 

L’arabe  parlé  en  Hadhramout  et  dans  l’Archipel  indien. 

Chapitre  I.  Caractère  général 231 

Chapitre  11.  Observations  grammaticales  et  lexicologiques 238 

Chapitre  III.  Lettres  écrites  par  des  Arabes  du  Hadhramout 202 

Corrections 291 

ANNEXES.  x 

Carte  du  Hadhramout. 

Planche:  I.  Vue  dans  la  ville  d’al-Ghorfah. 

» IL  Maisons  en  Hadhramout. 

III.  Châteaux  en  Hadhramout. 

» VI.  Réservoir  et  mosquée  en  Hadhramout. 

V.  Costumes  d’hommes  en  Hadhramout-. 

» VI.  Costumes  de  femmes  en  Hadhramout. 

» VIL  Costumes  d’Arabes  dans  l’Archipel  indien. 

Arbre  généalogique  des  Arabes  qui  ont  introduit  l'Islamisme  dans  l*île  de  Java. 


INTRODUCTION. 


Les  Arabes  ( ’Arabî  plur.  ’Arab ) (* *)  actuellement  établis  dans 
l’Archipel  indien,  sont  à peu  près  tous  originaires  du  Hadhramout. 
C’est  une  exception  de  rencontrer  parmi  eux  des  gens  venus  de 
Mascate,  des  bords  du  Golfe  persique,  du  Yémen,  du  Hidjaz  (2),  de 
l’Egypte  ou  de  la  côte  septentrionale  de  l’Afrique.  Les  Arabes  en 
nombre  restreint,  qui  de  tous  ces  pays  arrivent  dans  l’Archipel  indien, 
n’y  fixent  que  rarement  leur  domicile,  et  s’ils  viennent  à le  faire,  ils 
ne  tardent  pas  à s’absorber  dans  la  foule  des  Arabes  du  Hadhramout. 
La  plupart  sont  des  vagabonds,  tout  au  plus  des  aventuriers  qui, 
dans  peu  de  temps,  disparaissent  comme  ils  sont  venus  (3). 

Parmi  ces  oiseaux  de  passage  ceux  de  la  Mecque  méritent  une 
mention  spéciale.  Ils  sont  relativement  les  plus  nombreux  ; chaque 
année  il  en  arrive  à Singapour  environ  une  trentaine,  qui  de  là  se 
rendent  par  préférence  dans  l’intérieur  de  la  presqu’île  de  Malacca  et 
les  états  indigènes,  vassaux  du  Gouvernement  hollandais.  Or,  dans  les 
parties  de  l’Archipel  indien  placées  sous  l’administration  directe  des 
autorités  hollandaises,  on  refuse  l’admission  à tout  étranger  n’ayant 
pas  de  moyens  de  subsistance  ou  une  profession  reconnue,  condition 
à laquelle  ils  ne  peuvent  guère  satisfaire.  A quelques  exceptions  près, 

(*)  Dans  le  cours  de  cel  ouvrage  je  donnerai  le  pluriel  des  mots  arabes,  au  cas  que 
celui-ci  offre  une  particularité  du  dialecte  parlé  en  Hadhramout  ou  dans  l'Archipel  indien. 

(*)  11  parait  qu’en  Hadhramout  ou  appelle  le  Hidjàz  ordinairement  „Châm",  c’est-à-dire 

,,la  Syrie”. 

(*)  11  y a deux  années,  on  a même  vu  arriver  à Singapour  et  à Batavia  quelques 
vagabonds  arabes  des  environs  de  Jérusalem.  Ils  professaient  la  religion  catholique. 

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l 


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ils  appartiennent  à la  partie  la  moins  respectable  de  la  société  de  la 
Mecque,  et  leur  arrivée  n’a  d’autre  but  que  de  demander  la  charité 
sous  une  forme  ou  une  autre,  à moins  qu’elle  n’ait  rapport  au 
pèlerinage.  Souvent  les  deux  buts  se  combinent. 

Quelques-uns  parmi  eux  portent  des  décorations  ou  des  médailles 
militaires  de  la  Sublime  Porte:  % ceux-ci  font  les  choses  en  grands 
seigneurs.  Sous  prétexte  d’uue  mission  quasi-officielle  pour  faire  une 
quête  au  profit  des  pieuses  fondations  à la  Mecque  ou  à Médine,  ils 
tâchent  de  s’insinuer  chez  les  princes  ou  les  chefs  indigènes.  Si 
ceux-ci  désirent  aller  en  pèlerinage,  ou  qu’ils  veuillent  s’en  acquitter 
par  procuration,  c’est  à un  d’eux  qu’ils  s’adressent  ordinairement 
pour  • s’en  servir  comme  guide  et  interprète,  ou  pour  le  charger  du 
pèlerinage  médité,  naturellement  moyennant  une  récompense.  Cependant, 
il  va  sans  dire  que  la  plupart  des  Arabes  venus  de  la  Mecque  n’ont 
pas  une  clientèle  aussi  distinguée;  mais  ils  n’en  font  pas  moins  de 
bonnes  affaires.  Car  les  indigènes  qui  désirent  se  rendre  à la  Mecque, 
font  généralement  le  voyage  par  troupes  de  50  à 400  individus  sous 
la  conduite  d’un  agent  de  pèlerins,  qu’ils  appellent  leur  Chaikh  (’). 
Celui-ci  se  charge  de  leur  transport  et  de  leur  logement;  il  leur 
donne  les  instructions  nécessaires  relativement  aux  cérémonies  du 
pèlerinage,  et  n’oublie  jamais  de  dépouiller  ses  clients  par  tous  les 
moyens  possible,  mais  toujours  sous  quelque  prétexte  religieux  ou 
légal.  Pour  se  faire  admettre  dans  les  parties  de  l’Archipel  indien 
placées  sous  l’administration  directe  des  autorités  hollandaises,  les 
agents  de  pèlerins  se  disent  souvent  marchands  forains;  ils  apportent 
une  petite  pacotille  consistant  en  drogues,  essence  de  roses,  pierres 
fausses,  chapelets,  amulettes,  eau  de  la  fontaine  sacrée  de  Zam-Zam 
et  autres  objets  de  piété.  Leur  commerce  cependant  n’est  presque 

(’)  Souvent  le  Chaikh  lui-même  reste  à la  Mecque,  mais  envoie  dans  l'Archipel  indien 
son  badal  ou  fondé  de  pouvoir. 


I 


5 

jamais  de  nature  à légitimer  en  soi  le  voyage  coûteux  qu’ils  font,  et, 
en  tout  cas,  aucun  d’entre  eux  ne  s’établit  dans  l’Archipel  indien 
comme  négociant  en  gros. 

Les  agents  de  pèlerins,  quoique  nés  à la  Mecque,  sont  du  reste 
rarement  des  Arabes  d’origine  (').  Il  paraît  que,  depuis  des  siècles,  la 
population  de  cette  ville  s’est  tellement  mêlée  à des  pèlerins  étrangers, 
qu’on  y rencontre  relativement  peu  de  personnes  qui  puissent  être 
considérées  comme  appartenant  encore  à la  race  arabe.  Il  n’y  a que 
quelques  familles  aristocratiques,  qui  ont  su  conserver  leur  caractère 
national  (2).  Il  s’entend  que  l’idiome,  parlé  à la  Mecque,  s’est 
ressenti  de  cette  invasion  d’éléments  étrangers,  et  plusieurs  Arabes 
du  Hadhramout  m’ont  assuré  que  l’idiome  des  Bédouins  d’alentour 
avait  beaucoup  plus  de  ressemblance  avec  le  leur,  que  la  langue 
parlée  par  le  bas-peuple  à la  Mecque  elle-même. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que,  dans  l’ouvrage  qu’on  va  lire,  je 
puis  me  borner  presque  exclusivement  aux  Arabes  originaires  du 
Hadhramout,  les  autres  n’ayant  exercé  jusqu’ici  aucune  influence 
ethnologique  ou  linguistique  sur  le  caractère  des  colonies  arabes  dans 
l’Archipel  indien.  Ce  n’est  qu’au  point  de  vue  politique  qu’ils  méritent 
quelque  attention;  mais  cela  n’empêche  pas  que  ce  ne  soit  toujours  le 
Hadhramout  et  ses  habitants  qu’on  doit  avoir  en  vue,  quand  on  parle 
en  général  des  Arabes  dans  l’Archipel  indien  et  de  leur  patrie.  Or  il 
arrive  que  le  Hadhramout  est  une  des  parties  les  moins  connues  de 
l’Arabie.  Aucun  voyageur  européen  n’a  encore  parcouru  le  pays  en 

(* *)  Quelquefois  même  la  Mecque  n'est  pas  leur  ville  natale;  ils  y ont  fixé  seulement 
leur  domicile. 

(*)  Dans  toutes  les  années  que  j'ai  résidé  à Batavia,  je  ne  me  rappelle  y avoir  vu 
arriver  qu'un  seul  personnage  distingué  de  la  Mecque.  C'était  un  membre  de  la  famille  des 
Banou  Chaibah  qui,  en  1878,  venait  dans  l’Archipel  indien  pour  des  raisons  de  famille. 
Une  de  ses  femmes  était  la  fille  d’un  chef  indigène  de  l’ile  de  Sumatra,  qui  avait  habité  la 
Mecque.  On  sait  que  les  Banou  Chaibah  appartiennent  à la  tribu  de  Qoraich,  et  qu'ils 
sont  les  garde-clefs  héréditaires  de  la  Kalwh  ou  sanctuaire. 


son  entier;  d’une  exploration  scientifique,  il  n’en  a jamais  été  question, 
et  de  l’idiome  qu’on  y parle,  aucun  arabisant  ne  s’en  est  occupé 
jusqu’ici.  Exception  laite  du  littoral,  on  peut  dire  en  outre  que  uos 
cartes  du  Hadhramout  ne  méritent  aucune  confiance. 

Sans  avoir  la  prétention  que  mon  livre  ira  combler  entièrement 
cette  lacune  dans  la  science,  on  verra  néanmoins  dans  les  pages  qui 
vont  suivre,  que,  sans  quitter  l’Archipel  indien,  j’ai  pu  me  renseigner 
sur  le  Hadhramout  d’une  manière  assez  précise.  Je  crois  pouvoir 
me  fier  à mes  renseignements,  vu  que  je  ne  les  tiens  pas  d’un  seul, 

v 

mais  d’un  grand  nombre  d’Arabes  qui,  pour  la  plupart,  répondaient 
à mes  questions  sans  avoir  pu  se  consulter  entre  eux.  Il  en  résultait 
que  les  réponses  de  l’un  fournissaient  en  même  temps  un  moyen  de 
contrôle  de  celles  des  autres.  De  cette  façon,  tout  ce  qu’on  m’a 
raconté  a été  soumis  à une  critique  aussi  sévère  que  possible. 
Cependant,  n’ayant  pas  visité  le  Hadhramout,  ce  que  je  vais  écrire 
sur  ce  pays  n’est,  en  tout  cas,  qu’une  information  de  seconde  main. 
Relata  refera.  11  n’y  a que  les  chapitres  relatifs  aux  Arabes  dans 
l’Archipel  indien,  qui  contiennent  les  résultats  de  mes  observations 
personnelles. 

Je  ferai  précéder  la  description  des  colonies  arabes  dans  l’Archipel 
indien,  de  celle  du  Hadhramout  et  de  ses  habitants,  attendu  qu’il 
est  beaucoup  plus  aisé  de  se  rendre  compte  des  particularités  qui 
distinguent  les  Arabes  «à  l’étranger,  quand  on  connaît  l’état  des  choses 
dans  leur  patrie.” 

Je  viens  de  signaler  l’insuffisance  de  nos  notions  sur  le  Hadhramout. 
Pour  faire  ressortir  tout  l’intérêt  de  mes  recherches,  je  veux 
ajouter  que,  hormis  quelques  renseignements  trouvés  dans  les 

v 

géographes  arabes  du  moyen-âge  (*),  nous  ne  savons  de  l’intérieur 


(*)  Un  aperçu  de  ces  renseignements  est  donné  dans  l’ouvrage  de  Ritter  : Erdkunde,  Tome  XI, 
et  par  M.  de  Gocje  dans  la  Revue  coloniale  internationale,  Tome  11  (1886),  p.  101  et  s. 


5 


l 

du  pays  et  de  ses  habitants  que  ce  que  nous  en  disent  Niebuhr, 
Wellsted,  Fresnel  et  de  Wrede.  Niebuhr,  pendant  son  séjour  dans 
le  Yémen,  en  1763,  a rencontré  quelques  Arabes  du  Hadhramout, 
et  a publié,  dans  sa  Description  de  l’Arabie  (‘),  les  récits  qu’ils 
lui  ont  laits.  L’officier  de  la  marine  anglaise  Wellsted  visita,  en 
1835  et  les  années  suivantes,  les  côtes  du  Hadhramout,  et  a pu 
noter  les  noms  des  principales  villes  de  l’intérieur  (2).  De  même 
Fresnel,  lors  de  son  séjour  à Djuddah,  s’est  informé  de  l’état  des 
choses  dans  le  Hadhramout  (3),  mais  d’une  manière  très-superficielle. 
Enfin  de  Wrede,  en  1845,  a visité  la  vallée  de  Dou’an  et  les  vallées 
adjacentes;  mais  il  n’a  pu  pousser  son  voyage  au-delà  de  Hawrah. 
Son  journal  n’a  été  publié  qu’en  1875  par  M.  le  Baron  de 
Maltzan  (4). 

On  sait  que  les  opinions  des  géographes  étaient  d’abord  fort 
partagées  sur  la  valeur  de  ce  journal.  Quelques-uns,  et  parmi  eux 
le  célèbre  Alexandre  de  Humboldt,  prenaient  de  Wrede  tout  bonnement 
pour  un  imposteur,  qui  n’avait  jamais  mis  le  pied  dans  le  pays 
dont  il  donnait  la  description.  D’autres  savants  sont  d’une  opinion 
toul-à-fait  contraire  et  pleins  d’éloges  pour  l’intrépide  voyageur, 
dont  le  mérite  a été  si  injustement  méconnu.  Quant  à moi,  je  puis 
affirmer  que  de  Wrede  a réellement  visité  le  Hadhramout,  car  j’ai 
parlé  à un  Arabe  ayant  été  témoin  de  la  mésaventure  qui  le  força 
de  retourner  (5).  D’un  autre  côté,  je  crois  qu’il  n’a  pas  écrit  son (*) 

(*)  Pag.  269 — 280  de  l’édition  hollandaise. 

(J)  V.  ses  deux  monographies:  Travels  in  Arabia,  et  Travels  to  the  City  of  the  Caliphs. 

(3)  Journal  asiatique.  Troisième  Série,  Tome  V (1838),  pag.  509  et  510. 

O Adolph  von  Wrede’s  Reise  in  Hadhramaut,  Beled  Beny  ’Yssà  und  Beled  el-Hadschar, 
herausgegeben  von  H.  Freiherrn  von  Maltzan. 

(5)  M.  ’Abd  Allah  bin  Ahmad  bin  Sunkar,  actuellement  domicilié  à Tegal.  Il  est 
natif  de  Hainin,  et  arriva  dans  l'Archipel  indien  en  1845.  Il  m’a  raconté  avoir  visité  la 
vallée  de  Dou'an,  quelque  temps  avant  de  quitter  le  Hadhramout,  et  il  se  rappelait  encore 
fort  bien  avoir  vu,  dans  une  des  villes,  un  étranger,  portant  le  nom  de  ’Abd  Houd,  poursuivi 
par  la  populace,  jusqu’à  ce  que  le  chef  de  la  ville  le  fit  arrêter.  Cet  homme,  me  dit-il, 


6 


journal  pendant  son  voyage;  niais  je  tiens  pour  sur  qu’il  l’a  fait, 
étant  rentré  chez  lui,  et  d’après  ses  réminiscences.  Le  journal  en 
question  contient  en  elfet  plusieurs  détails  exacts;  mais  on  ne  peut 
nier  que  de  Wrede  ne  commette  des  erreurs  guère  possibles  de  la 
part  de  quelqu’un  ayant  pris  des  notes  sur  les  lieux  mêmes. 

Je  ne  crois  pas  à propos  de  signaler,  dans  le  cours  de  mon 
ouvrage,  les  points  de  différence  entre  les  résultats  de  mes  recherches 
et  ce  que  de  Wrede  ou  d’autres  Européens  nous  apprennent  sur  le 
Hadhramout.  C’est  ce  que  je  dois  laisser  au  lecteur.  Si  je  voudrais 
entrer  dans  une  polémique,  mon  livre  ne  répondrait  plus  au  luit  que 
je  me  suis  proposé.  La  seule  chose  que  je  puisse  affirmer,  c’est  que 
les  points  de  différence  dont  je  viens  de  parler,  ont  été  de  ma  part 
l’objet  d’un  examen  scrupuleux. 

Pour  terminer  la  liste  de  ce  qui  a été  publié  sur  le  Hadhramout, 
il  me  reste  à mentionner  une  notice  insérée  dans  le  journal  arabe 
al-Djawâïb  (*)  du  18  Rabi’  al-Awwal  1299  (8  Février  1882),  et  qui 
semble  avoir  échappé  à rattention  des  géographes  en  Europe.  Plusieurs 

Arabes  m’ont  affirmé  qu’un  officier  européen,  probablement  anglais, 

« 

a visité  Saioun  il  y a quelques  années,  chargé  d’une  mission  auprès 
du  Sultan  de  cette  ville.  Ils  me  racontaient  même  l’avoir  vu  se 
promener  dans  les  rues  avec  le  Sultan;  quoi  qu’il  en  soit,  un  récit 
de  ce  voyage  n’a,  que  je  sache,  paru  nulle  part. 

J’ai  recueilli  le  plus  grand  nombre  de  mes  renseignements  sur  le 
Hadhramout  à Batavia,  où  j’avais  chaque  jour  l’occasion  de  parler  à 
des  Arabes  ayant  quitté  leur  patrie  depuis  peu  de  temps.  Pour  les 
renseignements  qui  dépassaient  les  notions  du  vulgaire,  je  dois  beaucoup 

était  fou,  et  avait  causé  l'émeute  par  ses  manières  et  ses  actes  étranges.  Le  nom  de 
’Abd  Houd  que  de  Wrede  avait  adopté  afin  de  se  faire  passer  pour  Musulman,  n’est 
porté  par  personne  en  Hadhramout.  Par  conséquent,  il  est  presque  impossible  que  mon 
interlocuteur  parlât  d'un  autre  que  de  lui. 

(’)  Paraissant  alors  à Constantinople,  mais  supprimé  depuis  par  la  Sublime  Porte. 


7 


à M.  Mohammad  hin  Hasan  Bàbahîr,  actuellement  chef  de  la  colonie 
arabe  à Batavia.  Sans  son  zèle  éclairé,  ma  tâche  aurait  été  beaucoup 
plus  difficile;  il  m’a  toujours  averti  de  l’arrivée  d’individus  qui 
pouvaient  m’être  utiles;  en  outre  son  influence  a déterminé  plusieurs 
de  ses  compatriotes  à me  fournir  les  renseignements  dont  j’avais 
besoin.  Ces  renseignements,  recueillis  à Batavia,  ont  été  complétés 
et  contrôlés  dans  un  voyage  que  j’ai  fait  dans  le  but  de  visiter 
les  principales  colonies  arabes  de  l’Archipel  indien;  les  statistiques 
m’ont  été  fournies  par  les  autorités  locales,  et  enfin  j’ai  trouvé  dans 
les  archives  du  Gouvernement,  à Batavia,  plusieurs  rapports  des  plus 
intéressants  concernant  le  rôle  politique  que  les  Arabes  ont  joué  dans 
cette  partie  du  monde. 

Quant  à la  carte  du  Hadhramout,  elle  a été  dressée  de  la  manière 
suivante.  Un  croquis  composé  par  M.  le  Sayyid  ’Ulhmàn  bin  ’Abd 
Allah  bin  Yahyâ  (1),  savant  arabe,  dont  je  parlerai  encore  plusieurs 
fois  dans  le  cours  de  mon  ouvrage,  a été  mon  point  de  départ. 
Ce  croquis  cependant  ne  m’a  servi  que  pour  obtenir  une  idée 
superficielle  de  l’intérieur  du  pays,  pour  les  noms  géographiques, 
etc.  Le  Sayyid  l’avait  composé  sans  se  rendre  compte  des  distances 
entre  les  localités  respectives.  J’ai  dû  par  conséquent  corriger,  ou 
plutôt  refondre  son  travail,  pour  ce  qui  concerne  la  côte,  d’après 
la  carte  maritime  publiée  par  l’Amirauté  anglaise,  et,  pour  ce  qui 
concerne  l’intérieur,  d’après  les  informations  que  j’ai  prises  auprès 
d’un  grand  nombre  d’Arabes  originaires  de  différentes  parties  du 
Hadhramout.  C’étaient  surtout  les  habitants  de  la  campagne  qui 
paraissaient  avoir  une  connaissance  topographique  des  plus  remarquables. 
Partout  où  j’en  ai  rencontré  qui  avaient  quitté  leur  patrie  depuis 
peu,  je  leur  ai  fait  faire  le  récit  de  leurs  voyages.  C’est  ainsi  que (*) 

(*)  Le  croquis  du  Sayyid  a été  réproduit  par  M.  de  Goeje  dans  sa  notice  sur  le 
Hadhramout,  mentionnée  plus  haut  p.  4 note  1. 


8 


j’ai  pu  parcourir,  dans  ma  pensée,  le  Hadhramout  dans  toutes  les 
directions.  Ce  sont  les  renseignements  pris  de  la  sorte,  que  je  vais 
donner  dans  le  Chapitre  I § 2 de  la  première  partie  de  mon 
ouvrage.  Ces  renseignements  m’ont  en  outre  mis  en  état  d’apporter 
quelques  corrections  à la  carte  maritime  anglaise,  surtout  pour  ce 
qui  concerne  l’orthographe  des  noms  arabes. 

En  dernier  lieu,  les  planches  relatives  aux  maisons  etc.  du  Hadhramout, 
ont  été  composées  d’après  des  croquis  et  d’autres  données  que  m’ont 
fournis  M.  M.  Bâbahîr  et  hin  Yahyâ.  Avant  d’être  publiées  elles 
ont  été  soumises  à l’approbation  et  à la  correction  de  plusieurs  autres 
Arabes  qui,  tous,  ont  déclaré  qu’elles  donnaient  une  idée  exacte  de  ce 
qu’elles  doivent  représenter. 


PREMIERE  PARTIE. 

LA  PATRIE  DES  ARABES  ÉTABLIS  DANS  L’ARCHIPEL  INDIEN. 


CHAPITRE  I. 

GÉOGRAPHIE  DU  HADHRAMOUT  (*). 

§ l. 

APERÇU  GÉNÉRAL. 

Sur  nos  cartes  on  donne  le  nom  de  Hadhramout  à tout  le  littoral 
de  l’Arabie  méridionale,  de  ’Aden  jusqu’au  cap  Ràs  al-Hadd.  Chez  les 
Arabes  modernes,  au  moins  chez  ceux  que  j’ai  eu  l’occasion  de 
rencontrer  dans  l’Archipèl  indien,  le  nom  de  Hadhramout  n’est  pas 
en  usage  dans  cette  acception.  Ce  qu’ils  entendent  par  le  Hadhramout, 
ne  forme  qu’une  petite  partie  de  l’Arabie  méridionale,  c’est-à-dire  la 
côte  entre  les  villages  de  pêcheurs  ’Ain  Bâma’bad  et  Saihout,  avec  le 
pays  montagneux  situé  en  arrière.  Le  long  de  la  côte  on  ne  trouve 
que  des  collines  ; bientôt  cependant  s’élève  une  haute  chaîne  de 
montagnes  (2),  ou,  pour  mieux  dire,  un  immense  plateau  surmonté 
de  quelques  pics,  dont  le  plus  haut  est  le  mont  al-’Archah.  Ce 
plateau  passé,  on  descend  dans  une  grande  vallée  ( wâdî  plur.  widyân ) 


(*)  On  écrit  ordinairement  ..Hadhramaut”,  mais  j’ai  toujours  entendu  les  Arabes  prononcer 
,, Hadhramout".  Pour  les  noms  géographiques  j'ai  adopté  le  même  système  de  transcription 
que  pour  les  autres  mots  arabes.  Voyez  plus  bas,  Troisième  Partie,  Chapitre  II. 

(J)  Quant  on  veut  parler  d une  chaîne  de  montagnes,  on  se  sert  du  mot  djibâl,  plur.  de 
djabal.  Ce  dernier  mot  signifie  ..montagne"  en  général.  Une  ,, haute  montagne"  s’appelle 
’aqabah,  une  ..colline”  ou  une  ..petite  montagne"  se  dit  hasirah.  Djaul  signifie  le  ,, sommet 
plat  d’une  montagne”,  et  qârnh  une  ..colline  au  pied  ou  sur  le  versant  d une  haute  montagne". 


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ou  plutôt  dans  un  enchaînement  de  vallées;  ensuite  on  se  trouve 
devant  une  nouvelle  chaîne  de  montagnes  de  la  même  nature  que  la 
première.  Cette  dernière  chaîne  home  le  grand  désert  de  l’Arabie 
centrale.  Les  deux  chaînes  de  montagnes  sont  principalement  en 
pierre  calcaire  (!),  et  offrent  un  aspect  des  plus  arides.  Par-ci 

par-là  seulement  on  rencontre  des  pâturages  ( mar’âh ) et  de  petits 

» 

bois  d’aloès  (çibr)  ou  d’arbres  à épines.  De  ces  derniers,  on  m’a 
nommé  spécialement  deux  espèces,  le  salant  et  le  ’iç.  On  m’a  également 
signalé  une  espèce  d’arbre,  dont  le  bois  ressemblerait  à de  l’acajou. 
On  l’appela  mucht. 

Les  montagnes  sont  riches  en  grottes  ( ghâr ),  quelques-unes  d’une 
étendue  considérable,  et  dont  la  plus  connue  est  celle  qui  est  appelée 
Bir  Borhout.  Nous  en  parlerons  plus  loin.  Le  long  de  la  côte,  on 
trouve  plusieurs  sources  d’eau  chaude,  mais  dans  l’intérieur  du  pays 
il  n’y  en  a point. 

’Ain  Bâma’bad  n’appartient  déjà  plus  au  Hadhramout  proprement 
dit.  C’est  un  village  de  la  tribu  de  ’Abd  al-Wàhid.  Au  nord  du  pays 
occupé  par  cette  tribu,  on  a une  contrée  montagneuse,  appelée  Hadjar. 
Elle  est  très-peu  peuplée,  et  ne  fait  pas  non  plus  partie  du  Hadhramout. 
De  même  Saihout  est  le  premier  village  de  la  Mahrah.  Le  pays  de 
la  tribu  de  ’Abd  al-Wàhid  a été  décrit  par  M.  de  Maltzan  (2).  Le 
même  savant  a donné  quelques  renseignements  sur  les  habitants  de 
la  Mahrab  et  sur  leur  idiome  (3).  Je  puis  donc  me  borner  à relever 
ici,  que  les  habitants  de  la  Mahrab,  tout  en  appartenant  à la  race 
sémitique,  ne  sont  pas  des  Arabes  proprement  dits.  Ce  ne  sont  pas * (*) 


(')  On  m'assure  qu'on  y voil  aussi  beaucoup  de  silex. 

(*)  Reise  nack  Südarabien,  pag.  220  et  s. 

(3)  Préface  au  journal  de  de  Wrede  p.  29  et  s.  et  le  Zeitschrift  der  Deutschen 

Morgenlândischen  Gcsellschaft,  Tome  XXV  (1871),  p.  196  et  s.  V.  aussi  les  communications 

de  Fresncl  dans  le  Journal  asiatique,  Troisième  Série,  Tome  V et  VI  (1838),  p.  511 

et  s.  et  529  et  s. 


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davantage  des  Musulmans  orthodoxes.  Ajoutez  que  leur  idiome  diffère 
notablement  de  l’Arabe,  non-seulement  au  point  de  vue  lexicologique, 
mais  encore  au  point  de  vue  grammatical. 

Les  deux  ports  de  quelque  importance  sur  la  côte  du  Hadhramout 
sont  ach-Chihr  et  al-Mokallâ.  L’im  et  l’autre  ont  été  visités  par  des 
Européens  à plusieurs  reprises,  et  la  description  qu’on  en  lit  dans 
l’ouvrage  de  Ritter  (*),  semble  assez  exacte,  même  de  nos  jours. 
Seulement,  comme  nous  le  verrons  dans  le  chapitre  suivant,  al-Mokallâ 
n’a  plus,  sous  aucun  rapport,  la  prépondérance  sur  ach-Chihr  aujourd’hui. 
Au  contraire  le  commerce,  surtout  celui  avec  Bombay  et  les  autres 
ports  de  l’Inde  anglaise,  surpasse  à ach-Chihr  beaucoup  celui  d’al-Mokallâ. 
Cette  dernière  ville  ne  forme  plus  un  état  séparé  actuellement:  elle 
est  devenue  une  dépendance  d’ach-Cbihr.  Enfin  il  n’existe  plus  de 
marché  public  et  régulier  d’esclaves,  ni  à al-Mokallâ,  ni  à ach-Chihr, 
mais  la  traite  clandestine  n’en  subsiste  pas  moins.  Outre  ach-Chihr 
et  al-Mokallâ,  il  me  reste  à mentionner,  au  littoral,  comme  localités 
connues:  Boroum,  al-Ghail  ou  Gliail  Bàwazir,  al-Hâmî,  ad-Dîs, 
ach-Chirmah  et  Qoçai’ar.  D’al-Mokallâ  et  d’ach-Cbihr,  un  piéton  peut 
à marches  forcées  traverser,  en  trois  ou  quatre  jours,  la  chaîne  de 
montagnes  séparant  le  littoral  de  la  grande  vallée  dans  l’intérieur. 
Ordinairement  toutefois  le  voyage  de  la  côte  jusqu’à  l’intérieur  dure 
de  huit  à dix  jours,  les  chameaux  ou  les  ânes,  dont  on  se  sert  comme 
monture,  ne  pouvant  passer  par  tous  les  sentiers  étroits  et  escarpés 
qu’on  peut  utiliser  en  allant  à pied.  Il  faut  donc  faire  quelquefois 
des  détours  assez  considérables,  et  de  plus,  s’arrêter  souvent,  par  la 
nécessité  où  l’on  est  d’aller  chercher  du  fourrage  et  de  l’eau  pour 
ses  bêtes  à une  certaine  distance  de  l’endroit  qu’on  a choisi  pour 
son  gîte. 


(’)  Erdkunde,  Tome  XI,  p.  625  et  s.  et  635  et  s. 


12 


Dans  les  montagnes  il  n’y  a point  de  villes  de  quelque  importance. 
On  n’y  trouve  que  des  tribus  de  Bédouins,  dont  j’expliquerai  plus  tard 

le  genre  de  vie.  La  crête  des  montagnes  est  assez  rapprochée  de 

la  mer  et,  par  conséquent,  le  versant  méridional  très-escarpé;  le 

versant  septentrional  (*)  est  de  beaucoup  moins  rapide.  Après  avoir 
traversé  la  chaîne  de  montagnes,  on  descend  dans  une  grande  vallée, 
dont  la  direction  est  d’abord  est,  ensuite  sud-est,  et  qui  a son 
embouchure  sur  la  mer  à Saihout.  La  ville  la  plus  occidentale  de 
cette  vallée  est  Chabwah,  située  dans  une  contrée  presque  entièrement 
couverte  des  sables  mouvants  du  désert.  Les  habitants  s’occupent 
surtout  à l’exploitation  des  salines  d’alentour.  De  Chabwah  jusqu’à 
la  montagne  isolée  appelée  al-Qàïmah,  le  pays  est  très-peu  peuplé, 
et  pour  la  plus  grande  partie  couvert  de  sable.  Ce  n’est  qu’à  de 

grandes  intervalles,  qu’on  rencontre  des  pâturages  ou  des  plantations 
de  dattiers.  Quand  on  fait  le  voyage  de  Chabwah  au  mont  al-Qàïmah, 
on  passe,  à gauche,  les  vallées  de  Djàhiah  et  de  Sour,  et  à droite,  les 
vallées  d’Irmah,  de  Duhr  et  de  Rakhîah.  11  n’y  a que  la  vallée  de 
Djâbiah  qui  est  assez  bien  cultivée,  tandis  qu’on  trouve  dans  la  vallée 
de  Rakhîah  une  ville  de  quelque  importance  appelée  Sahwah  ; elle  est 
située  au  fond  de  la  vallée.  Au  sud  des  vallées  d’Irmah  et  de  Duhr 
on  entre  dans  le  pays  de  la  tribu  des  ’Awâliq  (2).  Quand  on  continue 
le  voyage  dans  la  direction  de  l’est,  le  pays  s’anime  un  peu.  D’abord 
ce  sont  les  villes  de  Qa’outhah  et  de  Hainin,  situées,  l’une  vis-à-vis 


(’)  En  Hadhramoul  on  appelle  le  nord  iièdjd,  le  sud  bahr,  l’est  chèrq  et  l'ouest 
q iblah.  „AUer  vers  le  nord,  le  sud,  l’est  ou  l’ouest”  est  exprimé  par  la  deuxième  forme 
des  verbes  nadjad,  bahar,  charaq  et  qabal.  Proprement  dit  qiblah , c'est-à-dire  la  direction 
vers  la  Mecque,  devrait  signifier  le  nord-ouest,  et  aussi  ai-je  rencontré  des  gens  qui 
observaient  la  différence  entre  qiblah  et  gharb  ou  maghrib  ; mais,  pour  la  grande  majorité, 
la  direction  vers  la  Mecque  et  l'ouest  sont  des  notions  indentiques  ; au  lieu  que  les  mots 
Gharb  ou  Maghrib  signifient  l'Afrique  septentrionale.  Les  mots  chaînât  et  djanoub  pour 
,,nord”  et  „sud"  sont  compris  seulement  par  les  savants. 

(l)  Ce  pays  a été  décrit  par  M.  de  Maltzan,  dans  son  ouvrage  cité:  Reise  nach 
Siidarabien  p.  239  et  s. 


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do  l’autre,  chacune  sur  un  versant  opposé  de  la  vallée.  A Hainin  on 
a,  au  nord,  l’embouchure  d’une  vallée,  portant  le  même  nom.  A 
Qa’outhah  on  voit,  au  sud,  dans  la  chaîne  de  montagnes,  une  large 
ouverture  où  débouchent  trois  vallées,  portant  les  noms  de  ’Amd,  de 
Dou’an  et  d’al-’Ain,  dont  surtout  la  deuxième  est  très-peuplée.  Elle 
contient  plusieurs  villes  assez  importantes,  dont  les  principales  sont, 
du  sud  au  nord:  al-Khoraibah,  Bithah  et  Qaidoun.  La  vallée  de 
Dou’an  est  formée  par  la  rencontre  de  deux  vallées  : Dou’an  al-Aiman 
(„la  droite”)  et  Dou’an  al-Aisar  („la  gauche”)  ( ‘).  La  partie  septentrionale 
de  la  vallée  de  Dou’an  s’appelle  la  vallée.  d’al-Hadjarain,  d’après  un 
pic  s’élevant  au  milieu  de  la  vallée,  et  sur  lequel  est  bâtie  la  ville 
d’al-Hadjarain.  Dans  la  vallée  d’al-Hadjarain  on  a encore  une  ville 
importante  appelée  Hawrah.  Après  avoir  reçu  les  vallées  de  ’Amd,  de 
Dou’an  et  d’al-’Ain,  la  vallée  principale  prend  le  nom  de  vallée  de  Kasr. 
On  y trouve  Chibâm,  une  des  villes  les  plus  anciennes  et,  actuellement 
encore,  une  des  plus  importantes  du  pays.  Passé  Chibâm,  la  vallée  s’appelle 
„la  vallée  de  bin  Ràchid”  „la  vallée  d’al-Ahqâf”,  ou  bien  „la  Vallée” 
(al-Wâdî)  tout  court.  Souvent  aussi  on  lui  donne,  par  opposition  à la  vallée 
de  üou’an,  le  nom  de  Hadhramout,  dans  un  sens  plus  restreint  encore. 

Les  principales  villes  à l’est  de  Chibâm  sont:  al-Ghorfah,  Saioun 
(actuellement  la  ville  la  plus  importante),  Târibah,  al-Ghoraf,  as-Sowairî, 
Terîm  (Pancienne  capitale,  mais  aujourd’hui  surpassée  par  Saioun), 
’înât  et  al-Qasm.  De  Hawrah  jusqu’à  cette  dernière  Aille,  la  vallée 
n’est  qu’une  série  de  champs  en  culture,  de  plantations  de  dattiers,  de 
jardins  et  de  villages.  A droite  et  à gauche,  on  voit  les  embouchures 
d’autres  vallons  ; mais , passé  al-Qasm , la  culture  devient  de 
plus  en  plus  rare  et  la  population  moins  dense,  jusqu’à  ce  qu’on 

(')  Les  mots  ..droite"  et  ..gauche"  doivent  être  pris,  dans  l'idiome  du  Hadhramout, 
dans  ce  sens  qu'on  remonte  la  vallée,  et  non  qu’on  la  descend,  comme  le  font  les 
géographes  européens,  quand  ils  parlent  p.  e.  de  la  rive  droite  ou  gauche  d'un  fleuve. 


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arrive  à Qabr  Hoiul , endroit  dont  nous  allons  parler  tout  à 
l’heure. 

La  grande  vallée,  de  même  que  les  autres  vallées  qui  en  sont 
comme  les  affluents,  sont  traversées  par  des  lits  de  rivière  ( masîlah ) 
presque  toujours  à sec.  Dans  les  rares  cas  où  il  tombe  de  la  pluie, 
ils  se  remplissent  de  l’eau  découlant  des  montagnes  arides,  et  deviennent 
pour  quelques  heures  de  véritables  torrents  (sait).  Un  peu  en  aval 
d’al-Khoun,  le  lit  commence  à être  le  plus  souvent  rempli  d’eau; 
mais  même  à l’embouchure,  près  de  Saihout,  on  ne  peut  l’appeler 
une  rivière  navigable. 

Qabr  Houd  est,  selon  les  habitants  du  Hadhramout,  le  tombeau 
de  leur  souche,  le  prophète  Houd.  C’est  le  sanctuaire  le  plus  en 
renom  du  pays,  et  peut-être  même  de  toute  l’Arabie  méridionale.  Ce 
n’est  pas  une  ville,  ni  même  un  village:  rien  qu’une  mosquée  construite 
près  du  tombeau  (’)  du  saint  homme.  Chaque  année,  le  11  du 
mois  de  Cha’bân,  on  s’y  rend  de  toutes  parts  en  pèlerinage  (. ziârah ). 
Ce  jour-là  il  y a en  même  temps  un  grand  marché,  et  les  différends 
entre  les  tribus  s’y  vident  à l’amiable,  comme  sur  un  terrain  neutre, 
a moins  qu’on  n’en  défère  la  décision  à des  arbitres.  Quelque  temps 
avant  le  mois  de  Cha’bân,  les  tribus  d’alentour  raccommodent  tant  soit 
peu  le  marché  et  les  édifices;  mais  aussitôt  les  pèlerins  et  les  marchands 
partis,  tout  tombe  de  nouveau  en  décadence  juisqu’à  l’année  suivante. 
Un  de  mes  amis  arabes  qui  a visité  l’endroit  à une  autre  époque, 
trouva  même  la  mosquée  abandonnée  et  dans  un  très-mauvais  état. 

En  amont  de  Qabr  Houd,  on  a l’embouchure  de  la  vallée  de 
Borhout,  au  fond  de  laquelle  est  située  une  grande  solfatare,  appelée 
Bîr  Borhout,  et  comme  déjà  dans  l’antiquité  (2).  Je  n’ai  jamais * (*) 

(l)  Le  tombeau  lui-même  n'est  autre  chose  qu’un  monceau  de  pierres  long  de  + 70 
et  large  de  ± 7 mètres. 

(*)  V.  la  note  de  M.  de  Maltzan  au  journal  de  de  Wrede  p.  2S2. 


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rencontré  d’Arabe  ayant  visité  l’endroit  en  personne,  mais  plusieurs 
ont  prétendu  le  connaître  par  ouï-dire.  D’après  eux,  la  solfatare  serait 
située  au  fond  de  la  vallée  de  Borhout,  dans  une  grotte,  sur  le  versant 
de  la  montagne.  L’entrée  de  la  grotte  aurait  environ  dix  mètres  de 
haut  et  autant  de  large,  mais  l’intérieur  en  serait  beaucoup  plus 
spacieux.  La  solfatare  elle-même  consisterait  en  un  grand  nombre  de 
trous  pleins  de  soufre  brûlant.  Les  vapeurs  du  soufre  empêcheraient 
de  pénétrer  très-avant  dans  la  grotte.  Les  parois  et  le  sol  en  seraient 
entièrement  couverts  de  soufre,  et  il  y régnerait  une  profonde  obscurité. 

De  Qabr  Houd  jusqu’à  Saihout  la  vallée  est  de  nouveau  très-peu 
peuplée;  il  n’y  a point  de  villes  ni  même  de  grands  villages.  On 
appelle  cette  partie  du  pays  Ardb  al-Manâhîl,  d’après  la  tribu  qui 
l’occupe.  Saihout  est,  comme  nous  venons  de  voir,  un  village  appartenant 
déjà  au  pays  de  Mahrah. 

Quoique  de  la  côte  vers  l’intérieur  du  Hadhramout,  la  route  naturelle 
dût  partir  de  Saihout  et  monter  la  vallée,  le  commerce,  de  même 
que  les  voyageurs,  choisissent  généralement  celle  par  al-Mokallà  ou  par 
ach-Chihr.  Le  poisson  salé  est  le  seul  article  importé  en  Hadhramout 
par  la  route  de  Saihout. 

Pour  terminer  cet  aperçu  géographique,  il  me  reste  à dire  quelques 
mots  sur  la  partie  du  Hadhramout  située  au  nord  de  la  grande 
vallée.  Dans  cette  partie  il  n’y  a non  plus  de  villes  ni  de  villages  de 
quelque  importance,  et  les  habitants  sont  exclusivement  des  Bédouins. 
En  commençant  de  l’ouest,  on  a d’abord  dans  les  montagnes  un 
grand  plateau,  habité  par  la  tribu  de  Çai’ar.  Ensuite,  en  se  dirigeant 
vers  l’est,  on  a un  plateau  beaucoup  plus  grand  encore,  appelé  le 
Nèdjd.  On  le  distingue  en  Nèdjd  Al  Kathîr  et  Nèdjd  al-’Awâmir, 
tVaprès  les  tribus  que  l’on  y trouve  (*).  La  partie  orientale  du  Nèdjd 


(*)  V.  sur  toutes  ces  tribus  le  Chapitre  lit. 


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porte  aussi  le  nom  spécial  de  Djibâ.  Quant  au  pays  au  nord  du 
plateau  de  Çai’ar  et  du  Nèdjd,  c’est  le  grand  désert  central  de 
l’Arabie  méridionale.  Ce  désert,  aucun  Arabe  que  j’ai  rencontré,  ne 
l’a  vu,  ni  n’en  connaît  autre  chose  que  le  nom.  Il  en  est  de  même 
des  vallées  de  sable  mouvant,  appelées  par  de  Wrede  „Babr  Sâfi”, 
ou  Mer  de  Sable.  D’après  ce  qu’on  m’a  raconté,  il  n’y  aurait  pas  de 
communication  au  nord  entre  le  Hadhramout  et  le  pays  des  Wahhâbî, 
ni  au  nord-est  entre  le  Hadhramout  et  Mascate.  Seulement,  on  savait 
que  des  Bédouins  du  Nèdjd  se  rendaient  parfois  dans  cette  dernière 
ville  et  que  ce  voyage  durait  environ  une  quinzaine.  11  n’y  a routes, 
ni  même  chemins  indiqués,  et  il  n’existe  aucun  trafic  par  terre  dans 
cette  direction. 

Le  climat  du  Hadhramout  est  très-sec.  Dans  l’intérieur,  la  saison 
des  pluies  dure  du  commencement  d’octobre  jusqu’à  la  fin  de  février; 
et  encore,  dans  ces  cinq  mois  il  pleut  tout  au  plus  quatre  fois.  Même 
il  n’est  pas  rare  d’avoir  une  année  entière,  sans  qu’il  tombe  une 
goutte  de  pluie.  Les  pluies  sont  presque  toujours  accompagnées 
d’orages  formidables,  et  durent  environ  cinq  ou  six  heures.  Le  littoral, 
bien  qu’ayant  encore  un  climat  très-sec,  est  plus  favorisé  par  les 
pluies.  En  été,  il  fait  excessivement  chaud  en  Hadhramout  — beaucoup 
plus  chaud  qu’à  Batavia  — surtout  dans  les  endroits  sans  culture, 
où  le  soleil  échauffe  connue  une  braise  le  sol  pierreux  et  les  rochers 
nus.  Dans  le  désert,  la  chaleur  estivale  doit  être  telle  qu’on  ne 
peut  voyager  durant  le  jour.  En  hiver,  le  climat  est  au  contraire 
très-froid.  Lorsque  le  vent  du  nord  souille,  le  froid  est  d’une  intensité 
à gercer  les  mains  et  le  visage,  et  à couvrir  d’une  légère  couche  de 
glace  l’eau  restée  dans  quelque  réservoir  durant  la  nuit.  La  température 
s’élève  dans  la  journée,  mais  jamais  assez  pour  qu’on  puisse  se  passer 
de  vêtements  chauds.  En  hiver,  les  feuilles  des  arbres  se  dessèchent. 
Sur  les  hautes  montagnes,  il  gèle,  tant  l’été  que  l’hiver. 


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En  général,  le  climat  du  Hadhramout,  quoique  offrant  des  transitions 
marquées  de  chaud  et  de  froid,  n’est  pas  malsain,  et  l’air  y est 
très-pur. 

§ 2. 

VOYAGES  EN  H ADHRAMOUT. 

Pour  les  voyages  qui  vont  suivre,  je  me  suis  adressé,  de  préférence, 
à des  personnes  ayant  parcouru  le  pays  à pied;  parce  que,  de 
cette  façon,  on  peut  mieux  se  rendre  d’un  endroit  à un  autre 
en  ligne  directe.  Les  ânes,  et  à plus  forte  raison  les  chameaux,  ne 
peuvent  utiliser  les  petits  sentiers  et  doivent,  par  conséquent,  faire 
quelquefois  de  grands  détours.  J’ai  pu  conclure  qu’un  Arabe  du 
Hadhramout  fait*  dans  la  plaine,  sur  un  terrain  ordinaire,  eu 
moyenne  6 kilomètres  par  heure.  A première  vue,  ce  chiffre  pourrait 
paraître  exagéré;  c’est  pourquoi  je  tiens  à constater  qu’il  est  le  résultat 
de  mes  observations  personnelles  dans  l’Archipel  indien.  Naturellement, 
ou  ne  verra  pas  en  Hadhramout  de  Qâdhî  ou  autre  bourgeois  notable 
marcher  si  vite.  Ceux-ci  devant  faire  un  voyage,  montent  un  âne 
ou  un  chameau.  L’âne  marche  aussi  vite  (pie  le  piéton;  mais  le 
chameau  de  charge  ne  fait  pas  plus  de  4 kilomètres  par  heure.  Une 
journée  de  marche  ( marhalah ) dure  de  6 à 11  heures  du  matin  et 
de  1 à 4 ou  à 5 heures  de  l’après-midi,  soit  de  8 à 9 heures. 

Il  en  résulte  qu’une  caravane  (qâfilah)  de  chameaux  chargés, 
parcourt,  dans  une  journée,  une  distance  variant  entre  52  et 
36  kilomètres,  et  un  piéton  ( sayyâr ),  non  entravé  par  des  chameaux, 
une  distance  variant  entre  48  et  54  kilomètres  par  jour,  toujours 
s’il  s’agit  d’un  chemin  continuant,  à peu  près,  dans  la  même 
direction  et  d’un  terrain  n’offrant  pas  des  difficultés  extraordinaires. 
Quant  au  messager  ( mokillib ),  sa  marche  ne  se  borne  pas  à ces 
heures  du  jour:  dans  des  conditions  ordinaires,  il  fait  à pied  des 


18 


journées  «le  80  à 96  kilomètres.  Ces  dernières  distances,  je  les 
ai  tenues  d’abord  pour  une  blague;  mais,  elles  m’ont  été  confirmées 
par  un  si  grand  nombre  de  personnes  dignes  de  foi,  et  j’ai  vu,  dans 
l’Archipel  indien , des  Arabes  du  Hadhramout  faire  des  marches 
tellement  forcées,  qu’il  ne  me  reste  qu’à  en  accepter  l’exactitude. 

C’est  d’après  ces  données  que  j’ai  constaté  les  distances  dans  les 
voyages  qui  vont  suivre.  Il  est,  je  crois,  superflu  d’ajouter  que  je 
ne  me  suis  pas  borné  à interroger  un  seul  individu,  et  que  les 
distances  que  je  vais  donner,  sont  les  moyennes  d’un  grand  nombre 
de  dépositions  relatives  au  temps  employé  pour  se  rendre  d’un 
endroit  à un  autre.  Il  en  est  de  même  des  directions,  qui  n’étant 
pas  constatées  au  moyen  de  la  boussole,  sont  nécessairement 
approximatives.  Enfin  il  résulte  de  ce  qui  précède,  que  la  journée  de 
marche,  en  Hadhramout,  peut  représenter  des  distances  fort  inégales; 
c’est  pourquoi  je  ne  l’ai  jamais  prise  connue  unité,  à moins  d’y 
ajouter  une  détermination  ultérieure. 

I.  Voyages  d’ach-Chihr  à Saioun  et  à Terîm. 

A. 


D’ach-Chihr  à Michrâf 

8 

kilomètres 

N. 

de  Michrâf  à Tabàlah 

12 

» 

N. 

» Tabâlah  à ’Arf 

58 

» 

N. 

» ’Arf  à Haqab  et  à Haqlali 

12 

)) 

N. 

» Haqab  à Haqlah 

4 

» 

0. 

» » au  pied  ( *)  du  mont  al-’Archah. . . . 

8 

)» 

N.  N.  0. 

» Haqlah  » » » » » .... 

8 

» 

N.  N.  E. 

du  pied  du  mont  al-’Archah  jusqu’à  la  gorge 
de  ’Aboul 

20 

» 

N. 

(*)  „Le  pied"  du  mont,  ne  doit  pas  être  pris  dans  toute  son  étendue,  mais  comme 
un  certain  point  d'ou  commence  le  chemin  conduisant  au  sommet.  Celte  observation , 
je  la  fais  une  fois  pour  toutes,  parce  que,  dans  la  suite,  je  rais  me  servir  encore  souvent 
du  mot  ,,pied"  dans  la  même  acception. 


\ 


19 


du  pied  du  mont  al-’Arcliah  au  pied  du  mont 

al-Fiqrah 22  kilomètres  O. 

du  pied  du  mont  al-’Archah  au  pied  du  mont 

Tamhah 20  » E.  S.  E. 

de  la  gorge  de  ’Aboul  à Maqad  al-’Abid 50  » N. 

» Maqad  al-’Abîd  à al-’tç 00  » N.  N.  E. 

» d’al-’tç  à Ghail  bin  Yoraain  (Q 15  » N.  0. 


D’ach-Chihr  jusqu’au  pied  du  mont  al-’Archah  le  chemin  va  toujours 
montant,  mais  la  pente  n’en  est  pas  rapide.  Celle  du  mont  al-’Archah 
cependant,  le  plus  haut  du  Hadhramout,  est  presque  à pic.  La  gorge 
de  ’Aboul  passée,  on  monte  de  nouveau  un  peu,  jusqu’à  Maqad 
al-’Abîd;  de  là,  on  descend  dans  l’étroite  vallée  de  Hazâzah  que 
l’on  suit  jusque  près  d’al-îç,  village  situé  au  pied  du  plateau  de 
Ghail  bin  Yomain.  Après  avoir  traversé  ce  plateau,  on  descend  dans 


la  vallée  de  Qawdah. 

De  Ghail  bin  Yomain  à la  vallée  de  ’Adim...  23  kilomètres  N.  O, 

du  point  de  jonction  des  vallées  de  ’Adim  et 

de  Qawdah  jusqu’à  al-Ghoraf 24  » N. 

d’al-Ghoraf  à Târibah 11  » 0.  N.  0. 

» à as-Sowairî 5 » N. 

de  Târibah  à Saioun 20  » 0. 


d’as-Sowairî  à Terîm,  par  al-Falouqah  ou  par  Haid  Qâsim,  Y.  les 
voyages  IP  et  VIII. 

Le  vovage  dont  je  viens  de  mentionner  les  détails,  a été  pris  comme 
base  pour  déterminer  la  distance  entre  la  grande  vallée  et  la  côte, 
étant  le  seul  où,  par  la  nature  du  terrain  parcouru,  j’ai  pu  constater 
les  distances  et  les  directions  de  station  à station.  Quant  aux  autres 
voyages  entre  la  côte  et  l’intérieur,  il  m’a  été  impossible  d’en  faire 


(')  Situé  sur  le  plateau  (lu  même  nom. 


20 


autant.  Par  conséquent,  j’ai  pu  seulement  en  faire  usage  pour  contrôler 
approximativement  la  situation  respective  des  localités  dans  l’intérieur. 
Ces  localités,  je  leur  ai  donné  leur  place  sur  la  carte,  en  combinant  le 
voyage  dont  nous  venons  de  nous  occuper,  avec  d’autres,  faits  dans  la 
plaine,  terrain  admettant  plus  de  précision  dans  les  distances  qu’un 
chemin  à travers  les  montagnes,  avec  ses  zigzags  et  ses  détours  inévitables. 

K. 

D’acli-Chihr  à Tabâlah.  V.  plus  haut  le  voyage  IA. 


de  Tabâlah  au  pied  du  mont  al-Fiqrah 80  kilomètres  N.  N.  O. 

du  pied  du  mont  al-Fiqrah  à Bathî 48  » N.  N.  0. 

de  Bathî  à Baidat  al-Ma’ârah 15  » N. 


Bathî  et  Baidat  al-Ma’ârah  sont  situés  sur  le  chemin  entre  les 
monts  ’Alul  Allah  Gharib  et  al-Glmz  (V.  voyage  IXB  . De  Raidat 
al-Ma’ârah,  un  piéton  peut  atteindre  le  plateau  de  Hurô  en  deux 
journées  de  marche.  La  place  assignée  à ce  plateau,  sur  la  foi  des 
voyages  IA  et  VIII,  est  à 90  kilomètres  N.  E.  de  Raidat  al-Ma’ârah; 
par  conséquent,  le  piéton  a fait  45  kilomètres  par  jour,  en  ligne 
directe,  au  lieu  qu’il  aurait  pu  faire  dans  la  plaine  de  48  à 
54  kilomètres  par  jour.  Eu  tenant  compte  de  la  différence,  dans 
un  terrain  montagneux,  même  sur  un  plateau,  entre  la  distance 
parcourue  et  celle  en  ligne  droite,  on  doit  avouer  que  la  perte 
moyenne  de  6 kilomètres  par  jour  n’a  rien  qui  puisse  rendre  suspecte 
l’exactitude  de  mes  données  primitives. 

II.  V ovages  de  Saioun  â Chabwah  et  à Qabr  Houd  par  la  grande 
vallée. 

A. 

De  Saioun  à Chibâm 26  kilomètres  0. 

» Chibâm  à Hainin 59  » 

51  » 


Hainin  â Sour 

» â Qa’outhah 


15 


0. 

0. 

s.  s.  0. 


21 


de  Sour  aux  monts  ath-Thukmain 23  kilomètres  0. 

des  monts  ath-Thukmain  à ’Akaibân  (*) 15  » 0. 

de  ’Akaibân  à Rakhân 20  » 0. 

» Rakhân  à la  vallée  de  Djâbiah 12  » 0. 

» la  vallée  de  Djâbiah  à Huçn  al-’Abar 38  » 0. 

» Huçn  al-’Abar  à Chabwah 86  » S.  S.  0. 


En  se  dirigeant  de  Huçn  al-’Abar  vers  l’ouest,  on  traverse,  en  huit 
jours  de  marches  forcées,  une  plaine  sablonneuse,  entièrement  déserte, 
où,  de  temps  en  temps  seulement,  la  pluie  fait  pousser  quelques 
rares  herbes.  Ce  désert  traversé,  on  arrive  à une  haute  chaîne  de 
montagnes,  connue  sous  le  nom  de  Djibâl  al-Qiblah. 

De  Chabwah,  un  piéton  peut  se  rendre,  dans  la  direction  de  S.  S.  0., 
en  3 jours  à Niçâb.  La  distance  est,  par  conséquent,  de  144  à 
162  kilomètres.  Quand  on  adopte  ce  dernier  chiffre,  Niçâb  doit  être 
situé,  à peu  près  exactement,  à l’endroit  où  M.  de  Maltzan  a placé  cette 
ville  sur  la  carte  à la  fin  de  son  ouvrage  cité  plus  haut  (2).  Comme 
on  l’a  vu  dans  le  voyage  IA,  le  point  de  départ  de  mes  recherches 
géographiques  a été  ach-Chihr,  au  lieu  que  celui  des  recherches  de 
M.  de  Maltzaq  a été  ’Aden.  Il  me  semble  que  la  coïncidence  du 
résultat  auquel  nous  sommes  parvenus  pour  ce  qui  regarde  Niçâb, 
est  une  preuve  que,  l’un  et  l’autre,  nous  avons  été  assez  bien 
renseignés  par  nos  interlocuteurs  arabes. 

Saioun  et  Qa’outhah  sont  situés  sur  le  versant  de  la  chaîne  de 
montagnes  méridionale,  Chibâm  à 3 kilomètres  de  la  chaîne  de 
montagnes  méridionale  et  à 10  kilomètres  de  la  chaîne  de  montagnes 
septentrionale;  Hainin,  Sour,  ’Akaibân,  Rakhân  et  Huçn  al-’Abar  sur 
le  versant,  ou  tout  près  de  la  chaîne  de  montagnes  septentrionale. 


(')  Ou  ’Akbân.  Je  ne  suis  pas  sur  si  ’Akaibân  et  ’Akbân  sont  deux  noms  pour  le  même 
endroit,  ou  bien  si  ce  sont  deux  endroits  différents  situés  l’un  près  de  l’autre, 
p)  V.  p.  10  u.  2. 


22 


1t. 


De  Saioun  à Maryamah  (') 

4 

kilomètres 

E. 

» Maryamah  à Tàribah 

16 

» 

E. 

» Târibah  à Haid  Qàsiin 

8 

» 

E.  N.  E. 

» Haid  Qàsim  à Terim 

18 

» 

N.  N.  E.  (2) 

» Terim  à al-Michtah 

20 

» 

E.  S.  E. 

» » » ar-Ramlah 

» 

S. 

d’al-Michtah  à ’Jnàt 

4 

E.  S.  E. 

de  ’înât  à Qasm 

20 

» 

S.  E. 

» Qasm  à al-Khoun 

6 

)) 

S.  E. 

d’al-Khoun  à ’lcm 

20 

» 

S.  E. 

de  ’lcm  à Fughmah 

25 

)) 

S.  E. 

» Fughmah  à Qabr  Houd 

16 

» 

S.  S.  E. 

Târibah,  ’înât  et  Qabr  Houd  sont 

situés  sur 

le  versant 

de  la  chaîne 

de  montagnes  méridionale;  Terim,  Qasm,  ’lçm.  et  Fughmah  sur  celui 
de  la  chaîne  de  montagnes  septentrionale.  De  Terim  à al-Falouqah, 
situé  sur  le  versant  opposé,  la  distance  est  de  8 kilomètres,  et  celle 
entre  ’înât  et  le  village  opposé  d’al-Qarvah  est  de  4 kilomètres.  A Qabr 
Houd,  la  largeur  de  la  vallée  est  de  5 kilomètres,  et  à Saioun  de  7. 
Le  village  vis-à-vis  de  Saioun  s’appelle  Madoudah.  Târibah  est  situé  à 
l’embouchure  du  vallon  du  même  nom.  11  est  long  de  8 kilomètres.  La 
vallée  de  Borhout  tombe  dans  la  grande  vallée  à 25  kilomètres  en  amont 
de  Qabr  Houd.  Elle  a une  largeur  moyenne  de  1 et  une  longueur  de 
30  kilomètres  jusqu’à  Bîr  Borhout.  La  direction  jusqu’à  cet  endroit  est 
S.  S.  0.  Un  vallon  très-étroit  tombe  aussi  dans  la  grande  vallée  à ’inât. 
Cette  ville  en  emplit  l’embouchure  entière.  Le  lit  de  la  rivière  dans 
la  grande  vallée,  il  m’a  été  impossible  de  le  retracer  partout  avec  la 


(l)  Ville  Irès-ancienne,  appelée  autrefois  Djoban. 

(J)  C'est-à-dire,  quand  on  suit  la  vallée.  Quoique  ceci  soit  le  chemin  ordinaire,  il  fait 
un  grand  détour.  V.  plus  bas,  voyage  VI. 


23 


même  exactitude  que  les  distances.  Cependant,  la  direction  générale 
se  montre  d’elle-même  par  la  situation  des  montagnes  et  des  vallées. 

III.  Voyage  de  Qabr  Houd  à Saihout. 

Je  n’ai  pas  réussi  à trouver  d’Arabe  ayant  l'ait  ce  voyage  en 
personne;  mais  j’ai  parlé  à plusieurs  qui  avaient  été  à Qabr  Houd 
ou  à Saihout.  Ils  m’ont  assuré  avoir  entendu,  à ces  endroits,  qu’un 
messager  parcourt  la  distance  entre  Qabr  Houd  et  Saihout  en  2 jours 
et  demi  et  qu’une  caravane  lait  le  même  trajet  en  6 jours  et  demi 
environ.  La  place  que,  sur  la  foi  des  voyages  IA  et  II,  j’ai  assignée 
sur  la  carie  à Qabr  Houd,  est,  à travers  la  vallée,  à 200  kilomètres 
de  celle  où  Saihout  doit  être  situé  selon  la  carte  maritime  anglaise. 
Cette  distance  de  200  kilomètres  donne  pour  le  messager  80.  et 
pour  la  caravane  presque  31  kilomètres  par  jour,  c’est-à-dire,  à peu 
près  exactement  ce  que  j’ai  adopté,  au  commencement  du  présent 
paragraphe,  pour  la  Journée  de  marche  ordinaire  d’un  messager  ou 
d’une  caravane. 

IV.  La  vallée  de  Dou’an  et  les  vallées  adjacentes. 

De  Chibâm  à al-Qatn 34  kilomètres  0.  S.  0. 

d’al-Qatn  à al-’Adjlânîah 20  » 0.  S.  0. 

d’al-’Adjlânîah  à Qa’outhah 10  » 0.  S.  0. 

» à Hainin 11  » N.  0. 

» à Mokhainîq 6 » S.  0. 

de  Mokhainîq  à Qa’outhah 7 » 0. 

Qa’outhah  et  Mokhainîq  sont  situés,  l’un  vis-à-vis  de  l’autre,  dans 
l’entrée  de  la  vallée  de  Dou’an,  dont  la  partie  septentrionale  est  plus 
connue  sous  le  nom  de  vallée  d’al-Hadjarain,  comme  nous  venons  de 
le  voir  dans  le  paragraphe  précédent. 

De  Mokhainîq  à Hawrah 9 kilomètres  S. 

» Hawrah  à Sidbali 5 » S. 

» Sidbah  à Qa’ouHiah 14  » N.  N.  0. 


24 


(le  Sidbali  à al-Machhad  (*) 15  kilomètres  S. 

d’al-Machhad  à al-Hadjarain 8 » S. 

d’al-Hadjarain  à ’Arsamah 22  » S. 

de  'Arsamah  à Qaidoun 6 » S.  0. 

« Qaidoun  à Bithali 18  » S. 

» Bithah  à al-Khoraibah 22  » S. 

d’al-Khoraibah  à ar-Robât 3 » N.  E. 

d’ar-Robât  à al-Qarrain 14  » N. 

(l’al-Qarrain  à Hodoun 17  » N. 

de  llodoun  à Qaidoun 8 » N.  N.  0. 

i>  ’Arsamali  à Doufab 7 » S.  E. 

» Doulali  à Houfab 10  » S.  E. 

De  Houfab  à ’Arsamah,  la  vallée  s’appelle  Dou’an  al-Aisar  („la 
gauche”)  et  d’ar-Robât  à ’Arsamab,  Dou’an  al-Aiman  („la  droite”). 
L’une  a une  largeur  moyenne  de  1 kilomètre,  l’autre  de  2,  et, 
après  leur  jonction,  la  largeur  moyenne  est  de  3 kilomètres.  Al-Hadjarain 
est  situé  sur  un  rocher  du  même  nom,  s’élevant  au  milieu  de  la  vallée; 
la  distance  entre  ce  rocher  et  les  montagnes  à droite  et  à gauche 
n’est  qu’un  kilomètre  au  plus.  A rembouchure,  la  vallée  d’al-’Ain 
est  large  de  8 kilomètres.  Plus  liant  elle  s’élargit  encore  un 
peu.  La  distance  entre  Sidbali  et  Ghourb,  situé  au  fond,  est  de 
54  kilométrés. 

De  Qa’outbah  à al-Qârah 3 kilomètres  S. 

d’al-Qârah  à ’Andal 11  » S. 

de  ’Andal  à Lahroum 4 « S. 

» Lahroum  à al-Horaidhah  (2) 6 » S.  S.  E. 

d’al-Horaidhah  à al-Hadjarain 20  » S.  E.  (3) 


(0  Situé  au  pied  du  mont  al-Ghaiwâr. 

(2)  Silué  au  pied  du  mont  Djahlàn. 

(3)  C'esl-à-dire  quand  on  suit  le  chemin  par  la  vallée;  mais  celui-ci  fait  un  grand  • 
détour,  parce  qu'il  faut  tourner  le  mont  Ghumdân  al-Wadjîdah. 


25 


La  largeur  des  vallées  de  ’Amd,  de  Dou’an  et  d’al-’Ain  réunis  est, 
à Lahroum,  de  12  kilomètres. 

De  Laluoum  à Djidfarah 30  kilomètres  S.  S.  0. 

» Djidfarah  à ’Anq 4 » S. 

» ’Anq  à ’Amd , . . . 8 » S. 

» ’Amd  à al-Khirbah : . . . 18  » S.  S.  0. 

d’al-Khirbah  à Robàt  Bàkawbal 7 » S. 

de  Robât  Bàkawbal  à Hâlat  Bâçolaib 6 » S. 

» 

» Hâlat  Bâçolaib  à al-Khamîlah  (*) . 5 » S. 

d’al-Khamilah  à Raidat  ad-Dayyin  (2) 38  » S. 

de  ’Amd  à Chu’bah 14  » S. 

» Chu’bah  à ar-Radhhain  (3) 6 » S.  S.  E. 

A son  entrée,  la  vallée  de  ’Amd  est  d’une  largeur  moyenne  de 
5 kilomètres;  au  milieu,  elle  atteint  à peine  5 et,  à la  fin,  tout  au 
plus  2 kilomètres. 

V.  Voyage  de  Qa’outhah  à la  vallée  d’Irmah. 

De  Qa’outhah  à Rahtàn 15  kilomètres  0.  N.  0. 


K 

Rahtân  au 

mont  al-Qàïmah 

8 

N.  0. 

du 

mont  Qàïmah  à Sour 

11 

N.  0. 

de 

Sour  à la  \ 

allée  de  Rakhiah 

52  » 

. S.  S.  0. 

n 

la  vallée  de 

Rakhîah  à la  vallée  de  Dulir. 

50  ‘ 

0.  S.  0. 

» 

i)  ))  » 

» » Huçn  al-’Abar. . . . 

100 

» 0.  N.  U. 

» 

_ » » 

Dulir  aux  monts  ath-Thukmain 

60 

. N.  N.  E. 

» 

» » )) 

» à la  vallée  d’Irmah .... 

40 

> 0. 

» 

» » » 

Rakhiah  à Tahayyah 

56 

N.  E. 

» 

Tahayyah  à 

Qa’outhah 

24 

N.  E.(4) 

(*)  Point  extrême  de  la  vallée  de  'Amd  al-Aiman  (,,la  droite"). 

(2)  Situé  sur  le  plateau  du  même  nom. 

(3)  Point  extrême  de  la  vallée  de  ’Amd  al-Aisar  („la  gauche  "). 

(1)  Par  le  chemin  ordinaire  dans  la  vallée.  Par  les  sentiers,  à travers  les  montagnes,  la 
distance  en  ligne  droite  est  seulement  de  16  kilomètres. 


26 


La  vallée  de  Rakhiah  jusqu’à  Sahwah  est  longue  de  75  kilomètres  S. 
» • » Duhr  est  longue  de  50  kilomètres  S.  et  puis  S.  E. 

» » d’Irmah  » , » » 56  » » » » S.  0. 

Ces  trois  vallées  sont  très-étroites:  la  largeur  moyenne  est  tout  au 
plus  de  5 kilomètres. 

VI.  Voyage  dans  la  chaîne  de  montagnes  septentrionale. 

La  vallée  de  Sour,  à l’embouchure,  a une  largeur  de  4 kilomètres. 
Quand  on  la  monte,  la  direction  est  N.  0. 

De  Sour  à Raidat  \1  Çai’ar  (*)....; 75  kilomètres  N.  0. 

La  vallée  de  Hainin  a la  même  direction  et  la  même  largeur,  avec 
une  longueur  de  50  kilomètres.  Elle  décrit  une  courhe. 

Les  montagnes,  au  nord,  entre  Hainin  et  Huçn  al-’Ahar,  portent  le 
nom  général  de  Djihâl  al-Abtar. 

Un  peu  au  nord-ouest  de  Ghibâm,  on  a dans  les  montagnes  une 
grande  vallée,  ou  plutôt  une  jonction  de  plusieurs  vallons  connus 
sous  le  nom  de  Vallons  de  Sarr.  La  direction  de  ces  vallons,  à compter 
de  l'embouchure,  semble  être  N.  0.  A environ  15  kilomètres  de 
l’embouchure  est  situé  Qabr  Çâlih,  le  tombeau  du  prophète  Çâlih.  La 
vallée  suivante  s’appelle  la  vallée  d’an-Na’âm.  Elle  a la  même  direction, 
sans  être  aussi  grande.  D’ailleurs,  elle  a la  même  embouchure  que  la 
vallée  d’al-Djo’aimah,  large,  au  commencement,  de  6,  avec  une  longueur 
de  65  kilomètres.  La  direction  est  nord  avec  une  courbe  vers  l’est. 
Du  point  de  jonction  des  vallées  d’an-Na’âm  et 


d’al-Djo’aimah  jusqu’  à al-Djifl 16  kilomètres  S. 

d’al-Djifl  à Chibâm 7 » N.  0. 


Au  nord  de  Terim  on  a une  montagne  appelée  al-Wotî.  C’est  de 
là  que  descendent  dans  la  grande  vallée:  la  vallée  de  ’Aidîd  longue 
de  40,  et  la  vallée  d’al-Ghabrâ  longue  de  50  kilomètres. 


0 Situé  sur  le  plateau  du  meme  nom. 


27 


Ces  deux  vallées  ont  leurs  embouchures  respectives  à droite  et  à 
gauche  de  Terîm.  Elles  ont  une  largeur  moyenne  de  2 kilomètres,  et 
la  distance  entre  les  embouchures  est,  tout  au  plus,  de  3 kilomètres. 
La  direction  de  la  première,  à partir  du  mont  al-Wotî,  est  S.  S.  E.; 
la  seconde  décrit  une  courbe  dans  la  même  direction.  En  entrant  dans 
la  vallée  de  ’Aidîd,  on  a,  à droite,  «à  3 kilomètres  de  Terîm,  sur  le 
versant  de  la  montagne,  le  tombeau  sacré  du  saint  qui  est  la  souche 
de  la  famille  de  ’Aidîd  (1). 

Du  mont  al-Wotî  descendent  encore  la  vallée  de  Thibbi,  tombant 
dans  la  grande  vallée,  un  peu  en  aval  de  la  ville  portant  ce  nom,  et 
la  vallée  de  Madar,  tombant  dans  la  grande  vallée  près  de  Baur. 


De  Maryamah  à Cha’b  Ahmad 3 kilomètres  E. 

» Cha’b  Ahmad  à Baur » N. 

» Baur  à Çalilah 2 » 0. 

» » » la  vallée  de  Madar 5 » N.  E. 

» Terîm  à Thibbi 3 » S.  0. 

» Thibbi  à Huçn  Motahhar  (2) 3 ->  S.  0. 

» Huçn  Motahhar  à Haid  Qâsim 1 » S.  (3) 


La  vallée  d’al-Khoun  a son  embouchure  tout  près  de  la  ville  du 
même  nom.  Elle  est  très-étroite;  on  m’a  parlé  d’un  demi  kilomètre, 
comme  largeur  moyenne.  La  direction  est  vers  le  nord;  et  on  en 
évalue  la  longueur  à plus  de  73  kilomètres.  Le  pays,  au  nord  du 
plateau  de  Çai’ar  et  de  toutes  les  vallées  nommées  dans  le  présent 
voyage,  s’appelle  le  Nèdjd.  C’est  là  que  finit  le  Hadhramout.  La  partie 
orientale  du  Nèdjd,  c’est-à-dire  celle  entre  le  mont  al-Wotî  et  le  point 
extrême  de  la  vallée  d’al-Khoun,  est  connue  spécialement  sous  le  nom  de 
Djibâ  Le  Nèdjd  est  le  commencement  du  grand  désert  de  l’Arabie  centrale. * (*) 

(‘)  V.  plus  bas  Chapitre  111. 

(*)  Situé,  non  dans  la  vallée,  mais  sur  la  montagne. 

(3j  Les  distances  de  Terîm  à Haid  Qâsim,  données  ici,  sont  en  ligne  droite,  par  les 
sentiers  de  montagne. 


28 


VII.  Voyage  dans  les  vallées  de  Chahouh,  de  bin  ’Ali  et  de 
Manwab. 

La  largeur  de  la  première  vallée  est  de  3,  celle  de  la  seconde  de 
4 kilomètres  dans  le  commencement,  et  d’une  moyenne  de  7 kilomètres 
dans  l’intérieur.  La  troisième  est  large  de  3 kilomètres  à l’embouchure, 
et  d’environ  6 dans  l’intérieur. 

De  Saioun  à Huçn  ’Arqoub  (* *) 9 kilomètres  S. 


» » au  pied  du  mont  Djithmah.  . . 

. . . . . 5 

0 

S.  E. 

» » à Terîs 

4 

U 

0. 

» Terîs  à al-Ghorfah 

3 

» 

0. 

d’al-Ghorfah  à al-Djill 

11 

» 

0.  S. 0. 

d’al-Djill  à Hucn  al-Qâ’  (2) 

70 

» 

S. 

» » al-Hazm 

6 

» 

N.  0. 

d’al-Hazm  à Chibâm 

5 

Q 

N. 

de  Chibâm  à Khala’  Ràchid 

4 

t) 

E.  S.  E. 

»>  Khala’  Ràchid  à al-Djill 

» 

S.  S.  E. 

» » >»  » al-Hâwî 

1 

)) 

N. 

» » » » Dsi  Achali 

i1/. 

» 

N.  E. 

d’al-Hazm  à Khamour 

8 

» 

0. 

de  Khamour  à Khachâmir 

9 

» 

0. 

» Khachâmir  à al-Qatn 

16 

» 

0. 

d’al-Qatn  à la  vallée  de  Manwab 

10 

D 

S.  0. 

La  vallée  de  Manwab  a une  longueur  de  43  kilomètres. 

VIII.  Voyage  dans  la  vallée  de  ’Adim  et  ses  affluents. 

A al-Ghoraf  l’embouchure  est  de  8 kilomètres.  Dans  l’intérieur  de 
la  vallée  la  largeur  est  très-inégale,  différant  entre  1 et  5 kilomètres. 
La  jonction  avec  le  lit  de  la  grande  vallée  se  fait  à Haid  Qâsim  sur 
le  chemin  de  Târibah  à Terîm. 


(*)  Situé  au  pied  du  mont  al-Djildah. 

(*)  Situé  au  pied  du  mont  aç-Çowaigliarali. 


29 


Do  Haiti  Qàsim  à as-Sowairî 

d’as-Sowairî  à al-Falouqah  (* *)....  _ 

d’al-Ghoraf  à Huçn  bin  Tliawbân 

de  Huçn  bin  Tbawbân  â Tamrân 

» Tamrân  à Sâh 

» Sâh  au  pied  du  mont  al-Ghuz: 

» Sâh  â Saioun  (3) 

du  pied  du  mont  al-Gbuz  au  pied  du  mont  Hasîoun 
de  Huçn  bin  Tbawbân  au  plateau  de  Hurô  (4) 
IX.  Voyages  d’al-Mokallâ  dans  l’intérieur. 

A. 

D’al-Mokallâ  à al-Baqrain 

d’al-Baqrain  à al-Harchiât 

d’al-Harcbîât  à al-Baçrah 

d’al-Baçrab  à Ghafît .'.... 

» » at-Tubm 

de  Ghafît  au  pied  du  mont  ’Abd  Allâh 

Gharib 

de  Ghafît  au  pied  du  mont  Howairah 

du  pied  du  moût  Howairah  à celui  du  mont 

’Abd  Allâh  Gharib 

de  Ghafît  à Ghail  Bâwazir. . 

» Ghail  Bâwazîr  à aç-Çida’ 

d’aç-Çida’  à Zaghfah 

de  Zaghfah  à ach-Chihr 


5 kilomètres 

S.  E. 

7 

N.  E. 

52  » 

S. 

14 

S.  S. 0. 

45  » 

S.  0.0 

45  » 

S.  S. 0. 

60 

N. 

16 

0.  S.  0. 

19 

S.  E. 

\ 


5 

kilomètres 

N. 

5 

» 

N.  E. 

12 

» 

N.N.O. 

16 

» 

N. 

10 

» 

E.  N.  E. 

45 

» 

N. 

40 

» 

N.  0. 

55 

» 

E.  N.E 

16 

» 

N.N.E. 

24 

» 

S.  E. 

16 

» 

S.  E. 

12 

» 

E.  S.  E. 

/ 

(*)  Situé  au  pied  du  mont  al-Monaihàz. 

(’)  C'est-à-dire  en  suivant  la  vallée  ; mais  celle-ci  est  excessivement  tortueuse  sur  ce 
trajet. 

(’)  C'est-à-dire  en  ligne  droite,  à travers  les  montagnes. 

(*)  Ce  plateau  est  situé  à côté  du  plateau  de  Ghail  bin  Yomain,  dont  il  forme,  pour 
ainsi  dire,  la  partie  S.  0. 


30 


It. 

Je  n’ai  pas  des  données  suffisants  pour  constater,  de  station  à 
station,  le  nombre  approximatif  des  kilomètres  entre  le  pied  du  mont 
’Abd  Allah  Gharîb  et  celui  du  mont  al-Ghuz.  Seulement,  on  m’assure 
que  cette  distance  est  parcourue  par  un  piéton  ordinaire  en  trois 
jours,  et  que  la  direction  générale  du  chemin  est  N.  Sur  la  carte, 
la  distance  en  ligne  droite,  du  pied  du  mont  ’Abd  Allah  Gharîb 
jusqu’au  pied  du  mont  al-Ghuz  (V.  les  voyages  IA  et  VIII),  est  de 
120  kilomètres  N.,  ce  qui  donne  40  kilomètres  par  jour.  D’après  ce 
que  nous  avons  établi  au  commencement  du  présent  paragraphe,  le 
piéton  aurait  fait,  dans  la  plaine,  de  48  à 54  kilomètres  par  jour. 
Il  en  résulte  qu’il  a eu  par  jour  une  perte  moyenne  de  8 à 
14  kilomètres,  à cause  des  détours  et  des  zigzags  des  montagnes  ('). 

C. 

Il  m’a  été  également  impossible  de  constater,  de  station  à station,  ie 
nombre  approximatif  des  kilomètres  entre  le  point  extrême  de  la  vallée 
de  Dou’an  et  le  pied  du  mont  Howairah.  On  a dû  se  borner  à m’assurer 
que  la  distance  entre  ar-Robàt  et  le  pied  du  mont  Howairah  est 
parcourue  par  un  messager  en  deux  jours,  qu’un  piéton  ordinaire  le 
fait  en  27  heures  et  que  la  direction  générale  est  S.  E.  La  distance 
entre  la  place  que  j’ai  dû  assigner,  sur  la  carte,  au  pied  du  mont 
Howairah  (V.  le  présent  voyage  sub  A),  et  celle  où  j’ai  dù  mettre 
ar-Robât  (Voyages  IA,  II  et  IV),  s’élève  à 155  kilomètres.  Par  conséquent, 
le  messager  a parcouru  67  kilomètres  et  demi  par  jour,  et  le  piéton 

5 kilomètres  par  heure.  Supposé  qu’ils  eussent  marché  dans  la  plaine, 
le  premier  aurait  fait,  au  moins,  80  kilomètres  par  jour,  et  le  second, 

6 kilomètres  par  heure,  ce  qui  donne  pour  le  premier  une  perte  de (*) 

(*)  L’ascension  du  mont  ’Abd  Allah  Gharîb,  à elle  seule,  sullit  probablement  pour 
expliquer  la  différence.  Si  par  exemple,  le  jour  de  cette  ascension,  le  voyageur  n'a  pas 
parcouru  une  distance  réelle  de  plus  de  12  kilomètres,  il  reste  pour  chacun  des  autres 
jours  exactement  5-i  kilomètres. 


31 


12  kilomètres  et  demi  par  jour,  et  pour  le  second,  d’un  kilomètre 
par  heure,  c’est-à-dire  de  8 à 9 kilomètres  par  jour,  à cause  de  la 
nature  montagneuse  du  terrain  (* *). 

Pour  conclure,  je  dois  au  lecteur  une  dernière  preuve  de  l’exactitude  — 
toujours  dans  un  sens  approximatif  — des  distances  et  des  directions, 
sur  la  foi  desquelles  j’ai  dressé  ma  carte.  M.  le  Sayyid  ’Uthmân 
bin  ’Abd  Allah  bin  Yahvâ  m’a  assuré  que  le  plus  long  jour  de 
l’année  dure,  dans  l’extrême  nord  du  Hadhramout,  13  heures  et 
4 minutes.  Ceci  doit  correspondre  à une  latitude  septentrionale  de 
17°  46'  31", 5,  laquelle  est,  à peu  près,  la  latitude  exacte,  où,  sur 
ma  carte,  commence  le  Nèdjd.  Attendu  que  le  Sayyid  n’a  aucune 
idée  du  calcul  par  lequel  on  trouve  la  latitude,  étant  donné  le  plus 
long  jour  (2),  et  que  par  surabondance,  il  n’a  connu  ni  les  détails, 
ni  les  combinaisons  de  mes  recherches,  je  crois  que  la  coïncidence  de 
ses  13  heures  et  4 minutes  avec  le  résultat  où  je  suis  parvenu  par 
un  tout  autre  chemin,  ne  peut  guère  laisser  de  doute  sur  l’exactitude 
approximative  de  ce  résultat. 

(*)  V.  la  note  précédente.  Ce  que  j'ai  dit  de  l'ascension  du  mont  'Abd  Allah  Gharib 
peut  s'appliquer  aussi  mulalis  mutundis  à l'ascension  du  mont  Howairah. 

(*)  La  preuve  en  est  que,  sur  sa  propre  carte,  publiée  par  M.  de  Goeje  (V.  plus  haut 
p.  7 n.  \),  il  donne  pour  la  limite  méridionale  du  Nèdjd  une  latitude  d'environ  19°. 


CHAPITRE  II. 


POPULATION  ET  GOUVERNEMENT  EN  HADHRAMOUT. 

La  population  du  Hadhramout  (‘)  est  composée  de  quatre  parties 
distinctes  : 

1°.  Les  Sayyid. 

2°.  Les  tribus. 

3°.  Les  bourgeois. 

4°.  Les  esclaves. 

Les  Sayyid  sont  les  descendants  d’al-Hosain,  petit-fils  de  Mahomet. 
Ils  portent  le  titre  de  Habib  (plur.  Habaib ) et  leurs  filles  celui  de 
Hobâbah.  Le  mot  Sayyid  (plur.  Sâdah,  fém.  Charîfah ) ne  s’emploie 
que  dans  un  sens  attributif  et  non  comme  titre.  Ainsi  l’on  dit  p.  e.  : 
„ Habib  Ahmad”,  mais  non:  „Ahmad  est  Habib alors  il  faudrait 
dire:  „Ahmad  est  Sayyid”.'  De  même  on  dit  p.  e.  : ,, Soyez  le  bienvenu, 
Habib”)  mais  la  phrase:  „J’ai  eu  la  visite,  non  de  trois  Arabes 
ordinaires,  mais  de  trois  Habib”,  serait  fautive;  il  faudrait  dire:  „de 
trois  Sayyid”.  Quant  aux  Charîf  (plur.  Achrâf),  c’est-à-dire  les 
descendants  d’al-Hasan,  l’autre  petit-fils  de  Mahomet,  on  n’en  trouve 
en  Hadhramout  que  quelques  familles  très-peu  nombreuses,  dont 
deux,  celle  d’al-Hasnî  et  celle  de  Bârakwân  ou  Bâr-Rakwân  (2),  ont 
des  représentants  dans  l’Archipel  indien.  Cependant,  ces  familles  ne 
portent  pas  le  titre  de  Charîf)  on  les  qualifie  comme  si  c’étaient 
des  Sayyid  (3). (*) 


(*)  Un  habitant  du  Hadhramout  s'appelle  en  Arabe  Hadhrami  (plur.  Tladhârim). 

(“)  La  famille  d’al-Hasnî  est  originaire  du  Maroc.  L'origine  de  la  famille  Bârakwân  est 
incertaine.  , 

(3)  Le  mot  charîf  est  souvent  employé,  en  Hadhramout,  comme  adjectif  dans  le  sens  de 
„noble”.  Dans  ce  sens  on  l'ajoute  au  titre  de  Sayyid:  as-Sayyid  ach-charîf  „le  noble 
Sayyid".  Ceci,  toutefois,  n'a  rien  à faire  avec  l'emploi  du  mot  charîf  comme  litre. 


Les  Sayyid  sont  très-nombreux  en  Hadliramoul;  ils  forment  une 
noblesse  ecclésiastique  très-respectée,  et  ont,  par  conséquent,  une 
grande  influence  morale  sur  le  reste  de  la  population.  Ils  sont  divisés 
en  familles  ( qabîlah ),  dont  plusieurs  ont  un  chef  héréditaire,  portant 
le  titre  de  Munçib  (’).  Ces  Munçib  ont  leur  résidence  dans  le  lieu 
où  la  famille  est  le  plus  largement  représentée,  ou  bien  à l’endroit 
d’où  elle  lire  son  origine.  Ainsi  la  famille  de  bin  Yahjâ  a son 
Munçib  à al-Gboraf;  la  famille  d’al-Muhdhâr,  à al-Khoraibab  ; la  famille 
d’al-Haddâd,  à al-Hàvvî;  la  famille  de  ’Aqil  bin  Sâlim,  à al-Qaryah;  la 
famille  d’al-Djufrî,  à Dsi  Açbah;  la  famille  d’al-Habchî,  à Khala’  Kâchid, 
et  la  famille  de  bin  Isma’îl,  à Tàribab.  La  famille  d’al-’Aidrous  a 
cinq  Munçib,  qui  résident  respectivement  à al-Hazm,  Baur,  Çalilah, 
Thibbî  et  ar-Ramlah;  la  famille  du  Chaihh  Abou  Bakr  en  a deux, 
résidant,  l’un  et  l’autre,  à ’înât,  et  celle  d’al-’Attâs  également  deux, 
résidant  respectivement  à al-Machhad  et  à al-Horaidhah.  Tous  ces 
Munçib  sont  reconnus  chefs  spirituels  par  les  tribus  d’alentour;  on 
pourrait,  en  outre,  les  considérer  comme  seigneurs  des  localités  où 
ils  demeurent.  Seulement,  pour  bien  comprendre  la  position  des  Munçib, 
il  importe  de  savoir  que  les  Sayyid  ne  portent  pas  d’armes,  et  que 
leurs  Munçib  n’ont,  par  conséquent,  aucun  moyen  de  contrainte,  si 
l’on  refuse  d’obéir  à leurs  ordres.  De  même  que  les  Sayyid  en  général 
ne  conservent  leur  influence  sur  le  reste  de  la  population  que  par 
le  respect  qu’ils  inspirent  à cause  de  leur  origine,  de  même  l’autorité 
des  Munçib  sur  les  membres  de  leur  famille  et  sur  les  tribus  dont 
ils  sont  les  chefs  spirituels,  est  purement  morale.  Il  en  résulte  qu’elle 
laisse  quelquefois  beaucoup  à désirer.  Ce  n’est  qu’à  al-IIazm  et  à 
Baur  que  les  Munçib  de  la  famille  d’al-’Aidrous  paraissent  avoir 
une  autorité  un  peu  plus  réelle.  Quant  aux  Munçib  de  la  famille  du 


(‘)  Le  titre  de  Naqîb  (Cf.  Enger:  Maverdii  Constilutiones  Politicae,  p.  164  et  s.)  n'est 
pas  en  usage  en  Hadhramout  pour  les  chefs  des  familles  de  Sayyid. 


Chaikh  Alton  Bakr,  ils  occupent,  à cet  égard,  une  position  exceptionnelle, 
cette  famille  étant  la  seule  des  Sayyid,  qui  porte  des  armes.  Elle  est 
divisée  en  deux  branches,  celle  de  Hosain  et  celle  de  Hàmid.  Le 
Munçib  de  la  branche  de  Hosain  règne  sur  ’înât,  tandis  que  celui 
de  la  branche  de  Hàmid  est  le  chef  reconnu  de  la  tribu  bédouine  des 
Manâlhl.  Du  reste,  tous  les  Sayyid  appartenant  à une  même  famille, 
ne  demeurent  pas  auprès  de  leur  Munçib.  On  les  trouve  dispersés 
dans  plusieurs  localités,  dont  le  nombre  est  d’autant  plus  grand  que 
la  famille  est  plus  nombreuse. 

Les  tribus  ( qabilah  plur.  qabâïl)  sont  la  partie  la  plus  intéressante 
de  la  population  du  Hadhramout;  elles  y forment  en  réalité  la  classe 
dominante,  et  tous  les  hommes  adultes  qui  y appartiennent,  portent 
des  armes.  Elles  sont  ordinairement  divisées  en  familles  (fakhUah 
plur.  fakhâil)  séparées,  à leur  tour,  en  branches  ( djamaah ).  Les 
personnes  appartenant  aux  tribus  s’appellent  qabîlî  (plur.  qabâïl ); 
si  l’on  veut  indiquer  la  tribu  ou  la  famille  entières,  ou  met  devant 
le  nom  les  mots  Banou  „fils”,  Âl  ,, peuple”  ou  Bail  „maison”,  ou 
bien  on  met  le  nom  au  pluriel.  Ainsi  l’on  parle  des  Banou 
Thannah,  des  Al  Katliîr,  de  Bail  Kindah,  des  ’Awâmir  (plur.  de 
’Amirî),  etc.  Il  va  sans  dire  que  le  nombre  des  personnes  appartenant 
à chaque  tribu  ou  à chaque  famille  est  très-différent  ; il  y a des 
familles  de  oO,  comme  aussi  de  200  hommes  adultes;  il  y a même 
des  tribus  entières  ne  dépassant  pas  en  nombre  telle  famille  d’une 
autre  tribu. 

A la  tête  d’une  tribu  se  trouve  un  chef  appelé  Moqaddam  ; à la 
tête  d’une  famille  ou  d’une  branche,  un  autre  appelé  Aboti.  Ces  chefs 
sont  les  seigneurs  du  pays.  Ils  demeurent  dans  des  châteaux  fortifiés, 
où  ils  entretiennent  une  petite  garnison,  recrutée  des  membres  les 
plus  proches  de  leur  famille  et  de  leurs  esclaves.  De  là,  ils  dominent 
les  villes  ou  les  villages  situés  dans  la  proximité.  Ainsi,  \e  Moqaddam 


de  la  tribu  de  Yâfi’  est  le  seigneur  d’ach-Chihr  ; celui  de  la  tribu  de 
’Amoud,  le  seigneur  de  Bithali  ; celui  des  tribus  de  Kathir,  des 
’Awâmir,  de  Djâbir  et  de  Bâdjarai,  le  seigneur  de  Saioun;  celui  de 
la  tribu  de  Nabd,  le  seigneur  de  Qa’outhah,  et  celui  de  la  tribu  de 
Tamim,  le  seigneur  de  Qasm.  De  même  les  Abou  sont  les  seigneurs 
des  villes  de  moindre  importance  ou  des  villages  situés  près  de  leurs 
châteaux.  Plusieurs  de  ces  villes  et  de  ces  villages  n’ont  presque 
d’autres  habitants  que  les  membres  de  la  famille  dont  Y Abou  est  le 
chef;  au  moins,  ceux-ci  y forment-ils  la  majorité  de  la  population. 
La  plupart  des  Abou  ne  valent  guère  mieux  que  des  chefs  de  brigands 
( harâmt  plur.  harâmîah );  tout  au  plus  on  pourrait  les  comparer  aux 
petits  seigneurs  féodaux  du  moyen-âge  en  Europe.  Les  Moqaddarn 
des  grandes  tribus  ont  une  position  sociale  un  peu  plus  élevée;  ce 

qui  n’empêche  pas  que  la  nature  de  leur  autorité  ne  soit  la  même. 

Le  Moqaddarn  d’une  tribu  composée  de  plusieurs  familles  est  en 
même  temps  Y Abou  de  sa  propre  famille,  ordinairement  la  plus 
ancienne  et  la  plus  puissante  de  la  tribu.  En  d’autres  termes,  Y Abou 
de  la  famille  ayant  l’hégémonie  de  la  tribu  est  Moqaddarn  de  la 
tribu  entière. 

L’autorité  des  chefs  sur  leur  tribu  ou  leur  famille  laisse  en  général 
beaucoup  à désirer.  Tout  dépend  de  la  personnalité,  de  la  bravoure, 
de  la  richesse  et  des  relations  du  chef.  Les  membres  de  sa  tribu  ou 
de  sa  famille  ne  sont  pas  ses  sujets;  il  n’est  que  le  premier  parmi 
ses  pairs.  On  lui  obéit  en  tant  qu’on  y trouve  son  intérêt,  ou  qu’on  le 
croit  le  plus  fort.  Le  chef,  de  son  côté,  comprend  trop  bien  qu’il  ne 
peut  rien  sans  le  concours  des  membres  de  sa  tribu  ou  de  sa  famille, 
pour  qu’il  s’avise  de  les  indisposer  par  des  ordres  dont  il  ne  sait 
pas  d’avance  qu’ils  auront  un  bon  accueil.  En  tout  cas,  il  doit 

abandonner  l’idée  de  lever  des  impôts  des  membres  de  sa  tribu  ou  de 

sa  famille,  et  même  celle  de  s’opposer  à leurs  brigandages.  Il  faut  les 


considérer  plutôt  comme  les  associés  de  leur  chef.  Ils  le  suivent 
dans  la  guerre,  le  reconnaissent  pour  leur  supérieur  en  temps  de 
paix,  et  lui  prêtent  secours,  s’il  s’agit  de  faire  respecter  son  autorité 
par  les  bourgeois;  mais  l’obéissance  ne  va  jamais  au  delà.  Plusieurs 
membres  de  tribu,  sans  être  Abou  ou  Moqaddam,  ont  leurs  châteaux, 
ni  plus  ni  moins  que  leurs  chefs.  Le  reste  demeure,  soit  dans  les 
villes  ou  les  villages  autour  du  château  du  chef,  soit  dans  des  maisons 
construites  sur  le  terrain  adjacent  à ce  château,  et  pour  ainsi  dire 
sous  sa  protection. 

Le  plus  puissant  chef  du  Hadhramout  est  le  Moqaddam  de  la 
tribu  de  Yâfi’,  lequel  réside  à ach-Chihr.  Il  s’appelle  ’Awadh  bin 
’Omar  al-Qa’aitî,  et  est  Djama’dâr  ou  colonel  dans  la  légion  arabe 
du  prince  de  Haiderabàd  dans  l’Inde  anglaise.  Même  en  Hadhramout, 
on  lui  donne  de  préférence  ce  dernier  titre.  Outre  ach-Chihr,  il  possède 
encore  les  villes  d’al-Mokallâ,  de  Ghail  Bâwazîr,  d’al-Hadjarain,  de 
Hawrah,  d’al-Qatn  et  de  Chibâm,  dont  la  première  formait,  jusqu’en 
1881,  une  principauté  indépendante  sous  la  famille  de  Kasâd.  Le 
chef  de  cette  dernière  famille  ne  portait  pas  le  titre  A* Abou,  mais 
celui  de  Naqîb.  Le  dernier  chef  qui  régnait  sur  al-Mokallà  s’appelait 
’Omar  bin  Çallâh  al-Kasàdi.  Son  père  avait  engagé  la  ville  au  seigneur 
d’ach-Cfaihr  pour  une  dette  contractée  envers  celui-ci;  le  payement 
n’ayant  pas  eu  lieu  au  terme  convenu,  la  ville  fut  prise  à main  armée. 
Le  NaqU>  et  tous  les  membres  de  la  famille  de  Kasâd  prirent  la  fuite 
à ’Aden,  d’où  ils  émigrèrent  plus  tard  à Zanzibar  (1).  Les  villes 
d’al-Hadjarain,  de  Hawrah,  d’al-Qatn  et  de  Chibâm  sont  gouvernées, 
au  nom  du  Djama’dâr,  par  son  frère,  portant  le  titre  de  Lieutenant 
(Wahîl). 

Dans  l’intérieur  du  pays  le  seigneur  le  plus  puissant  est  celui  de 


(’)  Un  récit  de  ces  événements  se  lit,  entre  autres,  dans  le  journal  arabe  al-Djawàîb 
(cité  plus  haut  p.  6)  du  li  Çalar  129!)  (27  Décembre  1881). 


Saioun,  dont  l’autorité  est,  en  outre,  reconnue  à Terim,  à al-Ghoraf  et 
à Terîs.  Lui  aussi  a nommé  son  frère  son  Lieutenant  ( Wakil ) pour 
une  partie  de  son  territoire,  c’est-à-dire  pour  Terim  et  les  environs. 
Il  descend  des  anciens  rois  du  Hadhramout,  et  porte,  avec  tous  les 
agnats  de  sa  famille,  le  titre  de  Sultan  (*).  Cependant,  quand  on  parle 
du  ..Sultan  de  Saioun”  tout  court,  on  n’a  en  vue  que  lui  seul.  Une 
branche  de  la  famille  du  Sultan  en  question,  celle  de  ’isâ  Umbadr, 
a régné  autrefois  à Cliibâm.  Elle  a été  expulsée  de  cette  ville  par  la 
tribu  de  Yâfi’  et  forme,  depuis  lors,  à Saioun  la  garde  spéciale  du 
Sultan.  Le  Sultan  actuel  s’appelle  Mançour  bin  Gbàlib  al-Kalbiri. 
Comme  une  particularité  de  son  gouvernement,  il  me  reste  à mentionner, 
qu’à  l’exception  de  ses  soldats  et  des  gens  attachés  à sa  personne,  il 
a défendu  aux  membres  de  ses  tribus  de  fixer  leur  domicile  à Saioun 
ou  à Terim,  et  même  d’y  entrer,  à moins  qu’ils  ne  déposent  aux 
portes  leurs  fusils  ou  leur  lances.  Eu  général  il  semble  enclin  à 
protéger  les  bourgeois. 

A la  mort  d’im  chef  de  tribu  ou  de  famille , les  personnes 
notables  (2)  de  la  tribu  ou  de  la  famille  et  les  Sayyid  les  plus 
influents  de  la  localité  s’assemblent  pour  élire  son  successeur.  Cette 
élection  cependant  est  limitée:  le  plus  proche  agnal  du  défunt  a 
un  certain  droit  à la  succession,  pourvu  qu’il  soit  capable  de  se 
charger  des  fonctions  de  chef.  On  ne  décide,  à vrai  dire,  que  de 
sa  capacité. 

On  appelle,  en  Hadhramout,  Bédouins  ( Badoul  plur.  Badou ) (3)  les 
tribus  ou  les  familles  n’ayant  pas  des  demeures  fixes,  et  qui,  quoique 
restant  ordinairement  dans  une  même  contrée,  changent  souvent  de 
séjour  pour  chercher  d’autres  pâturages  pour  leurs  troupeaux.  Ils 

(*)  Il  parait  que  chez  quelques  tribus,  p.  e.  celle  de  Nahd,  le  mot  Sultan  est  en 
outre  en  usage  comme  simple  prénom. 

I* 1)  Appelées  ahl  al-liill  wal-'aqd. 

(3)  Le  plur.  Bidwân  est  peu  usité. 


58 


n’ont  point  de  villes,  tout  au  plus  de  petits  villages  consistant  en 
cabanes  d’argile  (’).  Quelques-uns  n’ont  même  d’autres  habitations 
que  des  grottes  dans  les  montagnes  et  vivent  à peu  près  comme 
des  sauvages.  Les  contrées  qu’ils  occupent  sont  en  général  impropres 
à une  agriculture  régulière.  Les  Bédouins  appartiennent,  en  partie,  à 
des  tribus  dont  quelques  familles  ont  des  demeures  fixes.  Ainsi,  les 
familles  de  Bédouins  qui  occupent  les  montagnes  au  nord  de  la  vallée 
de  bin  Râchid,  appartiennent  aux  tribus  de  Kathîr  et  des  ’Àwâmir; 
par  contre,  dans  les  montagnes  au  nord  d’al-Mokallâ  et  d’ach-Chihr 
on  a,  par  exemple,  les  tribus  des  Homoum,  des  ’Akâbirah,  etc.  se 
composant  exclusivement  de  Bédouins. 

Les  chefs  des  Bédouins  n’ont  pas  de  châteaux,  et  leur  autorité  dans 
la  tribu  ou  la  famille  est  encore  plus  insignifiante  que  celle  des  chefs 
dont  la  tribu  ou  la  famille  ont  des  demeures  fixes.  11  en  est  de  même 
de  l’autorité  des  chefs  de  tribu  sur  les  lamilles  bédouines  appartenant 
à leurs  tribus  respectives.  On  ne  peut  compter  sur  l’assistance  de 
ces  demi-barbares,  que  lorsque  il  s’agit  de  faire  la  guerre  ou  de  piller. 

Les  chefs  en  Hadhramout  reconnaissent  nominalement  la  suprématie 
de  la  Sublime  Porte.  Ils  prétendent  en  être  „les  protégés”.  Cependant, 
il  n’y  a jamais  eu  d’incorporation  du  pays  dans  l’empire  ottoman, 
et  jamais  la  Sublime  Porte  ne  s’est  avisé  de  lever  des  impôts  en 
Hadhramout,  d’y  envoyer  des  fonctionnaires  ou  des  troupes,  ni  d’y 
excercer  quelque  autre  acte  de  souveraineté.  Le  cas  échéant,  elle 
rencontrerait  une  résistance  des  plus  opiniâtres.  Jamais  cette  puissance 
n’a  même  demandé  le  secours  des  chefs  du  Hadhramout  dans  les 
guerres  intérieures  et  extérieures  qu’elle  a eues  à soutenir;  mais  on 
m’a  cité  un  exemple  que  son  arbitrage  a été  invoqué  pour  vider 
une  querelle  entre  deux  chefs. (*) 

(*)  Un  village  en  général  s'appelle  qaryah,  mais  un  village  de  Bédouins,  situé  sur  le 
sommet  d'un  rocher  ou  d'une  montagne,  porte  le  nom  spécial  de  raidah. 


39 


Les  bourgeois  sont  les  habitants  libres  des  villes  et  des  villages; 
ils  n’appartiennent  à aucune  tribu,  ne  sont  pas  non  plus  Sayijùl  et 
ne  portent  pas  d’armes.  C’est  sur  eux  que  retombe  toute  l’autorité 
des  seigneurs.  On  les  divise  en: 

1°.  marchands  (qarwî  plur.  qarâr)  ; 

2°.  ceux  qui  exercent  une  profession  manuelle  (ahl  aç-çanâï ) ; 

5°.  laboureurs  (dja’îl  plur.  djalah)  ; 

4°.  domestiques  (, khaddâm  plur.  ahhdâm). 

Les  marchands,  les  différentes  professions  manuelles  et  les  laboureurs 
forment  des  corps  de  métier,  ayant  chacun  ses  statuts  ( qânoun ) qui  datent, 
à ce  qu’on  dit,  du  temps  de  l’ancien  roi  du  Hadhramout,  Badr  Abou 
Towairaq  (1).  Ces  statuts,  en  partie  rédigés  par  écrit,  constituent  une 
loi  complémentaire,  à côté  de  la  charïah  ou  loi  musulmane.  La 
profession  passe  ordinairement  de  père  en  fils  ; toutefois,  la  loi  permet 
d’en  choisir  une  autre,  et  c’est  même  un  acte  louable  de  n’en  exercer 
aucune  pour  se  vouer  exclusivement  à la  culture  de  l’esprit,  quand 
on  s’y  sent  des  dispositions.  Cependant  ceci  n’a  lieu  que  par  exception. 
Chaque  corps  de  métier  a son  chef,  élu  pour  la  vie  et  portant  le 
titre  d 'Abou.  Il  représente  le  corps  de  métier  et  termine  les  disputes 
survenues  entre  les  membres,  en  tant  qu’elles  ont  rapport  aux 
statuts  ou  aux  coutumes  locales  ( ’âdah  ou  ’urf).  S’il  s’agit  de 
disputes  sur  la  loi  musulmane,  la  décision  en  appartient  au  Qâdhî. 
Ainsi,  la  faillite  d’un  marchand  est  prononcée  par  le  Qâdhî  et  non 
par  Y Abou.  L’élection  d’un  chef  de  métier  doit  être  confirmée  par  le 
seigneur  de  la  ville  ou  du  village. 

Quant  aux  domestiques,  ils  n’ont  aucune  organisation  politique: 
ils  suivent  la  condition  de  leurs  maîtres  et  sont  considérés  comme 
faisant  partie  des  corps  de  métier  de  ceux-ci.  Il  en  est  de  même 


f1)  V.  le  chapitre  suivant. 


40 


des  esclaves  ( ’abd  plur.  ’abîd  féni.  djâriah).  Ce  que  la  condition 
des  uns  et  des  autres  offre  de  particulier  sera  expliqué  dans  le 
Chapitre  IV  § 5. 

Les  bourgeois  forment  en  Hadhramout,  comme  en  Europe  au 
moyen-âge,  la  gent  taillable  à merci.  Le  seigneur  d’une  ville  ou 

d’un  village,  ayant  besoin  d’argent,  le  demande  simplement  à ses 
bourgeois,  sans  se  préoccuper  de  la  répartition.  Si  la  somme  n’est 
pas  payée  dans  le  délai  fixé  par  lui,  il  ordonne  à quelques-uns 

de  ses  gens  de  guerre  d’aller  la  chercher  dans  les  maisons  des  plus 
riches  habitants.  On  enlonce  alors  au  besoin  les  portes,  et  l’on  prend 
ce  que  l’on  considère  comme  une  valeur  suffisante  pour  l’impôt,  plus 
une  juste  rémunération  pour  la  peine  qu’on  a dù  prendre.  Le  seul 
frein  à la  cupidité  des  seigneurs,  c’est  leur  intérêt,  c’est-à-dire 
la  crainte  de  voir  les  habitants  émigrer.  En  outre,  il  faut  mettre  en 
ligne  de  compte  le  respect  pour  l’opinion  des  Sayyid,  dont  l’influence 
morale  pèse  même  sur  des  personnes  ne  faisant  pas  beaucoup  de 

cas  de  la  religion.  Les  seigneurs  d’ach-Chihr  et  de  Saioun  sont  les 

seuls  qui  osent  cotiser  les  Sayyid-,  partout  ailleurs,  on  a l’habitude 
de  les  exempter  des  impôts. 

Avant  d'en  finir  avec  les  différentes  parties  de  la  population  du 
Hadhramout,  il  me  reste  à faire  mention  d’une  espèce  de  noblesse 
particulière,  portant  le  titre  de  Chaikh  (plur.  Machaikh,  féin. 
Chaikhah ) (1).  Ce  titre  est  porté,  comme  une  distinction  personnelle, 
par  tous  ceux  qui  se  vouent  à la  science;  mais  en  outre,  il  y a 
deux  tribus  et  quelques  familles  bourgeoises,  qui  y ont  droit  comme 
titre  héréditaire.  Les  tribus  en  question  sont  celles  de  Baraik  et  de 
’Amoud.  La  dernière  le  porte  parce  qu’elle  descend  d’un  des  savants 


O L’emploi  du  rnot  Chaikli  pour  „chef”  est  inconnu  en  Hadhramout.  Par  contre,  ce 
mot  est  encore  en  usage  comme  simple  prénom,  et  il  en  est  de  meme  du  féminin 
Chaikhah.  Comparez  ce  qui  a été  dit  plus  haut  p.  37  n.  t au  sujet  du  mot  Sultan. 


41 


les  plus  vénérés  du  Hadhramout,  Ahmad  bin  ’îsâ,  surnommé  ’Amoud 
ad-dîn.  L’origine  du  titre  dans  la  tribu  de  Baraik  m’est  inconnue. 
Les  familles  bourgeoises  portant  le  titre  de  Chailch  sont  celles  de 
Bâfadhl  (’),  de  Bâhomaid,  de  Bâradjâ,  de  Bâharmî,  de  Bàwazir,  de 
Bâcho’aib,  de  Bâmozâhim,  de  Bà’abâd,  de  bin  Khatib  et  des  Zabdah  (2). 
Les  familles  de  Bâhomaid  et  de  Bâradjâ  descendent  d ’Ançâr  (plur.  de 
Nâçir ),  c’est-à-dire  d’habitants  de  Médine  qui,  les  premiers,  ont  épousé 
la  cause  de  l’Islamisme;  la  famille  de  Bâfadhl  descend  d’un  célèbre 
juriste  et  théologien;  l’origine  des  autres  semble  incertaine.  Cette 
noblesse  cependant  est  purement  honorifique;  elle  ne  donne  aucune 
prérogative,  et  les  individus  qui  y appartiennent  ne  se  distinguent  en 
rien  des  autres  membres  de  tribu,  ni  des  autres  bourgeois.  Ce  serait 
surtout  une  grave  erreur  de  supposer  que  ce  sont  des  tribus  ou  des 
familles  de  savants;  s’il  y a des  savants  parmi  eux,  c’est  quelque 
chose  de  purement  accidentel.  Il  reste  à ajouter  que  deux  des  familles 
en  question,  celle  de  Bâwazîr  et  celle  de  Bâmozâhim,  ont  des  Munçib 
ou  chefs,  comme  les  familles  des  Sayyid,  mentionnées  plus  haut  (3). 
Celui  de  la  famille  de  Bâwazîr  réside  à al-Bàtinah  (4),  et  celui  de  la 
famille  de  Bâwozâhim  à Boroum.  L’un  et  l’autre  sont  reconnus  comme 
chefs  de  leurs  résidences  par  les  tribus  d’alentour. 

Le  chiffre  total  de  la  population  du  Hadhramout  est  très-incertain. 
D’après  la  notice  dans  le  journal  al-Djawâïb,  cité  plus  haut  (5), 
Terîm  compterait  environ  25.000  habitants  et  Saioun  80.000.  Des 
autres  localités,  la  même  notice  nomme  Chibâm  avec  6000  habitants, 
’inat  avec  5000  et  al-Ghorfah  avec  5000.  Mes  informations 
cependant  donnent  des  chiffres  beaucoup  plus  petits.  La  population 


P)  Une  branche  de  cette  famille  est  celle  de  bin  Qàdhi. 
(2)  Pluriel  d'az-Zabidi. 

O V.  p.  33. 

(4)  Petit  village  dans  la  vallée  d'al-'Airj. 

O v.  p.  fi. 


42 


de  Saioun  semble  ne  pas  excéder  15.000  habitants,  tandis  que  celle 
de  Terim  est  évaluée  à 10.000,  celle  de  Cliibàm  à 2000,  celle  d’al-Ghorfah 
à 1500  et  celle  de  ’lnat  à 1000  habitants.  M.  Bàbahir,  qui,  par  la  nature 
de  ses  fonctions,  a nécessairement  quelque  aptitude  à évaluer  la 
population  d’une  ville  ou  d’une  contrée,  prétend  que  toute  la  population 
du  Hadhramout  ne  peut  dépasser  150.000  âmes.  11  spécifie  son 


évaluation  de  la  manière  suivante. 

De  Chabwah  à Cliibàm  y compris  les  vallées  d’Irmah, 

de  Duhr  et  de  Raklhab V. . 20.000 

Les  vallées  de  ’Arnd,  de  Dou’an  et  d’al-’Ain 25.000 

De  Chibâm  à Terîm * 50.000 

De  Terim  à Saihout 6.000 

Au  nord  de  la  grande  vallée  jusqu’au  désert 15.000 

Au  sud  de  la  grande  vallée  jusqu’à  la  mer 16.000 

ach-Chihr  et  environs 12.000 

al-Mokallâ  et  environs ’ 6.000 

Total 150.000 


Quand  on  se  rappelle  que  la  plus  grande  partie  du  pays  est 
impropre  à l’agriculture,  ce  chiffre  me  paraît  constituer  déjà  une 
population  assez  dense.  En  tout  cas,  c’est  un  chiffre  plus  probable 
que  les  données  fournies  par  le  journal  al-Djawàïb,  selon  lesquelles 
rien  que  les  quinze  principales  localités  dans  la  grande  vallée 
compteraient  ensemble  126.000  habitants. 

Anciennement  Terîm  était  la  ville  la  plus  considérable  du  Hadhramout, 
non-seulement  par  le  nombre  de  ses  habitants,  mais  encore  par  son 
commerce,  son  industrie  et  sa  culture  intellectuelle.  De  nos  jours 
cependant,  Terîm  est  surpassé  par  Saioun  sous  tous  les  rapports. 
Plusieurs  maisons  y sont  inhabitées,  et  des  rues  entières  y ont  un 
aspect  désert.  On  y voit  un  grand  nombre  de  mosquées  qui  ne  sont 
plus  visitées  et  tombent  en  ruine.  La  décadence  de  Terim  daterait 


45 


d’environ  un  demi-siècle  et  aurait  été  causée  par  les  guerres  continuelles 
entre  les  tribus  dans  les  environs. 

J’ai  mentionné  plus  haut  que  l’influence  des  Sayyid  est  un  frein 
puissant  contre  l’oppression  des  bourgeois  par  leurs  seigneurs  (*). 
Ajoutons  que  c’est  encore  grâce  à cette  influence,  que  l’on  a en 
Hadhramout  une  magistrature  assez  indépendante.  Or  il  s’entend  que 
les  Sayyid  ont  le  plus  grand  intérêt  à ce  que  la  loi  musulmane 
reste  en  honneur,  parce  que  celle-ci  et  la  religion  ne  font  qu’une,  et 
que  la  décadence  de  cette  dernière  entraînerait  inévitablement  la 
perte  du  respect  superstitieux  que  le  peuple  a pour  eux  comme 
descendants  de  la  fdle  du  Prophète.  Dans  les  villes  de  quelque 
importance,  on  trouve  des  Qâdhi  ayant  leurs  suppléants  dans  la 
campagne.  Les  Qâdhi  sont  nommés  par  les  seigneurs,  qui  toutefois 
ont  l’habitude  de  consulter  préalablement  les  Sayyid  et  les  savants 
en  renom  avant  de  fixer  leur  choix.  Les  suppléants  sont  nommés 
par  les  Qâdhi  eux-mêmes. 

Les  Qâdhi  ont  la  juridiction  civile  et  criminelle.  Ils  prennent 
comme  base  de  leurs  décisions  les  oeuvres  des  juristes  du  rite  de 
Châfi’î,  que  l’on  reconnaît  aussi  dans  l’Archipel  indien  comme  autorités 
en  matière  de  droit,  c’est-à-dire,  en  premier  lieu,  le  Minhâdj  at-Tàlibin 
de  Nawawî  et  les  deux  commentaires  sur  cet  ouvrage,  la  Tuhfat 
al-Muhtâdj  et  la  Nihàjat  al-Muhtâdj.  Les  jugements  ( façilah ) doivent 
être  rédigés  par  écrit  et  munis  de  la  signature  ( çahîh ) et  du  sceau 
(muhr)  du  Qâdhi  qui  les  a rendus;  mais  ils  ne  peuvent  être  mis 
en  exécution  sans  l’autorisation  du  seigneur.  Ce  n’est  que  par 
grande  exception  que,  dans  le  but  d’entraver  l’administrâtion  de  la 
justice,  celui-ci  fait  usage  du  pouvoir  de  refuser  l’autorisation.  S’il 
avait  affaire  à un  Qâdhi  influent,  p.  e.  un  Sayyid  vénéré,  un  tel 


(')  V.  page  40. 


44 


acte  pourrait  lui  coûter  sa  position  de  chef.  Quant  aux  suppléants 
des  Qâdhi,  leur  office  se  borne  aux  mariages  et  aux  autres  actes 
relatifs  aux  droits  de  famille.  On  les  appelle  par  conséquent  Qâdhi 
al-oqoud.  Ce  caractère  des  fonctions  des  juges  suppléants  s’explique 
par  le  fait  que  les  membres  de  tribu,  c’est-à-dire  la  grande 
majorité  des  habitants  de  la  campagne,  ont  rarement  recours  au 
juge  pour  ce  qui  regarde  leurs  autres  affaires.  Les  différends  entre 
des  personnes  appartenant  à une  même  famille  sont  vidés  par  YAbou, 
à moins  que  la  partie  lésée  ne  se  fasse  justice  de  son  autorité  privée. 
Les  différends  entre  des  personnes  qui  n’appartiennent  pas  à la  même 
famille,  ou  entre  des  familles  entières,  sont  vidés  par  le  Moqaddam. 
Celui-ci  ne  parvenant  pas  à mettre  les  partis  d’accord,  la  justice  se 
fait  selon  le  droit  du  plus  fort,  et  s’il  y a du  sang  versé,  on  voit 
ordinairement  naître  une  vendetta  de  longue  durée.  On  m’a  cité  des 
exemples  de  vendetta  de  vingt  et  de  trente  années  pour  des  raisons 
vraiment  puériles.  Si  la  vendetta  commence  entre  deux  familles  de  la 
même  tribu,  elle  reste  limitée  aux  familles  intéressées;  mais  supposé 
que  la  vendetta  soit  née  entre  des  familles  appartenant  à des  tribus 
différentes,  elle  entraînerait  les  tribus  entières  et  prendrait  presque 
les  proportions  d’une  guerre.  Ainsi,  un  différend  entre  un  membre  de 
la  famille  de  Tàlib  et  un  membre  de  celle  d’al-Fàs  reste  nécessairement 
limité  à ces  deux  familles;  mais  un  différend  entre  un  membre 
de  la  famille  de  Tàlib  et  un  membre  de  celle  de  ’lbdàt  peut 
causer  une  vendetta  entre  toutes  les  familles  appartenant  à la  tribu 
de  ’Omar  bin  Kathîr,  d’un  côté,  et  celles  qui  appartiennent  à la  tribu 
de  ’Amir  bin  Kathîr  de  l’autre.  Puis,  un  différend  entre  un  membre 
de  la  famille  de  Tàlib  et  un  membre  de  la  famille  de  Khamis  peut 
amener  une  vendetta  entre  les  tribus  entières  de  Kathîr  et  des 
’Awàmir,  tandis  qu’enfin  un  différend  entre  un  membre  de  la  famille 
de  Tàlib  et  un  membre  de  la  famille  de  Robâk  peut  occasionner 


une  guerre  entre  tous  les  descendants  de  Chanfarî  al-Hamdânî 
et  ceux  de  Yâfi’  bin  Himyar.  Pour  l’explication  de  ces  exemples, 
je  renvoie  le  lecteur  au  tableau  des  tribus  dans  le  chapitre 
suivant. 

Dans  quelques  tribus,  le  chef  reste  même  étranger  à la  décision 
des  différends.  On  y a déféré  cette  besogne  a un  juge  spécial,  ayant 
le  titre  de  Hakam,  prononçant,  non  d’après  la  loi  musulmane,  mais 
d’après  le  droit  coutumier.  Or  parmi  les  tribus,  ou  a non-seulement 
des  coutumes  servant  de  complément  à la  loi  musulmane,  comme 
c’est  le  cas  parmi  les  bourgeois  (*);  mais  il  existe  parmi  elles 
encore  quelques  coutumes  en  opposition  formelle  avec  celle-ci.  Il  va 
sans  dire  que  le  Qâdhî  ni  son  suppléant  ne  peuvent  accepter  ces 
coutumes  comme  fondant  des  droits.  Ainsi,  c’est  une  coutume 
reconnue  que  les  femmes  sont  exclues  de  l’héritage  des  immeubles 
appelés  mitliwâ  (2),  et  des  armes  du  défunt.  Ces  biens  doivent 
échoir  aux  agnats,  et  c’est  à eux  seulement  qu’on  peut  les 
aliéner  entre-vifs.  Comme  la  principale  richesse  des  tribus  consiste 
précisément  dans  des  immeubles  de  cette  nature  et  des  armes 
précieuses,  les  héritières  et  leurs  descendants  mâles  n’obtiennent  à 
peu  près  rien.  En  outre  les  membres  d’une  tribu  ne  peuvent  acheter 
des  immeubles  situés  dans  le  territoire  d’une  autre  tribu,  ou  même  dans 
le  territoire  d’une  autre  famille  de  leur  propre  tribu.  Une  troisième 
coutume  remarquable,  c’est  le  droit  qu’a  le  cousin  paternel  d’exiger 
que  sa  cousine  paternelle  lui  soit  donnée  en  mariage,  à moins  que 
celle-ci  ne  soit  devenue  l’épouse  d’un  autre.  Il  paraît  que  ces 
coutumes  sont  assez  nombreuses.  Cependant  un  examen  profond 
et  une  description  détaillée  de  celles-ci  dépasseraient  les  limites  de 
cet  ouvrage,  pour  ne  pas  parler  de  la  nécessité  de  se  rendre 


(*)  V.  plus  haut  p.  39. 

(2)  On  appelle  milhteâ  les  immeubles  qui  doivent  rester  dans  la  famille. 


46 


dans  le  pays  même,  si  l’on  voudrait  taire  des  recherches  spéciales 
sur  ce  sujet.  Je  n’ai  eu  d’autre  intention  que  de  citer  quelques 
exemples,  pour  faire  ressortir  le  caractère  des  coutumes  en  question. 

Quant  aux  Bédouins,  il  n’existe  pas  parmi  eux  une  administration 
de  la  justice  méritant  ce  nom.  Ils  ont  quelques  coutumes  qu’ils  ne 
respectent  pas  plus  d’ailleurs  que  l’autorité  de  leurs  chefs;  l’intérêt 
ou  la  conscience  de  leur  faiblesse  est  leur  seul  guide. 

J’ai  déjà  dit  que  le  poids  des  impôts  tombe  presque  exclusivement 
sur  les  bourgeois.  Ajoutons  que  l’impôt  personnel  s’appelle  dafah  et 
atteint  quelquefois  30%  à 40%  du  revenu.  Eu  outre  on  a dans  les 
villes  des  droits  d’entrée  ( midjbâ ) d’un  montant  très-variable,  mais 
toujours  excessif.  Enfin  ou  peut  considérer  comme  impôts:  la  siârah 
ou  obligation  de  payer  une  rétribution  pour  sa  personne  et  ses 
biens  quand  on  traverse  le  territoire  d’une  tribu,  le  ribâ ’ ou  payement 
pour  la  sécurité  de  ses  fonds  ruraux  et  la  chirâhah  ou  dîme.  De 
toutes  ces  obligations  nous  allons  parler  plus  amplement  dans  le 
Chapitre  IV  § 5. 

L’armée  des  chefs  ne  consiste  généralement  qu’en  membres  de 
leurs  tribus  ou  de  leurs  familles,  qui  savent  tous  le  maniement  des 
armes.  Ceux-ci,  en  grande  partie,  ne  sortent  jamais  de  leurs  maisons, 
sans  être  armés  de  pied  en  cap.  Il  en  est  de  même  de  leurs  esclaves. 
Cependant,  outre  ces  bandes  irrégulières,  quelques-uns  des  chefs  ont 
encore  une  espèce  de  garde  un  peu  plus  disciplinée  et  un  petit  corps 
d’esclaves  armés.  Ainsi  le  Djama’dâr  d’ach-Chihr  a une  armée  tant 
soit  peu  régulière  d’environ  5000  hommes,  dont  1500  esclaves.  Cette 
armée  est  en  garnison  dans  les  différentes  villes  qui  reconnaissent 
son  autorité.  Ses  troupes  régulières  libres  appartiennent  toutes  à 
sa  tribu,  de  même  que  ses  troupes  irrégulières;  seulement  celles-là 
sont  logées  et  nourries  à ses  frais,  et  reçoivent  une  petite  solde. 
Le  Sultan  de  Saioun  a environ  1000  esclaves  armés;  mais,  hors 


47 


la  garde  dont  j’ai  fait  mention  (*),  il  n’a  pas  des  troupes  régulières 
libres. 

Les  armes  en  Hadhramout  sont  de  longs  fusils  (bindouq)  à mèche  (2), 
des  lances  ( rumh ),  des  sabres  (nèmchah),  des  poignards  ( djèrnbîah ) 
et  des  pistolets  ( toubandjah ).  Les  revolvers  à six  ou  à quatre  coups 
{abou  sittah  ou  abou  arbaah)  commencent,  de  nos  jours,  à avoir  une 
certaine  popularité  (3).  Les  murs  d’ach-Chihr  sont  munis  de  canons 
de  place,  tandis  que  le  Sultan  de  Saioun  possède  deux  ou  trois  petites 
pièces  de  campagne.  Celui-ci  a pris  à son  service  quelques  artilleurs 
ayant  servi  dans  l’armée  turque.  Il  n’y  a pas  de  cavalerie  en 
Hadhramout.  On  se  bat  toujours  à pied.  Le  Sultan  de  Saioun  et  le 
Djama'dâr  d’ach-Chihr  ont,  chacun,  pour  leurs  troupes  une  enseigne 
de  guerre  ( bairaq ).  Il  en  est  de  même  des  Munçib  des  familles 
d’al-’Aidrous  et  du  Chaikh  Abou  Bakr  (4).  Les  autres  chefs  en 
Hadhramout  ne  paraissent  pas  en  avoir. 

Une  administration  proprement  dite  n’existe  pas.  Les  seigneurs 
des  villes  et  des  villages  ne  se  soucient  point  de  ce  qui  est  considéré 
en  Europe  comme  le  devoir  d’un  gouvernement.  L’instruction,  la 
police  et  les  travaux  publics  sont  laissés  à l’initiative  privée,  d’où 
il  résulte  que  les  deux  derniers  font  presque  absolument  défaut. 
L’instruction  seule  est  florissante,  surtout  parmi  les  Sayyid  et  les 
bourgeois.  J’en  parlerai  plus  amplement  dans  le  Chapitre  IV  § 7. 

(*)  V.  plus  haut  p.  37. 

(J)  Ce  n’est  que  dans  les  derniers  temps  que  les  fusils  à percussion  et  les  fusils  se 
chargeant  par  la  culasse  commencent  à être  introduits  en  Hadhramout.  En  tout  cas  ils  y 
sont  encore  extrêmement  rares  et  ne  sont  pas  trop  du  goût  des  membres  de  tribu,  qui 
prétendent  pouvoir  tirer  tout  aussi  loin  avec  leurs  fusils  à mèche.  On  me  parle  d'un  tir 
à une  distance  d’un  kilomètre  comme  d'une  chose  très-ordinaire. 

(3)  L’arc  (munlâb),  comme  arme  de  guerre,  est  déjà  hors  d'usage  depuis  des  temps 
immémoriaux.  11  est  actuellement  devenu  un  jouet  d’enfants. 

(4)  V.  plus  haut  p.  33  et  s. 


CHAPITRE  III. 


ORIGINE  ET  DIVISION  ACTUELLE  DES  HABITANTS 
DU  HADHRAMOUT. 

Exception  faite  des  Sayrjid,  qui,  comme  descendants  de  ’Alî,  gendre 
du  Prophète,  appartiennent  à la  race  d’Isma’il  fils  d’ Abraham,  de 
quelques  familles  bourgeoises  et  des  esclaves,  tous  les  habitants  du 
Hadhramout  prétendent  descendre  de  YaTub  bin  Qahtân  biuHoud(1). 
Us  appartiennent,  par  conséquent,  à la  race  de  l’Arabie  méridionale 
et  s’appellent  ’Arab  ’Aribah  ou  „vrais  Arabes”,  en  opposition  avec 
les  ’Arab  Mota’arribah  ou  descendants  d’Isma’îl,  c’est-à-dire  la  race 
de  l’Arabie  septentrionale.  Par  suite  du  peu  de  contact  que  le 
Hadhramout  a eu  avec  l’étranger,  les  habitants  de  ce  pays  sont  sans 
doute  une  race  très-pure.  C’est  ce  qui  saute  aux  yeux  dès  le  premier 
abord,  quand  on  se  trouve  dans  une  colonie  arabe  de  l’Archipel  indien. 
On  y voit,  à chaque  pas,  des  types  remarquablement  prononcés  (2). 

Quant  à la  généalogie  entre  Ya’rub  et  les  souches  des  tribus  ou 
des  familles  actuelles,  le  souvenir  en  est  entièrement  effacé.  Seulement 
on  connaît  encore  un  individu  légendaire  appelé  Hadhramout  (3); 
mais  on  n’a  point  sur  lui  des  idées  précises.  Tout  ce  qu’on 
raconte  de  lui,  porte  l’empreinte  d’être  forgé  dans  les  temps 
modernes  pour  expliquer  son  nom  par  les  deux  mots  arabes 
hadhar  et  maut.  11  paraît  que  chez  les  tribus  et  chez  les  bourgeois 
les  arbres  généalogiques  écrits  sont  très-rares;  mais  ceci  n’empêche 
pas  que  les  uns  et  les  autres  ne  fassent  beaucoup  de  cas  de  leur 
descendance.  Outre  son  prénom  ( ism ),  chacun  porte  le  nom  de  son 

(* *)  Sur  le  tombeau  de  Houd  V.  plus  haut  p.  14. 

(2)  Comparez  la  description  de  M.  de  Maitzan  op.  cit.  p.  23  et  s.  La  vivacité  des 
habitants  du  Hadhramout  ne  m'a  pas  frappé  moins  que  cet  auteur. 

(*)  V.  M.  Wüstenfeld:  Genealogische  Tabellen,  Table  N°.  5. 


49 


père  et  celui  (le  sa  famille  ou  de  sa  tribu  (■ nasab ),  par  exemple, 
Mohammad  bin  Ahmad  (')  al-Haddâd,  quoique,  dans  la  vie  journalière, 
on  n’indique  ordinairement  les  personnes  que  par  leur  prénom,  tout 
au  plus  par  leur  prénom  et  le  nom  de  leur  père.  La  plupart  des 
Arabes  du  Hadhramout  connaissent  leurs  ascendants  jusqu’à  au  moins 
cinq  ou  six  générations.  Les  esclaves  affranchis  adoptent  le  nom 
de  la  tribu  ou  de  la  famille  de  leur  maître,  mais  sans  y ajouter 
les  titres  héréditaires  de  Sayyid  ou  de  Chaikh  (2).  Du  reste, 
comme  nous  le  verrons  dans  le  chapitre  suivant,  les  esclaves  ne 
peuvent  avoir  eu  que  très-peu  d’influence  sur  la  pureté  de  la  race 
du  Hadhramout. 

Les  bourgeois  sont  divisés  en  familles,  de  même  que  les  Sayyid  et 
les  membres  des  tribus.  Nous  avons  nommé  quelques-unes  de  ces 
familles  dans  le  chapitre  précédent  (3),  où  nous  avons  vu  que 
spécialement  deux  d’entre  elles,  celles  de  Bâhomaid  et  de  Bâradjâ, 
prétendent  être  originaires  de  Médine.  Par  conséquent  ces  familles 
n’appartiennent  point  au  sang  de  Ya’rub,  pas  plus  que  les  descendants 
des  personnes  qui  se  sont  établies  en  Hadhramout  avec  le  Sayyid 
Ahmad  bin  ’tsâ  dont  nous  allons  parler  plus  amplement  tout  à 
l’heure.  Ces  personnes  étaient  originaires  de  la  Mésopotamie,  et  leurs 
descendants  forment  actuellement  80  familles,  dont  je  vais  citer  ici 
seulement  celles  de  Bâbahîr,  Bâsalâmab,  Bâhachwân,  Bâziâcl,  Bâcharâlnl 
et  bin  ’Uthmân,  comme  les  plus  connues  dans  l’Archipel  indien. (*) 


(*)  Il  parait  que  dans  quelques  localités  on  retranche  le  mot  bin.  Ou  dit  ..Mohammad 
Ahmad"  pour  ..Mohammad  bin  Ahmad".  Comparez  SpiUa  Bey  : Grammatik  des  Arahischen 
Vulgâr-Dialectes  von  Aegypten  p.  256.  Dans  la  vallée  de  Dou’an,  on  dit  ordinairement 
..Mohammad  bà  Ahmad",  au  lieu  de  ,, Mohammad  bin  Ahinad”. 

(2)  Quant  aux  Arabes  non-originaires  du  Hadhramout,  s’ils  s’établissent  dans  l'Archipel 
indien,  et  qu’ils  n'aient  pas  de  nom  de  famille,  ils  s'en  font  un  du  nom  de  leur  pays  ou  de 
leur  ville  natale.  Ainsi  l’on  trouve  dans  l’Archipel  indien  les  noms  de  famille:  al-Baghdâdi, 
al-Miçri,  al-Maghribî,  al-Maskatî,  etc.  Pour  ce  dernier  nom,  remarquons  en  passant,  qu’on 
dit  et  écrit  en  Hadhramout  ..Maskat"  et  non  ..Masqat". 

(3)  V.  plus  haut  p.  41. 


4 


30 


Les  familles  bourgeoises  du  Hadhramout  sont  quelquefois  très-nombreuses 
et  pourraient  former  de  véritables  tribus,  si  elles  avaient  des  chefs  et 
qu’elles  portassent  des  armes.  A défaut  de  ces  deux  conditions,  elles 
n’exercent  aucune  influence  politique  et,  de  plus,  elles  sont  dispersées 
dans  les  villes  ou  les  villages,  sous  la  domination  de  seigneurs 
différents.  Une  des  familles  les  plus  nombreuses  dans  la  vallée  de 
Kasr  et  les  vallées  adjacentes,  et  dont  on  trouve  aussi  plusieurs 
représentants  dans  l’Archipel  indien,  est  celle  de  bin  Sunkar,  ou 
comme  on  la  nomme  en  arabe,  au  pluriel,  as-Sanàkirah.  Les  familles 
des  Sayyid,  habitant  également  des  localités  différentes,  offrent  un 
intérêt  beaucoup  plus  grand,  non-seulement  par  leur  influence  politique 
et  leur  organisation,  mais  encore  parce  que  leur  descendance  est  des 
mieux  constatées.  Dans  ces  familles  on  a presque  toujours  des  arbres 
généalogiques;  les  membres,  même  ceux  établis  dans  l’Archipel  indien 
et  y occupant  une  position  sociale  un  peu  élevée,  ont  soin  de  faire 
noter  par  leur  Munçib  en  Hadhramout  les  naissances  et  les  décès 
qui  ont  eu  lieu  dans  leur  maison.  C’est  surtout  la  famille  du  Chailih 
Abou  Bakr  qui  semble  tenir  beaucoup  à sa  généalogie  et  à celle  des 
Sayyid  en  général.  Du  moins  m’a-t-on  montré  dans  les  maisons  de 
plusieurs  membres  de  cette  famille  des  arbres  généalogiques,  copiés  de 
l’original  se  trouvant  en  Hadhramout,  et  continués  avec  le  plus  grand  soin. 

La  souche  des  Sayyid  du  Hadhramout  est  un  certain  Alunad  bin 
’îsà  surnommé  al-Mohàdjir  (*),  qui,  d’après  la  tradition,  s’est  établi 
dans  le  pays  il  y a environ  10  siècles.  Il  était  originaire  de  Bassora, 
et  amenait  avec  lui  les  aïeux  des  80  familles  dont  je  viens  de  parler. 
Je  ne  crois  pas  qu’il  soit  assez  intéressant  de  raconter  les  légendes 
sur  les  causes  de  cette  immigration,  d’autant  moins  que  ces  légendes 
me  paraissent  toutes  d’origine  moderne. 

(*)  Ne  pas  confondre  cet  Ahmad  bin  ‘Isa  avec  Abmad  bin  ’lsâ  surnommé  ’Amoud 
ad-din.  V.  plus  haut  p.  41. 


La  généalogie  du  Sayyid  Alimad  est  comme  suit:  bin  ’îsâ  bin 
Mohammad  an-Naqîb  bin  ’Alî  al-’Oraidhî  bin  Dja’far  aç-Çâdiq  bin 
Mohammad  al-Bàqir  bin  ’Ali  Zain  al-’Abidin  bin  al-Hosain  (r.  Pour 
se  distinguer  des  autres  Sayyid,  ceux  du  Hadliramout  s’appellent  les 
descendants  de  ’Aloui  (2),  petit-fils  d’Ahmad  bin  ’tsâ.  Sept  générations 
après  Alimad  bin  ’îsâ,  l’arbre  généalogique  des  Sayyid  se  bifurque 
avec  les  deux  fils  de  Mohammad  surnommé  Çàhih  ar-Robât.  Après 
cette  première  division,  on  voit  dans  l’arbre*  généalogique  les  Sayyid 
se  diviser  de  plus  en  plus  en  familles  séparées.  Je  vais  donner 
les  noms  de  ces  familles,  en  tant  qu’elles  existent  encore  de  nos 
jours,  et  que  leur  descendance  est  généralement  reconnue  pour 


authentique. 

U as-Saqqàf. 

Al  bin  Qitbân. 

» Bà’aqîl. 

» al-Mosàwa. 

» al-’Aidrous. 

» al-Baitî  (4). 

» Mocbiyyikh. 

» Isma’îl. 

» Taha. 

» Maknoun  (5). 

» ac-Çâfî. 

» bin  Barâhim. 

» Bâ’omar. 

» Bàchomailab. 

» al-Monawwar. 

» Tawîl. 

» bin  Ghihâb  ad-dîn  (3). 

» ’Aqîl  bin  Sâlim. 

» al-Hâdî. 

» al-’Attàs. 

» al-Machbour. 

» acb-Chaikb  Abou  Bakr 

» az-Zâbir. 

» al-Haddâr. 

» aç-Çolaibiah. 

» Abou  Fotaim. 

(*)  Comparez  celte  généalogie  avec  celle  donnée  par  M.  Wûstenfeld,  op.  cil.  Table 
(2)  al-’Alouîyîn. 

(s)  Ordinairement  appelée  par  abréviation  Al  bin  Chiliâb. 

(*)  Il  y a deux  familles  différentes  qui  portent  ce  nom. 

(s)  Il  y a deux  familles  différentes  portant  ce  nom. 

(6)  Cette  famille  est  divisée  en  deux  branches,  les  Al  Hosain  et  les  Al  Hârnid. 


I 


82 


\l  Mawlà  ad-Dawîlah. 

Al  Motahhar. 
* 

» Moqaibil. 

» Mudhir. 

» Mawlâ  Khailah. 

» Marzak. 

» ltin  Saltil  (1). 

» Modaihidj. 

» biu  Yahyâ  (2). 

» Abou  Nomai. 

» Bâ’aboud  (*). 

» Fad’aq. 

» al-Hindouàn. 

» Khird. 

» al-Mahdjoub. 

» Bâbaraik. 

» ’Abd  al-Malik. 

» al-Khonaimân. 

» Hàchitn  (4). 

» Bàhosain. 

» Somait. 

» Bà’alî. 

» an-Nadhir. 

» al-Hout. 

» Tâhir. 

» al-Ghaithah. 

» Hosain  al-Qârali. 

» al-Hàniil. 

» al-Haddàd. 

» al-Bâr. 

» Bâfaqîli. 

» al-Kâf. 

» Bàfat'adj. 

» Bàraqbali  ou  Bârqabah. 

» Bàçut'rah. 

» al-DjtilVî  (7). 

» al-Hodailî. 

» al-Bïdh. 

» ’Aidïd. 

» Bilfaqih. 

» Djonaid  (5). 

» al-Qadrî. 

» ach-Cltilli. 

» as-Seri. 

» Baroum. 

» Bàhâroun. 

» al-Moniffir. 

» al-Haluliî. 

» Hàmid  (6). 

» acli-Châtirî. 

(')  Il  y a deux  familles  différentes  portant  ce  nom. 

(2)  Une  branche  de  cette  famille  s'appelle  Al  biu  ’Aqil  biu  Yabyâ. 

(3)  Il  y a trois  familles  dilférenles  portant  ce  nom. 

(*)  Il  y a deux  familles  différentes  portant  ce  nom. 

(5)  11  y a deux  familles  différentes  portant  ce  nom. 

(*)  Ne  pas  confondre  avec  les  Al  Hàmid  mentionnés  p.  51  n.  G. 

Ç'j  Une  branche  de  celte  famille  s'appelle  Al  al-Babr. 

r 


VI  acb-Chanbal. 

» Bâch-Chaibàn. 


VI  Djamal  al-Lail. 

» al-Muhdhàr. 

Parmi  ces  familles,  il  y en  a quelques-unes  qui,  à riieurc  qu’il  est, 
n’existent  plus  en  Hadhramout;  mais  cela  ne  veut  pas  dire  qu’elles 
soient  éteintes.  Ainsi,  la  famille  de  ’Abd  al-Malik  existe  encore  dans 
l’Inde  anglaise  sous  le  nom  de  Al  ’Athamat  Khân.  De  même  celle 
de  Bàch-Chailtàn  existe  dans  l’île  de  Java  et  celle  d’al-Qadri  à 
Pontianak.  Les  noms  de  famille  des  Sayyid  sont  ceux  de  leurs 
familles  respectives  elles-mêmes,  naturellement  sans  y ajouter  le  mot 
Al,  p.  e.  : Mohammad  bin  Al.imad  as-Saqqàf,  M.  bin  A.  Bâ’aqîl,  etc. 
Il  n’y  a que  les  membres  de  la  famille  du  Chaikh  Abou  Bakr  qui 
ajoutent  le  mot  bin  pour  former  leur  nom  de  famille  et  s’appellent 
p.  e.:  Mohammad  bin  Alimad  bin  ach-Chaikh  Abou  Bakr. 

Les  tribus  du  Hadhramout  sont,  en  commençant  par  l’occident: 

I.  Les  descendants  de  Baraik  (al-Baraiki)  (*),  divisés  en  deux  familles: 
1°.  VI  bin  Baraik  (bin  Baraik). 

2°.  an-Nabàhîn  (bin  Nabhàn). 

C’est  une  tribu  de  Bédouins  dans  les  environs  de  Chabwah  (2). 
Cependant  une  partie  de  la  famille  de  bin  Baraik  s’est  établie  à 
ach-Chihr. 

IL  VI  ’Amr  (al-’Amrî),  Bédouins  dans  les  vallées  d’Irmah  et 
de  Duhr. 


(’)  Les  noms  placés  entre  parenthèses  sont  les  noms  de  famille.  Si  rien  n’a  été  ajouté  à 
un  nom  de  tribu  ou  de  famille,  on  ne  l'emploie  pas  comme  nom  de  famille  personnel. 
Les  noms  des  tribus  et  des  familles  sont  combinés,  de  sorte  que  les  noms  des  membres 
des  tribus  sont  quelquefois  assez  longs.  Le  plus  souvent  cependant  on  porte,  soit  l'un, 
soit  l’autre,  et  ceci  est  toujours  le  cas  dans  la  conversation  journalière.  L'usage  seul  peut 
apprendre  de  quel  nom  il  faut  se  servir  alors.  Seulement,  si  l'on  exprime  les  deux  noms, 
il  faut  faire  précéder  le  nom  de  famille  à celui  de  la  tribu,  p.  e.  : Mohammad  bin  Ahmad 
bin  Nabhàn  al-Baraikî.  Sur  la  tribu  de  Baraik  v.  plus  haut  p.  40  et  41. 

(2)  Je  mentionne  seulement  les  localités  où  les  différentes  tribus  sont  le  plus  largement 
représentées.  Plusieurs  de  celles-ci  ont  aussi  des  membres  établis  autre  part,  sur  le  territoire 
d'autres  tribus.  C’est  surtout  le  cas  des  tribus  dans  la  vallée  de  Dou’an  et  dans  les  autres 
parties  du  Hadhramout,  à l'ouest  et  au  nord-ouest  de  cette  vallée. 


III.  Bait  Kindali  ou  les  descendants  de  Aswad  al-Kindî.  Ce  sont 
des  Bédouins,  divisés  en  deux  tribus: 

1°.  \1  Çai’ar  (bin  Çai’ar)  demeurant  sur  le  plateau  du  même  nom 

et  dans  les  montagnes  d’alentour. 

2°.  \1  Mahfouth  (bin  Mabfoutb).  Cette  tribu  a occupé  autrefois  la 

ville  d’al-Hadjarain  ; mais  actuellement  elle  s’est  dispersée  dans 
les  montagnes  voisines. 

IV.  \1  al-Karab  (bin  al-Karab),  tribu  bédouine  dans  les  environs 
de  Rakbân  et  plus  à l’ouest. 

V.  an-Nahd  (an-Nahdi).  Cette  tribu  demeure  dans  la  partie  inférieure 
de  la  vallée  de  Rakhiah  et  dans  la  grande  vallée  jusqu’à  Qa’outhah 
et  Hainin.  Elle  compte  les  familles  suivantes: 

1°.  al-Hukmàn  (al-Hukmânî). 

2°.  VI  Rawdhàn  (ar-Rawdbàni). 

5°.  » Monîf  (bin  Monîf). 

4°.  » Tbàbit  (bin  Thâbit): 

'6°.  » Chahbal  ou  ach-Chahàbilab  (acb-Cbabbali). 

6”.  » Hatrach  (bin  Hatracb). 

7°.  » Howail  (bin  Howail). 

8°.  » Kolaib  (bin  Kolaib). 

9°.  » Bal’alà  (Bal’alâ). 

10°.  Plusieurs  familles  bédouines  dans  les  montagnes. 

Le  chef  de  la  famille  des  Hukmàn  est  également  chef  de  la  tribu 
entière;  il  a sa  résidence  à Qa’outbah. 

VI.  VI  bin  Ballaith  (al-Ballaitbî). 

VII.  VI  Ilaidarah  (bin  Haidarab). 

Ces  deux  tribus  bédouines  occultent  ensemble  la  partie  supérieure 
de  la  vallée  de  Rakhiah. 

VIII.  al-Dja’dah  (al-Djo’aidi),  tribu  se  composant  des  familles: 

1°.  VI  bin  Cbamlàn  (bin  Chamlân). 


55 


2°.  Vl  bin  Murdah  (biu  Murdah). 

5°.  » bin  Hailàbi  (bin  Hailàbî). 

4°.  » bin  Homaid  (bin  Homaid). 

5°.  ■>  bin  Çoqair  (bin  Çoqair). 

6°.  » Tàhir  bin  Ràdjib  (bin  Tàhir  bin  Ràdjih). 

7°.  » al-Ma’di  (bin  al-Ma’di). 

8°.  > Halâbî  (bin  Halâbi). 

Cette  tribu  occupe  la  vallée  de  ’Anul  et  se  compose  presque 
entièrement  de  Bédouins.  Le  chef  de  la  famille  de  bin  Chamlàn  est 
en  même  temps  chef  de  la  tribu. 

IX.  Vl  ’Amoud  (al-’Amoudi)  ou  Banou  ’isà.(‘),  dans  la  vallée  de 
Dou’an  et  sur  le  plateau  de  Raidat  ad-Dayyin.  Elle  se  compose  des 
familles  : 

1°.  VI  Motahhar  (bin  Motahliar). 

2°.  » Mohammad  bin  Sa’id  (bin  Mohammad  bin  Sa’id). 

5°.  » Ahmad  bin  Mohammad  (bin  Ahmad  bin  Mohammad). 

4°.  al-Baghâbirah  (al-Baghbarî). 

5°.  VI  Çaklou’  (aç-Çaklou’î). 

6°.  ->  acb-Cbaikh  ’Omar  al-Monàçib  (bin  acb-Chaikh ’Omar  al-Monàçib). 
7°.  » Bàtouk  (bin  Touk). 

8°.  » Bàdâhiah  (bin  Dàhîali). 

9°.  » Bà’abd  al-Qàdir  (bin  ’Abd  al-Qàdir). 

10J.  » Bààhmad  (bin  Ahmad). 

11°.  » at-Tayyàr  (at-Tayyàri). 

12°.  » Bàrobaid  (ar-Robaidi). 

13°.  » al-Faqîh  (bin  al-Faqib). 

14°.  » Bàdjomâb  (al-Djomâhî). 

15°.  » Bàçamad  (bin  Çamad). 


(‘)  V.  plus  haut  p.  40  et  41, 


56 


16°.  al-Kushân  (Bàl-Aksah). 

17°.  aç-Çuq’àn  (Bàl-Açqa’j. 

18°.  \1  Bàtawil  (bin  Tawil). 

19°.  ■>  Bàçaqr  (bin  Çaqr). 

20°.  » Abou  Bakr  (bin  Abou  Bakr). 

21°.  » Bàmousâ  (bin  Mousâ). 

22°.  » Bàyâsin  (al-Yàsinî  of  bin  Yàsiu). 

Le  chef  (le  la  famille  de  Motahhar  est  en  même  temps  chef  de  la 
tribu  entière;  il  réside  à Bithali. 

X.  ads-Dsayâbiuah  (ads-Dsaibàni). 

XI.  Al  bin  Sa’d  (as-Sa’di). 

Les  tribus  X et  XI  habitent  la  vallée  d’al-’Ain  et  les  montagnes 
environnantes.  Ces  tribus  ne  se  composent  que  de  Bédouins. 

XII.  \1  Yàfi’  (al-Yàfi’î)  ou  les  descendants  de  YàO’  bin  Himyar. 
Cette  tribu  occupe,  comme  nous  l’avons  vu  dans  le  chapitre  précédent, 

tout  le  littoral  et,  dans  l’intérieur,  les  villes  d’al-lladjarain , de 

% 

Ilawrah,  d’al-Qatn  et  de  Chibàm.  Elle  est  subdivisée  en: 

A.  Al  Tliobai  (atb-Thobavyi),  comprenant  les  familles: 

1°.  Banou  Bakr  (al-Bakri). 

2°.  Al  Moçilli  (bin  Moçillî). 

5°.  » ach-Charaf  (ach-Cbarfi). 

4°.  » Bal’afif  (bin  Bal’afif). 

5°.  » Sial  (as-Saili). 

6°.  » Kasàd  (al-Kasâdi). 

7°.  ach-Cbanàthirab  (ach-Chanthouri). 

8°.  al-Djahàwichah  (al-Djal.nvacbi). 

B.  Al  Lab’ous  (al-Bn’si),  comprenant  les  familles: 

1°.  \1  Gharàmah  (bin  Gharâmah). 

2°.  az-Zaghâlidah  (az-Zaghladi). 

3°.  U Homàm  (bin  Homàm). 


57 


4°.  Al  Mattàch  (bin  Mattàch). 

C.  \1  al-Moustah  (al-Mousti),  comprenant  les  familles: 

1°.  al-Qa’tah  (al-Qa’aifi). 

2°.  Al  Robàk  (ar-Robàki). 

3°.  » ’Ali  al-Hàdjdj  (bin  ’Ali  al-Hàdjdj). 

4°.  » al-Hadd  (al-Haddi). 

5°.  al-Djabâwirah  (al-Djahwari). 

6°.  Al  Yazîd  (al-Yazidi). 

7°.  » ’Ali  Djâbir  (bin  ’Ali  Djàbir). 

8°.  >»  Batàt  (al-Batàtî). 

La  famille  de  Kasâd  a émigré  il  y a quelques  années  en  Afrique  (*), 
tandis  que  celle  des  Chanàthirah  demeure  séparée  des  autres,  dans 
la  vallée  d’al-Hazàzah  et  les  montagnes  environnantes.  C’est  une 
famille  bédouine.  Le  chef  de  la  famille  des  Qa’tah  est  chef  de  toute 
la  tribu  de  Yâfi’  (2). 

XIII.  Les  descendants  de  Saibàn,  grande  tribu  bédouine  subdivisée 
en  plusieurs  tribus,  dont  on  m’a  nommé  comme  les  principales  : 

1°.  Al  Saibàn  (as-Saibàni),  demeurant  au  nord  et  au  nord-ouest  du 
mont  Howairah. 

2°.  al-’Akàbirah  (al-’Akbari),  au  sud  et  au  sud-ouest  de  la  même 
montagne. 

5°.  al-’Awâbithah  (al-’A\vbathânî),  au  sud-est  de  la  vallée  de  Dou’an. 
4°.  Al  Bahsan  (al-Bahsanî),  dans  la  vallée  de  Djirbah  et  les  montagnes 
environnantes. 

XIV.  al-Homoum  (al-Homoumî),  tribu  bédouine  dans  les  montagnes 
au  nord  d’ach-Chihr.  Elle  consiste  en  plusieurs  familles,  dont  on 
m’a  nommé  comme  les  principales  : 

1°.  Bait  ’Ali  (al-’Aliyî). 


(‘)  V.  plus  haut  p.  56. 
(2)  V.  ibid. 


58 


2°.  Bail  al-Qirzàt  (al-Qirzi). 

3°.  » al-Ma’àrah  (al-Ma’àri  . 

4°.  al-Djouhîyin  (al-Djouhî  . 

XV.  ach-Ghanàfirah  ach-Chanfari)  ou  les  descendants  de  Chanfari 

al-Hamdànî.  Cette  nombreuse  tribu  est  subdivisée  en  trois  autres: 

* 

A.  \1  Kathir  (])  (al-Kathirî)  entre  Chibàni  et  Saioun  et  dans  les 
montagnes  au  nord.  Cette  tribu  est  de  nouveau  subdivisée  en  cinq  autres: 
a.  \1  ’Omar  bin  Kathir,  comprenant  les  familles: 


1°. 

\1 

Tàlib  (bin  Tàlib). 

2°. 

)) 

al-’  As  (al-’ A s). 

3°. 

)) 

al-Fàs  (Bàl-Fàs). 

4°. 

» 

bin  Tanfirah  ou  at-Tanàlirah  (bin  Tanfirah). 

5°. 

1) 

Kobayyil  (bin  Kohayyil). 

6°. 

» 

Barqi  (al-Barqî). 

7°. 

» 

Mahri  (bin  Mahri). 

8°. 

J) 

’Awn  bin  ’Abd  Allah  (bin  ’Awn  bin  ’Abd  Allait). 

9°. 

» 

’Omar  Umbadr  (bin  ’Omar  Umbadr). 

10°. 

») 

bin  Camîl  (bin  Çamil). 

11°. 

» 

ach-Chain  (bin  ach-Chain). 

12°. 

)> 

al-Wi’l  (Bàl-Wi’l). 

13°. 

» 

Badr  bin  ’Abd  Allait  (bin  Badr  bin  ’Abd  Allah). 

Al  ’ 

Arnir  bin  Kathir  (2),  comprenant  les  familles: 

1°. 

Al 

’lbdàt  (bin  ’ibdât). 

2°. 

» 

’Abd  al-’Aziz  (bin  ’Abd  al-’Aziz). 

3°.  » Mohammad  bin  ’Omar  (bin  Mohammad  bin  'Omar). 

4°.  » Musfir  (bin  Musfir). 

5°.  » Ma’touf  of  al-Ma’àtîf  (bin  Ma’touf). 


(')  C'est-à-dire  les  descendants  de  Kathir  bin  Badr  bin  Mohammad  bin  Chanfari 
al-Hamdàni. 

(J)  Ne  pas  confondre  avec  les  ’Awàmir  que  je  vais  mentionner  sub  J!, 


39 


6°.  il  Iv luld ah  (ltiu  Kuddah). 
o.  al-Fakbàïds.  Ainsi  l’on  appelle  les  familles: 

1°.  il  ’Awn  (al-’Owainî). 

2°.  » Sa’îd  (bin  Sa’id). 

3°.  » al-Hàdjirî  (al-Hâdjirî). 

4°.  » Sanad  (bin  Sauad). 

o°.  » Hadhil  (bin  Hadhil). 

6°.  » Ludhrâf  (bin  Ludhrâf). 

7°.  » Saif  (bin  Saif). 

cl.  Plusieurs  familles  bédouines  dans  les  montagnes  au  nord. 
c.  \1  ’Abd  al-Wadoud  (bin  ’Abd  al-Wadoud),  tribu  bédouine,  demeurant 
sur  la  côte  dans  les  environs  de  Qocai’ar.  Cette  tribu,  entièrement 
séparée  des  autres  descendants  de  Chanfari  par  les  tribus  de 
Yàfi’  et  (les  Homoum,  possédait  anciennement  aussi  la  ville  de 
Qocai’ar;  mais  elle  en  a été  expulsée,  il  y a quelques  ans,  par 
celle  de  Yâfi’. 

II.  al-’Awâmir  (*)  (al-’Amiri),  occupant  la  grande  vallée  entre 
Saioun  et  Terim  et  les  montagnes  au  nord.  Celle  tribu  se  compose 
des  familles: 

1°.  Vl  ’Abd  al-Bàqî  (bin  ’Abd  al-Bàqî). 

2°.  » Khamis  (bin  Khamis). 

3°.  » Kalilah  (bin  Kalilah). 

4°.  » Matrif  (bin  Matrif). 

5°.  » Qannàç  (bin  Qanuàç). 

6°.  » Yokhiyyir  (bin  Yokhiyyir). 

7°.  » Baràhim  (bin  Barâhim). 

8°.  » Saif  (bin  Saif). 

9°.  Plusieurs  familles  bédouines  dans  les  montagnes  au  nord. 


(*)  C’est-à-dire  les  descendants  de  ’Àmir  bin  Mohammad  bin  Chanfari  al-Hamdàni. 


60 


C\  \1  Djâbir  (*)  (al-Djàbirî),  tribu  bédouine  dans  les  montagnes 

au  sud  de  Saioun  et  dans  les  vallées  de  bin  ’ AIL  et  de  ’Adim. 

Le  chef  de  tous  les  descendants  de  Chanfari  al-Hamdànî  c’est  le 

Sultan  de  Saioun.  Il  descend  de  ’Abd  Allah  bin  Dja’far  bin  ’Abd 

Allah  bin  Badr  bin  Mohammad  bin  Chanfari  al-Hamdànî,  selon  la 

légende,  le  premier  prince  du  Hadhramout.  Un  descendant  de  celui-ci, 

Badr  Abou  Towairaq  (l),  avait  deux  fds,  ’îsà  et  ’Abd  Allah.  Les 

descendants  du  dernier  forment  la  famille  des  Sultans  actuels.  Dans 

le  chapitre  précédent,  il  a été  question  de  ceux  du  premier,  appelés 

\1  ’isà  Umbadr  (3). 

/ 

XVI.  VI  Bàdjarai  (Bâdjarai),  tribu  demeurant  au  nord-est  de 
Saioun,  enclavée  par  les  tribus  de  Kathir  et  des  ’Awâmir.  Elle  n’est 
pas  du  sang  de  Chanfari,  mais  n’en  a pas  moins,  par  une  convention 
solennelle,  reconnu  le  Sultan  de  Saioun  pour  son  chef. 

XVII.  Banou  Thannah  (ath-Thanni).  Cette  tribu  est  divisée  en  trois 
autres: 

o.  \1  Tamim  (at-Tamîmi),  dans  la  grande  vallée  entre  al-Falouqah  et 
Qabr  Houd.  Cette  tribu  comprend  les  familles: 


1°. 

Al  Yamâni  (bin  Yamâni). 

2°. 

» Mohammad  bin  Mohammad). 

3°. 

» Zaidàn  (bin  Zaidàn). 

4°. 

al-Qaràmçah  (bin  Qarmouç). 

3°. 

Vl  Chamlàn  (bin  Chamlàn). 

6°. 

» Qaçir  (bin  Qaçîr)  (4). 

7°. 

» Chaibân  (bin  Chaibân)  (5). 

8°. 

» Silinih  (bin  Silmih)  6 . 

(*)  C'est-à-dire  les  descendants  de  Djàbir  bin  Mohammad  bin  Chanfari  al-Hamdàni. 
(*)  On  prétend  qu'il  s'est  écoulé,  depuis  son  règne,  à peu  près  9 siècles. 

H V.  p.  37. 

(*)  Cette  famille  est  subdivisée  en  quatre  branches. 

(*)  . » » . » cinq  » 

(®)  • • • • » quatre  » 


61 


9°.  » Mirsâf  (bin  Mirsâf). 

10°.  » ’Abd  ach-Chaikh  (bin  ’Abd  ach-Chaikh). 

11°.  » ’Uthmân  (bin  ’Uthmân). 

Le  chef  de  la  famille  de  Yamâni  est  également  chef  de  toute 
la  tribu  de  Tamîm.  Il  réside  à Qasm. 

b.  al-Manâbîl  (al-Minhâlî),  tribu  bédouine  dans  la  grande  vallée  entre 
Qabr  Moud  et  Saihout  de  même  que  dans  les  montagnes  à l’est 
et  à l’ouest.  Elle  reconnaît  pour  son  chef  un  des  Munçib  de  la 
famille  du  Chaikh  Abou  Bakr,  à ’lnât  (*). 

c.  Al  as-Simâh  (as-Simâhî),  tribu  bédouine  dans  les  montagnes  au 
nord  de  la  vallée  de  ’lnât. 


(*)  V.  plus  haut  p.  33  et  34. 


CHAPITRE  IV. 

VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVÉE  EN  HADHRAMOUT. 

S 1. 

ASPECT  DES  VILLES  ET  DES  MAISONS. 

L’aspect  des  villes  en  Hadhramout  n’est  pas  désagréable.  Elles  sont 
en  général  bien  aérées  et  propres.  Les  mes,  il  est  vrai,  ne  sont 
pas  pavées;  mais  à cause  du  climat  sec  et  de  la  nature  pierreuse 
du  sol,  cela  n’a  aucun  inconvénient  sérieux.  Le  long  ou  au  milieu 
des  rues,  on  a ordinairement  des  ruisseaux  ( midjrâ ) pour  l’eau  des 
maisons.  Les  matières  et  immondices  solides  sont  portées  tous  les 
jours  hors  des  villes  ou  villages  et,  s’il  y en  a en  quantité  suffisante, 
vendues  comme  engrais.  La  plupart  des  villes  de  quelque  importance 
ont  des  remparts  (daur)  et  des  portes  ( suddah ).  Ces  dernières,  toujours 
gardées,  se  ferment  la  nuit.  Les  remparts  de  quelques  villes,  par 
exemple  ceux  d’ach-Chibr,  sont  munis  de  bastions  (qal'ah)  et,  en 
outre,  chaque  ville  est  flanquée  par  des  tours  (/mil  plur.  nlnvâl 
ou  par  des  châteaux  (huçn  plur.  lioçoun),  dont  les  garnisons  se 
composent  d’esclaves  armés  on  de  quelques  membres  de  la  tribu 
dominante. 

Ce  qui  doit  frapper,  en  premier  lieu,  l’étranger  visitant  le 
Hadhramout,  c’est  la  forme  des  maisons  (dâr  plur.  diâr ) et  des 
châteaux.  Je  vais  tâcher  d’en  donner  une  description.  Parmi  les 
matériaux  il  faut  nommer  en  premier  lieu  des  briques  (madar), 
composées  d’argile  (Un)  humide,  mêlée  avec  de  la  paille  (film);  on 
[tresse  ce  mélange  dans  un  moule,  après  quoi  on  le  fait  sécher  au 
soleil.  Dans  l’île  de  Java,  les  briques  de  celte  nature  ne  résisteraient 
même  pas  aux  pluies  d’une  seule  mousson  ; mais  il  paraît  qu’en 
Hadhramout,  elles  résistent  parfaitement  aux  influences  du  climat. 


t>r> 


Les  pierres  de  taille  sont  d’un  usage  restreint.  Au  lieu  de  ciment 
ou  de  chaux,  on  se  sert  d’argile  humide  pour  cimenter  les  briques. 
Au  littoral  les  murs  extérieurs  sont  enduits  de  gypse  ( djiçç ); 
ailleurs  on  se  contente  de  blanchir  à la  chaux  ( nourah ) le  sommet 
de  la  maison. 

Les  maisons  sont  ordinairement  construites  sur  un  soubassement 
de  pierres  de  taille  et  ont,  outre  le  rez-de-chaussée,  de  deux  à 
quatre  étages.  La  porte  d’entrée  se  trouve  au  milieu;  elle  est  ornée 
d’arabesques  ( naqch ) ou  de  doux  ( mismâr ) en  fer  ou  en  cuivre  poli. 
Elle  porte  un  marteau  (hilqah)  de  fer,  avec  lequel  on  annonce  sa 
venue,  quand  on  désire  être  admis  dans  la  maison.  La  porte  donne 
sur  un  corridor  ( dhaiqah ),  à droite  et  à gauche  duquel  sont  situés 
les  celliers  ( (lirait ) pour  les  marchandises,  les  denrées  alimentaires, 
le  bois  à brûler,  etc.  Derrière  la  maison,  on  a une  cour  ( chumsali ), 
autour  de  laquelle  on  voit  la  cuisine  ( matbakh ) et  les  autres  communs, 
ne  consistant  ordinairement  qu’en  abris.  Dans  les  grandes  maisons, 
on  trouve  encore  quelquefois  un  puits  (bîr),  mais  ordinairement,  du 
moins  dans  les  villes,  on  se  procure  l’eau  nécessaire  dans  les  puits 
publics,  se  trouvant  dans  tous  les  quartiers.  Dans  le  mur  autour  de 
la  cour,  on  trouve  souvent  une  porte  de  derrière  pour  les  animaux 
domestiques. 

Pour  construire  le  premier  étage,  on  place  dans  chaque  chambre 
des  piliers  carrés  de  pierre  ( bakrah ),  servant  à soutenir  les  grosses 
poutres  ( qâsim ) horizontales,  sur  lesquelles  reposent  des  solives 
( c/oboul ).  Celles-ci  sont  couvertes  d’une  espèce  de  treillis  en  bois, 
enduit  d’une  épaisse  couche  d’argile  mêlée  avec  de  la  c)iaux.  Le 
mélange,  devenu  dur,  donne  un  plancher  d’une  solidité  extrême.  De 
la  même  manière  on  construit  le  plancher  du  second  étage,  avec 
cette  différence  que  les  poutres  ne  sont  plus  soutenues  par  des 
piliers  en  pierre,  mais  par  des  piliers  en  bois  (salon).  Les  étages 


64 


devenant  de  moins  en  moins  larges,  on  trouve  à chaque  étage,  à 
droite  et  à gauche,  une  terrasse  ( raim ) entourée  de  petits  murs, 
comme  celle  formant  le  toit  de  l’étage  supérieur.  L’escalier  ( roqâd ) 
est  construit  ordinairement  de  briques,  et  les  corridors  sont  pavés  du 
même  mélange  d’argile  et  de  chaux  que  les  planchers  des  appartements. 
Rarement  les  maisons  ont  des  balcons  fermés  ( djanâh ),  comme  on  en 
voit  dans  la  plupart  des  autres  pays  musulmans.  Les  chambres 
( mahdharah ) se  trouvent  en  haut.  Tandis  qu’au  rez-de-chaussée  on 
n’a  sur  la  rue  que  de  petites  ouvertures  fermées  de  barres  de  fer, 
à une  hauteur  d’environ  deux  mètres  et  demi,  on  aime  à avoir  dans 
les  chambres  un  grand  nombre  de  fenêtres  ( khalfah  plur.  khilâf). 
Celles-ci  se  ferment  avec  des  volets  ( lihidj ).  Les  vitres  sont  inconnues, 
de  même  que  les  cheminées.  S’il  fait  froid,  on  place  dans  la  chambre 
un  grand  brasier  ( kânoun ) de  bois  allumé  (* *),  et  l’on  s’assied  autour 
pour  se  chauffer.  Le  bois  ne  donne  pas  beaucoup  de  fumée;  mais  ce 
qu’il  y eu  a,  doit  sortir  par  la  fenêtre.  Les  portes  et  les  fenêtres 
sont  fermées  en  dedans  avec  des  verrous  en  bois  ( qâloudah ) ou  en 
fer  (qufl)  (2).  Les  portes  ( bâb ) donnant  accès  aux  chambres  ont  des 
verrous  moins  lourds  que  la  porte  d’entrée  ( suddah ).  Celle-ci  est 
munie  d’une  corde  aboutissant  au  premier  étage;  de  sorte  que,  à 
l’arrivée  d’un  visiteur,  on  peut  lui  ouvrir  sans  descendre.  Devant  les 
grandes  maisons  on  a souvent  une  cour,  entourée  d’un  mur.  Ce  mur, 
haut  de  deux  mètres  au  moins,  s’appelle  hadjwah  ; la  porte  dans 
ce  mur  s’appelle  suddah  barrânîah. 

Les  châteaux  (huçn),  construits  de  la  même  façon,  mais  en  général 
sur  une  échelle  plus  large  que  les  maisons  bourgeoises,  sont  fortifiés, 
aux  quatre  coins,  par  des  tours  munies  de  meurtrières,  comme  les 

(*)  Le  charbon  ( çakhr ) est  seulement  en  usage  chez  les  forgerons,  etc.,  mais  non  dans 
les  ménages. 

(*)  Pour  ouvrir  la  qâloudah  on  se  sert  d'une  espèce  de  clef  en  bois  appelée  iqlid.  La 
serrure  du  qu/l  s'ouvre  par  une  clef  en  fer  portant  le  nom  de  miflâh. 


t>5 


châteaux  en  Europe  au  moyen-âge.  Ces  tours  sont  ou  rondes  ( ma* courait 
plur.  ma’âçîr),  ou  carrées  (nonbah  plur.  vowab)  (1).  En  outre,  on  a 
devant  plusieurs  châteaux  un  perron  élevé  et  fortifié  ( moqaddamah ), 
et  tous  ont  sur  le  toit  une  guérite  (ghulb)  ( 2)  carrée,  portant  souvent 
deux  cornes  de  bouc  sauvage  (wi’l)  en  guise  d’ornement.  Les  châteaux 
se  distinguent  encore  en  ceci  des  grandes  maisons  bourgeoises,  qu’ils 
n’ont  ordinairement  qu’une  seule  terrasse,  au  lieu  que  celles-ci 
en  ont,  comme  nous  venons  de  le  voir,  le  plus  souvent  à chaque 
étage.  Les  tours  défensives  (kout)  isolées  sont  de  petits  édifices 
d’un  ou  de  deux  étages,-  munis  de  meurtrières.  On  n’y  demeure 
point  comme  dans  les  châteaux;  ce  sont  plutôt  des  corps  de  garde 
fortifiés. 

Quant  aux  maisons  des  classes  inférieures,  attendu  qu’elles  sont 
plus  petites  et  surtout  moins  hautes,  l’architecture  caractéristique 
du  pays  s’y  montre  moins.  On  voit  des  spécimens  de  maisons  de 
bourgeois  moins  favorisés  par  la  fortune  sur  la  Planche  N°.  1,  à 
droite.  Elles  ne  se  distinguent  pas  des  demeures  de  la  même  catégorie 
d’individus  dans  les  autres  villes  de  l’Orient.  Les  demeures  des  Bédouins 
sont,  comme  nous  l’avons  déjà  vu,  des  grottes  ou  des  cabanes  d’argile. 
Il  n’est  donc  pas  question  chez  eux  d’architecture.  Les  tentes  si 
caractéristiques  des  Bédouins  dans  d’autres  parties  de  l’Arabie  ne 
sont  pas  en  usage  en  Hadhramout. 

Le  mobilier  des  maisons,  même  chez  les  personnes  riches,  est 
très-simple.  On  s’assied  sur  le  plancher.  Sous  les  fenêtres  se  voient 
quelques  coussins  (djawdarî,  mikhaddah),  et  sur  le  plancher,  des  tapis 
(qatîfah)  ou  des  nattes  ( haçir ).  Une  petite  table  très-basse  ( vnaidah ) 
ou  une  espèce  particulière  de  natte  ronde  (lifâl)  est  placée  au  milieu 
1 

(*)  Un  château  à tours  carrées  s’appelle  liuçn  monawwab. 

(’)  Une  guérite  semblable  se  voit  souvent  aussi  sur  les  maisons  bourgeoises.  Alors  on 
l'appelle  monaitharah  ; elle  n’a  jamais  de  cornes  de  bouc. 


5 


6G 


de  la  chambre,  quand  on  va  manger.  Le  long  des  parois  (si  Ira  h), 
blanchis  à la  chaux  (*),  se  trouvent  des  collres  en  bois  (çahdouq),  importés 
de  l’Inde  anglaise,  et  des  armoires  (khazânah)  également  en  bois,  les 
uns  et  les  autres  pour  garder  les  livres,  les  ustensiles  de  ménage  (2), 
les  habits  ou  l’argent.  Pour  garder  les  menus  objets,  on  a une 
espèce  de  paniers  ronds  et  pointus  appelés  dînl/ah.  On  a des  lampes 
(sirâdj),  mais  d’une  construction  des  plus  primitives.  Actuellement 
on  brûle  presque  partout  du  pétrole  (gaz-)]  mais  il  y a une  quinzaine 
d’années  on  devait  se  contenter  de  l’huile  de  sésame.  Par-ci,  par-là, 
se  voit  une  glace  (i mantharah ).  Les  membres  de  tribu  aiment  à 
orner  les  parois  de  leurs  chambres  en  y accrochant  des  armes 
et  d’autres  pièces  d’équipement.  Dans  les  celliers  se  trouvent  des 
hottes  (marwadh)  et  de  grands  pots  ( zir ) en  terre  cuite  ; on  y 
conserve  des  dattes,  de  la  farine  et  d’autres  denrées  alimentaires. 
Dans  les  chambres  de  bain  (bail  at-tahârah ) l’eau  se  trouve  dans  des 
vases  de  terre  d’une  forme  spéciale,  appelés  khasbah.  On  la  puise 
avec  un  petit  vase  à anse  (maghrafah  ou  mighrâf)  et  se  la  verse 
sur  le  corps.  En  Orient,  le  bain  ne  consiste  ordinairement  qu’en 
cela  ; on  ne  s’y  plonge  pas  dans  une  cuve  remplie  d’eau,  comme  cela 
se  fait  en  Europe.  Pour  les  ablutions  partielles,  on  a une  espèce 
d’auge  de  petite  dimension,  appliquée  au  mur  et  appelée  mizyâb.  Du 
reste,  en  Hadbramout,  les  hommes  ne  prennent  ordinairement  pas  leur 
bain  chez  eux,  mais  dans  les  piscines  (djâbiah)  auprès  des  mosquées  (3). 

(*)  Quelquefois  on  trace  une  raie  rouge  en  haut  sur  les  parois,  parallèle  au  plancher. 

(*)  Les  principaux  ustensiles  de  ménage  sont  des  jattes  (ibrîq)  de  terre  cuite,  des 
marmites  ( burmah ) de  terre  cuite  ou  de  pierre,  des  chaudrons  (qidr  ou  linbâlah  d'après  la 
grandeur)  de  cuivre,  des  assiettes  (çuhn)  de  cuivre,  des  terrines  (ghâfaqi),  des  tasses  (fidjân), 
des  écuelles  (lâsah)  à anse,  des  gobelets  (daim)  de  cuivre  ou  de  terre  cuite,  des  bouteilles 
( gharchah  ou  qârourah  d'après  qu'elles  sont  en  verre  transparent  ou  noir)  et  des  rôtissoires 
( mihmâs ) de  terre  cuite  pour  préparer  le  café.  Un  service  à café  s'appelle  dirah.  Le  mot 
wa'à  signifie  en  général  tout  objet  servant  à y mettre  quelque  chose,  tandis  qu'on  emploie 
pour  , , vaisselle"  le  mot  ordinaire  aniah  plur.  awânî. 

(3)  On  n'a  pas  en  Hadhramont  des  bains  publics  (hammam)  qui  soient  en  même  temps 
des  lieux  de  divertissement. 


t>7 


Une  chambre  de  bain  se  trouve  à chaque,  étage  <le  la  maison.  L’eau 
découle  par  un  tuyau  (mur’âdh)  traversant  le  mur  extérieur.  Il 
reste  encore  à ajouter  que  toutes  les  chambres  de  bain  sont  l’une 
au  dessus  de  l’autre,  et  que  les  tuyaux  sont  toujours  du  côté 
de  la  maison,  lequel  ne  donne  pas  sur  le  chemin  public.  Vu  la 
saleté  régnant  dans  les  quartiers  arabes  de  l’Archipel  indien,  nous 
serions  portés  à croire  que  la  propreté  en  Hadhramout  doit  laisser 
beaucoup  à désirer.  Cependant  on  m’a  assuré,  à plusieurs  reprises, 
qu  il  n en  est  lien,  et  que  surtout  1 intérieur  des  maisons  bourgeoises 
est  d’une  grande  propreté.  Dans  les  demeures  des  pauvres  seuls,  se 
voit,  là  comme  ailleurs,  beaucoup  de  malpropreté;  il  en  est  de  même 
chez  les  Bédouins. 

§ 2. 

NOURRITURE. 

En  Hadhramout  on  prend  trois  repas  par  jour:  le  déjeuner  (cabâh 
ou  fotour),  immédiatement  après  qu’on  s’est  levé  et  qu’on  a fait  sa 
toilette  et  sa  prière  du  matin,  le  dîner  (ghadâ  ou  dhohâ ) entre 
11  heures  et  midi,  mais  en  tout  cas  avant  la  prière  de  midi,  et 
le  souper  ( ’achâ ) après  avoir  terminé  la  prière  dite  de  la  nuit, 
c’est-à-dire  à 7 heures  et  demie  environ.  Le  pain  {khubz)  de  froment 
ou  de  millet,  les  dattes  sèches  (i tenir ) et  la  viande  de  menu  bétail 
(lahm  al-ghanam ) forment  la  nourriture  principale.  La  viande  sert 
souvent  à faire  une  espèce  de  potage  ( maraq ).  Le  riz  ( ruzz ) n’étant 
point  cultivé  en  Hadhramout,  on  en  fait  seulement  usage  comme 
nourriture  secondaire.  Il  n’y  a que  les  indigents  qui  mangent  de  la 
volaille  et  du  boeuf.  Quant  aux  vaches  ( baqr ),  on  ne  les  entretient 
que  pour  le  lait,  de  même  que  les  poules  ( didjâdj ) pour  les  oeufs. 

Il  n’y  a que  les  Bédouins  chez  qui  le  gibier  est  une  nourriture 
générale;  tandis  que  les  habitants  du  littoral  mangent  beaucoup  de 


68 


poisson  ( samak ) (* *).  Dans  l’intérieur  on  ne  mange  naturellement  que 
du  poisson  sec  et  salé.  Comme  assaisonnements  on  a le  beurre 

bouilli  et  préparé  ( samin ) (2),  le  miel  (’asl),  l’huile  (salît),  le  sel 

\ 

(milh),  le  poivre  (fil fil),  les  oignons  (baçal),  les  ails  (thoum),  le 
piment  ( bisbâs ),  les  clous  de  girofle  (qrunful),  la  canelle  (qirfah), 
le  sucre  (sukkar),  le  gingembre  (zandjabU),  le  cumin  (kammoun), 
etc.  Ou  mange  encore  plusieurs  sortes  de  légumes  ( khadhârî ),  et 
parmi  les  fruits  (fâkihah),  les  raisins  ( ’inab ),  les  ligues  (tin),  les 
grenades  (roman),  le  fruit  du  lotus  ( nabq ),  les  citrons  (lîm)  et  le 
• tamarin  (hawmar).  Les  habitants  du  littoral  mangent  aussi  les  noix 
de  coco  (nârdjtl)  et  le  bétel  (tumbul).  On  mange  avec  une  cuiller 
(maVaqah),  avec  un  couteau  ( stkkîn ) (3),  et  au  reste  avec  les  doigts. 
L’usage  de  fourchettes  est  inconnu.  La  boisson  ordinaire  au  repas, 
c’est  l’eau  (mâ)  ou  bien  le  lait  ( laban ) de  vache  ou  de  chèvre. 
Les  Bédouins  boivent  aussi  le  lait  des  chamelles,  mais  plutôt  comme 
Itoisson  fortifiante  que  pour  se  désaltérer.  Quant  au  babeurre  (roubah) 
et  au  lait  caillé  (raib),  on  les  boit  beaucoup. 

Une  boisson  qui  mérite  une  mention  particulière,  c’est  le  café 
(qahwah)  (4).  En  Hadhramout  ou  n’a  pas  des  lieux  publics  (miqhâyah), 
où  l’on  débite  cette  boisson  On  boit  le  café  chez  soi,  entre  les  repas, 
surtout  quand  on  reçoit  la  visite  de  quelqu’un.  Il  est  d’usage  constant 
que  toute  personne  allant  rendre  visite  porte  sur  soi  quelques  fèves 
de  café,  enveloppées  dans  le  turban  ou  dans  le  râdî  (6).  La  société 
réunie,  l’hôte  fait  recueillir  les  fèves  et  en  fait  préparer  la  boisson. 
Avant  de  porter  la  tasse  à ses  lèvres,  on  ne  manque  jamais  de 

(')  Surtout  la  chair  de  requin  ( lahham ). 

(*)  Le  beurre  frais  s’appelle  zubdah  ; l'emploi  en  est  restreint. 

(J)  Un  couteau  de  boucher  s’appelle  chafrah. 

(‘)  Le  café,  dans  l'écorce,  s’appelle  djafal;  les  fèves  portent  le  nom  de  bunn;  le  café 
broyé  s'appelle  haqib. 

(s)  Espèce  de  plaid  écossais.  Je  parlerai  de  cette  pièce  d’habillement  plusieurs  fois 
dans  le  cours  du  présent  chapitre. 


69 


commémorer  le  nom  du  Chaikh  ’Alî  bin  ’Omar  ach-Châdsilî.  C’est 
un  saint  dont  le  tombeau  se  voit  encore  à Mokhâ;  on  raconte  que 
c’est  lui  qui,  le  premier,  a découvert  les  qualités  stimulantes  du 
café.  Celui-ci  ne  se  cultive  pas  en  Hadhramout;  il  est  importé  du 
Yémen.  La  façon  de  le  préparer  et  de  le  boire  est  comme  partout 

v 

ailleurs  en  Orient. 

§ 5. 

DOMESTIQUES  ET  ESCLAVES. 

Dans  les  maisons,  même  des  personnel  riches,  on  n’a  que  très-peu 
de  domestiques.  Le  ménage  est  fait  par  la  femme  et  les  filles, 
qui,  au  besoin,  invoquent  le  secours  de  leurs  voisines,  des  membres 
de  leurs  familles  ou  de  leurs  amies.  Ceux  qui  sont  assez  riches, 
se  font  servir  par  des  esclaves.  Les  domestiques  libres  sont 
employés  presque  exclusivement  dans  d’atelier  ou  au  champ  de  leur 
maître. 

Quant  aux  esclaves,  leur  sort  est  assez  supportable  en  Hadhramout, 
comme  au  reste  dans  la  plupart  des  pays  musulmans.  La  loi  prescrit 
de  les  traiter  plutôt  en  membres  de  la  maison  que  comme  objets 
dont  on  est  propriétaire.  En  Hadhramout,  ils  suivent  la  profession 
de  leurs  maîtres;  ceux  des  membres  de  tribu  portent  des  armes 
et  cultivent  les  champs  (x);  ceux  des  bourgeois  s’appliquent  à des 
occupations  bourgeoises. 

Les  esclaves,  en  Hadhramout,  quoique  généralement  des  Somàli  ou 
des  Nubiens  d’origine,  sont,  pour  la  plupart,  nés  dans  le  pays,  et  même 
dans  la  maison  où  ils  servent.  Ils  restent  presque  toujours  dans  la 
même  famille,  eux  et  leurs  enfants,  et  ne  changent  de  maître  que 
par  suite  du  décès  de  celui-ci.  Alors  ils  sont  partagés  entre  les (*) 


(*)  V.  p.  46  pour  les  esclaves  devenus  soldats  et  formant  l'armée  des  chefs. 


70 


héritiers,  à moins  que  ceux-ci  ne  restent  ensemble  et  ne  préfèrent 
garder  la  succession  en  commun.  Une  importation  régulière  d’esclaves 
n’existe  pas;  quand  on  en  veut  acheter,  il  faut  attendre  une  occasion. 
On  prétend  qu’à  ach-Chihr  seul  on  peut  toujours  en  acheter,  mais  le 
grand  centre  de  la  traite  en  Arabie  paraît  être  à Djuddah.  Au  moins 
m’a-t-on  assuré  que  les  marchands  d’esclaves  à ach-Chihr  les  font 
venir  de  Djuddah. 

Les  esclaves  en  Hadhramout  sont  tous  musulmans;  s’il  en  arrive 
un  qui  soit  chrétien  ou  payen,  on  le  force  à embrasser  l’Islamisme. 
Us  se  marient  entre  eux,  et  de  préférence  entre  esclaves  du  même 
maître;  le  couple  appartenant  à des  maîtres  différents,  il  est  d’usage 
que  le  maître  de  la  femme  achète  le  mari.  Les  mariages  entre 
personnes  libres  et  esclaves  sont  extrêmement  rares.  C’est  une  coutume 
particulière  en  Hadhramout  que  les  esclaves  ne  portent  presque  jamais 
les  prénoms  ordinaires  des  Arabes,  mais  des  noms  spéciaux,  p.  e. 
Faradj,  Mabrouk,  Murdjân,  ’Obaid,  Josur,  Aman,  Naçib,  Sa’d  Allah, 
Sàlimîn  (*),  etc.  De  même  les  esclaves-femmes  s’appellent  Rahmah, 
Za’farân,  etc.  Les  esclaves  n’ont  pas  de  noms  de  famille,  mais  très-souvent 
un  surnom  (laqab),  p.  e.  al-fawîl  „le  long”,  a l-qaçir  „le  petit”,  etc. 

L’affranchissement  est  un  acte  relativement  rare  en  Hadhramout. 
L’affranchissement  contractuel  ( kilâbah ),  qui  dans  la  loi  musulmane 
occupe  une  si  grande  place,  y est  entièrement  hors  d’usage.  De  même, 
il  arrive  rarement  que  des  esclaves-femmes  obtiennent  la  liberté  par 
le  fait  d’avoir  partagé  le  lit  de  leur  maître  et  de  lui  avoir  donné 
un  enfant.  Les  descendants  d’affranchis  appartiennent  généralement 
à la  classe  des  domestiques;  dans  les  derniers  temps  les  esclaves 
affranchis  préfèrent  quitter  le  pays  pour  aller  chercher  fortune  à 
l’étranger.  Il  y en  a plusieurs  dans  l’Archipel  indien. 


(')  Ce  nom  est  aussi  porté,  quoique  très-rarement,  par  des  personnes  libres. 


71 


§ 4. 

VALEUR  DE  L’ARGENT. 

L’argent  a,  en  Hadhramout,  une  très  liante  valeur,  ou  ce  qui  revient 
à la  même  chose,  tout  y est  d’un  bon  marché  incroyable.  Sur  la 
Planche  N°.  1,  à gauche,  se  trouve  une  grande  maison  appartenant 
à un  Arabe  de  Batavia,  M.  le  Sayyiil  Mohammad  bin  Ahmad 
al-Haddâd;  elle  contient  dix  chambres  et  n’a  coûté  que  6000  fl. 
de  construction.  A Batavia,  on  ne  pourrait  en  construire  une  telle 
pour  moins  de  100000  fl. 

Un  célibataire  en  Hadhramout  vit  très-bien  de  100  fl.  par  an,  et 
250  fl.  par  an  constitue  le  maximum  qu’un  tel  individu  puisse 
dépenser,  à moins  de  jeter  l’argent  par  les  fenêtres.  Un  Arabe  que 
j’ai  rencontré,  m’a  dit  avoir  vécu  dans  sa  jeunesse,  comme  étudiant  à 
al-Khoraibah,  de  50  fl.  par  an;  mais  il  ajoutait  que  ceci  était  le 
minimum  pour  un  homme  appartenant  aux  classes  civilisées.  Un  autre 
Arabe  dont  la  famille,  domestiques  et  esclaves  inclus,  comptait  sept 
adultes  et  quatre  enfants,  m’a  dit  avoir  mené,  en  dépensant  900  fl. 
par  au,  un  train  de  maison  comme  il  faut,  au  moins  pour  le 
Hadhramout.  Dans  ces  sommes  le  loyer  n’est  pas  compris;  mais 
attendu  qu’en  Hadhramout  chacun,  pour  ainsi  dire,  habite  sa  propre 
maison,  le  loyer  n’entre  pas  en  ligne  de  compte.  11  n’y  a que  les 
rares  personnes  résidant  temporairement  dans  une  localité  et  ne  jouissant 
pas  de  l’hospitalité  d’un  membre  de  leur  famille  ou  d’un  ami,  qui 
demandent  à louer  une  maison.  Il  en  résulte  qu’il  est  tout  aussi 
difficile  de  louer  une  maison  à quelqu’un  que  d’en  prendre  à louage. 
La  construction  d’une  maison  s’y  fait  donc  uniquement  pour  des 
besoins  personnels,  jamais  pour  rendre  un  capital  productif.  Dans  ce 
but,  on  n’achète  que  des  champs  ou  des  plantations  de  dattiers. 

Les  seuls  objets  qui  soient  chers  en  Hadhramout,  ce  sont  les 


72 

chevaux  et  les  armes.  Un  cheval  un  peu  présentable  coûte,  au  moins, 
500  fl.  si  c’est  un  étalon,  et  le  double  si  c’est  une  jument.  Pour  un 
bon  fusil  à mèche  on  doit  payer  500  fl.,  et  il  y en  a qui  valent 

2500  fl.;  mais  il  faut  ajouter  que  ces  fusils  sont  incrustés  d’or  ou 

d’argent,  de  même  que  les  armes  blanches.  Les  armes  précieuses  passent 
ordinairement  de  père  en  fils  et  se  vendent  rarement. 

Exception  faite  de  celle  du  Djama’dâr  d’ach-Chihr,  on  peut  dire  qu’il 
n’y  a pas  de  grandes  fortunes  en  Hadhramout;  mais,  par  contre,  on 
n’y  connaît  pas  non  plus  le  paupérisme.  Tout  individu  pouvant 
travailler  gagne  assez  pour  vivre,  et  celui  qui  ne  le  peut  pas,  à 

cause  de  vieillesse  ou  de  défauts  corporels,  est  entretenu  par  les 

membres  de  sa  famille  ou  de  sa  tribu.  Si  quelque  bourgeois  ferait 
des  économies  un  peu  considérables,  le  seigneur  de  la  ville  se  chargerait 
bientôt  du  soin  de  les  lui  prendre.  Aussi,  quoique  M.  de  Maltzan 
exagère,  selon  qui  100  thalers  prussiens  (±  180  fl.)  constitueraient 
déjà  une  fortune  (*),  il  n’en  est  pas  moins  vrai  qu’en  Hadhramout 
on  ne  trouve  même  pas  des  bourgeois  ayant  un  capital  qu’en  Europe 
on  appellerait  médiocre.  Il  n’y  a que  les  Sayyid  et  les  membres  de 
tribu  qui  puissent  jouir  avec  quelque  sécurité  de  leur  fortune,  et 
encore  ces  fortunes  sont,  pour  la  plupart,  acquises  à l’étranger. 
Celle  du  Djama’dâr  d’ach-Chihr  est  évaluée  à plusieurs  millions; 
mais  elle  se  trouve,  pour  la  plus  grande  partie,  dans  l’Inde  anglaise. 
Celle  du  Sultan  de  Saioun  doit  être  de  quelques  centaines  de  mille 
florins;  elle  consiste  entièrement  en  immeubles,  situés  dans  le  pays 
même.  Excepté  ces  deux  chefs,  on  ne  trouve  que  quelques  individus 
possédant  près  de  100000  fl.  et  nul  dont  la  fortune  dépasse  cette 
limite.  Il  va  sans  dire  que  parmi  les  Bédouins  l’argent  est  encore 
plus  rare.  Aussi  n’en  ont-ils  guère  besoin. 


(*)  0]>.  cit.  p.  48. 


75 


§ 5. 

COMMERCE,  INDUSTRIE,  AGRICULTURE,  CHASSE,  ETC. 

Pour  les  bourgeois  les  moyens  de  subsistance  sont  en  général  le 
commerce  et  l’industrie;  pour  les  Sayyid  et  les  tribus  à demeures 
fixes,  l’agriculture,  et  pour  les  Bédouins,  la  chasse  et  l’élevage  de 
bestiaux. 

Le  commerce  n’est  de  quelque  importance  qu’à  ach-Chifir.  En  tant 
qu’il  se  fait  par  mer,  on  se  sert  aussi  bien  de  vaisseaux  de  construction 
européenne  (■ markab ) que  de  vaisseaux  de  construction  arabe  (sâ’iah)  (* *). 
Il  embrasse  la  côte  orientale  de  l’Afrique,  la  Mer  Rouge,  le  Golfe 
persique,  l’Inde  anglaise  et  la  côte  méridionale  de  l’Arabie,  surtout 
les  ports  de  Mascate,  de  Thafâr  et  de  ’Aden.  Le  commerce  par 
caravanes  se  fait  avec  l’intérieur  du  Hadhramout  et  avec  tout  le  littoral 
de  l’Arabie  méridionale,  jusqu’aux  pays  du  Yémen  à l’ouest  et  de 
’Oman  à l’est.  Ach-Chihr  est  le  plus  grand  et,  depuis  la  chute 
d’al-Mokallâ  (2),  le  seul  port  important  de  la  côte  entière.  Al-Mokallâ 
est  en  décadence,  et  les  autres  localités,  comme  Boroum,  Qocai’ar  et 
Saihout,  ne  sont  que  des  villages  de  pêcheurs.  De  l’intérieur,  on 
apporte  à ach-Chihr:  du  fromeut,  du  miel,  des  dattes  et  des  étoffes 
teintes  en  indigo;  les  deux  derniers  articles  forment  la  principale 
branche  d’exportation  par  mer.  Comme  article  d’exportation  de  moindre 
importance,  mais  très-particulier,  il  faut  mentionner  les  tcailles  et  les 
nageoires  de  poisson.  L’usage  de  ce  dernier  article  m’est  inconnu: 
seulement  on  m’a  assuré  qu’il  est  exporté  vers  l’Inde  anglaise  et  la  Chine. 


(*)  Les  plus  gros  vaisseaux  de  construction  arabe  s'appellent  baghlah-,  puis  on  a la 
ghandjah,  puis  le  dâw  et  enfin  le  sanbouq  ou  chaloupe;  c’est  la  plus  petite  espèce.  Ces 
vaisseaux  ont  tous  la  même  forme  connue.  La  baghlah  est  quelquefois  de  400  tonnes, 
quoique  la  mesure  ordinaire  en  soit  de  200  tonnes.  Le  gouvernail  s’appelle  sukkân,  l’ancre 
barouçi,  les  voiles  chirà’,  et  les  rames  midjdàf. 

(*)  V.  plus  haut  p.  36. 


74 


Les  articles  apportés  à ach-Chihr  par  nier  sont  : du  froment,  du 
beurre  préparé  (samin),  des  noix  de  coco,  du  café,  du  sucre,  du  riz, 
du  coton,  des  cotonnades  et  des  indiennes,  de  la  poterie,  du  fer  en 
barres  et  travaillé,  de  l’huile  de  sésame,  du  pétrole,  des  chèvres  et  de 
la  quincaillerie.  On  trouve  à ach-Cbihr  plusieurs  marchands  étrangers, 
surtout  de  l’Inde  anglaise;  mais  dans  l’intérieur,  tout  le  commerce 
est  dans  les  mains  des  Arabes.  Son  peu  d’importance,  dans  l’intérieur, 
saute  aux  yeux  par  l’exemple  suivant:  le  premier  marchand  de  la 
ville  la  plus  florissante,  Saioun,  fait  ses  affaires  avec  un  capital  de 
tout  au  plus  15000  fl.,  et  son  bénéfice  ne  surpasse  guère  10%.  Aussi 
les  marchands  dans  l’intérieur  font-ils  tous  le  commerce  de  détail  ( *). 
Dans  les  localités  les  plus  populeuses  il  y a marché  tous  les  vendredis, 
la  prière  hebdomadaire  terminée.  A Saioun,  le  marché  se  tient  sur 
la  place,  devant  la  grande  mosquée.  Il  est  le  plus  important  du  pays, 
et  on  y afflue  de  toutes  parts. 

Une  institution  particulière,  relative  au  commerce  en  Hadhramout, 
est  celle  des  courtiers  (dallai).  Toute  tribu  et  même  plusieurs  familles 
ont  dans  les  principales  localités  leur  courtier  attitré,  ayant  le  droit 
exclusif  de  vendre  les  produits  du  sol  qu’ils  apportent  au  marché.  Ces 
courtiers  sont,  en  même  temps,  une  espèce  d’hôteliers  pour  leur 
clientèle  (2).  Us  forment  une  classe  à part  de  la  population  des 
villes,  sous  des  chefs  ( Abou ) à eux;  leur  métier  est  héréditaire  dans 
quelques  familles  (3)  et  parait  avoir  une  très-mauvaise  réputation. 
Du  moins,  le  nom  populaire  qu’on  leur  donne  est  kilâb  as-souq, 
c’est-à-dire  „les  chiens  du  marché”. 


(*)  Une  boutique  s'appelle  sur  le  littoral  dukkûn,  mais  dans  l'intérieur  makhzan.  Un 
magasin  non-destiné  à la  vente  en  détail  s'appelle  bakhkhâr. 

(l)  Les  étrangers  n'ayant  pas  de  courtiers  et  ne  connaissant  personne  dont  ils  puissent 
attendre  l’hospitalité,  ont  l’habitude  de  descendre  à la  mosquée. 

(3)  De  ces  familles,  je  mentionne  spécialement  celle  de  Wàkid  à Saioun,  parce  qu'elle 
a aussi  des  représentants  dans  l'Archipel  indien. 

/ - 


Les  marchands  qui  font  des  affaires  de  quelque  peu  d’importance, 
ont  l’habitude  de  noter  leurs  transactions  dans  des  livres  (nathîr). 
Ces  livres  de  commerce  toutefois  sont  d’une  ordonnance  des  plus 
primitives.  Chaque  individu  avec  lequel  on  fait  des  affaires,  a son 
nom  inscrit  en  tête  de  deux  feuilles,  sur  l’une  'desquelles  il  est  noté 
comme  débiteur,  sur  l’autre  comme  créditeur.  De  temps  en  temps 
les  comptes  se  règlent;  si  la  solde  n’est  pas  payée  de  suite,  un 
nouveau  compte  commence  sur  une  nouvelle  feuille.  Aucun  marchand 
arabe  n’a  l’idée  de  dresser  un  bilan  ou  de  régler  ses  livres  à la  fin 
de  l’année.  Les  annotations  dans  les  livres  de  commerce,  confirmées 
par  un  serment,  font  foi  dans  les  différends  entre  marchands,  si  ces 
différends  doivent  être  vidés  par  leur  chef  ( Abou ) selon  les  coutumes 
locales  (*). 

Avant  d’en  finir  avec  le  commerce,  je  tiens  à parler  encore  de 
deux  choses  ayant  avec  ce  sujet  des  rapports  intimes,  c’est-à-dire 
des  moyens  de  transport  et  des  poids,  mesures  et  monnaies. 

Des  routes  tracées  et  entretenues,  il  n’v  en  a point  en  Hadhramout. 
On  suit  le  cours  des  rivières  ou  les  sentiers  naturels.  D en  résulte 
que  le  transport  par  chariot  y est  impossible,  et  qu’on  est  borné  au 
transport  par  chameau  ou  par  âne.  Quand  on  veut  se  rendre  sur 
le  territoire  d’une  tribu,  il  faut  prendre  un  des  membres  de  la 
tribu  comme  conducteur,  et  celui-ci  se  porte  garant  des  personnes 
et  des  biens  confiés  à sa  garde.  A défaut  de  conducteur,  on  est 
certain  d’être  dévalisé  en  route,  s’il  était  possible,  plusieurs  fois  par 
jour.  Le  conducteur  s’appelle  sayyir  et  l’action  de  conduire  siârah. 
On  peut  aussi  confier  au  sayyir  le  transport  de  ses  biens  ou  de 
son  argent  sans  se  mettre  en  voyage  en  personne,  et  l’on  prétend 
qu’il  n’y  a pas  d’exemple,,  en  Hadhramout,  d’abus  de  confiance  en 


(*)  V.  plus  haut  p.  39. 


76 


pareil  cas.  De  même  il  n’arrive  jamais  que  la  tribu  du  sayyir  pille 
quelqu’un  voyageant  sous  la  protection  de  celui-ci.  Dans  le  cas  qu’il 
faudrait  traverser  le  territoire  de  plusieurs  tribus,  le  sayyir  pris  en 
premier  lieu  n’en  reste  pas  moins  le  conducteur  jusqu’à  la  fin  du 
voyage;  mais,  arrivé  à la  frontière,  il  doit  demander  à son  tour  le 
droit  de  passage  à la  tribu  suivante.  Moyennant  une  somme  modique, 
quelquefois  n’excédant  pas  0,10  fl.  pour  chaque  chameau  dont  se 

compose  la  caravane,  on  le  lui  accorde,  et  on  lui  remet  comme 

marque  de  sauf-conduit  quelque  arme  ou  autre  objet  appartenant 

à la  tribu  dont  il  va  traverser  le  territoire.  Cet  objet  doit  être 
rendu  le  voyage  terminé.  Il  s’entend  que  ce  procédé  n’est  point 
praticable , si  l’on  a affaire  à des  tribus  se  faisant  la  guerre. 

Alors  on  doit  changer  de  conducteur  en  entrant  sur  le  nouveau 
territoire. 

Le  transport  est  relativement  à bon  marché  en  Hadhramout.  Par 
exemple  un  chameau  d’ach-Chihr  ou  d’al-Mokallà  à Saioun  ne  coûte 
que  o fl.  dans  la  bonne  saison.  En  été,  lorsque  le  fourrage  est 
rare,  le  prix  s’élève,  mais  jamais  au-dessus  de  10  fl.  En  sus,  il  faut 
payer  un  demi-florin  environ  pour  la  siârah.  Le  louage  de  bêtes  de 
somme  est  un  gagne-pain  spécialement  en  vogue  parmi  les  Bédouins. 
Au  bord  des  routes  les  plus  fréquentées,  on  a par-ci,  par-là,  des 
réservoirs  d’eau  potable,  appelés  siqâyah  (!),  construits  par  des  âmes 
charitables  au  profit  des  passants.  Ainsi,  on  n’a  pas  besoin  d’emporter 
de  l’eau  en  voyage. 

Les  poids  (2)  en  Hadhramout  sont: 
qaflah  — ± 2  *  */2  grammes. 

(*)  Quoique  le  mot  sabil  ait  la  même  signification  dans  quelques  parties  de  l’Orient 
(V.  Dozy:  Supplément  s.  v.),  il  ne  signifie  en  Hadhramout  jamais  autre  chose  que  „chemin” 
dans  un  sens  figuré. 

(*)  Comparez  les  études  de  M.  H.  Sauvaire  dans  le  Journal  asiatique,  Huitième  Série 
Tomes  II,  III,  IV  et  V (1883—1885). 


77 


ouqîah  =10 

qaflah. 

ratl  = 12 

ouqîah  (*). 

raf’ah  =12 

ratl. 

farâsilah  = 2 

raf’ah. 

bahâr  = .12  ’/2 

farâsilah. 

II 

-S 

bahâr. 

Les  mesures  de  longueur  sont  : 
chibr  — ± 16  centimètres. 

dsirâ’  = 3 chibr. 


sâqit  = 5 dsirâ’. 

farsakh  = 80  sâqit. 

En  outre,  on  compte  les  distances  par  pas  (khafwah)  et  par  journées 
de  marche  ( marhalah ) (2). 

Les  mesures  de  capacité  sont: 
chatr  = + Va  litre. 

mnçrâ  ou  mudd  (3)  = 2 chatr. 

rabâ’î  = 1 lj2  mudd. 


ça  - 4 

qahâwil  (4)  = 2 

Les  monnaies  sont: 
ru6o’  khumsîah  (cuivre)  = 
khumsiah  (cuivre)  = 

haraf  (argent)  = 

ouqiah  (argent)  = 

qarch  (argent)  = 


rabâ’î. 

çâ\ 

± 0.003  fl.  ' 

± 0.02  fl. 

8 khumsiah. 

2 haraf. 

7 1/2  ouqîah. 


(*)  A ach-Chihr  et  à al-Mokallâ  =16  ouqîah. 

(’)  V.  plus  haut  p.  17. 

(‘)  Le  mot  mudd  ne  s’emploie  pas  au  singulier;  on  dit  alors  muçrâ.  A ach-Chihr  et 
à al-Mokallâ  le  muçrâ  s’appelle  qurç. 

(‘)  A ach-Chihr  et  à al-Mokallâ,  cette  mesure  n’est  pas  en  usage.  Par  contre  on  en  a 
une  autre,  appelée  mikyâl  — 8 ^jurç.  V.  la  note  précédente, 


78 


En  outre,  on  a encore  une  monnaie  de  compte  appelée  buqchah  et 
valant  ‘/s  khumsiah  ; tandis  qu’une  monnaie  spéciale  d’ach-Chihr  est 
le  dîwânî,  en  cuivre,  valant  ‘/6  khumsiah.  Des  monnaies  en  or,  on 
n’en  a point. 

Pour  le  qarch  on  emploie  dans  tout  le  Hadliramout  la  pièce  de 
5 francs.  Elle  est  devenue  la  monnaie  du  pays.  En  outre  la  pièce 
de  10  cents  des  Indes  hollandaises  y est  très  en  vogue.  Elle  vaut 
4*/,'  hliumsiah.  Les  rixdales  hollandaises  ou  les  dollars  espagnols  ne 
sont  acceptés  que  par  quelques-uns  des  principaux  marchands  dans 
les  villes,  et  encore  contre  un  agio  considérable.  On  n’a  pu  m’expliquer 
la  cause  de  la  popularité  de  la  pièce  de  5 francs. 

La  grande  industrie  n’existe  pas  en  Hadliramout.  Non  seulement 
il  ne  s’y  trouve  pas  d’usines,  mais  même  pas  des  ateliers  de  quelque 
importance.  Les  artisans  ont  tout  au  plus  un  ou  deux  aides,  esclaves 
ou  domestiques.  L’industrie  textile,  quoique  exclusivement  exercée  à 
domicile,  est  encore  actuellement  très-importante;  mais  dans  les  dernières 
années,  elle  commence  à diminuer  à cause  de  l’importation  des 
cotonnades  européennes  à bon  marché.  Anciennement  Terîm  en  était 
le  centre,  et  plusieurs  personnes  m’ont  raconté  qu’ils  se  rappelaient 
encore  le  temps  que  l’on  trouvait  dans  presque  chaque  maison  un 
rouet  (dilâb)  et  un  métier  de  tisserand  ( milnvâk ).  Comme  industries 
complémentaires  on  a la  préparation  de  l’indigo  (ml)  et  la  teinture 
des  tissages. 

Outre  les  tisserands  (liavcik),  il  y a,  en  Hadliramout,  des  forgerons 
(liaddâd),  des  charpentiers  ( nadjdjâr ),  des  orfèvres  ( çâïgh ),  des  maçons 
(bannâ t),'des  potiers  (bâni),  des  tailleurs  (khayyâf)  et  des  bouchers 
(mochirrik).  Les  autres  industries  ne  semblent  pas  s’exercer  à titre 
de  profession.  Chacun  pourvoit,  en  personne,  aux  besoins  de  sa  maison 
à cet  égard.  Il  reste  encore  à mentionner,  comme  industries  spéciales 
des  habitants  du  littoral,  la  construction  de  navires,  la  navigation, 


79 


la  pêche  et  la  salaison  du  poisson.  Les  pêcheurs  ( bahhâr ) et  les 
marins  ( bahrl ) y forment  des  corps  de  métier  très-importants. 

Dans  les  villes,  le  nombre  des  agriculteurs  (Jiarrâlh)  de  profession 
est  restreint.  La  plupart  des  champs  et  des  plantations  d’alentour 
appartiennent  ci  des  bourgeois  ayant  d’autres  professions  et  faisant 
cultiver  leur  propriété  par  des  esclaves,  des  laboureurs  à gages  ou 
des  domestiques.  Si  un  bourgeois  a quelque  lopin  de  terre  situé  à une 
distance  un  peu  considérable  de  la  ville,  il  le  place  sous  la  protection 
d’un  membre  de  la  tribu  voisine,  eu  payant  à celui-ci  ordinairement 
de  7.50  à 10  fl.  par  an.  On  appelle  ce  payement  riba  : c’est  une 
espèce  de  siârah  pour  les  propriétés  rurales.  Les  propriétés  rurales 
des  bourgeois  sont,  en  outre,  en  grande  partie  grevées  de  dîmes 
(i charâhah ),  en  faveur  de  membres  de  tribu.  Ces  dîmes,  à l’origine  yi0, 
dépassent  quelquefois  la  moitié  de  la  récolte.  Le  décimateur  ( chârih ) 
reçoit  en  outre  5%  de  la  valeur  de  la  propriété  en  cas  de  transfert, 
et  il  a même  le  droit  de  s’opposer  à toute  aliénation.  Seulement, 
dès  qu’il  a consenti  que  la  propriété  soit  vendue  à un  autre  membre 
de  sa  tribu,  il  est  obligé  de  céder  son  droit  à celui-ci  à un  prix 
raisonnable,  les  dîmes  constituant  une  charge  incompatible  avec  la 
dignité  du  nouvel  acquéreur.  Excepté  ce  cas,  elles  ne  sont  pas 
rachetables  contre  le  gré  du  décimateur.  Le  Sultan  de  Saioun  a 
persuadé  ses  tribus  à accepter  le  rachat  des  dîmes  dues  par  les 
propriétés  situées  autour  de  cette  ville.  Le  prix  de  rachat  a été  de 
400000  fl. 

La  majeure  partie  des  terres  cultivables  en  Hadhramout  est  dans 
les  mains  des  Sayyid  ou  des  membres  de  tribu.  Les  uns  et 

les  autres  considèrent  le  commerce  et  l’industrie  comme  des 

occupations  au-dessous  de  leur  dignité.  Pour  autant  qu’ils  jouissent 
de  quelque  aisance,  ils  ne  cultivent  pas  leurs  champs  ou  leurs 
plantations  en  peçsonne.  C’est  l’ouvrage  de  leurs  esclaves  ou  de  leurs 


80 


domestiques,  à moins  qu’ils  n’engagent  des  laboureurs  dans  les  villes 
ou  les  villages. 

Pour  l’agriculture,  on  se  sert,  non  de  l’année  lunaire  des  musulmans, 
mais  de  l’année  solaire,  qu’on  divise  en  quatre  saisons:  l’ hiver  (chitâ), 
le  printemps  ( rabî ’),  l’été  ( çaif ) et  l’automne  (, kharf ).  Le  commencement 
et  la  fin  de  ces  saisons  se  déterminent  d’après  les  étoiles. 

Les  principaux  produits  agricoles  sont:  le  froment  (burr),  deux 
espèces  de  millet  ( dsorah  et  dukhn),  l’indigo  (nîl),  le  tabac  ( toumbaq ), 
le  sésame  (djildjil)  et  les  dattes  (ternir).  Au  littoral  on  a des  plantations 
de  cocotiers  (nârdjîl).  La  récolte  du  coton  (’utb),  cultivé  par-ci, -par-là, 
n’est  pas  assez  abondante  pour  la  consommation.  Pour  le  fourrage 
des  animaux  domestiques  on  cultive  une  espèce  de  luzerne,  appelée 
qadlib.  Les  arbres  fruitiers,  autres  que  les  dattiers  et  les  cocotiers, 
ne  sont  cultivés  qu’en  nombre  relativement  restreint  et  pour  la 
consommation  locale.  Par  contre,  il  y a plusieurs  personnes  possédant 
des  plantations  régulières  A’ithl  ou  de  ’ilb,  deux  espèces  d’arbres  dont 
le  bois  est  d’un  usage  fréquent.  Celui  de  la  première  sert  à la  fabrication 
d’ustensiles,  celui  de  la  seconde  à la  construction  des  maisons.  L’arbre 
appelé  râk  (*),  sans  être  cultivé,  est  aussi  d’un  usage  fréquent:  le 
bois  en  se  ri.  à fabriquer  des  cure-dents  ( siwâk ).  Le  tabac  le  plus  en 
renom  est  celui  qu’on  appelle  al-Homoumî  (2);  on  le  cultive  surtout 
dans  les  environs  de  Ghail  Bâwazîr.  Il  est  très-recherché,  même  à 
l’étranger.  On  ne  fume  pas  de  cigares,  mais  des  pipes  ( houqah , 
ghalioun).  Les  Sayyid  ne  fument  que  rarement,  ayant  contre  l’usage 
du  tabac  des  scrupules  moraux  et  légaux. 

L’irrigation  est  presque  entièrement  artificielle.  Ni  les  pluies  rares 
et  irrégulières,  ni  les  ruisseaux  toujours  à sec,  à moins  qu’ils  ne 
deviennent  pour  quelques  heures  des  torrents,  ne  sont  en  général 


(*)  Abréviation  du  mot  arâk. 
(’)  V.  plus  haut  p.  57. 


81 


propres  à être  utilisés  pour  l’agriculture.  Les  sources  sont  assez 
rares,  et  se  trouvent  le  plus  souvent  dans  les  montagnes  ou  sur  les 
plateaux  (* *).  Par  conséquent,  l’irrigation  artificielle  s’opère  à peu  près 
partout  au  moyen  de  puits  (bir)  creusés.  Ou  en  tire  l’eau  à l’aide 
d’un  seau  ( dalou ),  mis  eu  mouvement  par  des  vaches  ( baqr ),  attachées 
à une  corde  {habl)  qui  passe  par  une  poulie  (! ’adjlah ),  soutenue  par 
trois  appuis  ( lachrou’ah  plur.  tachârY ) de  hois.  L’eau  obtenue  de 
cette  façon  est  recueillie  dans  un  grand  baquet  ( qharb j en  hois, 
d’où  on  l’épand  sur  le  sol  au  moyen  de  conduits  ( ’atim ),  de  bassins 
transportables  ( marachch ) ou  de  petits  puisoirs  ( rachbah ).  Il  y a 

deux  années,  quelques  Arabes  de  Batavia  ont  formé  une  société, 

* 

dans  le  but  de  faire  creuser  en  Hadhramout  des  puits  artésiens. 
La  société  a engagé  une  partie  du  personnel  javanais  attaché  au 
service  des  puits  artésiens  dans  les  possessions  hollandaises  de 
l’Archipel  indien;  mais  jusqu’ici  les  résultats  obtenus  ne  sont  guère 
satisfaisants. 

L’élevage  de  bestiaux  est  la  principale  occupation  des  Bédouins. 
Nous  avons  déjà  vu  qu’on  a,  en  Hadhramout,  des  chameaux  (ba’îr)  (2) 
et  des  ânes  ( himâr ) (3)  pour  le  transport  des  personnes  et  des 
marchandises,  et  du  menu  bétail  ( ghanam ) (4),  pour  l’abatage  et  le 
lait.  Les  vaches  ne  sont  tenues  que  pour  le  lait  et  l’irrigation;  tandis 
que  les  taureaux  ( thaur ) sont  exclusivement  utilisés  devant  la  charrue 
(mihrâth)  (5). 


(*)  Outre  le  nom  ordinaire  'ain  ou  rnïyân,  on  emploie  pour  ..source"  souvent  le  mot 
ghail  ; un  aqueduc  s’appelle  sâqiah. 

(*)  Ba'ir  plur.  bi’rân  est  le  nom  général.  Dans  les  montagnes  du  littoral  le  pluriel 
est  baïar.  Une  chamelle  s'appelle  nâqali  plur.  nouq,  un  chameau  léger,  malîah  plur. 
matâyâ . 

(a)  Himâr  a le  plur.  hamir.  Une  ânesse  s'appelle,  à l'est  de  Chibâm,  làn,  et  à l'ouest 
de  cette  ville,  illân. 

(*)  Du  menu  bétail  on  trouve  la  race  caprine  (maz)  et  la  race  ovine  ( dhân ). 

(5)  Outre  la  charrue  on  emploie,  pour  remuer  le  sol,  une  espèce  de  besoebe  appelée 
mizhâh.  L'homme  qui  dirige  la  charrue  s’appelle  baqqâr. 

ü 


Les  chevaux  (* *),  très-rares  en  Hadhramout,  sont  des  animaux  de 
luxe.  On  fait  beaucoup  de  cas  de  l’apiculture.  Les  abeilles  ( noub ) 
fournissent  un  miel  (’asl)  et  une  cire  (chaîna’)  excellents. 

Enfin  la  chasse  est  encore  une  industrie  très  en  vogue  parmi  les 
Bédouins,  comme  au  reste  parmi  presque  tous  les  membres  de  tribu. 
Les  animaux  sauvages  les  plus  largement  représentés,  dont  la  chair 
est  permise  aux  musulmans,  sont  : le  lièvre  (arnab),  la  gazelle  ( thabi ), 
le  bouc  sauvage  (wi’l),  la  gerboise  ( yarbou ’),  l’hyène  ( dhaba ’),  le 
hérisson  (qanfoud)  et  une  espèce  de  grand  lézard  (dhabb).  Des  animaux 
sauvages  dont  la  chair  ne  peut  légalement  être  mangée,  se  trouveraient 
en  Hadhramout  la  panthère  (fahd),  le  tigre  (nimr)  (2),  le  loup  (ds'ib) 
et  le  singe  (rubbâh).  A la  chasse,  on  se  sert,  outre  de  ses  armes,  de 
chiens  (kèlb)  dressés.  Je  me  suis  laissé  raconter  que  quelques-uns  de 
ceux-ci  ont  même  un  dressage  vraiment  admirable,  et  qu’on  réussit 
à leur  faire  porter  à telle  personne  une  lettre  qu’on  leur  attache 
au  cou  (3). 

§ 6. 

CULTE. 

Le  culte  est  l’objet  principal  de  la  sollicitude  des  habitants  du 
Hadhramout,  du  moins  des  Sai/i/id  et  des  bourgeois.  Les  grands 
centres  de  réunion  sont  les  mosquées  et  les  écoles  qui  forment  les 
dépendances  de  celles-là.  Il  paraît  que  cette  disposition  d’esprit  existe 


(l)  Le  mol  pour  , .cheval"  en  général  est  khail  plur.  khoyoul.  Un  étalon  s'appelle  hosân 
et  une  jument  fars. 

(*)  On  m’a  parlé  aussi  de  lions  (asad)  ; mais  je  crois  plutôt  qu'on  désigne  par  ce  mot 
le  tigre  royal,  et  que  nimr  signifie  le  tigre  tacheté. 

(3)  Des  insectes  et  autres  petits  animaux  nuisibles  on  a en  Hadhramout:  des  mouches 
( dsobâb  plur.  dsubbûn),  des  escarbots  ( balkliair ),  des  guêpes  ( dsibr ),  des  araignées  ( nnkabnul ), 
des  scorpions  ( ’aqrab ),  des  fourmis  {dsai),  des  cancrelas  (çifçâf),  des  lézards  (dhiffah),  des 
souris  ( djirds  plur.  djirdsân ) et  des  couleuvres  ( hanach J.  Des  moustiques  (l/âs),  il  y en  a 
peu,  et  il  en  est  de  même  des  oiseaux  ((air).  Les  grands  oiseaux  de  proie  semblent  faire 
absolument  défaut. 


83 


depuis  longtemps.  Du  moins  Niebuhr  raconte  qu’un  Arabe  du  Hadhramout 
lui  nommait  sa  patrie  comme  „le  pays  de  la  science  et  du  culte”  (') 
par  excellence.  Les  mosquées  se  distinguent  des  autres  bâtiments, 
outre  par  leur  ordonnance,  par  le  fait  que  leurs  murailles  extérieures 
sont  ordinairement  blanchies  à la  chaux. 

Une  mosquée  pour  la  prière  publique  du  vendredi  se  trouve  dans 
toute  localité  de  quelque  importance.  Celle  de  Saioun  peut  contenir 
6000  personnes,  et  chaque  vendredi  elle  est  entièrement  remplie. 
Quelquefois  même  des  fidèles  doivent  se  contenter  d’une  place  hors 
de  l’édifice  (2).  Outre  cette  mosquée  on  en  trouve  à Saioun  une  soixantaine 
d’autres,  plus  petites,  pour  les  prières  journalières;  à Terîm  il  y en 
a plus  de  300,  mais,  comme  nous  l’avons  vu  (3),  la  plupart  ne  sont 
plus  en  usage,  à cause  de  la  décadence  de  cette  ville.  Les  femmes 
ne  font  jamais  leurs  dévotions  dans  les  mosquées,  sans  omettre  pour 
cela  de  les  accomplir  aussi  scrupuleusement  que  les  hommes,  mais  à 
domicile.  Quoique  les  cimetières  ( turbah ) soient  ordinairement  hors 
de  l’enceinte  des  villes,  il  y en  a pourtant  quelques-unes  autour  des 
mosquées. 

Dans  la  prière  publique  du  vendredi,  on  prie  pour  le  Sultan  de 
Turquie;  après  lui  pour  le  chef  de  la  localité.  J’ai  déjà  mentionné  (4) 
qu’en  Hadhramout  le  rite  est  celui  de  Châfi’î;  ajoutons  que  ce  rite 
y règne  à l’exclusion  de  tout  autre.  Il  n’y  a pas  de  chrétiens,  ni 
de  juifs,  et  probablement,  encore  de  nos  jours,  on  n’admettrait 
point  d’infidèle,  même  temporairement,  dans  le  pays,  à moins  de 
circonstances  exceptionnelles.  Il  ne  s’y  trouve  pas  non  plus  des 

(1)  Op.  cit.  p.  271. 

(2)  Il  faut  se  rappeler  que  le  vendredi  est  à Saioun  le  jour  de  marché,  et  que,  par 
conséquent,  les  fidèles  assistant  à la  prière  sont  en  grande  partie  des  habitants  de  la 
banlieue.  Autrement  le  nombre  de  6000  hommes  adultes  serait  en  contradiction  évidente 
avec  le  chiffre  de  la  population  de  la  ville  (V.  plus  haut  p.  42). 

(* *)  V.  plus  haut  p.  42. 

(*)  . V.  plus  haut  p.  43. 


84 


musulmans  hérétiques  ou  hétérodoxes,  comme  les  Chî’î,  les  Wahhâbî 
ou  les  Zâïdî  (1). 

Parmi  les  membres  de  tribu  il  y en  a plusieurs  qui  n’observent 
pas  rigoureusement  leurs  obligations  relatives  à la  prière.  Quoique 
musulmans  fidèles,  il  semble  qu’ils  le  considèrent  comme  peu  mâle 
de  se  vouer  entièrement  à la  religion.  Parmi  les  Bédouins  c’est 
même  l’exception  que  quelqu’un  s’acquitte  régulièrement  des  prières 
prescrites  par  la  loi.  En  outre,  on  m’a  assuré  que,  le  cas  échéant, 
ces  derniers  ne  font  aucun  scrupule  de  manger  des  aliments 
défendus. 

Quant  aux  autres  devoirs  de  la  religion  mahométane,  il  en  est  du 
jeûne  comme  de  la  prière,  c’est-à-dire  on  l’observe  scrupuleusement 
dans  les  villes,  un  peu  moins  scrupuleusement  parmi  les  tribus  à 
demeures  fixes,  et  très-peu  parmi  les  Bédouins.  Par  contre,  les 
prélèvements  se  payent  régulièrement  par  tout  le  monde,  même  par 
les  Bédouins,  qui,  d’après  ce  que  l’on  prétend,  suivraient  toutefois,  à 
cet  égard,  des  coutumes  en  désaccord  avec  les  prescriptions  de  la  loi. 

Le  pèlerinage  ( hadjdj ) vers  la  Mecque  est  le  devoir  religieux  le 
moins  rigoureusement  observé  en  Hadhramoul,  même  par  les  Sayyid. 
On  donne  une  très-large  explication  au  précepte  légal  dispensant  du 
pèlerinage  tout  individu  n’ayant  pas  les  moyens  nécessaires  pour  le 
voyage  et  pour  l’entretien  de  sa  famille  pendant  son  absence.  La 
route  des  pèlerins,  par  terre,  passe  par  Chalnvah  et  le  Yémen;  mais 
la  plupart  préfèrent  celle  par  mer.  Ils  s’embarquent  à ach-Chibr  ou 
à al-Mokallâ  pour  ’Aden,  ou  directement  pour  Djuddah. 

Par  contre,  on  fait  beaucoup  de  cas  des  pèlerinages  ( ziârah ) vers 
les  tombeaux  vénérés,  situés  en  Hadhramout  même.  Outre  celui  du 
prophète  Houd,  dont  il  a été  question  plus  haut  (2),  il  faut  mentionner 

(* *)  Secte  hérétique  existant  encore,  à ce  qu'il  paraît,  au  Yémen. 

(*)  V.  p.  U. 


8o 


comme  tombeaux  jouissant  d’une  grande  vénération:  celui  du  prophète 
Çàlih,  dans  la  vallée  de  Sarr;  celui  de  la  souche  des  Sayyid  du 
Hadhramout,  Alunad  hin  ’lsâ,  surnommé  al-Mohâdjir  (*),  et  celui 
d’un  certain  Sayyid  Alunad  hin  Mohammad  al-Habchi,  l’un  et  autre 
à Clia’h  Alunad;  celui  de  la  souche  de  la  tribu  de  ’Amoud,  Ahmad 
bin  ’lsà,  surnommé  ’Amoud  ad-din  (2)  à Qaidoun  ; celui  du  saint 
’Aidîd  près  de  la  ville  du  même  nom;  celui  du  saint  Bâdjalhabân 
près  de  Thibbî;  celui  du  saint  al-’Aidrous  à ach-Chibr,  etc.  Toutefois, 
aucun  de  ces  tombeaux  n’a  la  même  importance  que  Qabr  Houd. 

On  n’a  pas  de  derviches  en  Hadhramout.  En  outre,  les  excentricités 
en  matière  de  religion,  connues  sous  le  nom  de  tariqah  et  formant 
l’occupation  spéciale  des  différents  ordres  de  derviches,  n’y  ont  jamais 
pu  prendre  pied.  L’Islamisme  y a un  caractère  trop  mâle,  ou  à vrai 
dire  trop  arabe  (3),  pour  admettre  des  déviations  de  cette  nature, 
dues  au  mysticisme  maladif  de  Persans  et  de  Turcs.  Les  Sayyid  avec 
qui  j’ai  abordé  ce  chapitre,  ne  cachaient  pas  leurs  mépris  pour  les 
chefs  actuels  des  derviches  hurleurs  et  danseurs , qu’on  voit  à 
Constantinople,  au  Caire  et  à la  Mecque.  Ils  les  traitaient  d’imposteurs 
qui  enseignent  des  cérémonies,  peut-être  louables  à l’origine,  mais 

ayant,  de  nos  jours,  perdu  toute  raison  d’être.  Eu  égard  à la 

popularité  du  mysticisme  mahométan  parmi  les  indigènes  dans 

l’Archipel  indien,  je  l’ai  cru  d’une  haute  importance  de  faire  ressortir 
l’aversion  qu’il  inspire  aux  Arabes  du  Hadhramout.  Toutefois  ceci 
n’empêche  pas  qu’on  ne  soit  assez  superstitieux  en  Hadhramout. 

On  y croit  généralement  aux  forces  occultes,  aux  amulettes  ( ’azimah ), 
à la  sorcellerie  ( sihr ),  etc. 


(*)  V.  p.  50. 

H V.  p.  4t. 

(’)  Comparez  les  observations  judicieuses  sur  le  caractère  arabe,  dans  l' Histoire  des 
Musulmans  d'Espagne  de  Dozy,  Tome  I,  p.  12  et  s. 


86 


§ 7. 

SCIENCES  ET  ARTS. 

Parmi  les  Bédouins  relativement  peu  de  personnes  savent  lire  ou 
écrire.  Parmi  les  autres  membres  des  tribus,  la  majorité  a appris 
l’un  et  l’autre  ; tandis  que  parmi  les  Sayyid  et  les  bourgeois  aisés 
c’est  une  exception  de  rencontrer  un  illettré.  Quant  aux  éléments  de 
l’arithmétique,  on  les  apprend  à peu  près  exclusivement  par  la 
pratique;  mais  pour  la  lecture  et  l’écriture  il  y a un  grand  nombre 
d’écoles  primaires  ( ’ulmah  plur.  ’olam ),  où  l’on  peut  voir  affluer 
chaque  matin  les  enfants  du  voisinage,  leur  planche  à écrire  ( lauh ), 
enduite  de  chaux,  sous  le  bras.  Le  livre  de  lecture,  même  pour  les 
moins  avancés,  c’est  toujours  le  Coran;  mais  il  faut  ajouter  que  les 
enfants  fréquentant  l’école  ont  ordinairement  déjà  appris  l’alphabet 
de  leurs  parents. 

Ceci  pour  les  hommes;  quant  aux  temmes,  on  peut  dire  que  la 
majorité  en  est  illettrée,  même  parmi  les  filles  de  Sayyid.  Bien 
qu’il  y ait  des  écoles  spéciales  pour  les  filles,  elles  n’apprennent  en 
général  que  la  récitation,  par  coeur,  des  formules  de  la  prière  et 
les  autres  pratiques  de  la  religion.  Cependant,  il  y a plusieurs 
exceptions,  et  l’on  m’a  assuré,  entre  autres,  qu’à  Saioun  se  trouve 
même  actuellement  une  femme  très-savante. 

De  l’école  primaire  (’ulmah),  on  passe  à l’école  secondaire  (madras). 
On  y apprend  la  grammaire  arabe  et  les  éléments  du  droit  et  de  la 
théologie.  Pour  la  grammaire,  on  se  sert  des  livres  bien  connus 
intitulés  Alfîah  et  Adjroumîah;  les  élèves  les  plus  avancés  procèdent, 
en  outre,  aux  commentaires  sur  le  dernier  ouvrage,  portant  les  titres 
d’al-Motammimah,  d’al-Fawàkih  al-Djanniah  et  de  Cbarkh  al-Kafrâwî, 
commentaires  également  bien  connus  des  arabisants.  Il  sera  donc 
suffisant  d’en  mentionner  les  seuls  titres.  Il  n’en  est  pas  de  même 


87 


des  livres  de  théologie  et  de  droit,  lesquels,  quoique  très-répandus 
dans  l’Archipel  indien,  n’ont  pas  encore,  que  je  sache,  attiré  l’attention 
de  beaucoup  de  savants  en  Europe. 

Ces  livres  sont: 

1°.  ar-Risàlah  par  Ahmad  bin  Zaiu  al-Habchi  ( *).  Ce  livre  a été  publié 
à Batavia  en  1875,  au  moyen  de  la  lithographie,  avec  une  traduction 
interlinéaire  en  malais.  11  ne  contient  que  24  pages,  et  traite 
successivement  de  la  connaissance  de  Dieu,  de  la  pureté  légale,  de  la 
prière,  du  jeûne,  des  prélèvements  (2>,  du  pèlerinage  et  de  la  morale. 
2°.  Safînat  an-Nadjâh  par  Sâlim  bin  ’Abd  Allah  bin  Somair,  savant 
dont  je  parlerai  encore  dans  le  cours  de  cet  ouvrage  (3).  C’est 
un  livre  un  peu  plus  volumineux  que  l’ouvrage  précédent.  Il 
contient  les  prescriptions  légales  relatives  à la  pureté  légale,  à 
la  prière,  aux  prélèvements,  au  jeune  et  au  pèlerinage. 

5°.  as-Zobad  par  Ahmad  bin  Ruslân  (4).  C’est  un  poème  didactique 
d’environ  1100  versets  sur  différents  points  de  droit,  de  théologie 
et  de  morale. 

4°.  Mukhtaçar  Bàfadhl,  appelé  aussi  al-Mukhtaçar  al-Ivabir,  par  ’Abd 
Allah  bin  ’Abd  ar-Rahmàn  Bàfadhl  (5).  Le  contenu  en  est  comme 
celui  du  N°.  2. 


(*)  Les  premiers  mots  du  livre,  après  le  Bismillàh,  sont  : LsJ  I ali 

(*)  Ordinairement,  dans  les  livres  arabes  de  cette  nature,  les  prélèvements  précèdent  le 
jeune;  mais  ici  l’ordre  est  renversé. 

(3)  V.  Deuxième  Partie,  Chapitre  IV.  Les  premiers  mots  de  la  Safinah  sont:  aii) 

(‘)  Les  premiers  mots  du  livre,  après  le  Bismillàh,  sont:  ddüJ 

JHsJ) 

(s)  Les  premiers  mots  du  livre,  après  le  Bismillàh,  sont:  1 ail  X^sJ! 

çll  Du  m®me  auteur  il  existe  encore  un  livre,  intitulé 

al-Mukhtaçar  al-Latif,  traitant  des  ventes  et  des  achats,  mais  peu  usité.  Les  deux  ouvrages 
de  Bâfahdl  ont  été  imprimés  au  Caire  et  commentariés  par  plusieurs  savants. 


88 


Le  madras  ne  forme  qu’un  cours  introductif;  mais  la  plupart  des 
élèves  ne  vont  pas  plus  loin.  Ceux,  toutefois,  qui  se  sentent  de 
la  vocation  pour  la  science,  vont  suivre  les  cours  des  savants 
renommés  établis  dans  les  principales  localités.  Ces  cours  constituent, 
en  Hadhramout,  l’enseignement  supérieur.  Les  savants  expliquent  les 
ouvrages  les  plus  célèbres  de  grammaire,  de  droit  et  de  théologie. 
Pour  la  grammaire,  ce  sont  les  commentaires  nombreux  et  volumineux 
sur  l’Alfîah  et  l’Adjroumîah  ; pour  ce  qui  regarde  le  droit,  ce  sont 
le  Minhâdj  at-Talibîn  d’an-Nawawî  et  le  Taqrîb  ou  Fatb  al-Qarîb 
d’al-Ghazzî,  avec  leurs  commentaires,  et  enfin  quant  à la  théologie, 
ce  sont  les  commentaires  sur  le  Coran  d’al-Baghawî  et  des  deux 
Djalâl  ad-Dîn,  le  recueil  de  traditions  d’al-Bokhârî,  l’Ihyâ  ’Oloum 
ad-din  d’al-Ghazzâli  et  le  ’Umdat  al-’Aqâïd  d’an-Nasafî,  tous  avec  leurs 
commentaires. 

Le  centre  de  l’instruction  supérieure,  c’était  anciennement  Terim; 

mais  de  nos  jours,  Saioun  l’a  dépassé.  Ce  qu’on  pourrait  nommer 

l’académie  de  Saioun,  est  une  annexe  de  la  grande  mosquée.  L’édifice 

* 

porte  le  nom  de  Robât , et  contient  non-seulement  les  salles  de 
conférence  pour  les  professeurs,  mais,  en  outre,  les  étudiants  sans 
ressources  y trouvent  logement.  Il  y en  a une  centaine  de  ces 
derniers;  taudis  que  plus  de  300  étudiants  demeurent  en  ville.  On  y 
afflue  de  l’Arabie  entière,  voire  même  de  la  Mecque  et  de  Médine. 
La  fondation,  assez  riche,  au  moins  pour  le  Hadhramout,  reçoit  des 
subventions  considérables  de  l’Archipel  indien.  Le  nombre  des  personnes 
reconnues  pour  savants,  s’élève  à Saioun  à plus  de  100,  pour  la 
plupart  des  Sai/yid.  Les  savants  pauvres  vivent  de  la  fondation  où 
ils  sont  attachés,  ou  bien  des  cadeaux  que  leur  font  leurs  disciples 
reconnaissants.  Aucun  savant  arabe  toutefois,  quelque  pauvre  qu’il 
soit,  ne  fixera  de  somme  que  ses  disciples  doivent  payer  d’avance, 
à titre  d’inscription. 


89 


On  commence  ordinairement  sa  carrière  scientifique  par  être  répétiteur 
auprès  d’un  savant  en  renom.  11  faut  alors  assister  aux  conférences 
de  celui-ci  et  expliquer,  le  soir,  aux  étudiants  d’intelligence  bornée 
les  paroles  de  sagesse  recueillies,  le  matin,  de  la  bouche  du  maître. 
Une  telle  répétition  s’appelle  motâla’ah.  Ce  n’est  qu’après  un  stage 
de  plusieurs  années,  qu’un  répétiteur  ose  se  présenter  au  public 
comme  professeur.  Nous  avons  déjà  vu  plus  haut  (*)  que  les  savants 
reconnus  portent  tous,  en  Hadhramout,  le  litre  de  Chaikh. 

La  grammaire,  le  droit  et  la  théologie  sont  les  seules  branches  de 
la  connaissance  humaine  cultivées  sérieusement  en  Hadhramout.  Il 
est  vrai  que  cette  culture  est  très-intense.  Dans  les  villes,  tout  individu 
qui  se  respecte,  est  tant  soit  peu  théologien  ou  juriste,  ce  qui  fait  que 
les  controverses  y sont  à l’ordre  du  jour.  Par  contre,  les  sciences  où  le 
génie  arabe  a brillé  au  moyen-âge,  la  géographie,  l’astronomie,  les 
mathématiques  et  la  médecine,  sont  toutes  négligées  au  plus  haut 
point.  Il  est  vrai  que,  pour  ce  qui  regarde  l’astronomie,  plusieurs 
personnes  l’étudient  encore  d’après  les  livres  arabes  existants,  et 
que  les  habitants  de  la  campagne  ont,  en  général,  quelques  notions 
d’astronomie  pratique,  par  tradition  et  par  suite  de  leur  genre  de 
vie;  mais  personne  n’y  pense  à faire  de  l’astronomie  le  but  de  sa  vie, 
ni  ne  cherche  à enrichir  cette  science  par  de  nouvelles  découvertes. 

Il  en  résulte  qu’en  parlant  astronomie  ou  cosmographie  avec  des 
Arabes  du  Hadhramout,  on  se  trouve  replacé  en  plein  moyen-âge.  La 
terre  reste  pour  eux  au  point  central  de  l’univers;  le  soleil,  la  lune 
et  les  cinq  planètes  ont  chacun  leur  sphère,  etc.  Inutile  de  vouloir 
les  instruire  sur  ce  sujet;  tout  en  appréciant  les  progrès  intellectuels 
et  matériels  des  Européens,  ils  ont  l’idée  fixe  que,  pour  ce  qui  regarde 
le  ciel,  ils  sont  mieux  renseignés  que  nous. 


H v.  p.  40. 


90 


/ 


Des  médecins  ( tabïb ) de  profession,  il  n’v  en  a point,  et  la 
science  même  est  descendue  au  niveau  d’un  empirisme  de  bas  étage. 
S’il  s’agit  d’une  maladie  résistant  aux  drogues  et  aux  décoctions 
ordinaires  (*),  on  a recours  à une  panacée  étrange,  c’est-à-dire  qu’on 
touche  le  corps  du  patient,  à l’aide  d’un  fer  rouge  (kayyah),  à 
l’endroit  où  l'on  suppose  que  la  maladie  réside.  Au  cas  que  l’on  ignore 
absolument  le  siège  de  celle-ci,  on  applique  le  fer  rouge  à différents 
endroits,  spécialement  au  crâne  et  aux  principales  articulations.  On 
prétend  que  le  procédé  en  question  produit  souvent  des  guérisons 
vraiment  surprenantes.  L’application  de  ventouses  ( mihdjim ) est  aussi 
d’un  usage  fréquent. 

On  a relativement  peu  de  maladies  en  Hadhramout,  ce  qui,  au 
reste,  est  fort  naturel,  vu  la  vie  simple  et  régulière,  l’atmosphère 
pure  et  sèche  des  montagnes  et  l’abstention  totale  de  porc,  de 
spiritueux,  d’opium,  etc.  Le  choléra  y est  inconnu,  et  il  en  est  de 
même  des  fièvres  paludéennes.  La  petite  vérole  ( qaûb ),  bien  que 
visitant  quelquefois  le  pays,  ne  devient  jamais  épidémique.  La  phtisie 
(sill)  seule  parait  faire  beaucoup  de  ravages,  ce  qui  n’est  nullement 
étonnant  vu  la  nature  du  climat.  Des  cas  de  lèpre  ( djidsâm ) m’ont 
été  rapportés,  surtout  de  la  vallée  de  Dou’an.  Le  lépreux  est 

rigoureusement  exclu  de  la  société.  On  construit  pour  lui  une  petite 

cabane,  de  préférence  sur  la  pointe  proéminente  d’un  rocher,  loin 
des  habitations;  on  lui  tend,  chaque  jour,  les  aliments  et  l’eau 

nécessaires  sur  une  très-longue  perche,  l’abandonnant,  au  reste,  à 
son  sort.  On  craint  la  contagion,  et  l’on  sait  que  la  maladie  est 

incurable.  En  cas  de  blessure  on  étanche  le  sang  autant  que  possible; 
en  cas  de  fracture  on  applique  des  éclisses  ( djabirah ).  L’emploi  de 
lunettes  ( mirâyah ),  pour  conserver  ou  corriger  la  vue,  parait  s’introduire 


(*)  Médicament,  en  général,  se  dit  doua. 


91 


de  plus  eu  plus  dans  les  dernières  années,  au  moins  parmi  les  Sayyid 
et  les  bourgeois. 

Les  belles-lettres  aussi  sont  fort  négligées.  Les  Maqâmât  d’al-Harîrî, 
les  Mille  et  une  Nuits,  quelques  recueils  de  légendes  relatives  aux 
prophètes  avant  Mahomet,  l’histoire  des  héros  du  premier  temps  de 
l’Islamisme,  l’anthologie  d’al-Abchihi,  appelée  al-Mustatraf,  et  les  vers 
de  Motanahbi  forment,  à peu  près,  la  seule  nourriture  littéraire  de 
l’esprit.  Encore,  les  gens  sérieux  voient-ils  d’un  mauvais  oeil  la 
lecture  de  ces  oeuvres  censées  frivoles.  Parmi  les  tribus  et  surtout 
parmi  les  Bédouins,  on  lait  beaucoup  de  cas  de  l’improvisation; 
mais  les  vers,  jamais  rédigés  par  écrit,  sont  bien  vite  oubliés. 
Le  sujet  en  est  du  reste  excessivement  monotone:  éloges  sur  leurs 
amis,  leurs  femmes  ou  leurs  fiancées,  ou  satires  sur  leurs  ennemis 
publics  ou  privés.  La  poésie  urbaine  est  exclusivement  didactique  et 
11e  consiste,  proprement  dit,  qu’en  Dîwân  ou  traités  rimés  sur  des 
matières  de  grammaire,  de  théologie  ou  de  droit. 

Lés  arts  plastiques  ne  sont  pas  cultivés  du  tout.  L’Islamisme  les 
proscrit  formellement,  à l’exception  de  l’architecture.  Comme  instruments 
de  musique  licites,  on  a la  flûte  ( mizmâr ) pour  les  militaires  f1),  et  le 
tambour  de  basque  (târ)  pour  accompagner  les  litanies  en  l’honneur 
de  la  naissance  de  Mahomet.  Ces  litanies,  appelées  dsikr  mawloud,  11e 
se  chantent  pas  exclusivement  à la  fête  de  la  naissance  du  Prophète, 
mais  encore  dans  toutes  les  occasions  solennelles. 

La  danse  (zaf'îri)  est  regardée  comme  permise;  mais  les  hommes 
sérieux,  au  moins  parmi  les  Sayyid  et  les  bourgeois,  ont  l’habitude  de 
s’en  abstenir  (2).  L’orchestre  est  composé  d’une  guitare  ( qanbous ) (3) 


(')  C’est  à dire  les  esclaves  composant  les  petites  armées  régulières  (V.  plus  haut  p.  46). 

(2)  Ceci  ne  regarde  nullemen'  leurs  femmes,  ni  leurs  filles. 

(3)  Le  qanbous  s'appelle  en  Egypte  et  à la  Mecque  ’oud.  En  Hadhramout  c'est  un 
instrument  spécialement  en  usage  parmi  les  tribus.  Parmi  les  Sayyid,  et  les  bourgeois 
l'instrument  passe  pour  peu  convenable, 


92 


ou  d’un  tambour  oblong  ( hâdjir ) en  bois  et  de  quatre  petits  tambours 
(, marwâs ).  Les  derniers  se  tiennent  dans  la  main  gauche,  et  on  les 
bat  de  la  main  droite;  au  lieu  que  le  hâdjir  ou  tambour  oblong  est 
placé  par  terre  devant  le  musicien,  qui  le  bat  des  deux  mains,  chacune 
d’un  côté  différent.  La  danse  s’exécute  par  deux  personnes;  elle  a 
beaucoup  de  ressemblance  à la  polka;  seulement  on  ne  se  prend 
pas  par  le  corps,  ni  ne  tourne  à deux;  chacun  danse  pour  soi.  En 
tournant,  les  deux  danseurs  s’approchent  et  s’éloignent  alternativement 
de  l’orchestre,  tout  en  restant  à la  même  distance  l’un  de  l’autre. 
Lorsque  les  deux  premiers  danseurs  en  ont  assez , deux  autres 
viennent  les  remplacer,  et  ainsi  de  suite.  Les  hommes  et  les  femmes 
ne  dansent  jamais  de  compagnie.  Parmi  les  Bédouins,  il  existe  encore 
un  autre  genre  de  danse.  Cette  danse  s’appelle  raqç\  elle  est  exécutée 
par  des  hommes  et  des  femmes,  placés  dans  un  cercle,  et  la  mesure 
en  est  indiquée  par  des  battements  de  mains.  Bien  que  cette  danse 
soit  regardée  comme  une  récréation  très-impie,  les  Bédouins  ne  l’en 
aiment  pas  moins.  Je  ne  l’ai  jamais  vu  exécuter;  mais  plusieurs  fois 
j’ai  été  témoin  de  la  danse  décrite  en  premier  lieu.  Elle  excitait 
fortement  les  danseurs , surtout  les  membres  de  tribu , lesquels 
reprirent,  pendant  la  fête,  leur  allure  primitive  de  brigands.  Il  y 
avait  parmi  eux  des  gens,  qui,  en  dansant,  commençaient  à faire  des 
cabrioles  assez  étranges.  Il  semble  que  le  râdi  ou  plaid  (*)  soit  de 
rigueur  à la  danse;  du  moins  tous  les  danseurs  mettaient  leur 
mouchoir  sur  l’épaule  gauche,  et  l’on  me  disait  qu’il  devait  représenter 
cette  pièce  d’habillement.  Des  femmes,  je  n’en  ai  jamais  vues  danser, 
parce  que,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  il  n’y  a pas  des  femmes 
arabes  dans  l’Archipel  indien,  et  que  les  femmes  et  les  fdles  des 
Arabes  établis  dans  ce  pays,  ne  savent  que  les  danses  indigènes.  Les 


(*)  V.  plus  bas  § 10. 


95 


gens  de  l’orchestre  accompagnaient  leur  musique  d’un  chant  assez 
monotone.  Ce  sont  des  pièces  de  poésie  érotique  et,  à ma  grande 
surprise,  en  partie  même  des  vers  d’une  tendance  édifiante.  Je  n’ai 
jamais  pu  m’en  procurer  une  copie  assez  exacte  pour  me  permettre 
d’en  publier  quelques  échantillons.  Les  aimées,  si  connues  dans  les 
autres  pays  orientaux,  n’existent  pas  en  Hadhramout  (*). 

§ 8. 

LES  SAYYID. 

Dans  le  cours  de  cet  ouvrage,  j’ai  déjà  plusieurs  fois  parlé  des 
Sayyid.  Je  tiens  à ajouter  encore  quelques  mots  sur  cette  classe 
particulière  des  habitants  du  Hadhramout,  surtout  concernant  leur 
position  sociale.  Nous  avons  vu  qu’ils  ne  s’occupent  ni  de  commerce, 
ni  d’industrie  et  que,  la  famille  du  Chaikh  Abou  Bakr  exceptée,  ils 
ne  portent  pas  d’armes.  Ils  ne  cultivent  pas  non  plus  leurs  terres  en 
personne,  quoique  la  surveillance  des  laboureurs  ne  soit  pas  au-dessous 
de  leur  dignité,  comme  le  serait  celle  d’un  établissement  de  commerce 
ou  d’industrie.  Leur  influence,  pour  être  purement  morale,  n’en  est 
pas  mftins  très-grande,  même  sur  les  tribus,  où  l’on  fait  peu  de  cas 
de  la  religion. 

Les  Sayyid  sont  en  Hadhramout,  pour  ainsi  dire,  les  représentants 
de  la  religion  et  du  droit.  Ils  dominent  l’opinion  publique  à cet  égard, 
et  on  leur  témoigne  un  respect  frisant  la  vénération.  Un  Sayyid, 
entrant  quelque  part  où  il  y a du  monde,  se  met,  de  plein  droit,  à 
la  place  d’honneur.  Toutes  les  personnes  présentes  se  lèvent  pour  lui 
baiser  la  main,  même  celles  qui  lui  sont  supérieures  par  l’âge  ou 
l’érudition.  Pour  leurs  filles,  tout  mariage  avec  un  individu  d’une 


(')  Quant  au  jeu,  on  ne  connaît  que  trois  espèces  de  jeux  de  dames,  appelés  respectivement 
thabat,  libân  et  akl  biakl.  Le  jeu  d’échecs  n'est  pas  en  usage  ; il  en  est  de  même  de  tous 
les  jeux  de  hasard. 


94 


autre  extraction  est  qualifié  de  mésalliance  par  la  loi,  et  quoique  la 
loi  elle-même  n’aille  pas  si  loin,  les  moeurs,  en  Hadhramout,  opposent 
contre  des  mésalliances  de  cette  nature  une  barrière  infranchissable. 
Le  plus  puissant  chef  de  tribu  n’obtiendrait  pas  pour  femme  la  fille 
du  dernier  des  Sayyid  (1). 

Plusieurs  Sayyid  sont  considérés  comme  des  saints  ( walî ),  même 
pendant  leur  vie;  d’autres  ont  la  réputation  d’appartenir  à la  catégorie 
des  illuminés  ( ahl  al-kèehf).  Cette  dernière  qualité  se  manifeste  par 
la  faculté  de  deviner  les  pensées  d’autrui  et  ce  qui  est  arrivé  hors 
de  sa  présence.  Le  plus  grand  illuminé  du  Hadhramout  est  actuellement 
un  certain  Sayyid  Mufisin  bin  Sâlim  bin  ach-Chaikh  Abou  Bakr, 
résidant  à ’înât.  On  prétend  que  ses  prières  sont  toujours  exaucées 
et  nombre  d’Arabes,  même  dans  l’Archipel  indien,  lui  font  des 
cadeaux,  dans  l’espoir  d’ohtenir,  de  la  sorte,  la  bénédiction  divine 
sur  leurs  entreprises. 

Eu  général  les  Sayyid  et  leurs  familles  se  distinguent  par  l’observation 
rigoureuse  des  devoirs  de  la  religion  et  appartiennent,  plus  ou  moins, 
à la  classe  lettrée.  La  plupart  des  membres  de  la  famille  du  Chaikh 
Abou  Bakr  cependant  font  prévaloir  les  intérêts  terrestres  sur  ceux 
du  ciel.  On  dit  que  cette  famille  a adopté  trop  facilement  le  genre 
de  vie  des  tribus,  et  qu’elle  est  sur  la  pente  de  s’assimiler  à son 
entourage.  Cette  famille  n’en  compte  pas  moins  plusieurs  illuminés. 
La  famille  d’al-’Aidrous  est  spécialement  riche  en  personnes  réputées 
saintes  et  ayant  fait  des  miracles,  soit  pendant  leur  vie,  soit  après 
leur  mort.  Le  saint  al-’Aidrous,  enterré  à ach-Cbibr  (2),  aurait 
fait  jaillir,  .d’un  coup  de  sa  lance,  une  source  près  du  mont 
al-’Archah.  On  trouve  des  saints  de  la  même  famille  enterrés  dans 


(*)  On  sait  que  selon  la  loi  musulmane  l'homme  ne  peut  faire  une  mésalliance;  par 
conséquent  un  Sayyid  peut  épouser  toute  femme  qu’il  désire. 

(*)  V.  plus  haut  p.  85. 


95 


plusieurs  autres  localités,  dont  je  ne  mentionne  que  ’Aden  et 
Batavia,  comme  les  tombeaux  les  plus  en  renom  pour  y faire 
des  voeux.  Je  parlerai  plus  loin  du  saint  al-’Aidrous,  enterré  à 
Batavia  (*). 

D’autres  familles  de  Sayyid  ont  fourni-  un  grand  nombre  de  savants 
éminents.  Ainsi,  le  savant  actuellement  le  plus  en  renom  de  Terîm 
est  de  la  famille  d’al-Machhour.  A Saioun,  il  y a plusieurs  illustres 
savants  appartenant  à la  lamille  d’as-Saqqâf,  et  le  Mufti  précédent 
du  rite  de  ChAfi’i  à la  Mecque  était  un  al-Habchî.  Son  fils  (2)  aurait 
pu  lui  succéder,  s’il  n’avait  pas  préféré  rester  en  Hadhramout 
comme  chef  de  l’académie  de  Saioun.  Il  estimait  que  la  pureté  de 
l’Islamisme  laissait  beaucoup  moins  à désirer  dans  sa  patrie  que 
dans  la  ville  sainte. 

Les  Sayyid  du  Hadhramout  considèrent  leur  noblesse  comme  mieux 
constatée  que  celle  de  tous  les  autres  descendants  de  la  fille  du 
Prophète.  D’après  eux,  même  la  liguée  des  Charîf  de  la  Mecque  ne 
serait  pas  indiscutable.  L’examen  critique  de  cette  prétention  nous 
mènerait  trop  loin  et  serait  probablement  impossible.  Ce  qui  est 
certain  toutefois,  c’est  qu’on  a pu  me  citer,  dans  l’Archipel  indien, 
plusieurs  exemples  de  Charîf  ou  de  Sayyid  venus  d’autre  part,  qui 
auraient  fait  de  vains  elforts  pour  obtenir  la  main  de  la  fille  d’un 
Sayyid  venu  du  Hadhramout,  ou  ce  qui  est  plus  fort  encore,  de 
la  fille  d’un  métis  appartenant  à une  des  familles  des  Sayyid  du 
Hadhramout.  C’est  donc  une  prétention  réellement  existante,  lors 
même  qu’elle  ne  serait  pas  soutenable  devant  l’histoire. 

Quoique  l’influence  des  Sayyid  en  Hadhramout,'  prise  en  son  entier, 
forme  un  élément  favorable  à la  culture  de  l’esprit  et  au  maintien 


(*)  Deuxième  Partie,  Chapitre  IV. 

(l)  Sayyid  'Ali  bin  Mohammad  al-Habchi.  On  m'a  dit  qu'un  Diwân  de  sa  main  a été- 
impritaë  à Singapour,  mais  je  n’en  ai  jamais  vu  un  exemplaire. 


96 


du  droit,  elle  a aussi  son  mauvais  côté.  Pour  ne  pas  parler  de 
l’orgueil  et  de  l’infatuation  insupportables,  qui  sont  le  partage  de 
ceux  qui  se  voient,  dès  leur  première  enfance,  entourés  d’un  respect 
superstitieux,  on  peut  faire,  à ce  sujet,  des  observations  d’un  intérêt 
plus  général.  Les  Sayyid  en  Hadhramout  forment  un  élément  conservateur 
à outrance.  Ils  s’opposent  à toute  innovation,  qu’elle  soit  matérielle  ou 
intellectuelle,  et  spécialement  ce  qui  vient  d’Europe  leur  est  suspect 
au  plus  haut  degré.  Je  sais,  entre  autres,  qu’uu  Arabe  distingué  de 
Batavia,  étant  en  Hadhramout,  sollicitait  le  Sultan  de  Saioun  de 
créer  une  école  pour  les  sciences  mathématiques  et  physiques,  et 
que  la  crainte  de  l’opposition  des  Sayyid  a fait  abandonner  ce  projet. 

§ 9. 

POSITION  SOCIALE  DES  FEMMES. 

Un  sujet  intimement  lié  au  degré  de  civilisation  d’un  pays,  c’est 
la  position  qu’y  occupent  les  femmes  ( hurmah  plur.  harim).  Il  paraît 
qu’en  Hadhramout  les  femmes  ont  un  sort  beaucoup  supérieur  à 
celui  qui  leur  est  réservé  dans  la  plupart  des  autres  pays  musulmans. 
En  premier  lieu,  les  répudiations  (talâq)  sont  très-rares,  et  l’on  n’y 
a jamais  recours,  à moins  d’une  raison  valable.  Celui  qui  ferait  usage 
de  son  droit  de  répudier  sa  femme  sans  raison  valable,  s’attirerait 
le  mépris  du  public,  et  ne  trouverait  certainement  plus  d’autre  épouse 
appartenant  à la  même  classe  sociale  que  lui.  En  second  lieu,  la 
polygamie  ne  semble  pas  avoir  pris  racine  dans  les  moeurs;  par 
conséquent  on  n’y  a pas  de  harems  comme  dans  les  Echelles  du  Levant, 
avec  les  eunuques  et  tous  les  autres  accessoires.  La  femme  demeure 
dans  la  même  partie  de  la  maison  que  le  mari  ; seulement  elle  reste 
dans  sa  chambre  en  cas  de  visite  d’étrangers. 

Supposé  que  le  mari  usât  de  son  droit  de  prendre  une  seconde 
épouse,  la  première  quitterait  la  maison  conjugale  à l’instant  même 


97 


el  se  réfugierait  auprès  de  ses  parents.  De  celle  façon,  elle  forcerait 
son  mari  à la  répudier.  Parmi  les  Bédouins  la  polygamie  est 
absolument  hors  d’usage.  Enfin,  nous  avons  déjà  vu  que  le  concubinage 
avec  des  esclaves  se  présente  rarement.  Il  n’y  a qu’une  seule  catégorie 
d’individus  chez  qui  la  polygamie  est  ci  l’ordre  du  jour:  ce  sont 
les  hommes  mariés  qui  quittent  le  Hadhramout  pour  aller  chercher 
fortune  à l’étranger.  Les  femmes  refusent  constamment  de  suivre 
leurs  maris  hors  de  leur  pays,  et  quoique  ce  refus  soit,  d’après  la 
loi,  une  cause  de  dissolution  du  mariage,  ceux-ci  n’en  continuent  pas 
moins  à entretenir  leur  femme  restée  en  Hadhramout.  Seulement, 
ils  en  prennent  une  autre  dans  leur  nouveau  domicile.  Le  n’est  que 
quand  ils  sont  établis  définitivement  à l’étranger,  qu’ils  se  dégagent 
ordinairement  des  liens  de  leur  premier  mariage.  Si,  toutefois,  il  y 
a des  enfants  issus  du  premier  mariage,  on  répugne  à la  dissolution, 
à moins  de  refus  de  la  part  de  la  femme  de  rester  l’épouse  d’un 
mari  absent. 

Quoique,  dans  les  quinze  dernières  années,  les  moyens  de  communication, 
entre  l’Archipel  indien  el  le  Hadhramout,  soient  devenus  de  plus  en 
plus  faciles  el  à bon  marché,  l’aversion  des  femmes  de  ce  pays  pour 
suivre  leurs  maris,  n’en  diminue  pas  pour  cela.  Je  crois  que  c’est 
quelque  chose  dans  les  moeurs.  Cette  aversion  va  même  si  loin  qu’une 

fille,  née  dans  l’Archipel  indien  d’un  père  arabe  et  d’une  mère  indigène 

• 

ou  métisse,  ne  soi  t plus  du  Hadhramout  après  y avoir  été  amenée. 

Le  don  nuptial  ( mahr ) a pris,  en  Hadhramout,  un  caractère 
particulier.  D’après  la  position  sociale  de  la  famille  de  la  fiancée,  le 
montant  en  a été  tarifié  par  la  coutume  entre  20  fl.  et  2.50  fl. 
A côté  du  don  nuptial,  prescrit  par  la  loi,  il  y a le  cadeau  de 
noces  ( cljahâz ),  dont  le  montant  varie  selon  les  qualités  personnelles 
de  la  fiancée,  et  constitue  une  donation  irrévocable  et  sans  réserve. 
Ceci,  comme  on  sait,  n’est  point  le  cas  du  don  nuptial. 


7 


98 


§ 10. 

COSTUME. 

En  Hadhramout  les  pauvres  s’habillent  comme  les  riches,  les  chefs 
comme  leurs  sujets.  Les  armes  ou  les  parures  précieuses,  la  valeur 
des  étoffes  et  leur  degré  de  détérioration  sont  les  seuls  indices  de  la 
position  sociale.  Dans  le  costume  des  hommes  cependant,  il  y a une 
grande  différence  entre  les  Sayyid  et  les  bourgeois  d’un  côté,  et  les 
tribus  de  l’autre.  Les  Sayyid  seuls  de  la  famille  du  Chai/, h Ahou 
Bakr  (*)  s’habillent  comme  les  tribus. 

Les  Sayyid  et  les  bourgeois  portent  une  espèce  de  pagne  ( foulah ), 
descendant  jusqu’aux  chevilles  des  pieds  et  attaché  au  milieu  du 
corps  par  une  ceinture  en  cuir  (sablait).  Là-dessus  on  porte  une 
redingote  (djubbah),  également  descendant  jusqu’aux  chevilles  des 
pieds  et  fermée,  de  haut  en  bas,  par  trois  boutons  ( qals ). 

La  tête  est  rasée  et  couverte  d’un  turban,  consistant  dans  un 
morceau  d’étoffe  (’amâmah)  roulé  autour  d’un  bonnet  (kouflah)  raide. 
Sous  le  bonnet  raide  faisant  partie  du  turban,  on  porte  ordinairement 
encore  un  léger  bonnet  ( koufîah ) de  coton.  En  négligé,  ou  quand 
ou  est  occupé  de  quelque  travail  manuel,  on  ne  porte  que  ce 
dernier  couvre-chef,  et  c’est  une  nonchalance  extrême  d’avoir  la 
tête  nue.  Les  gens  les  plus  pauvres  même  portent  toujours  la 
kouflah,  quand  ils  ne  sont  pas  chez  eux.  Quelquefois  l’un  des 
bouts  du  turban  descend  sur  l’omoplate.  Aux  pieds  on  porte  des 
sandales  ( na’âl ) à semelles  minces,  mais  non  des  lias,  et  quand  on 
sort,  on  a toujours  sur  l’épaule  une  espèce  de  plaid  (râdï),  long 
d’environ  deux  mètres  et  demi  et  large  d’environ  75  centimètres. 
Les  membres  de  tribu  portent  la  foulah  et  la  sabfah,  mais  non  la 


(')  V.  plus  haut  p.  94. 


99 


djubbah.  Ordinairement  toutefois  leur  foulah  ne  descend  pas  si  bas 
que  celle  des  Satyyid  et  des  bourgeois;  elle  se  porte  aussi  d’une 
autre  manière  et  est,  de  préférence,  d’une  étoffe  teinte  en  losanges 
(i chaidsar ).  La  djubbah  est  remplacée  chez  eux  par  une  jaquette 
( mafriah ) courte  ou  par  une  camisole  ( çodairîah ),  l’une  et  l’autre 
boutonnées.  La  sabtah  ne  se  porte  pas  sous  la  mafriah  ni  sous  la 
çodairiah,  mais  sur  l’une  ou  l’autre.  On  y attache  un  poignard 
( djèmbîah ) (*),  une  poudrière  ( ’iddah ),  un  sac  ( maqrabah ) contenant 
des  balles  ( riçâç ) et  un  sachet  ( ’mahfathah ) contenant  un  briquet 
avec  un  morceau  de  silex.  Sur  l’épaule  gauche,  les  membres  de 
tribu  portent  une  bandoulière  ( mandjèd ),  où  est  attachée  une  petite 
boite  (madskhar)  pour  la  poudre  fine  (2).  Sur  l’omoplate  gauche 
se  porte  un  sabre  droit  ( mèmchah ) (3),  et  sur  l’omoplate  droite, 

un  petit  bouclier  rond  ( dirqah ).  En  outre,  le  râdî  ou  plaid  ne 

manque  jamais. 

Quant  à la  coiffure,  les  membres  de  tribu  ne  portent  pas  de 
/coufîah  et  ne  se  rasent  pas  la  tête,  mais  la  couvrent  d’un  morceau 
d’étoffe  ( dismâl ) ayant  beaucoup  de  ressemblance  avec  le  turban  des 
bourgeois,  les  longs  cheveux  tombant  sur  le  dos.  Autour  du  dismâl 
on  noue  une  mèche  ( fatîlah ) de  réserve.  Une  autre  coiffure  en 

usage  chez  les  membres  de  tribu,  surtout  chez  les  chefs,  c’est  la 
çomâdah,  consistant  dans  un  morceau  d’étoffe  orné  de  frange  (dsi bal) 
et  roulé  autour  de  la  tête,  mais  d’une  autre  façon  que  le  dismâl ; 
les  bout  frangés  en  dépendent  sur  les  épaules  (4).  Une  paire  de 


(’)  La  djèmbîah  est  un  peu  courbée  et  à deux  tranchants.  La  lame  a une  longueur 
d'environ  20  centimètres  pt,  à la  poignée,  une  largeur  d'environ  5 centimètres. 

(J)  La  poudre  ordinaire  s’appelle  bâroud,  mais  la  poudre  fine  pour  l'amorce  a le  nom 
de  dsakhirah. 

(3)  Le  sabre  a une  longueur  d'environ  00  centimètres  sans  la  poignée.  Il  n'est  tranchant 
que  d'un  côté.  On  le  porte  dans  un  fourreau  de  cuir. 

p)  La  çomâdah  paraît  être  aussi  une  coiffure  des  Bédouins  du  Hidjâz  et  des  Charîf  à 
la  Mecque. 


100 


sandales  ( na’âl ) et  un  long  fusil  à mèche,  ou  bien  une  lance,  complètent 
le  costume,  qui  ne  manque  pas  de  pittoresque.  La  plupart  des  membres 
pauvres  des  tribus  mettent  rarement  leurs  sandales;  cependant  ils 
les  ont  toujours  sur  eux,  les  portant  liées  ensemble  et  attachées 
au  fusil  ou  à la  lance. 

Les  Bédouins  portent  le  même  costume  que  les  autres  membres 
de  tribu.  Seulement,  étant  plus  pauvres,  ils  ont  des  armes  et  autres 
pièces  d’équipement  moins  précieux  el  des  vêtements  d’étoffes  moins 
belles.  En  outre,  ils  ne  portent  que  par  grande  exception  la  çodaiiiah, 
la  mafrîah  el  des  sandales.  Leur  corps,  à partir  de  la  ceinture,  reste 
ordinairement  nu,  et  leur  fout  ah,  toujours  d’une  étoffe  noire,  ne 
descend  jamais  au-dessous  des  genoux. 

Pour  peu  qu’ils  jouissent  de  quelque  aisance,  les  hommes  de  toutes 
les  catégories  portent  un  anneau  ( khâtim ) d’argent,  orné  d’une  pierre 
de  cornaline  (’aqïq),  et  enfin  c’est  un  usage  général  de  se  raser  la 
moustache  ( chârib ). 

Le  costume  des  femmes  est  partout  à peu  près  le  même;  la  seule 
différence,  en  ceci,  entre  la  fille  du  dernier  îles  Bédouins  et  celle  du 
plus  opulent  des  Saijyid,  consiste  dans  le  prix  de  ses  habits  ou  dans 
ses  parures.  Les  femmes  portent  une  ample  robe  ( thauh ) à manches 
( liumm ),  larges  aux  épaules,  mais  rétrécies  aux  poignets.  Le  cou  de 
la  robe  est  coupé  en  carré.  Au  reste,  la  robe  n’a  pas  d’ouverture;  on 
la  met  en  y faisant  passer  la  tête.  Elle  descend  par  devant  jusque  un 
peu  au-dessus  des  chevilles  des  pieds;  mais  par  derrière,  elle  traîne 
un  peu  par  terre.  Une  ceinture  en  or  ou  en  argent  ( hizâm ),  ou  en 
étoffe  (’usrah),  sert  à ajuster  la  robe  au  milieu  du  corps.  Ordinairement, 
les  femmes  portent  encore  une  robe  de  dessous,  un  peu  jdus  courte 
que  celle  de  dessus  et  exactement  de  la  même  forme.  En  sortant, 
elles  mettent  un  pantalon  (, sirwâl ) très-ample,  se  rétrécissant  aux 
chevilles  des  pieds.  Cependant  chez  les  Bédouins  les  femmes  ne  s’en 


101 


servent  jamais,  mais  leurs  robes  son I un  peu  plus  longues  par 
devant. 

Pour  la  chaussure;  les  femmes  en  Haclhramout  ne  portent  point  de 
sandales,  mais  des  bottines  ( khuff' ) rouges  ou  jaunes.  Des  bas,  elles 
n’en  portent  pas  plus  que  les  hommes;  tandis  que  chez  les  Bédouins 
les  femmes  vont  nu-pieds.  La  coilfure  des  femmes  consiste  dans  des 
tresses  ( ’uqdah  plur.  ’oqad)  minces.  Ces  tresses,  au  nombre  de  50 
à 60,  sont  assez  courtes,  ne  dépassant  que  très-peu  les  épaules.  Les 
femmes  mariées,  tout  en  portant  des  tresses,  coupent  une  partie  de 
leurs  cheveux  de  devant  et  les  font  ensuite  descendre  sur  le  front, 
à peu  près  comme  c’est  actuellement  la  mode  parmi  les  dames 
européennes.  Ces  cheveux  coupés  s’appellent  quççah.  Quand  elles 
sortent,  les  femmes  comme  il  faut  se  couvrent  la  tête  d’un  mouchoir 
ou  d’une  résille,  qui  passent  sous  le  menton  et  s’appellent  chibkah ; 
on  y attache  un  voile  (ghachwah),  et  l’on  enveloppe  tout  le  corps 
d’un  manteau  très-ample,  appelé  qarrûç  (x).  Les  femmes  des  classes 
inférieures  de  la  société  ont  la  tête  couverte  d’un  mouchoir,  appelé 
nuqbah,  mais  ne  portent  pas  de  voile.  Chez  les  Bédouins  seuls  les 
femmes  portent  la  nuqbah  de  manière  à se  cacher,  au  moins,  le  front 
et  la  bouche.  Les  jeunes  filfes  non  nubiles  portent  partout  le  visage 
à découvert. 

Les  vêtements  des  femmes  sont  quelquefois  brodés  d’or  ou  d’argent, 
surtout  aux  bords.  Elles  portent  autour  du  cou,  soit  des  perles  (loul) 
ou  des  coraux  (murdjân)  enfilés,  soit  de  minces  chaînes  (marriah), 
ces  dernières,  de  préférence,  en  grand  nombre.  Elles  ont,  dans  chaque 
oreille,  un  grand  nombre  de  boucles  (qurt):  quinze  ou  même  plus; 
pour  chaque  boucle  l’oreille  doit  être  perforée.  La  mode  en  Hadhramout 


(')  A distinguer  du  qamîç  porté  par  les  hommes  dans  l’Archipel  indien.  (V.  Deuxième 
Partie,  Chapitre  VI). 


102 


exige  encore  pour  les  femmes  des  anneaux  (* *)  aux  doigts  et  des 
bracelets  aux  bras,  tous  en  or  ou  en  argent.  Ces  bracelets  s’appellent 
h ibs,  chomailât,  kamâkim  ou  ’odhâd,  d’après  la  partie  du  bras  où 
ils  sont  attachés.  Les  femmes  très-riches  portent  aussi  une  espèce 
de  diadème  (qo’ouqa’).  On  m’a  assuré  que  les  diamants  ne  servent 
pas  de  parure. 

En  hiver,  on  porte  les  mêmes  vêtements  qu’en  été;  seulement  on 
en  porte  un  plus  grand  nombre  et  de  préférence  d’une  couleur  foncée; 
au  lieu  qu’en  été  on  aime  des  vêtements  blancs  ou  de  couleurs  vives. 
Les  étoffes  sont  le  coton  Çutb)  et  la  soie  ( Ijarîr ) (2);  la  laine  (çouf) 
et  le  drap  ( djaukh ) sont  seulement  en  usage  chez  les  personnes 
qui  ont  passé  une  partie  de  leur  vie  à l’étranger.  Les  laboureurs 
portent,  en  hiver,  une  jaquette  de  peau  de  mouton,  les  poils  en 
dehors.  Parmi  les  accessoires  du  costume  il  faut  mentionner  encore 
l’usage  de  se  teindre  le  corps  en  jaune,  à l’aide  d’une  plante 
appelée  wars.  Pour  les  yeux  on  se  sert  du  kuhl,  au  lieu  que  la 
hinnâ  est  la  teinture  spéciale  des  mains.  Il  n’y  a que  les  Bédouins, 
chez  lesquels  les  hommes  s’abstiennent  de  ces  cosmétiques;  quant 
aux  autres  habitants  du  Hadhramout,  ils  en  font  usage,  les  hommes 
aussi  bien  que  les  femmes.  Les  parfumeries  y sont  recherchées, 
spécialement  l’essence  de  rose  (’tVr),  importée  du  Levant,  et  l’encens 
(dokhoun).  Ce  dernier  est  brûlé  ordinairement  dans  un  encensoir 
(. madkhanah ) en  terre  cuite.  L’emploi  de  parasols  en  toile,  importés 
d’Europe,  semble  avoir  pris  un  grand  développement  dans  les  dernières 
années,  tant  parmi  les  hommes  que  parmi  les  femmes  appartenant 
aux  classes  supérieures  de  la  société.  On  appelle  un  parasol  ihillah 
ou  mathillah.  S’il  fait  chaud,  les  deux  sexes  font  aussi  un  fréquent 

(*)  L’anneau  porté  par  les  femmes  n’a  pas  de  pierre. 

(*)  Les  hommes  ne  portent  que  des  étoffes  de  soie  mêlée  de  coton,  la  soie  pure  leur 
étant  défendue  par  la  loi  musulmane. 


103 


usage  d’éventails  (marwahah),  non  seulement  à la  maison,  mais  encore 
dans  la  mosquée.  Ces  éventails  cependant  ont  une  autre  forme  que 
ceux  en  usage  en  Europe.  Enfin,  il  me  reste  a mentionner  comme 
objet  d’usage  fréquent,  surtout  eu  voyage,  une  espèce  de  sac  de 
cuir,  appelé  djirâb,  où  l’on  met  ses  provisions,  ses  ustensiles,  etc. 
L’argent  qu’on  a sur  soi  trouve  une  place  dans  les  poches  (kîs) 
de  l’habit. 


N 


DEUXIÈME  PARTIE. 

LES  ARABES  DANS  L'ARCHIPEL  INDIEN. 


CHAPITRE  I. 

ORIGINE  ET  ÉTAT  ACTUEL  DES.  COLONIES  ARABES. 

Le  but  de  mon  ouvrage  n’est  point  d’entrer  dans  des  recherches  historiques 
au  sujet  des  rapports  ayant  existé  au  moyen-âge  entre  l’Arabie  et  l’Archipel 
indien.  D'autres  s’en  sont  déjà  occupés,  et  je  ne  pourrais  que  répéter  les 
résultats  de  leurs  savantes  études  (*).  Certes,  il  existait  déjà,  au  moyen-âge, 
un  commerce  assez  vif  entre  l’Arabie  méridionale,  notamment  Mascate  et 
le  Golfe  persique  d’un  côté  et  l’Archipel  indien  de  l’autre;  certes,  ce  sont  des 
navigateurs  et  des  marchands  arabes  qui  ont  introduit  l’Islamisme,  d’abord 
dans  le  pays  d’Atjeh  ( 2 ),  puis  à Palembang,  et,  au  15ième  siècle,  dans  l’ile  de 
Java;  mais  nulle  part  on  ne  rencontre  de  vestiges  que  ces  navigateurs  ou  ces 
marchands  aient  fondé  des  colonies  comme  on  en  voit  à l’heure  qu’il  est. 

Même  dans  les  temps  plus  modernes,  je  11e  crois  pas  qu’on  puisse 
parler  de  colonies  arabes  avant  le  commencement  du  19ième  siècle.  Bien 
que,  avant  cette  époque,  plusieurs  Arabes  se  soient  établis  dans  les 


(*)  V.  Renaud:  Relalions  des  voyages  faits  par  les  Arabes  et  les  Persans  dans  l'Inde  et 
à la  Chine,  et:  Introduction  à la  géographie  d'Abou  1-Fedâ;  A.  deKremer:  Culturgeschichte 
des  Orients,  Tome  11,  p.  273  et  s.;  J.  Pijnappel:  Over  de  kennis  die  de  Arabieren  vôôr  de 
komst  der  Portugeezen  van  den  Indischen  Archipel  bezaten  (Sur  la  connaissance  de  l'Archipel 
indien  chez  les  Arabes  avant  l'arrivée  des  Portugais)  dans  les  „Bijdragen  voor  de  taal-, 
land-  en  volkenkunde  van  Nederlandsch-Indié",  publiés  par  l'Institut  royal  de  Linguistique, 
de  Géographie  et  d’Ethnologie  à la  Haye,  3e  Série,  Tome  VIT,  p.  135  et  s.;  Stuwe- 
tfandelszüge  der  Araber;  Van  der  Lith  et  Dévie:  Le  Livre  des  Merveilles  de  l'Inde. 

(*)  P.  •).  Veth:  Alchin  en  zijnc  betrekkingen  tôt  Nederland  (Atjeh  et  scs  rapports 
avec  les  Pays  Bas)  page  GO  et  s. 


105 


principaux  ports  «le  l’Archipel  indien,  cl,  que  quelques-uns  parmi  eux 
aient  même  exercé  une  influence  marquée  sur  les  destinées  politiques 
des  Indigènes  (*),  autre  chose  est  la  fondation  de  colonies.  Si  des  colonies 
arabes,  comme  on  en  voit  de.  nos  jours,  avaient  existé,  elles  eussent 
été  mentionnées,  soit  dans  les  divers  récits  des  voyageurs  européens, 
soit  dans  les  descriptions  de  l’Archipel  indien,  soit  enfin  dans  les  archives 
du  Gouvernement.  Cette  conclusion  est  d’autant  plus  fondée,  qu’on 
rencontre,  à tout  moment,  des  indices  que  d’importantes  colonies  chinoises 
ont  existé  depuis  des  siècles  dans  plusieurs  parties  de  l’Archipel  indien. 

Avant  1859,  on  n’a  pas  des  données  précises  sur  le  mombre  des 
Arabes  dans  les  possessions  hollandaises.  Dans  les  statistiques  officielles 
ils  se  trouvaient  confondus  avec  les  Bengalais  et  autres  étrangers 
mahométans.  Depuis  l’an  1870,  la  navigation  à vapeur  entre  l’extrême 
Orient  et  l’Arabie  ayant  pris  un  développement  énorme,  l’immigration 
du  Hadhramout  s’en  trouve  facilitée.  Il  en  résulte  que  de  cette  année 
date  une  époque  entièrement  nouvelle  pour  les  colonies  arabes  dans 
l’Archipel  indien.  Le  tableau  suivant  donne,  pour  ce  qui  regarde  les 
des  de  Java  et  de  31adoura,  le  récensemenl  spécial  et  détaillé  fait 
en  1885,  comparé  aux  chiffres  de  la  statistique  officielle  des  années 
1870  et  1859,  pour  chaque  Résidence  où  l’on  trouve  des  Arabes. 


Résidence. 

Ville. 

Arabes  nés  en 
Arabie. 

Arabes  nés  dans 
l’Archipel  indien. 

Total. 

Total  en  1885 
par  Résidence. 

Total  en  1870 
par  Résidence. 

cri  -• 
Sft  5 

30  s 

- r2 

o 55 

E-  ~ 

Hommes. 

Entants. 

Hommes. 

Femmes. 

Entants. 

Bantam 

Serang 

8 

— 

5 

1 

8 

22 

22 

24 

? n 

Batavia 

457 

19 

198 

224 

550 

1448 

Mr.-Cornelis 

19 



14 

5 

48 

86 

Balavia 

1662 

952 

312 

Buitenzorg 

31 

— 

12 

15 

39 

97 

Tangerang 

1 

— 

4 

5 

21 

31 

A 

transporter 

516 

19 

233 

250 

666 

1684 

1684 

976 

312 

(-)  V.  Chapitre  VII  g I. 

(2)  En  1859  encore,  la  statistique  officielle  donnait  pour  Bantam  les  Arabes  combinés 
avec  tous  les  autres  étrangers  mahométans. 


Arabes  nés  en 

Arabes  nés 

dans 

30  £ 

O -J  1 

et  ,■ 
oc  £ 

1 

Arabie. 

l’Archipel  indien. 

Z 

Jj 

Résidence. 

\ ille. 

Total. 

1 

1 

. 

- *CÎ 

cj  ■£, 

w .Jjl 

Sommes. 

Enfants. 

lormnes.  ! 

Femmes. 

Enfants. 

Ct  mm 

“ T.  ' 

*3  1 

£ a | 

£ £ 1 

o -L 

p- 

Par  transport 

516 

19 

233 

250 

666 

1684 

1684 

976 

312 

1 

Poerwakarta 

12 



5 

8 

27 

52 

56 

« 1 

? (*) 

Krawang. . . j 

1 

1 

2 

? 

Pamanoukan 

— 

— 

4 

Bandong 

10 

1 

5 

5 

20 

41 

Tjandjour 

2 

2 

7 

11 

Préanger . . . 

Soukaboumi 

5 

2 

— 

3 

10 

97 

8 

o 

Garout 

6 

— 

2 

3 

13 

24 

Manondjaya 

— 

— 

2 

1 

8 

11 

I 

Chéribon 

131 

— 

163 

157 

383 

834 

| 

Chéribon ... 

Indramayou 

63 

— 

69 

46 

196 

374 

1210 

816 

533 

1 

Djaliwangi 

— 

— 

2 

— 

— 

2 

Tegal 

Tegal 

154 

— 

28 

38 

132 

352 

352 

204 

67 

Pekalongan  . . 

Pekalongan 

123 

10 

160 

290 

174 

757 

757 

608 

411 

Sainarang 

30 

— 

164 

130 

276 

600 

Sa  ma  rang 

Salatiga 

— 

— 

5 

1 

12 

18 

673 

358 

540 

Antbarawa 

— 

— 

17 

12 

25 

54 

Pourwadadi 

— 

— 

1 

— 

— 

1 

Pati 

6 

— 

1 

7 

17 

31 

Japara 

Japara 

Koudous 

— 

— 

11 

2 

4 

2 

10 

8 

25 

12 

77 

77 

89 

Djouana 

— 

— 

2 

1 

6 

9 

Rembang 

1 

— 

3 

2 

11 

17 

Rembang. . . 

Touban 

64 

— 

44 

56 

143 

307 

332 

205 

74 

1 

Bodjonegoro 

1 

— 

2 

2 

3 

8 

Sourabava 

218 

10 

220 

236 

461 

1145 

Grissée 

50 

15 

248 

411 

143 

867 

Sourabaya . . 

Modjokerto 

4 

— 

1 

— 

6 

11 

2056 

1626 

1279 

Sidoardjo 

3 

— 

6 

2 

16 

27 

Sidayou 

— 

— 

3 

1 

2 

6 

Pamakassan 

30 

3 

22 

40 

111 

206 

Bangkallan 

12 

— 

28 

12 

46 

98 

Madoura 

Soumenep 

Iles  de  Kangéan  et 

57 

183 

336 

461 

1037 

1388 

979 

961 

de  Sapoudi 

7 

11 

1 

28 

47 

À transporter 

1506 

60 

1645 

2055 

| 3416 

8682 

8682 

| 5857 

4268 

(’)  Encore  en  1859  et  en  1870,  la  statistique  officielle  donnait  pour  Krawang  les  Arabes  combinés  avec  tous 
les  autres  étrangers  mahométans. 


107 


Résidence.  Ville. 


Par  transport.. 

I Pasourouan. 
Pasourouan . .Malan tr .... 

I Bangil 


Probolinggo. 


Besouki 


Banyoumas  . 

Redon  

Djokyakarta.  . 
Sourakarta. . . 
Madioun 


Probolinggo . 
Loumadjang. 
Kraksaân  . . . 

Besouki 

Panaroukan  . 
Bondowoso. . 
Banjouwangi. 

Tjilatjap 

Pourwokerto 
Probolinggo . 
Magelang. . . . 
Djokyakarta  . 
Sourakarta . . 
Madioun 


Total 


Arabes  nés  en 
! Arabie. 

Arabes  nés  dans 
l’Archipel  indien. 

Total. 

30  ® 

> _ 
2 c 
- 

O oj 

r- 

x - 

! I 

T3 

Hommes. 

Enfants. 

Hommes. 

Femmes. 

Entants. 

v -2 

_ « 

I 3- 

« 

2 u 

© S. 

« .q; 

_ ce 

1 a- 

1506 

60 

1645 

2055 

3416 

8682 

8682 

5857 

4268 

19 

— 

36 

17 

8 

80 

51 

— 

21 

33 

90 

195 

672 

546 

299 

36 

3 

65 

61 

232 

397 

65 

— 

47 

42 

123 

277 

6 

— 

5 

2 

19 

32 

354 

231 

114 

13 

1 

8 

4 

19 

45 

25 

1 

47 

55 

125 

253 

44 

66 

1 

46 

17 

29 

26 

58 

54 

177 

164 

950 

685 

256 

15 

— 

69 

25 

247 

356 

— 

— 

2 

— 

5 

7 

— 

— 

1 

— 

2 

3 

14 

— 

-n 

— 

— 

1 

— 

3 

4 

1 

— 

24 

16 

52 

93 

93 

47 

38 

2 

— 

29 

9 

12 

52 

52 

77 

12 

3 

— 

29 

10 

29 

71 

71 

-0 

42 

10 

? 0 

5 

18520 

66 

2092 

2384 

4494 

10888 

10888 

7495 

4992 

Quant  aux  possessions  hollandaises  dans  les  autres  parties  de 


l’Archipel  indien,  la  comparaison  du  nombre  actuel  des  Arabes  avec 
les  statistiques  publiées  dans  les  années  précédentes  offre  encore 
beaucoup  plus  de  difficultés.  Dans  quelques-unes  de  ces  possessions, 


on  combinait,  encore  très-récemment,  les  Arabes  avec  les  autres 
étrangers  mahométans;  ailleurs  la  situation  politique,  en  1870, 


n’admettait  pas  encore  de  faire  un  récensement  méritant  quelque (*) 


(*)  Selon  la  statistique  officielle,  il  n’y  avait  pas  encore  d’Arabes  en  Banyoumas,  ni  en 
1859,  ni  en  1870. 

O En  1859  encore,  la  statistique  officielle  donnait  pour  Sourakarta  les  Arabes  combinés 
avec  tous  les  autres  étrangers  mahométans. 

(3)  Actuellement  il  n’y  a plus  d'Arabes  qui  aient  élu  domicile  dans  cette  Résidence. 

(‘)  De  ce  nombre  tout  au  plus  15  ne  sont  pas  nés  en  Hadhramout. 


confiance;  depuis  cette  époque  on  a,  en  outre,  modifié  notablement 
la  division  territoriale,  et  enfin  toute  la  partie  septentrionale  de  File 


de  Sumatra  était  alors  encore  indépendante. 


Gouvernement 
ou  Résidence. 

Arabes  nés  en  1 
Arabie. 

Arabes  nés  dans 
l’Archipel  indien. 

Total. 

C î 

c = -S 

5 5 c . 

O ° 
= . c - 

5 U-§ 

pii 

OC  = -£  | 

" Z 

“ o S .. 
3 5 

c- 

X © 

£ || 

_ > — 

5 £ 
■5T  ç : 

-Z. 

V illc. 

Hommes.  Enfants. 

loni  mes. 

femmes. 

Entants. 

Padang 16  — 

23 

8 

78 

125 

Côte  occiden- 

Forteresse  van  der 

taie  de  Su- 

Capelle 2 — 

2 

1 

4 

9 

191 

76 

26 

matra 

Pavakombo 2 — 

3 

2 

9 

16 

ile  de  Nias 1 — 

13 

9 

18 

41 

Benkoelen  . . . 

lvroé — — 

7 

5 

4 

16 

16 

6 

28 

Lampong. . . . 

Telok  Belong 2 — 

6 

1 

3 

12 

12 

29 

1 

I 

Palembang Cl  ■ — 

429 

653 

951 

2094 

1 nE 

2125 

2043 

1764 

Palembang..  j 

Djambi — 

8 

12 

11 

31 H 

1 

| 

Siak 20  1 

61 

69 

77 

228 

« 

(bile  orientale 

Asahan — — 

15 

7 

17 

39 

294 

y 

de  Sumatra. 

Deli 8 — 

7 

5 

8 

28 

1 

| 

Kola  Radja 12  — 

27 

24 

17 

80 

1 

Aljeh 

! Dépendances 

2746 

•) 

? 

’ 

1 

d’Atjeb 36  — 

649 

865 

1218 

2768 

1 

Banka 

Muntok 10  — 

44 

44 

Cl 

159 

159 

487lI) 

54 

Biliton 

Tandjong  Pandan..  — — 

2 

1 

— 

3 

3 

? 

y 

Pontianak 32  — 

506 

487 

536 

1561 

Koubou — 

68 

37 

45 

150 

Utile  occiden- 

laie  de  Bor- 

Sintang 6 1 

29 

24 

36 

96 

1913 

1222(a) 

800(3 

Sambas 1 — 

15 

20 

51 

87 

néo 

Autres  parties  de  la 

Résidence 2 — 

8 

1 

8 

19 

Utile  méridio- 1 

Bandjermassin ....  100  8 

95 

104 

375 

682 

I 

mile  et  orien- 

Côte  méridionale . . — 

15 

7 

19 

41 

827 

542 

? 

taledeBornéol 

Cèle  orientale ....  5 — 

45 

18 

36 

104  0 

A 

transporter 316  10 

2077 

2404 

3582 

8389 

8389 

4405 

2673 

(*)  En  outre,  on  évalue  à 60  âmes  le  nombre  des  Arabes  dans  l’intérieur  de  Djambi. 

(2)  Ce  nombre  doit  être  un  malentendu. 

(3)  Les  chiffres  de  1870  et  de  1859  méritent  très-peu  de  confiance. 

(“)  La  colonie  arabe  à Bouloungan  n’entre  pas  dans  ce  chiffre.  Je  n'en  ai  pas  reçu  de 
statistique,  mais  probalemenl  elle  ne  compte  pas  plus  de  150  âmes. 


109 


(iouvernenienl 
en  Résidence. 

Ville. 

Arabes  nés  en 
Arabie. 

Arabes  nés  dans 
l’ Archipel  indien. 

Total. 

Total  en  1885 
par  Gouverne- 
ment ou  Rési- 
dence. 

Total  eu  1870 
par  Gouverne- 
ment ou  Rési- 
dence. 

Total  en  1 859  | 
par  Gouverne-  i 
ment  ou  Rési- 
dence. 

Hommes. 

Enfants. 

Hommes.  Femmes. 

Enfants. 

Par  transport 

31G 

10 

2077  2404 

3582 

8389 

8389 

4405 

2673 

Menado 

38 

_ 

9 6 

61 

114 

Mcnado 

147 

17 

11 

Gorontalo 

18 

1 

14 

33 

Makassar 

16 

46  24 

32 

118 

Celebes  .... 

Ile  de  Soumbawa. 

36 

— 

34  — 

28 

98 

260 

87 

14 

Tontoli 

1 

11  15 

17 

44 

Amboina 

25 

3 

26  33 

105 

192 

Saparoua  

5 

— 

4 10 

19 

38 

Amlioina . . . 

Banda 

63 

1 

26  19 

95 

204 

444 

170 

53 

Autres  parties  de  la 

Résidence . . 

1 

— 

1 2 

6 

10 

Ternate 

12 

_ 

22  18 

56 

108 

n, 

lernate .... 

111 

66 

23 

Batjan 

— 

— 

1 

2 

3 

Koupang 

7 

— 

3 2 

18 

30 

Timor 

Rôti 

2 

2 

1 — 

— 

5 

93 

-n 

2C) 

Soumba 

— 

— 

17  5 

36 

58 

- 

Boulélcng 

30 

1 

20  11 

45 

107 

Bail 

169(2) 

172 

? 

Djembrana 

3 

— 

14  16 

29 

62 

Total 

573  n 

17 

2311  2567 

4145 

9613 

9613 

4917 

2776 

Dans  les  possessions  anglaises  île  la  presqu’île  de  Malacca,  le  premier 
récensement  des  Arabes  est  celui  de  1874.  Le  dernier  que  le 
Gouvernement  colonial  a publié  est  de  1884. 


1894. 


Province. 

Hommes. 

Femmes. 

Enfants. 

Total. 

Singapour 

189 

111 

165 

465 

Malacca 

81 

87 

135 

303 

Pinang 

106 

106 

110 

322 

Wellesley 

11 

8 

13 

32 

Total 

387 

312 

423 

1122 

(')  Les  c 1 1 i lires  de  1870  en  1859  sont  manifestement  fautifs. 

(2)  En  outre,  le  nombre  total  des  Arabes  dans  l’ile  de  Lombok  est  évalué  à une  centaine, 
et  celui  des  Arabes  dans  les  états  indigènes  de  l'île  de  Bali  à 12. 

(3)  De  ce  nombre  tout  au  plus  10  ne  sont  pas  nés  en  Hadhramout. 


110 


1884. 


Province. 

Hommes. 

Femmes. 

Enfants. 

Total. 

Singapour 

445  (*) 

166 

225 

836 

Malacca 

70 

71 

86 

227 

Pinang 

163 

158 

200 

521 

Wellesley 

21 

14 

18 

53 

Total 

699 

409 

529 

1637 

La  statistique  anglaise  ne  fait  pas  de  distinction  entre  les  Arabes 
nés  en  Arabie  et  ceux  nés  dans  l’Archipel  indien.  Il  s’ensuit  que  la 
comparaison  de  cette  statistique  avec  la  statistique  hollandaise  de  1883 
n’est  pas  possible  sous  tous  les  rapports.  Eu  outre,  trois  observations 
générales  sont  nécessaires  sur  tous  les  chiffres  que  je  viens  de  donner: 
1°.  que  la  population  arabe  des  villes  nommées  comprend  aussi  les 
Arabes  établis  dans  les  environs; 

2n.  que  les  femmes  indigènes  mariées  «à  des  Arabes  n’y  sont  point  comprises; 
3°.  que  les  métis  arabes  n’y  entrent  qu’en  tant  qu’ils  n’ont  pas  encore 
entièrement  perdu  leur  caractère  national. 

Pour  ce  qui  regarde  cette  dernière  observation,  nous  verrons  dans 
un  chapitre  suivant  (2)  que  les  descendants  des  Arabes  dans  l’Archipel 
indien  ont  une  tendance  marquée  à retomber  dans  la  société  indigène; 
après  quelques  générations,  il  devient  même  souvent  impossible  de 
retracer  leur  origine,  à moins  qu’ils  n’appartiennent  à des  familles 
distinguées.  Puis,  il  résulte  des  tableaux  statistiques  précédents  que 
les  colonies  arabes  dans  l’Archipel  indien  n’ont  cessé  d’accroître 
y depuis  1839.  Il  n’y  a que  quelques  localités  où  la  population  arabe 


(*)  D'après  des  informations  prises  par  moi  en  personne,  ce  chiffre  est  beaucoup  trop 
élevé.  Il  y a,  tout  au  plus,  200  Arabes  adultes  établis  actuellement  à Singapour.  Je  crois 
pouvoir  expliquer  le  chiffre  de  la  statistique  officielle:  on  aura  inscrit  dans  les  registres  les 
personnes  passant  par  Singapour  pour  se  rendre  dans  les  possessions  hollandaises. 

(’)  V.  Chapitre  VIII. 


111 


est  restée  stationnaire,  et  deux  colonies  seulement,  celle  de  Pekalongan 
et  de  Padang,  où,  dans  les  trois  dernières  années,  elle  semble 
diminuer  un  peu. 

Quant  à l’immigration  arabe  avant  la  publication  des  statistiques 
officielles,  il  n’y  a que  des  renseignements  peu  précis,  provenant  de 
vieillard  et  de  la  tradition  locale.  Le  résultat  de  mes  recherches,  à 
cet  égard,  c’est  que  les  Arabes  du  Hadhramout  ont  commencé  à se 
rendre  en  masse  dans  l’Archipel  indien  dans  les  dernières  années 
du  18ième  siècle  (*),  tandis  que  leur  émigration  vers  la  côte  du 
Malabar  date  déjà  de  beaucoup  plus  tôt.  Leur  première  étape,  c’était 
Atjeh,  d’où  ils  se  rendaient,  de  préférence,  à Palembang  et  à 
Pontianak.  L’établissement  des  Arabes  dans  les  îles  de  Java  et  de 
Madoura  n’a  pas  pris  son  essort  général  avant  1820.  et  leurs  colonies 
dans  la  partie  orientale  de  l’Archipel  indien  ne  datent  à vrai  dire 
que  de  1870.  L’occupation  de  Singapour  par  les  Anglais,  en  1819,  et 
l’élan  prodigieux  qu’y  a pris  le  commerce  ont  eu  pour  conséquence 
que  cette  ville  remplaça  peu  à peu  Atjeh  comme  première  étape  et 
point  central  de  l’immigration  arabe.  Depuis  le  développement  de  la  / 
navigation  à vapeur  entre  Singapour  et  l’Arabie,  dans  les  15  dernières 
années,  Atjeh  a même  perdu  toute  importance  à cet  égard. 

Suivant  le  tableau  statistique  on  trouve  actuellement,  dans  l’île  de 
Java,  six  grandes  colonies  arabes,  c’est-à-dire  à Batavia,  à Chéribon, 
à Tegal,  à Pekalongan,  à Samarang  et  à Sourabaya,  et  une  seule 
dans  l’île  de  Madoura,  celle  de  Soumenep.  Les  autres  colonies  arabes, 
en  tant  qu’elles  ont  déjà  acquis  quelque  stabilité,  doivent  être 
considérées  comme  se  rattachant  aux  sept  autres.  Sur  chacune  de 
celles-ci  je  vais  donner  quelques  particularités. 

La  colonie  de  Batavia,  quoique  ne  datant  que  d’un  demi-siècle,  est 

(')  Beaucoup  plus  tôt  déjà , des  individus  isolés  sont  venus  chercher  fortune  dans 
l’extrême  Orient. 


112 


devenue,  de  nos  jours,  une  des  plus  grandes  de  loul  l’Archipel  indien, 
et  même  la  première,  quand  on  prend  eu  considération  le  nombre  des 

s 

Arabes  nés  en  Arabie.  Ce  n’étail  pas  avant  1844  qu’elle  était  suffisamment 
importante,  pour  que  le  Gouvernement  hollandais  la  plaçât  sous  un 
chef.  Avant  cette  époque,  les  Arabes,  en  petit  nombre,  y demeuraient 
dans  les  quartiers  indigènes,  de  préférence  dans  celui  des  Bengalais, 
appelé  en  malais  Pakhodjan,  c’est-à-dire  „endroit  des  khodjah"  (’). 
Peu  à peu  les  Bengalais  ont  été  remplacés  dans  ce  quartier  par  les 
Arabes.  Aujourd’hui,  les  premiers  en  ont  entièrement  disparu,  et,  hors 
les  Arabes,  le  Pakhodjan  ne  compte  plus  que  quelques  habitants 
Chinois  et,  comme  tous  les  quartiers  Arabes,  un  grand  nombre 
d’indigènes.  Les  maisons,  toutes  en  briques,  sont  du  même  style  que 
celles  des  quartiers  européens  de  l’ancienne  ville  de  Batavia.  Un  rare 
balcon  fermé  trahit  la  nationalité  des  habitants.  Comme  toute  la  ville 
proprement  dite,  le  Pakhodjan  est  très-malsain;  mais  il  ne  paraît  pas 
que  les  Arabes  en  souffrent  beaucoup.  On  y trouve  une  mosquée 
arabe  assez  vaste  avec  un  ecclésiastique  de  leur  nation,  lequel  est, 
en  même  temps,  maître  d’école.  Une  des  chambres  du  rez-de-chaussée 
est  réservée  à ce  but.  L’édifice  porte  le  nom  malais  de  Langgar  et 
constitue  une  fondation  (t vaqf)  assez  bien  dotée.  Cependant,  la  prière 
publique  du  vendredi  ne  s’y  fait  pas;  les  Arabes  se  rendent,  à cet 
effet,  dans  la  grande  mosquée  indigène,  située  dans  leur  quartier. 
Outre  le  Langgar,  le  Pakhodjan  compte  encore  une  autre  mosquée 
arabe,  mais  de  plus  petite  dimension:  elle  a le  nom  de  Zâwiah. 

Une  partie  des  Arabes  demeure  dans  les  faubourgs  Krokot  et 
Tanah  Abang,  où,  cependant,  ils  n’ont  pas  encore  la  prépondérance. 
Quelques-uns  demeurent  dans  d’autres  quartiers,  au  milieu  des  Indigènes. 
Dans  tous  ces  quartiers,  ils  ont  des  maisons  pareilles  à celles  des 

(')  En  malais,  khodjah , du  persan  khawâdjah,  a la  signification  spéciale  de  ..Bengalais", 
ou  plutôt  de  ..natif  du  llindoslâu". 


115 


Indigènes,  on,  s’ils  sont  dans  l’aisance,  comme  celles  des  Européens 
dans  les  faubourgs,  c’est-à-dire  des  villas  ou  chalets  plus  ou  moins 
grands  et  plus  ou  moins  bien  entretenus.  On  trouve,  à Batavia,  des 
Arabes  d’à  peu  près  toutes  les  parties  du  Hadhramout  et  de  toutes 
les  couches  sociales;  seulement  les  Sayyid  y sont  fortement  en  minorité. 
La  plupart  des  Arabes  qui  de  Singapour  viennent  dans  l’ile  de  Java, 
descendent  d’abord  à Batavia,  pour  se  répandre  plus  tard  dans  les 
autres  colonies.  Dans  les  huit  dernières  années,  le  nombre  des  nouvelles 
admissions  accordées  par  les  autorités  à Batavia  surpassait  annuellement, 
en  moyenne,  la  centaine,  et  la  majorité  de  ces  individus  s’y  établit.  La 
colonie  arabe  à Batavia  est  donc  dans  un  état  d’accroissement,  et  elle 
aura  bientôt  surpassé,  quant  au  nombre  des  habitants,  toutes  les  autres. 

Comme  conséquence  de  ce  qui  précède,  on  ne  trouve  à Batavia  que 
très-peu  de  familles  établies  dans  l’Archipel  indien  depuis  plusieurs 
générations,  et  la  grande  majorité  des  Arabes  y est  mariée  à des 
femmes  indigènes.  La  vie  intellectuelle  n’en  est  pas  moins  à un 
assez  haut  niveau.  L’élément  arabe  y prédomine  tellement  sur  les 
métis  que  ceux-ci  sont  forcés  d’apprendre  au  moins  un  peu  l’arabe 
pour  se  faire  comprendre.  Comme  particularité  des  quartiers  arabes 
à Batavia  je  cite  enfin  qu’il  y a relativement  peu  de  boutiques  pour 
vendre  aux  passants.  Il  n’y  a que  le  Pakhodjan  ou  l’on  en  voit  une 
trentaine.  Presque  tout  le  commerce  arabe  s’y  fait  dans  l’intérieur 
des  maisons  et  au  moyen  de  colporteurs. 

La  colonie  arabe  à Cbéribon  est  également  de  date  relativement 
récente.  En  1845,  elle  était  devenue  assez  importante  pour  être 
placée  sous  un  chef,  qui  devint,  en  même  temps,  chef  de  ses 
compatriotes  dans  toute  la  Bésidence.  Ce  n’est  qu’en  1872  que  la 
colonie  arabe  d’Indramayou  fut  soustraite  à l’autorité  du  chef  des 
Arabes  à Chéribon  et  obtint  un  chef  distinct.  Comme  à Batavia, 

le  quartier  occupé  par  les  Arabes,  à Cbéribon,  était  d’abord  celui 

s 


« 


114 


des  Bengalais,  cl  ce  sont  ceux-ci  qui  ont  bâti  la  mosquée  connue 
actuellement  sous  le  nom  île  „Mosquée  des  Arabes”.  C’est  un  édifice 
assez  spacieux,  dont  l’entretien  laisse  à désirer;  mais. ceci  est  le  cas 
du  quartier  arabe  en  son  entier.  Rarement  on  y voit  une  maison  de 
quelque  apparence.  Aussi  la  colonie  arabe  de  Chéribon  n’est  pas 
florissante;  le  seul  Arabe  qui  fit  des  affaires  en  gros  a fait  faillite, 
il  y a quelques  années.  On  ne  voit,  le  long  des  rues,  qu’une  série 
de  petites  boutiques  sales  et  mal  pourvues,  mais  aucun  magasin 
dénotant  la  prospérité  de  son  propriétaire,  comme  on  en  voit  tant 
dans  le  quartier  chinois.  Le  commerce  avec  Palembang  y est  assez 
vif,  et  quelques  membres  des  familles  arabes  établies  dans  cette 
dernière  ville,  y sont  à peu  près  les  seuls  individus  civilisés.  La 
plupart  des  Arabes  à Chéribon  vivent  du  commerce  avec  les  Indigènes 
dans  la  Résidence  du  même  nom  et  dans  la  partie  orientale  de  la 
Résidence  du  Préanger.  On  s’étonne  comment  ils  trouvent  de  quoi 
vivre.  Des  Saxjyid,  il  n’y  en  a que  très-peu.  La  colonie  arabe 
d’Indramayou  a le  même  caractère  que  celle  de  Chéribon,  dont  elle 
n’est  qu’une  branche.  Seulement  elle  est  encore  plus  jeune  et,  de 
nos  jours,  notablement  plus  llorissante. 

De  toutes  les  grandes  colonies  arabes  dans  l’Archipel  indien  celle 
de  Tegal  est  la  plus  récente;  elle  11e  date  que  d’il  y a 20  ans. 
Avant  cette  époque,  il  n’y  avait  que  quelques  rares  familles  arabes  et, 
de  temps  en  temps,  quelques-uns  qui  y faisaient  un  séjour  passager. 
Le  premier  chef  de  la  colonie  fut  nommé  en  1885.  Depuis  cette 
époque,  le  nombre  des  Arabes,  principalement  des  membres  des  tribus 
des  Nahd,  de  Kathîr  et  de  Yàfi’,  n’a  fait  qu’accroître,  et,  par  suite  de 
cette  immigration,  le  quartier  arabe  y est  réellement  une  fourmilière. 
Plusieurs  maisons  sont  habitées  par  deux  ou  trois  familles.  Des 
boutiques,  il  11’y  en  a que  très-peu;  la  plupart  des  Arabes  demeurent 
dans  des  maisons  de  bambou,  entourées  d’un  petit  potager  et  presque 


toutes  d’un  aspect  sale  et  pauvre.  La  colonie  arabe  de  Tegal  m’a 
paru  sensiblement  moins  rigoureuse  dans  l’observance  des  devoirs 
de  la  religion  que  les  autres  colonies  que  j’ai  visitées,  chose  peu 
étonnante,  quand  on  prend  en  considération  l’origine  des  habitants. 
Très-peu  d’Arabes  assistent  dans  la  mosquée  indigène  à la  prière 
publique  du  vendredi.  Des  sciences,  personne  ne  s’en  occupe. 

La  colonie  de  Pekalongan  offre  un  tout  autre  aspect.  Les  premiers 
Arabes  s’y  établirent  dans  le  commencement  du  siècle  actuel.  C’étaient 
pour  la  plupart  des  Sayyid,  qui  y épousèrent  des  filles  de  chefs 
indigènes  et  formèrent  le  noyau  d’une  colonie  florissante  (1).  Ce  sont 
les  descendants  de  ces  Sayyid  et  les  membres  de  leur  famille,  arrivés 
successivement  du  Hadhramout,  qui  constituent  la  majorité  des  habitants 
arabes  de  Pekalongan.  Des  membres  de  tribu,  on  n’y  en  trouve  presque 
point,  et  il  paraît  qu’en  général,  dans  le  dernier  temps,  très-peu 
d’immigrants  du  Hadhramout  s’y  sont  établis.  Quoique,  dans  leur 
quartier,  plusieurs  maisons  soient  inhabitées,  la  plupart  des  Arabes 
y jouissent  évidemment  d’une  certaine  prospérité.  Il  n’en  est  pas 
de  même  des  métis  demeurant,  hors  du  quartier  arabe  proprement 
dit,  dans  les  faubourgs  Ledok,  Mipilan,  Kaouman  et  Krapyak. 
Ceux-ci  se  tiennent  le  plus  possible  écartés  des  Arabes  venus  du 
Hadhramout  et  des  métis  qui  ont  conservé  leur  caractère  national. 
Des  métis  dans  les  faubourgs  nommés,  nul  ne  parle  plus  l’arabe; 
ils  vivent,  depuis  des  générations,  dans  des  maisons  de  bois  ou  de 
bambou,  au  milieu  des  Indigènes  et  ont  adopté  les  mêmes  moyens 
de  subsistance,  le  même  habit  et  les  mêmes  usages  que  ceux-ci. 
Aucun  d’entre  eux  ne  s’occupe  plus  du  commerce.  Dans  le  quartier 
arabe,  on  trouve  une . petite  mosquée  pour  les  prières  journalières. 
Enfin,  quoiqu’il  n’y  ait  pas  des  savants  de  profession  parmi  les  Arabes (*) 


(*)  Nous  allons  parler  plus  amplement  Je  quelques-uns  parmi  eux  dans  le  Chapitre  VIII. 


116 


à Pekalongan,  presque  Ions  ceux  qui  y jouissent  d’une  certaine  aisance, 
s’occupent  plus  ou  moins  de  la  culture  de  l’esprit.  Dans  plusieurs 
maisons  j’ai  vu  des  manuscrits  et  des  livres,  imprimés  non-seulement 
dans  le  Levant,  mais  encore  en  Europe,  p.  e.  l’édition  des  Maqâmât 
d’al-Harîri  de  S.  de  Sacy.  Depuis  1858,  la  colonie  de  Pekalongan  a 
un  chef,  nommé  par  le  Gouvernement. 

La  colonie  arabe  de  Samarang  date  de  la  même  époque  que  celle 
de  Pekalongan,  mais  en  1819  elle  était  déjà  assez  importante  pour 
être  placée  sous  un  chef.  C’est  surtout  dans  la  période  entre  1840 
et  1855  que  quelques  Arabes  y ont  amassé  de  grands  capitaux,  et 
l’aisance  dont  jouissent  encore  plusieurs  de  leurs  descendants  est  le 
reste  de  ces  fortunes.  Beaucoup  de  leurs  descendants  toutefois  sont 
déjà  retombés  dans  l’indigence;  quelques-uns  se  sont  relevés  par  des 
mariages  avec  des  fdles  d’indigènes  riches.  Depuis  1860  jusqu’en  1870, 
la  colonie  était  sensiblement  en  décadence;  mais  dans  les  15  dernières 
années,  les  immigrants  du  Hadhramout  se  sont  dirigés,  de  nouveau,  de 
ce  côté,  et  plusieurs  de  ces  nouveaux  venus  ont  fait  de  bonnes  affaires 
dans  le  commerce  (*).  Quant  aux  descendants  des  riches  négociants 
d’autrefois,  ils  se  bornent  à être  bailleurs  de  fonds.  Plusieurs  d’entre  eux 
ont  fixé  leur  domicile  à Pekalongan.  A Samarang,  les  Arabes  n’ont 
pas  de  quartier  séparé;  ils  demeurent  dans  le  quartier  des  Malais,  où 
cependant  se  trouvent  aussi  beaucoup  de  Chinois.  Il  y a dans  ce  quartier 
une  mosquée  pour  les  prières  journalières,  fondée  par  des  Arabes. 

La  partie  de  Java  où  les  Arabes  fondèrent  leurs  premières  colonies, 
c’était  l’entrée  du  détroit  de  Madoura.  Pour  ne  pas  parler  de  ceux 
qui,  dans  le  quinzième  siècle,  s’établirent  à Grissée  et  à Sourabaya  (2), 
mais  ne  peuvent  être  considérés  comme  fondateurs  de  colonies  proprement 

(*)  Comme  à Batavia,  le  commerce  arabe  à Samarang  se  fait  presque  entièrement  dans 
les  maisons  et  par  des  colporteurs.  Il  n’y  a que  de  rares  boutiques  tenues  par  des  Arabes. 

(2)  V.  W.  P.  Groeneveldl:  Notes  on  the  Malay  Archipellago  and  Malacca  compiled  from 
ebinese  sources,  p.  49. 


117 


dites,  il  est  certain  qu’il  y avait  déjà,  dans  le  commencement  du  siècle 
actuel,  plusieurs  familles  arabes  dans  ces  deux  villes.  La  colonie 
de  Grissée  semble  avoir  atteint  son  apogée,  il  y a 40  ans;  depuis 
lors  elle  n’a  fait  que  déchoir,  surtout  par  suite  de  la  décadence  de 
la  navigation  qui  y était  le  principal  moyen  de  subsistance  (*). 
Des  grandes  fortunes  amassées  alors,  il  n’est  resté  plus  rien.  Les 
immigrants  du  Hadhramout  ne  s’y  établissent  plus  que  par  grande 
exception;  les  métis  y mènent  une  pauvre  existence,  et  ceux  qui 
avaient  encore  quelque  énergie  ont  quitté  la  ville  pour  s’établir  à 
Sourabaya.  À Grissée,  il  y a un  chef  des  Arabes  depuis  1852. 

La  colonie  de  Sourabaya  est  actuellement  très-florissante.  Dans  les 
15  dernières  années  la  population  en  est  doublée.  On  y trouve  des 
Arabes  d’à  peu  près  toutes  les  familles  et  de  toutes  les  parties  du 
Hadhramout.  Parmi  eux,  il  y a beaucoup  de  Sayyid.  La  colonie  peut 
être  considérée  comme  le  centre  de  toutes  les  autres  dans  la  partie 
orientale  de  l’ile  de  Java.  De  ces  dernières,  les  seules  qui  aient  quelque 
importance  sont  Pasourouan,  Bangil,  Probolinggo,  Loumadjang,  Besouki 
et  Banyouwangi.  La  dernière  est  la  plus  ancienne;  cependant  elle  n’a 
été  placée  sous  un  chef  qu’en  1856.  Le  premier  chef  à Pasourouan 
fut  nommé  en  1860  (2),  à Besouki  en  1869,  à Bangil  en  1873,  à 
Probolinggo  et  à Loumadjang  en  1881.  La  colonie  de  Besouki,  sous 
laquelle  il  faut  comprendre  aussi  les  Arabes  établis  dans  les  villes 
de  Panaroukan  et  de  Bondowoso,  est  actuellement  la  plus  florissante. 

Le  quartier  Arabe,  à Sourabaya,  est  situé  dans  la  partie  nord-est 
de  la  ville.  Les  rues  en  sont,  pour  la  plupart,  sales,  étroites  et 
anfractueuses.  On  y voit  beaucoup  de  boutiques  et  plusieurs  maisons 
bien  bâties  et  bien  entretenues.  Il  y a sept  mosquées  pour  les  prières 

(')  V.  plus  bas  Chapitre  III. 

(2)  Depuis  1847,  les  Arabes  et  les  Bengalais  étaient  réunis  à Pasourouan  sous  un  seul 
chef,  choisi  cependant  parmi  la  première  nationalité.  Depuis  1873,  il  en  est  de  même 
à Malang, 


118 


journalières  et,  en  outre,  la  grande  mosquée  d’Ampel  pour  la  prière 
publique  du  vendredi.  Cette  dernière  est  une  des  plus  spacieuses  et 
certainement  la  plus  belle  de  tout  l’Archipel  indien.  Quoiqu’elle  soit 
sous  l’administration  du  clergé  indigène,  la  plupart  des  personnes 
qui  la  fréquentent,  sont  des  Arabes.  Dans  le  quartier  arabe,  on 
trouve,  encore  de  nos  jours,  quelques  Chinois  et  un  grand  nombre 
d'indigènes  et  d’autres  étrangers  mahométans.  Parmi  ceux-ci,  les 
Bengalais  sont  les  plus  nombreux  (*).  En  1852,  les  Arabes  à 
Sourabaya  ont  obtenu  un  chef  de  leur  propre  nationalité.  Quant  aux 
métis,  Sourabaya  est  un  des  lieux  où  ils  conservent  le  plus  longtemps 
leur  caractère  national.  La  plupart  de  ceux  qui  jouissent  d’une 
certaine  aisance,  non-seulement  parlent  encore  l’arabe,  mais  mettent 
même  une  sorte  de  point  d’honneur  à montrer  qu’ils  ne  sont  pas 
devenus  Indigènes. 

L’origine  de  la  colonie  arabe  de  Soumenep  sera  racontée  dans  un 
chapitre  suivant  (2).  On  verra  alors  que  l’aflluence  des  Arabes  dans 
cette  ville  a été  causée  par  l’engouement  qu’avait  pour  eux  le  prince 
indigène  qui  y régnait  de  1812  à 1854.  Depuis  la  mort  de  celui-ci, 
la  colonie  n’a  fait  que  déchoir,  non  pas  quant  an  nombre  des  habitants, 
mais  au  point  de  vue  de  la  prospérité.  A Soumenep,  il  y a encore 
quelques  capitalistes  arabes;  mais,  prise  en  son  entier,  la  colonie  est  en 
décadence.  En  1883,  les  Arabes  y ont  vu  tarir  une  source  importante 
de  leur  fortune,  c’est-à-dire  le  fermage  des  impôts  levés  par  le  prince 
indigène  (3).  Depuis  1852,  ils  sont  placés  sous  un  chef. 

Quant  aux  deux  autres  colonies  dans  l’ile  de  Madoura,  celles  de 

(’)  Ccst  à tort  qu'on  lit  dans  quelques  ouvrages  d'ethnologie  que  les  Arabes  à 
Sourabaya  sont  des  sectateurs  du  rite  d’Abou  Hanifah  (V.  p.  e.  P.  J.  Veth  : Java, 
Geograpbisch , Elhnologisch , llistonsch,  (L'ile  de  Java  au  point  de  vue  géographique, 
ethnologique  et  historique,  Tome  111,  p.  863).  Ceci  est  le  cas  des  Bengalais,  et  non  des 
Arabes:  comme  partout  ailleurs,  ces  derniers  sont  du  rite  de  Chàfi'i. 

(3)  Chapitre  IV. 

(s)  V.  plus  bas  Chapitre  III. 


119 


Bangkallan  el  de  Pamakassan,  la  première  forme,  pour  ainsi  dire,  une 
dépendance  de  Sourabaya  et  la  seconde,  de  Soumenep.  Cependant  l’une 
et  l’autre  ont  un  chef  depuis  1859. 

Dans  l’ile  de  Sumatra,  il  n’y  a que  deux  colonies  arabes  importantes: 
celles  d’Atjeb  el  de  Palembang.  La  dernière,  la  plus  intéressante,  tant 
au  point  de  vue  social  qu’au  point  de  vue  commercial,  date  des  dernières 
années  du  siècle  précédent.  Dans  le  commencement  du  siècle  actuel, 
ce  fut  surtout  le  Sultan  Mahmoud  Badr  ad-dîn  qui  favorisa  l’établissement 
des  Arabes  dans  sa  capitale,  et  lorsqu’en  1821,  ce  Sultan  fut  détrôné 
par  le  Gouvernement  hollandais,  qui  prit  Palembang  sous  son 
administration  directe,  le  nombre  des  Arabes  et  de  leurs  descendants 
montait  déjà  à environ  500  (1).  Depuis  cette  époque,  leur  nombre 
n’a  fait  qu’augmenter  jusqu’à  il  y a environ  25  ans.  Depuis  lors, 
il  est  resté  stationnaire,  et  à l’heure  qu’il  est,  on  ne  voit  que 
très-peu  d’Arabes  du  Hadhramout  choisir  Palembang  comme  leur 
terrain  d’exploitation.  Le  développement  de  la  colonie  arabe  de 
Palembang  allait  de  pair  avec  celui  de  la  navigation,  et  depuis  la 
décadence  de  cette  branche  d’industrie,  son  essor  se  trouve  brisé  (2). 
Cependant  les  capitaux  amassés  autrefois  y sont  encore.  Nulle  part, 
on  ne  trouve  un  si  grand  nombre  de  capitalistes  arabes.  On  ne  voit 
à Palembang  ni  boutiques,  ni  colporteurs  arabes,  ces  branches  du 
commerce  y étant  entièrement  dans  les  mains  des  Chinois,  des 
Bengalais  ou  des  Indigènes  ; les  Arabes  n’y  font  que  le  commerce  en 
gros,  ou  bien,  s’ils  n’ont  pas  de  fortune,  ils  sont  au  service  de  leurs 
compatriotes  riches.  Les  maisons  des  Arabes  aisés  ont,  à Palembang, 
un  aspect  agréable  et  surtout  plus  propre  que  partout  ailleurs,  à en 
juger  sur  l’impression  générale.  Ce  sont,  pour  la  plupart,  des  maisons 


(* *)  Selon  de  Sturler:  Het  gebied  van  Palembang  (Le  pays  de  Palembang)  p.  195. 

(*)  Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  dans  le  Chapitre  111.  De  même  nous  parlerons  des 
relations  entre  les  métis  el  les  nouveaux  venus  dans  cette  ville  au  Chapitre  VIII. 


120 


de  bois,  bàlies  sur  pilotis,  mais  plus  grandes  et  mieux  meublées  (pie 
ne  le  sont  celles  des  Indigènes.  Dans  plusieurs  maisons  d’Arabes 
notables,  j’ai  vu  des  manuscrits  et  des  livres,  dans  d’autres  des 
armes  précieuses,  etc.,  c’est-à-dire  des  indices  d’un  certain  état  de 
prospérité.  Les  maisons  des  Arabes  notables  sont  toutes  situées  le 
long  du  fleuve  Mousi.  Un  quartier  arabe  n’existe  pas;  c’est  autour 
de  la  maison  d’un  père  de  famille  que  se  groupent  ordinairement 
celles  de  ses  fils  ou  de  ses  gendres,  au  cas  que  ceux-ci  n’aient  pas 
de  maison  à eux.  Devant  les  maisons,  sur  un  pilotis  plus  avancé 
dans  la  fleuve,  on  voit  ordinairement  un  édifice  de  peu  de  dimension, 
portant  le  nom  malais  de  langgar (*)  et  servant  de  chapelle  domestique. 
Aussitôt  que  Palembang  a été  placé  sous  l’administration  directe  du 
Gouvernement  hollandais,  les  Arabes  y ont  obtenu  un  chef. 

Dans  l’ancien  Sultanat  d’Atjeh,  les  Arabes,  quoique  peut-être  plus 
nombreux  que  nulle  part  ailleurs,  n’ont  jamais  formé  une  colonie 
séparée.  Aussi  ne  les  y trouve-t-on  pas  réunis  dans  certaines  localités, 
mais  demeurent-ils  dispersés  dans  toutes  les  parties  du  pays.  Ce  sont 
presque  tous  des  métis  qui  ne  se  distinguent  plus  en  rien  de  la 
population  indigène,  si  ce  n’est  par  l’habit  dans  les  occasions  solennelles. 
En  outre,  ils  ont  conservé  leurs  noms  de  famille.  Depuis  l’occupation 
d’Atjeh  par  les  Hollandais  et  les  troubles  qui  en  ont  résulté,  ils  ont 
quitté  Kola  Radja  et  les  environs,  c’est-à-dire  le  principal  terrain  des 
hostilités,  pour  s’établir  dans  les  dépendances  d’Atjeh,  surtout  dans 
les  ports  de  la  côte  septentrionale. 

La  fondation  de  la  colonie  de  Ponlianak  sera  exposée  plus  loin  (2).  Il 
suffit  de  mentionner  ici  qu’elle  date  également  de  la  fin  du  siècle  précédent. 
Le  premier  Sultan  arabe  de  la  ville  encourageait  fortement  l’établissement 

de  ses  compatriotes,  leur  accordait  plusieurs  privilèges  commerciaux, 

\ 

(’)  Le  mot  arabe  moçallâ  n’est  pas  en  usage  à Palembang. 

(’)  Chapitre  VII  § 1. 


tandis  que  les  autres  marchands  étrangers  étaient  entravés  dans  leurs 
opérations,  surtout  avec  l’intérieur,  par  des  vexations  incessantes. 
Les  Arabes  y amassaient  donc  de  grandes  fortunes  et  accaparaient 
spécialement  tout  le  commerce  avec  l’intérieur  du  pays,  jusqu’à  ce 
que,  sous  l’influence  du  Gouvernement  hollandais,  les  privilèges  et 
les  vexations  furent  abolis  graduellement.  A mesure  que  la  situation 
s’améliorait,  les  marchands  non-arabes  gagnaient  du  terrain  et,  de 
nos  jours,  le  commerce  en  gros  y a passé  entièrement  dans  les  mains 
des  Chinois  et  des  Bengalais.  Il  n’y  a que  quelques  Arabes  nés  eu 
Hadhramout,  qui  font  un  commerce  de  détail  insignifiant.  Dans  un 
autre  chapitre  (*),  je  parlerai  des  moyens  de  subsistance  des  descendants 
des  riches  marchands  arabes  d’autrefois  et  de  leurs  sentiments  envers 
les  Arabes  immigrés.  Je  me  bornerai  ici  à constater  que  leurs  maisons, 
bâties  dans  le  genre  de  celles  de  Palembang,  mais  beaucoup  plus 
petites,  portent,  à peu  près  toutes,  des  indices  d’une  décadence 
irréparable.  En  1884,  le  gouvernement  hollandais  à nommé  un  chel 
des  Arabes  venus  d’autre  part;  quant  aux  Arabes  nés  à Pontianak, 
ils  sont  sujets  du  Sultan.  Il  n’y  a pas  de  quartier  arabe;  c’est  une 
institution  propre  aux  villes  sous  l’administration  directe  des  autorités 
hollandaises,  qui  réunissent  les  différentes  nationalités  étrangères  dans 
des  quartiers  séparés. 

Les  autres  colonies  arabes  dans  les  possessions  hollandaises  ne 
méritent  pas  de  mention  spéciale.  Elles  sont,  toutes,  ou  de  date 
récente,  ou  bien  elles  se  composent  de  descendants  d’Arabes  entièrement 
mêlés  aux  Indigènes.  Ceci  est  par  exemple  le  cas  à Djambi  etàSiak. 
A Padang,  le  chef  des  étrangers  mahométans  est  choisi,  depuis  1878, 
parmi  les  Arabes.  A Bandjermassin,  le  premier  chef  fut  nommé  en  187a  (2), 

(*)  Chapitre  VIII. 

(')  Le  nombre  des  Arabes  dans  cette  ville  a plus  que  doublé  dans  les  15  dernières 
années. 


122 


à Araboina  et  à Banda,  en  1878,  et  à Makassar,  en  1881.  À Ternate, 
la  colonie  arabe  est  encore  une  avec  celle  de  tous  les  étrangers 
mahométans,  sous  un  seul  chef,  qui  depuis  1881  est  Arabe. 

Quant  aux  colonies  arabes  dans  les  possessions  anglaises,  la  plus 
ancienne  est  celle  de  Malacca  ; mais  elle  est  en  décadence,  comme 
cette  ville  même,  depuis  la  fondation  de  Singapour  en  1819.  Elle 
se  compose,  à l’heure  qu’il  est,  presque  entièrement  de  métis  dont 
la  plupart  sont  pauvres.  Ceux  qui  en  avaient  les  moyens  et  l’énergie, 
ont  quitté  la  ville  pour  s’établir  à Singapour.  C’est  là  qu’on  trouve 
à présent  la  colonie  arabe  la  plus  florissante,  quoique  non  la  plus 
grande  de  tout  l’Archipel  indien.  C’est  le  point  par  où  passent  tous 
les  Arabes  venant  chercher  leur  fortune  dans  l’extrême  Orient.  Aussi 
le  nombre  des  nouveaux  venus  y augmente  chaque  année.  Il  en  est 
de  même  dans  la  colonie  arabe  de  Poulou  Pinang,  quoique  de  beaucoup 
inférieure  à la  précédente.  Dans  les  possessions  anglaises,  les  Arabes 
n’ont  point  de  chefs  de  leur  propre  nationalité;  ils  sont  placés  sous 
les  ordres  directs  des  autorités  européennes. 

Quant  à la  partie  de  l’Archipel  indien  à l’est  d’Amboina  et  de 
Banda,  les  Arabes  n’y  ont  pas  encore  fondé  de  colonie,  quoique  leurs 
vaisseaux  poussent  jusqu’à  la  Nouvelle  Guinée  et  visitent  l’Archipel 
de  Soulou  et  les  îles  Philippines. 


CHAPITRE  IL 

CARACTÈRE  DES  IMMIGRANTS  ARABES. 


Les  Arabes  qui  prennent  la  résolution  d’émigrer  ne  sont  pas  les 
plus  riches  de  la  population  du  Hadhramout.  Il  en  est  d’eux  comme 
de  nous  autres  Européens:  celui  qui  jouit  d’une  certaine  aisance,  ne 
va  pas  à l’étranger  chercher  sa  fortune,  ou  pour  se  servir  de 
l’expression  arabe,  „la  bague  du  prophète  Salomon”. 

On  s’imagine  généralement  que,  depuis  des  siècles,  les  Arabes 
se  sont  rendus  dans  l’Archipel  indien  autant  comme  missionnaires 
que  pour  faire  le  commerce.  Quel  fût  leur  motif  d’immigrer  dans 
les  siècles  passés,  impossible  de  le  dire  avec  quelque  certitude;  mais 
je  puis  affirmer  que,  depuis  les  15  dernières  années,  il  n’en  est  pas 
arrivé,  à Batavia,  un  seul  qui  n’ait  eu  des  aspirations  exclusivement 
pécuniaires.  Les  quelques  Arabes  qui,  dans  l’Archipel  indien,  s’occupent 
des  sciences  ou  exercent  des  fonctions  ecclésiastiques,  ne  font  pas 
exception  à cette  règle.  Venus  dans  un  autre  but,  ils  se  sont  voués, 
plus  tard,  par  le  concours  des  circonstances,  aux  intérêts  spirituels  de 
leurs  coreligionnaires.  Les  rares  ecclésiastiques  appelés  du  Hadhramout 
pour  devenir,  dans  l’Archipel  indien,  prédicateur  ou  gardien  d’une 
des  petites  mosquées  dans  les  quartiers  arabes,  ont  accepté  cette 
offre  en  vue  des  émoluments,  et  non  pas  par  la  vocation  de 
devenir  missionnaires.  Quant  aux  Arabes  venus  d’autres  pays  que 
le  Hadhramout,  leur  immigration  a un  caractère  analogue.  Même 
ceux  qui  n’ont  point  l’intention  de  fixer  leur  domicile  dans  l’Archipel 
indien,  n’en  viennent  pas  moins  pour  remplir  leurs  poches.  S’ils 
tâchent  d’atteindre  ce  but  d’une  autre  façon  que  les  Arabes  du 
Hadhramout,  c’est-à-dire  en  spéculant  sur  la  crédulité  des  Indigènes, 
il  n’en  est  pas  moins  vrai  que  jamais  on  n’a  vu  un  d’eux 


aller  prêcher  le  Coran  aux  nombreux  payens  qui  habitent  encore 
l’Extrême  Orient. 

Lorsqu’un  Arabe  établi  dans  l’ Archipel  indien  voit  qu’il  ne  suffît 
plus,  à lui  seul,  à son  commerce,  il  engage  de  préférence  un  jeune 
homme  de  sa  famille  ou  de  sa  tribu.  Voilà  pourquoi,  dans  toutes 
les  colonies  arabes,  la  majorité  des  immigrants  est  de  la  même  partie 
du  Hadhramout.  Ainsi,  la  plupart  des  Arabes  dans  l’Archipel  indien 
sont  originaires  de  la  grande  vallée  entre  Cbibâm  et  Terim.  Les 
habitants  de  la  vallée  de  Dou’an  (*)  aiment  mieux  se  rendre  dans 
les  colonies  de  ’Aden,  de  Djuddah,  de  Souâkim  ou  du  Caire  (2).  Les 
habitants  du  littoral  préfèrent  l’Inde  anglaise,  surtout  la  côte  de 
Malabar  et  le  Haiderabàd;  les  Bédouins  quittent  rarement  leur  pays. 
L’Arabe  nouvellement  arrivé  devient  l’hôte  de  celui  qui  l’a  fait  venir. 
S’il  n’a  pas  été  appelé,  il  demande  l’hospitalité  à un  membre  de  sa 
famille  ou  de  sa  tribu.  Il  est  rare  qu’un  Arabe  arrive  dans  l’Archipel 
indien,  sans  y connaître  personne  dont  il  puisse  espérer  un  bon 
accueil;  plus  rare  encore  qu’un  Sayyid  le  fasse.  A Singapour,  où 
presque  tous  les  immigrants  du  Hadhramout  doivent  passer,  deux 
Arabes  se  sont  fait  métier  et  marchandise  de  donner  l’hospitalité 
au  nouveaux  venus  et  de  leur  procurer,  en  cas  de  besoin,  les 
moyens  de  continuer  le  voyage,  sous  condition  que  les  frais  du 
logement  et  les  sommes  avancées  soient  restituées,  plus  tard,  avec 
l’intérêt. 

L’arrivée  d’un  Arabe  du  Hadhramout  est  ordinairement  quelque 
chose  de  très-important  dans  une  colonie;  chacun  veut  lui  parler  et 
lui  demander  des  nouvelles  de  sa  famille,  de  sa  tribu  ou  de  sou 
village.  Presque  toujours,  il  apporte  un  paquet  de  lettres  des  parents 
dans  la  patrie.  Si  le  destinataire  ne  se  trouve  pas  sur  le  lieu,  ou 


(*)  Dou'ani  plur.  Dawâ'in. 

(s)  V.  de  Mallzan  op.  cil.  p.  20'  et  i8. 


12» 


qu’il  soit  déjà  parti  vers  une  autre  colonie,  la  lettre  est  expédiée 
scrupuleusement  par  une  main  amie. 

Le  voyage  du  Hadhramout  à l’Archipel  indien  durait  autrefois 
plusieurs  mois.  Il  fallait  se  rendre  d’al-Mokallâ  ou  d’ach-Chihr  à 
Bombay;  de  là  dans  l’ile  de  Ceylan  et  enfin  à Atjeh  ou  à Singapour, 
le  tout  par  des  navires  à voiles.  Ce  voyage,  on  le  fait  encore  quelquefois 
aujourd’hui,  mais  ceux  qui  en  ont  les  moyens  aiment  mieux  s’embarquer 
à ’Aden,  directement  pour  Singapour,  sur  les  paquebots  européens. 
J’ai  toujours  entendu  les  Arabes  parler,  avec  prédilection,  des  paquebots 
de  la  compagnie  française  des  Messageries  Maritimes;  est-ce  parce  qu’ils 
trouvent  ordinairement,  parmi  les  officiers  et  l’équipage,  des  personnes 
parlant  leur  langue?  On  sait  que  rarement  un  Arabe  voyage  dans  la 
première,  ni  même  dans  la  seconde  classe. 

Les  jeunes  Arabes  qui  ne  trouvent  pas  de  pied-à-terre  chez  quelque 
compatriote,  et  qui  ne  gagnent  pas  encore  assez  pour  avoir  une  maison 
à eux,  en  prennent  quelquefois  une  ensemble.  Chacun  est  son  propre 
cuisinier;  mais  les  frais  d’un  concierge,  de  l’eau  et  du  feu  sont 
supportés  en  commun. 

Un  Arabe  venu  du  Hadhramout  peut,  sans  avoir  dans  l’Archipel 
indien  des  protections  puissantes,  acquérir  assez  vile  quelque  aisance, 
comparaison  faite  des  sommes  minimes  dont  il  a vécu  dans  sa  patrie, 
ou  de  ce  que  gagnent  les  Indigènes,  dont  il  adopte  entièrement  la 
manière  de  vivre.  Or,  une  somme  absolument  insuffisante  pour  les 
Européens,  avec  leurs  besoins  excessifs  sous  les  tropiques,  constitue 
pour  un  Arabe  non-seulement  assez  pour  vivre,  mais  lui  permet  même 
de  faire  de  petites  économies.  A Batavia,  par  exemple,  il  y a peu 
d’Arabes  qui  n’aient  de  50  à 40  fl.  par  mois  ; si  ce  chiffre  paraît  un 
peu  élevé,  comme  minimum  pour  quelques  autres  colonies,  on  ne 
doit  pas  perdre  de  vue  qu’on  peut  y vivre  ordinairement  à meilleur 
marché  que  dans  la  capitale  des  possessions  hollandaises.  En  tout 


126 


cas,  je  ne  crois  pas  qu’il  y ait  dans  l’Archipel  indien  un  seul  Arabe 
du  Hadhramout,  à moins  qu’il  ne  soit  paresseux,  qui  gagne  moins  de 
20  fl.  par  mois,  c’est-à-dire  plus  que  le  double  de  ce  qu’il  lui  faut 
pour  vivre  en  Hadhramout  d’une  manière  convenable  (*). 

Rarement  on  rencontre  un  Arabe,  qu’il  soit  riche  ou  pauvre,  qui 
dépense  tout  son  revenu.  L’épargne  est  quelque  chose  qui  tient  de 
leur  nature  et  fait  qu’ils  jouissent,  à peu  près  tous,  d’une  certaine 
prospérité;  il  faut  dire  à leur  honneur  que,  arrivés  à l’aisance  dans 
l’Archipel  indien,  ils  n’oublient,  presque  jamais,  les  membres  de  leur 
famille  restés  dans  la  patrie.  Au  cas  que  ceux-ci  n’aient  pas  besoin 
de  secours,  on  donne  de  son  superflu  aux  mosquées,  aux  écoles  ou  à 
d’autres  fondations  pieuses;  il  y en  a même  qui  envoient  annuellement 
de  l’argent  à quelque  savant  vénéré  ou  à quelque  ami  âgé.  Jamais 
Arabe  n’imitera  les  nouveaux  riches  en  Europe,  rougissant  de  leurs 
parents  pauvres  et  tâchant  de  s’en  déharasser  au  plus  vite.  Au 
contraire,  c’est  une  idée  innée  chez  eux,  que  la  fortune  de  quelqu’un 
doit  profiter  à toute  sa  famille  (2).  Un  Arabe  qui  s’aviserait  de  se 
soustraire  à cette  obligation  morale,  s’attirerait  le  mépris  de  tous  ses 
compatriotes.  A plus  forte  raison  il  en  est  ainsi,  quand  il  s’agit  de 
ses  ascendants.  Le  respect  des  Arabes  pour  les  auteurs  de  leur  vie, 
remarqué  déjà  par  plusieurs  voyageurs,  m’a  frappé  fortement  dans 
l’Archipel  indien,  même  chez  des  métis. 

Il  est  impossible  de  savoir  le  montant  exact  de  ces  remises  annuelles 
au  Hadhramout.  Toutefois,  je  crois  pouvoir  les  évaluer  à environ 
150000  fl.  La  plupart  ne  sont  pas  faites  par  l’intermédiaire  des 
maisons  de  commerce,  ni  des  banques  européennes;  et  encore  celles  qui 
y passent  ne  sont  pas  envoyées  directement,  mais  par  l’intermédiaire 

(*)  Parmi  les  métis  il  y en  a beaucoup  qui  ne  peuvent  atteindre  cette  somme.  Je 
parlerai  de  leur  condition  économique  plus  amplement  dans  le  Chapitre  VIII. 

(’)  Il  y aurait,  en  Hadhramout,  des  personnes  assez  exigeantes  à cet  égard.  Leurs 
demandes  de  secours  prennent  quelquefois  le  caractère  d'une  véritable  exploitation. 


(le  Singapour,  de  Bombay  ou  de  ’Aden.  En  général,  elles  sont  faites  en 
numéraire,  qu’on  confie  à quelque  ami  ou  à quelque  membre  de  sa 
famille  ou  de  sa  tribu,  qui  va  repatrier.  Je  n’ai  jamais  entendu 
d’abus  de  confiance.  Il  y a,  à Batavia,  un  Arabe,  qui  vend  des  traites 
sur  Saioun,  où  il  a déposé  entre  les  mains  de  son  fondé  de  pouvoir 
une  somme  de,  je  crois,  50000  fl.,  laquelle  est  complétée  au  moyen 
de  traites  sur  ’Aden,  aussitôt  qu’elle  menace  d’être  épuisée.  De  là, 
ou  expédie  le  montant,  en  numéraire,  à sa  destination. 

La  manière  scrupuleuse  dont  les  Arabes,  dans  l’Archipel  indien, 
observent  les  préceptes  de  la  loi  musulmane  relatifs  aux  prélèvements 
(zakâh)  est  une  nouvelle  preuve  que  l’esprit  de  bienfaisance  a pris, 
chez  eux,  de  profondes  racines.  Leur  sobriété  égale  leur  bienfaisance. 
On  ne  trouve  pas  d’Arabe  du  Hadhramout  adonné  aux  boissons 
alcooliques  (*)  ou  à l’opium;  même  parmi  les  métis,  ces  vices  ne 
se  rencontrent  que  rarement.  Puis  les  Arabes,  quelque  pauvres 
qu’ils  soient,  savent  préserver  leurs  filles  de  la  prostitution,  chose 
d’autant  plus  méritoire  que  les  Indigènes  de  bas  étage  sont  très-faciles 
à cet  égard,  et  que  les  filles  des  Arabes  appartiennent,  quant  au  caractère, 
réellement  à cette  dernière  nationalité  (2).  A Bangkallan  seul,  on  m’a 
cité  un  exemple  d’une  métisse  arabe  qui  avait  tourné  mal. 

Un  dernier  trait  louable  dans  le  caractère  des  Arabes  du  Hadhramout, 
c’est  leur  respect  pour  la  culture  de  l’esprit,  en  général,  et  pour  celle 
de  leurs  sciences  favorites,  la  théologie,  la  jurisprudence  et  la  grammaire, 
en  particulier.  Même  les  membres  de  tribu,  d’ailleurs  peu  civilisés, 
ne  peuvent  se  soustraire  à l’influence  de  l’opinion  publique  à cet 
égard.  Une  des  choses  qu’ils  louent  le  plus  dans  les  gouvernements 
européens,  c’est  la  libéralité  avec  laquelle  ils  subventionnent  les 
explorations  scientifiques.  Les  savants  arabes,  en  petit  nombre  dans 


(')  ,,Ivre”  s’appelle  dans  le  dialecte  du  Hadhramout  dlkhân  ou  dûïkh  ; ..ivresse”  dawkhah. 
(2)  V.  plus  bas  Chapitre  VI. 


128 


l’Archipel  indien  il  est  vrai,  jouissent  auprès  de  leurs  compatriotes 
d’une  considération  à laquelle  on  ne  s’attendrait  pas,  quand  on  se 
rappelle  que  peut-être  le  tiers  de  ceux-ci  n’ont  été,  dans  leur  patrie, 
guère  plus  que  des  brigands.  J’ai  assisté  «à  des  réunions  d’Arabes 
où  les  plus  riches  marchands  et  les  chefs  nommés  par  le  Gouvernement 
hollandais  traitaient  un  savant  relativement  pauvre  et  obscur  d’une 
manière  prouvant  qu’ils  le  considéraient  comme  leur  supérieur.  Et 
ce  respect  ne  reste  pas  borné  à de  vaines  marques  de  politesse.  Un 
riche  Arabe  de  mes  connaissances,  étant  à ’Aden  et  le  hasard  lui 
ayant  appris  qu’un  savant,  parmi  ses  compatriotes,  avait  des  démêlés 
avec  le  clergé  indigène  de  sa  ville,  mit  immédiatement,  par  télégramme, 
à la  disposition  du  savant  la  somme  de  2500  fl.,  afin  que  celui-ci 
pût  se  faire  défendre,  en  cas  de.  besoin,  par  un  des  principaux  avocats. 
Heureusement,  l’affaire  n’allait  pas  si  loin;  mais  cette  marque  de 
respect  désintéressé  envers  quelqu’un  qui  n’était  pas  de  sa  famille, 
ni  même  du  nombre  «le  ses  amis  intimes,  mérite  l’appréciation  de 
tout  homme  de  bien. 

La  richesse  à elle  seule  ne  donne  aucun  prestige  dans  les  colonies 
arabes,  pas  plus  qu’une  nomination  comme  chef  de  la  colonie  par  le 
Gouvernement  hollandais  (‘),  lors  même  que  ce  serait  avec  un  des 
rangs  honorifiques  de  lieutenant,  de  capitaine  ou  'de  major.  Certes, 
on  obéira  au  chef  d’une  colonie,  lorsque  la  loi  l’exige,  sachant  qu’un 
refus  d’obéissance  sera  puni  comme  rébellion.  Mais  il  ne  faut  pas  que 
les  autorités  locales  se  fassent  illusion  sur  l’influence  d’un  chef  sur 
ses  compatriotes,  si  celui-ci  n’en  avait  pas  avant  sa  nomination,  ou 
qu’il  n’ait  pas  de  position  indépendante.  Dans  ce  dernier  cas,  le  chef 
n’osera  que  rarement  user  de  sou  autorité,  même  légale,  envers  ceux 
qui  sont  ses  supérieurs  en  fortune  ou  en  origine.  Je  pourrais  citer, (*) 


(*)  En  arabe  le  chef  d'une  colonie  s’appelle  Abou. 


129 


à cet  égard,  des  exemples  frappants,  surtout  relatifs  à la  répartition 
des  impôts.  En  outre,  un  chef  n’appartenant  point  aux  notables  de 
la  colonie  serait  sur  d’avoir  de  la  part  de  ses  compatriotes  une  vie 
de  chien.  Un  Sayyid  n’aime  pas  à être  sous  les  ordres  d’un  Bédouin 
presque  illettré;  un  parent,  même  éloigné,  d’un  chef  de  tribu  ou  un 
membre  d’une  famille  respectable  n’obéissent  qu’à  leur  corps  défendant 
à un  individu  qui,  en  Hadhramout,  serait  artisan  ou  domestique. 
Plusieurs  fois  les  autorités  locales  ont  consulté,  en  cas  de  vacance, 
la  colonie  arabe  elle-même  sur  le  choix  de  son  chef,  et  ce  procédé  a 
eu  les  meilleurs  résultats. 

Un  personnage  influent  ou  populaire  étant  nommé  chef  d’une  colonie, 
cette  distinction  le  relève  encore;  mais  on  cherchera  en  vain  parmi 
les  Arabes  la  manie  des  titres  honorifiques  officiels,  laquelle  on  remarque 
chez  les  Chinois  riches,  surtout  dans  l’île  de  Java.  Je  sais  même  des 
cas  où,  dans  une  grande  colonie,  on  ne  pouvait  trouver  quelqu’un 
apte  et  enclin  à se  charger  des  fonctions  de  chef.  Les  avantages 
minimes,  tant  au  point  de  vue  matériel  qu’au  point  de  vue  moral, 
qu’on  pouvait  espérer  d’une  nomination,  ne  balançaient,  dans  l’idée 
des  Arabes  notables,  aucunement  le  souci  et  la  peine  qu’on  s’attirerait 
en  l’acceptant.  On  ne  trouvait  rien  d’engageant  à courir,  tous  les 
jours,  le  risque  d’être  placé  entre  les  autorités  hollandaises  et  ses 
compatriotes,  avec  la  probabilité  de  s’attirer  l’inimitié  des  deux  partis. 
La  présence  de  plusieurs  compétiteurs  aux  fonctions  de  chef  d’une 
colonie  est  toujours  un  signe  de  discorde,  lors  même  que  celle-ci  ne 
se  serait  pas  encore  manifestée  par  des  faits.  Parmi  les  causes  de 
discorde,  les  plus  ordinaires  sont  l’antipathie  des  Arabes  nés  en 
Hadhramout  contre  les  métis,  ou  bien  celle  des  Sayyid  pauvres 
contre  les  riches  marchands  de  basse  extraction.  Il  est  rare  que  des 
complications  politiques  en  Hadhramout  entraînent  des  discordes 
importantes  dans  l’Archipel  indien. 


9 


130 


La  statistique  criminelle  est  singulièrement  favorable  pour  les  Arabes. 
Un  magistrat  hollandais  me  disait  que,  dans  une  période  de  12  ans, 
il  n’avait  eu  à condamner  qu’un  seul  Arabe.  D’après  une  notice  que 
m’a  fournie  M.  l’Inspecteur  des  prisons,  on  n’a  prononcé,  dans  les 
possessions  hollandaises,  pendant  les  années  1885,  1884  et  1883, 
contre  des  Arabes,  que  8 condamnations  à un  emprisonnement  de 
plus  d’un  an,  et  encore  de  ces  8 condamnations,  7 regardaient  des 
métis.  Le  seul  Arabe  né  en  Hadliramout,  qui  fût  condamné,  avait 
commis  un  attentat  aux  moeurs;  les  7 métis  étaient  tous  coupables 
de  vols  qualifiés.  Quant  aux  condamnations  à des  peines  plus  légères, 
la  statistique  officielle  mentionne  les  Arabes,  les  Chinois,  les  Bengalais 
et  les  autres  étrangers  non-chrétiens  sous  une  même  rubrique. 

Nonobstant  toutes  les  bonnes  qualités  dont  le  caractère  arabe  fait 
preuve,  il  n’y  a pas  de  gens  dans  l’Archipel  indien,  qui,  surtout 
dans  les  grands  centres  de  population,  soient  si  mal  vus,  ni  qui  se 
retirent  davantage  des  Européens.  Tandis  que  les  Chinois  riches 
cherchent,  en  général,  la  société  des  Européens  et  donnent  à leurs 
enfants  une  éducation  européenne,  rien  de  pareil  ne  se  voit  chez 

les  Arabes  (').  Ils  n’envoient  point  leurs  enfants  aux  écoles  du 
Gouvernement  ou  des  missionnaires:  à Soumenep  seul  j’ai  vu  l’enfant 
d’un  Arabe  parmi  les  élèves  de  l’école  primaire  indigène.  A Singapour, 
il  paraît  que  les  avantages  d’une  éducation  européenne  sont  plus 
appréciés  par  les  Arabes.  Au  moins,  y a-t-il  plusieurs  élèves  arabes 
dans  les  écoles  de  cette  ville.  Aussi  un  Arabe  y est  membre  du 
conseil  communal , et  ils  y ont  un  cercle  spécial  comptant  une 

trentaine  de  membres;  les  individus  les  plus  considérés  seuls  y sont 

admis.  C’est  en  même  temps  une  espèce  de  Debating  Society,  genre 

d’amusement,  comme  on  sait,  très  en  vogue  partout  où  il  y a des (*) 

(*)  Il  n'y  a que  Palembang  et  Pontianak  où  j’ai  trouvé  quelques  Arabes,  tous  métis, 
qui  fréquentaient  la  colonie  européenne. 


131 


Anglais.  A défaut  de  débats  réguliers,  on  passe  le  temps  à causer, 
et  à jouer  au  billard,  aux  échecs'  ou  aux  dames.  On  n’y  joue  jamais 
d’argent;  par  conséquent,  le  jeu  de  cartes  et  les  autres  jeux  de 
hasard  y sont  défendus.  Les  Arabes  à Singapour  n’en  sont  pas  moins 
exclus  de  la  société  des  Européens , comme  dans  les  possessions 
hollandaises;  je  crois  même  que  leur  réputation,  surtout  leur  réputation 
commerciale,  y est  pire  encore  qu’à  Batavia. 

Les  quartiers  arabes,  à peu  d’exceptions  près,  sont  sales  et  n’ont 
rien  d’engageant  pour  les  visiteurs  européens;  de  même  l’intérieur 
des  maisons  manque  tout  ce  que  ceux-ci  apprécient.  Contraire  aux 
Chinois,  qui  aiment  à montrer  leur  prospérité  par  la  splendeur 
de  leurs  maisons  et  de  leurs  équipages,  les  Arabes  ne  font  aucun 
cas  de  luxe,  ni  dans  leur  intérieur,  ni  au  dehors.  La  plupart  même 
tâchent  de  passer  pour  plus  pauvres  qu’ils  ne  sont.  Leurs  femmes, 
ni  leurs  filles  ne  sont  jamais  visibles,  du  moins  dans  les  maisons  bien 
tenues.  Puis  ils  ont  apporté  du  désert  une  espèce  de  franc-parler,  pour 
ne  pas  dire  insolence,  qui  déplaît  à tout  le  monde,  et  qui,  joint  à 
un  manque  de  respect  incorrigible  envers  les  autorités,  n’est  pas 
précisément  le  moyen  de  leur  attirer  les  bonnes  grâces  du  Gouvernement. 
Ce  trait  de  caractère  se  montre  surtout  chez  les  membres  de  tribu; 
chose  qui  n’a  rien  d’étonnant,  quand  on  connaît  le  genre  de  vie  que 
ces  individus  ont  mené  avant  d’arriver  aux  Indes. 

Quoique  les  Sayyid  et  les  bourgeois  soient,  en  général,  plus 
présentables,  vu  aussi  leur  plus  haut  degré  de  civilisation,  il  s’en 
faut  beaucoup  qu’ils  aient  tous  adopté  les  formes  de  politesse,  de 
convenance  dans  la  société  européenne. 

Citons  encore  comme  traits  qui  ne  sont  pas  à l’avantage  des  Arabes, 
leur  caractère  vindicatif,  leur  goût  des  procès  et  leurs  incessants 
démêlés  avec  le  clergé  indigène  sur  le  culte  mahométan.  Ces  démêlés 
déplaisent  surtout  aux  autorités  hollandaises,  celles-ci  devant  s’abstenir, 


132 


d’après  la  charte  coloniale,  autant  que  possible,  de  toute  immixtion 
dans  les  affaires  de  religion,  et  parce  que,  du  reste,  elles  n’ont  pas 
les  connaissances  spéciales  pour  trancher  des  questions  de  cette  nature. 
Enfin,  les  Arabes  n’ont  guère  de  scrupules,  s’il  s’agit  de  gagner  de 
l’argent.  Ils  ne  sont  pas  coulants  dans  les  affaires,  et  plusieurs 
d’entre  eux  sont  d’une  parcimonie  qui  leur  joue  souvent  de  mauvais 
partis.  Cherchant  toujours  et  en  premier  lieu  le  bon  marché,  même 
dans  le  choix  d’un  avocat,  d’un  notaire  ou  d’un  médecin,  ils  sont 
souvent  dupes  de  leur  prétendue  finesse. 

Il  n’y  a,  de  nos  jours,  que  très-peu  d’Arabes  qui,  après  avoir 
habité  l’Archipel  indien  et  fortune  faite,  se  retirent  en  Hadhramout  (‘). 
Plusieurs,  il  est  vrai,  s’y  rendent  pour  quelque  temps,  afin  de  revoir 
leur  famille  ou  pour  y conduire  leurs  enfants.  Quelques-uns  y ont 
une  maison  et  des  plantations  de  dattiers,  voire  même  une  femme. 
Contraires  aux  Hollandais,  ils  ne  transportent  pas  dans  leur  patrie 
la  fortune  acquise  dans  l’Archipel  indien.  La  principale  cause  en 
est,  d’abord,  le  peu  de  sécurité  du  pays  et,  en  second  lieu,  la 
circonstance  que  leurs  femmes,  toutes  nées  aux  Indes,  sont,  en 
général,  peu  disposées  à vivre  dans  un  pays  dont  elles  ne  parlent 
pas  la  langue. 

Outre  ces  causes  générales,  il  y en  a d’autres  de  nature  secondaire. 
La  plupart  des  Arabes,  et  parmi  eux  en  premier  lieu  ceux  qui  ont 
ramassé  dans  l’Archipel  indien  une  fortune  de  quelque  importance, 
n’aiment  plus  leur  patrie,  après  avoir  fait  un  long  séjour  à l’étranger. 
Ils  l’ont  quittée,  souvent,  jeunes  et  pauvres;  devenus  riches,  ils  s’v 
trouvent  placés  dans  une  fausse  position.  Les  Arabes  qui  ont  fait  un 
long  séjour  à l’étranger  et  y ont  joui  de  quelque  aisance,  ont,  en 
outre,  contracté  par  là  des  habitudes  contraires  au  goût  de  leurs (*) 


(*)  V.  de  Maltzan  op.  cit.  p.  49. 


155 


compatriotes  en  Hadhramout,  et  ils  ont  appris  à se  créer  des  besoins 
auxquels  ils  11e  peuvent  satisfaire  dans  leur  patrie.  Ceci  regarde 
spécialement  les  membres  de  tribu,  lesquels,  pour  rester  auprès  de 
leur  famille,  doivent  faire  abandon  du  peu  de  luxe  même  auquel  ils 
se  sont  habitués. 

En  dernier  lieu,  il  y a,  dans  l’Archipel  indien,  des  Arabes,  même 
notables,  qui,  en  Hadhramout,  ont  eu  certaines  affaires  qui  leur 
empêchent  de  jamais  y remettre  le  pied.  Cependant  il  faut  l’avouer, 
ceux-ci  ne  sont  pas  en  grand  nombre.  A les  écouter,  011  dirait  qu’il 
11’y  a rien  de  bon  dans  leur  patrie.  J’en  connais  un  qui  va  très-loin 
dans  ses  invectives.  Je  n’ai  pas  réussi  à apprendre  en  détail  ce  qu’il 
a fait;  mais  il  n’en  est  pas  moins  certain  qu’à  peu  près  toutes 
les  tribus  du  Hadhramout  l’ont  proscrit  nonobstant  sa  qualité  de 
Sayyid. 


CHAPITRE  III. 


MOYENS  DE  SUBSISTANCE. 

Il  est  rare  de  rencontrer,  dans  l’Archipel  indien,  des  Arabes  qui 
ne  soient  pas  pins  ou  moins  intéressés  dans  le  commerce.  Ils  forment, 
avec  les  Chinois,  ce  qu’on  appelle  en  langue  commerciale  „la  seconde 
main”,  c’est-à-dire  qu’ils  achètent  en  gros  chez  les  grandes  maisons 
européennes  pour  détailler  les  marchandises,  soit  immédiatement,  soit 
par  l’intermédiaire  d’autrui.  Toutefois,  pris  en  son  ensemble,  le 
commerce  des  Chinois  est  beaucoup  plus  important  que  celui  des 
Arabes,  et  il  paraît  même  que  ceux-là  leur  sont  supérieurs  en  esprit 
commercial.  Ce  qui  est  certain,  c’est  que,  dans  les  localités  où  les  deux 
nations  se  font  concurrence,  le  quartier  des  Chinois  a généralement 
un  aspect  de  prospérité  que  l’on  cherche  en  vain  dans  celui  des  Arabes. 
Aussi  prétend-on  que  les  maisons  européennes  aiment  ordinairement 
mieux  entrer  en  relations  commerciales  avec  les  Chinois  qu’avec  eux. 
Cependant  à cette  règle,  il  y a des  exceptions.  A Palembang  et  à 
Pekalongan  les  Arabes  dominent  tellement  par  leurs  capitaux,  que 
presque  tout  le  quartier  Chinois  est,  plus  ou  moins,  dans  leur 
dépendance.  Ils  y fournissent  à la  majorité  des  Chinois,  soit  les 
fonds  nécessaires  pour  leurs  affaires,  soit  les  marchandises  mêmes 
que  ceux-ci  vendent  en  détail.  Aussi  la  prospérité  évidente  du  quartier 
arabe  dans  les  deux  villes  surpasse  beaucoup  celle  du  quartier  chinois. 
Enfin,  on  me  rapporte  de  Sourabaya  et  de  Padang  que  les  Arabes, 
même  ceux  qui  ue  sont  pas  riches,  jouissent  de  plus  de  confiance 
auprès  du  commerce  européen  que  les  Chinois. 

On  s’attendrait  à ce  que  les  Arabes  dans  l’Archipel  indien  trafiqueraient, 
en  premier  lieu,  avec  leur  patrie,  la  Mer  rouge  et  le  Golfe  persique. 
Cependant,  leur  commerce  avec  tous  ces  pays  est  minime.  Au 


135 


commencement  du  siècle  actuel,  le  commerce  arabe  avec  Mascate  et 
Mokhâ  était  encore  important  (*);  mais  quoi  qu’il  en  soit,  a l’heure 
qu’il  est,  les  affaires  que  font  les  Arabes  sont  limitées,  à peu 
d’exceptions  près,  à l’Archipel  indien  et  à la  presqu’île  de  Malacca. 
Même  les  îles  Philippines  semblent  rester  à peu  près  hors  de  leur 
terrain  d’exploitation. 

En  général,  le  commerce  arabe  se  fait  avec  trop  peu  de  capital. 
Un  Arabe,  après  avoir  fait  fortune,  continuera  rarement  ses  affaires 
commerciales  avec  tout  son  avoir  (2).  II  . ne  se  fait  pas  un  point 
d’honneur,  comme  les  Européens,  de  fonder  une  maison  qui  reste 
jouir  d’une  bonne  renommée,  même  après  que  les  participants 
primitifs  se  seront  depuis  longtemps  retirés.  Aussi  le  droit  musulman, 
bien  que  reconnaissant  plusieurs  espèces  d’associations  commerciales, 
garde  le  silence  sur  les  sociétés  en  nom  collectif  et  sur  la  raison 
sociale  des  maisons  de  commerce  en  général.  Chaque  marchand  fait 
ses  affaires  et  signe  de  son  propre  nom,  et,  en  cas  d’association,  au 
nom  de  ses  associés  (3).  Ce  caractère  personnel  des  affaires  s’oppose 
à la  création  d’un  établissement  commercial  ayant  une  existence 
légale  en  dehors  de  celle  de  ses  participants,  première  condition 
pour  qu’une  maison  perpétue  le  nom  du  fondateur. 

Pour  les  capitaux  retirés  du  commerce  proprement  dit,  les  Arabes 
cherchent,  de  préférence,  des  placements  sur  des  immeubles,  ou  ils 
en  achètent  pour  les  donner  à bail.  Dans  les  parties  de  l’Archipel 
indien  placées  sous  l’administration  directe  des  autorités  hollandaises, 

(‘)  Voyez  entre  autres  P.  J.  Yeth:  Borneo's  Westerafdeeling  (La  côte  occidentale  de 
Bornéo).  Tome  1,  p.  371. 

(2)  Eu  égard  à la  vie  peu  coûteuse  des  Arabes,  une  somme  relativement  minime 
constitue  déjà,  pour  eux,  une  fortune  suffisante. 

(3)  Dans  les  dernières  années,  deux  ou  trois  Ibis  un  notaire,  à Batavia,  a persuadé  à 
ses  clients  arabes  venus  pour  faire  dresser  un  contrat  de  société,  d'adopter  une  raison 
sociale.  On  a adopté  alors  un  nom  indiquant  les  associés  pris  ensemble,  p.  e.  ,,les  quatre 
al-Habchi”,  „la  famille  (àl)  d’al-Baghdàdi”,  etc.  Il  s’entend  que  la  nature  de  l'association 
ne  changeait  pas  par  là. 


136 


les  Indigènes  n’ont  ordinairement  que  la  possession  héréditaire  de 
leurs  champs,  lesquels  ne  sauraient  être  vendus  qu’à  des  personnes 
de  la  même  nationalité.  Il  s’ensuit  que  les  placements  sur  des 
fonds  ruraux  sont,  de  fait,  presque  partout  interdits  aux  Arabes 
dans  ces  parties  de  l’Archipel  indien.  La  valeur  totale  des  immeubles 
des  Arabes,  dans  les  possessions  hollandaises,  est  évaluée  à près  de 
11  millions  de  florins,  dont  Batavia  vient  en  ligne  de  compte  pour  à 
peu  près  2 1j2  millions,  Samarang  pour  environ  1,  Sourabaya  pour 
environ  3,  Palembang  pour  environ  1/2  et  Pontianak  pour  près  de 
2 millions.  Dans  les  possessions  anglaises,  on  évalue  les  immeubles 
des  Arabes  à o millions,  dont  4,  au  moins,  appartiennent  à des 
Arabes  établis  à Singapour. 

Toutefois,  la  plupart  des  Arabes  possédant  des  immeubles  restent 
intéressés  dans  le  commerce  avec  une  partie  de  leur  capital,  comme 
bailleurs  de  fonds  de  leurs  compatriotes,  de  Chinois  ou  d’indigènes. 
Je  ne  connais  pas  d’exemple  qu’un  Arabe  ait  placé  sa  fortune 
en  valeurs  de  bourse.  Anciennement  ils  aimaient  aussi  à acheter  des 
vaisseaux,  placement  qui  est  devenu  toutefois,  de  nos  jours,  peu 
profitable.  Ceux  qui  sont  encore  armateurs  seraient  bien  aises  de 
pouvoir  se  dessaisir  de  leurs  vaisseaux  sans  trop  de  perte. 

L’usure,  quoique  rangée  par  la  loi  musulmane  parmi  les  péchés 
capitaux,  n’en  est  pas  moins  très  en  vogue  parmi  les  Arabes  dans 
l’Archipel  indien.  Je  crois  qu’il  n’v  a guère  de  capitalistes  arabes 
qui,  de  temps  à autre,  ne  prêtent  à usure,  lors  même  que  ce  né 
serait  que  comme  industrie  accessoire.  Le  nombre  de  ceux  qui  en 
font  leur  profession  unique  et  reconnue,  est  restreint,  la  plupart 
tâchant  de  sauver,  du  moins,  les  apparences,  en  masquant  leur 
transactions.  Il  est  impossible  de  résumer  toutes  les  nuances  de 
transactions  auxquelles  ils  ont  recours  à cet  effet;  l'achat  avec  le 
droit  de  rachat  accordé  au  vendeur  et  la  vente  à crédit  à un  prix 


137 


exorbitant,  payable  en  ternies,  sont  le  plus  en  usage.  Toutes  ces 
transactions  sont  corroborées  par  des  stipulations  accessoires,  comme 
le  nantissement,  la  caution,  la  clause  commissoire  ou  la  solidarité  de 
la  part  des  débiteurs.  Ordinairement  les  conditions  sont  telles  (pie  le 
débiteur  indigène  ne  peut  presque  plus  sortir  des  mains  de  son 
créancier,  vue  l’insouciance  proverbiale  de  la  race  malaie,  en  matière 
de  finances.  Toute  concession  de  la  part  du  créancier  se  paye,  non 
immédiatement  et  en  numéraire,  mais  par  une  agravation  des  conditions 
déjà  si  onéreuses.  A ceci  il  faut  ajouter  que  les  Arabes,  en  opposition 
avec  les  préceptes  formels  du  Coran,  sont  des  créanciers  impitoyables 
et  qu’ils  savent  exploiter  à merveille  les  côtés  faibles  du  caractère 
de  l'Indigène.  Quant  aux  Européens  et  aux  Chinois,  souvent  ils  savent 
se  dégager,  encore  qu’il  soit  avec  une  perte  énorme. 

Parmi  les  Indigènes  ce  sont  surtout  ceux  qui  jouissent  d’une  certaine 
aisance,  les  chefs  et  les  marchands,  que  les  usuriers  arabes  choisissent, 
comme  leurs  victimes.  Cependant  ils  ne  dédaignent  pas  non  plus  les 
Indigènes  pauvres,  qui  payent,  en  travail,  peut-être  plus  encore  que 
les  autres  ne  font  en  numéraire.  Un  riche  métis  arabe,  à Singapour, 
a mis  en  pratique  entre  autres  le  procédé  suivant,  vraiment  remarquable. 
Il  fait  avancer,  par  ses  agents  à la  Mecque,  aux  pèlerins  javanais  et 
malais  dénués  de  ressources,  l’argent  nécessaire  pour  retourner  chez 
eux,  à raison  d’un  intérêt  de  60%  par  an.  Les  débiteurs,  divisés  en 
troupes  de  10  à 13  personnes,  se  déclarent  solidairement  responsables 
du  montant  touché  par  la  troupe  entière,  après  quoi  il  fait  embarquer 
les  pèlerins  sur  ses  propres  bateaux  à vapeur,  et  les  retient  en  masse, 
comme  si  c’étaient  ses  esclaves,  soit  à Singapour,  soit  dans  la  petite 
île  de  Koukob,  à la  barbe  des  autorités  anglaises,  sous  prétexte  de 
les  faire  travailler  pour  les  dettes  contractées  envers  lui.  A le 
croire,  ces  dettes  accroîtraient  chaque  année,  au  lieu  de  diminuer  en 
proportion  du  travail  accompli. 


138 


Je  n’ai  pas  besoin  d’ajouter  tjue,  quelquefois  aussi,  les  usuriers 
arabes  essuient  des  pertes  par  la  mort  ou  l’insolvabilité  complète  de 
leurs  débiteurs.  On  me  rapporte  même  que,  dans  une  Résidence  de 
Java,  tous  les  Arabes,  au  nombre  de  10  environ,  possédant  encore, 
il  y a quelques  années,  une  petite  fortune,  avaient  été  ruinés  pai- 
sible de  leurs  transactions  pécuniaires  avec  les  Indigènes.  Ceci 
cependant  reste  exception.  On  peut  dire  que  la  plupart  des  petites 
propriétés  urbaines,  actuellement  dans  des  mains  arabes,  y sont  venues 
par  des  clauses  commissoires,  soit  dans  le  nantissement,  soit  dans  la 
vente  avec  la  faculté  de  rachat. 

Ce  que  veut  dire  l’usure  des  Arabes  devient  évident  par  ce  fait 
que  les  placements  un  peu  solides,  dans  l’île  de  Java,  pour  les 
Européens,  s’élèvent  rarement  au-dessus  du  taux  de  6%  à 7%  (*), 
tandis  qu’un  Arabe  fait,  sans  le  moindre  danger,  en  prêtant  à la 
petite  semaine,  23%  à 30%.  La  cause  de  ce  phénomène  presque 
incroyable,  c’est  qu’aucun  Européen  qui  se  respecte,  ne  veut  faire 
valoir  ces  capitaux  de  la  même  manière,  d’autant  moins  que  les 
moyens  du  Code  de  Procédure  font,  en  général,  défaut  contre  des 
débiteurs  qui,  pour  la  majeure  partie,  sont  ou  insolvables  ou  en 
prennent  l’apparence.  Un  Arabe,  au  contraire,  a rarement  recours  à 
l’expropriation  forcée  ou  à la  saisie-arrêt.  Il  obsède  son  débiteur  de 
ses  visites  pour  lui  extorquer  des  payements  minimes;  il  se  contente, 
en  guise  de  payement,  de  quelque  objet  précieux,  ayant  peut-être 
plus  de  deux  fois  la  valeur  de  la  dette,  voire  même  de  quelques 
pièces  de  vêtement  qu’il  fait  vendre  par  un  fripier  de  ses  amis.  Au 
besoin,  il  se  contente  de  la  fille  du  débiteur,  si  elle  est  avenante.  Il 
guette  les  sorties  du  débiteur,  l’accompagne  lorsque  celui-ci  va  toucher 


(*)  Il  s'entend  que  je  n'ai  ici  en  vue  que  les  placements  proprement  dits,  c'est-à-dire 
es  hypothèques,  les  immeubles  et  les  valeurs  de  bourse,  mais  non,  les  entreprises 
commerciales,  industrielles  ou  agricoles. 


159 


quelque  somme  d’argent  et  sait  toujours  où  le  rencontrer.  Par 
conséquent,  le  débiteur  voulant  détourner  ses  biens  au  préjudice  du 
créancier,  celui-ci  pourrait  toujours  l’en  empêcher  ou,  en  tout  cas,  il 
saurait  où  aller  les  chercher.  Il  s’entend  que  des  affaires  de  cette 
nature  sont  seulement  possibles,  s’il  s’agit  de  sommes  relativement 
petites  (*)  et  pour  des  créanciers  connaissant  à fond  la  société 
indigène  ou,  pour  parler  plus  exactement,  incorporés  dans  celle-ci. 
Les  conditions  stipulées  par  les  Arabes,  bailleurs  de  fonds  dans  une 
société  en  commandite,  ne  sont  ordinairement  pas  exorbitantes,  au 
cas  que  l’associé  gérant  soit  un  de  leurs  compatriotes.  Lorsqu’au 
contraire  celui-ci  est  Chinois  ou  Indigène,  les  conditions  sont  presque 
aussi  onéreuses  que  celles  du  prêt  d’argent.  Disons  que  beaucoup 
d’Arabes  n’aiment  pas  à prendre  pour  associés  gérants  des  personnes 
d’une  autre  nationalité. 

Les  contracts  de  société  en  commandite  entre  Arabes  ne  se  font, 
le  plus  souvent,  que  verbalement,  le  capital  engagé  dans  chaque 
société  de  cette  nature  étant  souvent  minime.  Tel  Arabe  partage 
un  capital  de  100000  fl.  entre  20  ou  50  sociétés  en  commandite. 
Ses  associés  gérants  ne  sont  alors  que  des  colporteurs,  ou,  tout 
au  plus,  de  petits  boutiquiers.  Dans  aucun  cas,  un  Arabe  ne  risquera 
une  partie  considérable  de  sa  fortune  dans  une  seule  société  en 
commandite. 

J’ai  dit  plus  haut  que  le  manque  de  fonds  est  le  principal  défaut 
du  commerce  arabe.  Ce  défaut  s’agrave  par  la  facilité  avec  laquelle 
les  maisons  de  commerce  européennes  donnent  crédit  à tout  individu 


(*)  Quant  aux  grands  capitalistes  arabes,  ils  ont  recours  à l’intermédiaire  de  leurs 
compatriotes  moins  favorisés  par  la  fortune  pour  faire  de  pareils  placements.  Ce  ne  sont 
que  les  placements  importants  qu'ils  dirigent  en  personne.  C'est  la  règle;  mais  il  y a des 
exceptions.  A Palemliang,  par  exemple,  un  riche  Arabe  mourut,  il  y a quelques  années,  et, 
en  procédant  à la  liquidation  de  sa  succession,  on  trouva  un  montant  de  plus  de  200000  11., 
en  obligations,  résultant  de  prêts  d’argent  comme  nous  avons  en  vue. 


140 


portant  le  turban.  Je  connais  tles  Arabes  qui,  réellement  sans  rien 
posséder,  achètent,  chaque  mois,  pour  plus  de  20000  fl.  de  marchandises 
à crédit.  Si  le  commerce  prospère,  ils  peuvent  honorer  leur  signature. 
S’ils  n’ont  pu  vendre  les  marchandises  qu’avec  perte,  ils  ont  recours 
à un  ou  deux  atermoiements  de  leurs  billets,  dans  l’espoir  (pie  les 
prix  se  relèveront  bientôt.  Si  cet  espoir  est  déchu,  ils  tâchent  de 
prolonger  leur  agonie,  en  payant  les  créanciers  les  plus  pressants 
avec  le  provenu  des  marchandises  achetées,  à crédit,  ailleurs.  Ce 
n’est  que  faire  un  trou  pour  en  boucher  un  autre,  et  la  fin  est 
la  faillite. 

La  faillite  des  Arabes  offre  quelques  traits  particuliers. "Nous  avons 
vu  qu’en  Hadhramout  on  n’a  pas  des  livres  de  commerce  réguliers, 
et  il  s’entend  que  l’on  y ignore  tout  à fait  la  tenue  des  livres 
en  parties  doubles,  en  usage  chez  le  commerce  européen.  Ajoutez 
que  les  marchands  jouissant,  en  Hadhramout,  d’une  certaine  aisance, 
émigrent  rarement,  que  la  plupart  des  Arabes  dans  l’Archipel  indien 
sont  des  membres  de  tribu,  de  petits  bourgeois  ou  des  Sayyid, 
c’est-à-dire  des  individus  absolument  étrangers  aux  affaires,  et  l’on 
pourra  s’expliquer  pourquoi  le  commerce  arabe  se  caractérise  par  une 
remarquable  inobservance  des  articles  du  Code  de  Commerce  relatifs 
aux  livres.  A Batavia,  je  ne  crois  pas  qu’il  y ait  plus  de  cinq  ou 
six  Arabes  dont  les  livres  de  commerce  répondraient  à un  examen 
un  peu  rigoureux.  Sachant  que,  en  cas  de  faillite,  ils  doivent  produire 
des  livres  de  commerce,  ils  en  fabriquent,  tant  bien  que  mal,  à l’aide 
de  leurs  annotations,  aussitôt  qu’ils  voient  leur  chute  inévitable,  ou 
bien  ils  produisent  seulement  les  dites  annotations,  à l’aide  desquelles 
personne  ne  peut  dresser  un  bilan  si  ce  n’est  le  failli  lui-même.  Le 
failli  étant,  dans  neuf  cas  sur  dix,  incapable  de  tenir  des  livres  de 
commerce  à l’Européenne,  il  est  très-difficile  pour  les  tribunaux  de 
décider,  s’il  y a fraude  ou  non,  et  les  peines  portées,  dans  le  Code 


141 


Pénal,  contre  la  banqueroute  restent,  par  conséquent,  le  plus  souvent, 
sans  effet. 

Les  faillites  arabes  finissent  ordinairement  par  un  concordat.  La 
nature  des  créances  formant  l’actif  de  la  masse  s’oppose  à une 
liquidation,  pour  ainsi  dire  officielle,  par  les  Chambres  des  Tutelles 
et  des  Successions,  chargées,  dans  les  possessions  hollandaises,  de 
plein  droit,  du  syndicat.  C’est  pourquoi  les  créanciers  acceptent 
facilement  un  concordai  sous  la  garantie  d’un  ou  de  deux  des 
compatriotes  du  failli.  Ces  derniers  ne  lui  rendent  ce  service  qu’à 
la  condition  de  leur  céder  toutes  ses  créances.  Le  concordat  homologué, 
et  le  montant  convenu  payé,  les  garants  emploient  le  failli  à recouvrer 
les  créances  sur  ses  débiteurs  indigènes,  et  souvent  il  en  recouvre 
plus  que  le  montant  promis  dans  le  concordat.  Les  garants,  ayant 
fait  de  cette  façon  une  bonne  affaire,  aident  le  failli  à recommencer 
le  commerce.  Quelquefois  même  on  n’a  pas  recours  à une  garantie  ; 
mais  un  ami  du  failli  offre  aux  créanciers  européens  tant  pour  cent, 
sous  condition  de  lui  céder  leurs  créances.  Devenu  alors  le  seul 
créancier,  il  fait  avec  le  failli  un  concordat,  après  quoi  il  lui  fait 

V, 

recouvrer  les  créances  pour  son  compte,  moyennant  un  salaire  fixé 
d’avance.  Je  connais  à Batavia  un  riche  Arabe,  devant  sa  fortune,  en 
grande  partie,  à des  transactions  de  cette  nature. 

C’est  une  grave  erreur  du  commerce  européen  de  supposer  que 
les  faillis  arabes  aient  l’habitude  de  transporter  une  partie  de  leurs 
biens  en  Hadhramout  pour  les  soustraire  à leurs  créanciers  légitimes. 
11  est  vrai  que  la  plupart  des  Arabes  aisés  envoient  des  secours  en 
argent  à leur  famille  et  aux  pieuses  fondations  dans  la  patrie  (’); 
vrai  encore  que  ces  remises  prises  ensemble  font  des  sommes 
considérables;  mais  elles  n’équivalent  pas,  de  loin  même,  les  capitaux (*) 


(*)  V.  p.  120. 


142 


que  le  commerce  européen  met  à la  disposition  du  commerce  arabe. 
Les  Arabes  connaissent  assez  leur  pays  pour  ne  pas  y aller  mettre 
leur  argent  en  sûreté.  Quelque  Sayyid  riche  ou  le  parent  d’un  chef 
de  tribu  peut  hasarder  d’acheter,  en  Hadhramout,  une  ou  deux  maisons 
ou  des  plantations  de  dattiers  ; mais  ces  achats,  aux  prix  minimes  en 
Hadhramout,  n’épuiseront  pas  une  fortune.  Je  ne  connais  qu’un  seul 
cas  de  failli  arabe  possédant,  en  Hadhramout,  des  immeubles  d’une 
valeur  quelque  peu  considérable,  en  proportion  de  ses  affaires  dans 
l’Archipel  indien,  et  encore  les  avait-il  achetés  à une  époque  où  sa 
fortune  lui  permettait  largement  de  faire  une  telle  dépense.  Ainsi  il 
n’était  pas  question  de  deniers  détournés;  en  outre,  la  valeur  de 
ces  immeubles  a été  rapportée  dans  la  masse,  sur  la  demande  d’un 
de  ses  compatriotes,  qui  obtint  du  Qâdhi  de  Saioun  un  arrêt  de 
séquestration.  Le  Qâdhi,  se  fondant  sur  la  règle  de  droit  locus  régit 
actwn,  avait  reconnu  la  validité  de  la  faillite  prononcée  par  le  tribunal 
de  première  instance  de  Batavia,  c’est-à-dire  par  un  juge  non-musulman. 

Les  grands  centres  du  commerce  des  Arabes,  daus  l’Archipel  indien, 
sont:  Batavia,  Samarang,  Sourabaya  et  Singapour.  C’est  dans  ces 
quatre  localités  qu’ils  achètent,  en  gros  et  à crédit,  les  articles 
d’importation,  qu’ils  vendent,  soit  en  détail  dans  leur  boutiques,  soit 
à des  marchands  arabes,  chinois  ou  indigènes  n’ayant  pas  de  crédit 
chez  les  maisons  européennes. 

Les  Arabes  qui  font  le  commerce  un  peu  en  gros,  n’ont  en 
général  pas  de  boutiques  pour  vendre  en  détail  aux  passants,  au 
moins  n’en  ont-ils  pas  chez  eux.  Ceux  qu’on  voit  assis,  fumant  leur 
pipe,  sur  la  porte  ou  dans  la  fenêtre  de  leur  maison  pour  vendre 
de  cette  manière,  ne  sont  pas  des  personnes  d’importance.  Les  Arabes 
riches  ayant  une  boutique  pour  vendre  en  détail  l’ont  ordinairement 
dans  une  autre  ville,  et  la  gestion  en  est  confiée  à un  fondé  de 
pouvoir  ( wakil ).  La  plupart  d’entre  eux  cependant  aiment  mieux 


143 


revendre  à des  marchands  sans  crédit  près  des  importateurs  européens, 
à moins  qu’ils  ne  fassent  détailler  les  marchandises  par  des  colporteurs. 
Ceci  explique  un  phénomène  dont  on  s’est  étonné  plusieurs  fois, 
c’est  qu’on  peut  entrer  dans  la  maison  ou  le  magasin  d’un  Arahe 
faisant  d’importantes  affaires  sans  y voir  de  marchandises.  Ce  qu’il 
achète  à Batavia,  se  vend,  dans  ses  boutiques  pour  le  commerce  de 
détail,  à Palembang  ou  à Chéribon;  ou  bien  il  l’envoie  à ses  associés 
autre  part.  Dans  sa  maison,  il  n’a  que  son  comptoir,  et  dans  son 
magasin,  que  les  marchandises  qu’il  n’a  pu  écouler  tout  de  suite. 

Le  colportage  des  Arabes  mérite  d’être  considéré  de  plus  près.  Le 
marchand  arabe  fait  colporter  ses  marchandises,  soit  pour  son  propre 
compte,  soit  aux  risques  et  périls  du  colporteur.  Dans  le  premier 
cas,  le  colporteur  reçoit  une  rémunération  de  272  à 5%  du  profit 
réalisé  par  lui;  dans  le  dernier  cas,  il  reçoit  les  marchandises  à 
condition  de  les  rapporter  ou  de  remettre  au  propriétaire  un  prix 
convenu.  Ce  qu’il  vend  au-dessus  de  ce  prix  fait  son  profit;  en  un 
mot,  c’est  le  contractus  aestimatorius  du  droit  romain.  Quelquefois  il 
existe  aussi  une  véritable  société  en  commandite  entre  le  marchand 
en  gros  et  le  colporteur. 

Celui-ci  vend  de  préférence  aux  Indigènes  des  basses  classes,  à un 
prix  exorbitant,  payable  en  termes.  Si  son  débiteur  reste  en  vie  et 
solvable,  le  profit  est  énorme;  dans  le  cas  contraire,  ce  qui  arrive  le 
plus  souvent,  ce  qu’il  y a de  meilleur,  c’est  d’oublier  sa  créance,  les 
payements  reçus  couvrant  ordinairement  la  valeur  réelle  de  l’objet  vendu. 

On  ne  comprend  pas,  comment  les  colporteurs  peuvent  se  rappeler 
toutes  leurs  dettes  actives,  pour  la  plupart  minimes,  mais,  prises 
ensemble,  quelquefois  assez  considérables.  Ce  qui  agrâve  la  difficulté, 
c’est  que  les  Indigènes  n’ont  pas  de  noms  de  famille,  et  que  plusieurs 
n’ont  même  pas  de  demeures  fixes.  Et  pourtant,  les  colporteurs  se 
trompent  rarement,  à moins  que  ce  ne  soit  à leur  avantage.  Pour 


bien  apprécier  leur  aptitude  naturelle  pour  le  commerce,  ajoutez 
qu’ils  n’ont  d’autres  annotations  qu’un  petit  carnet,  et  que  la  plupart 
n’avaient  jamais  songé  au  commerce  avant  de  quitter  le  Hadhramout. 

I 

Cette  observation  regarde  surtout  les  membres  de  tribu,  dont  plusieurs 
n’ont  fait,  dans  leur  patrie,  autre  chose  que  fumer  leur  pipe  et  tirer  leur 
fusil.  On  peut  les  voir  cà  Batavia,  le  matin,  un  paquet  sur  le  dos  et  un 
bâton  a la  main,  quitter  leur  quartier  pour  parcourir  la  ville  et  la  banlieue 
à grands  pas,  comme,  il  n’y  a pas  longtemps,  ils  parcouraient  encore 
le  désert.  On  les  appelle  en  arabe  âbâ  l-banâkis,  c’est-à-dire  „pères  des 
paquets”,  du  malais  bounkous  „paquel”,  dont  on  a fait  un  pluriel  arabe. 

Le  principal  article  du  commerce  arabe,  ce  sont  les  cotonnades 
(bazz)  et  les  indiennes  ( qomâch ),  d’importation  européenne.  Ce  commerce 
seul  excède  en  importance  tout  le  commerce  arabe  dans  les  autres 
branches.  Il  est  répandu  partout,  tandis  que  les  autres  branches 
ne  sont  représentées  que  dans  quelques  localités. 

L’article  qui  vient  en  second  lieu,  ce  sont  les  diamants  et  autres 
pierres  précieuses.  A Batavia,  pas  moins  de  sept  Arabes  s’occupent 
de  cette  branche.  Ils  n’ont  pas  de  boutiques  comme  les  bijoutiers 
Européens;  aussi  ne  vendent-ils  pas  de  parures,  etc.,  rien  que  les 
pierres.  Ces  objets  de  valeur  ne  sont  pas  colportés  par  le  premier 
venu,  comme  les  colonnades  ou  les  indiennes,  et  la  clientèle  est  plus 
respectable,  sinon  plus  solide. 

En  troisième  lieu  viennent  une  loule  d’articles  d’importation 
européenne:  objets  d’or  ou  d’argent,  montres,  conserves  alimentaires, 
quincaillerie,  armes,  soierie,  poterie,  serrures  et  autres  instruments 
et  objets  d’acier,  de  fer  ou  de  cuivre,  épiceries,  cigares,  pétrole,  etc., 
etc.  Il  n’y  a que  le  commerce  de  vins  et  de  spiritueux  qui  paraît 
absolument  étranger  aux  Arabes. 

Le  commerce  arabe  des  articles  mentionnés  en  troisième  lieu  se 
fait  spécialement  hors  des  grandes  villes.  Du  moins,  ni  à Batavia,  ni 


148 


à Samarang,  ni  à Sourabaya,  ni  à Singapour  on  ne  trouve,  que 
je  sache,  une  boutique  arabe  d’articles  de  cette  nature.  Un  fait 
caractéristique,  en  outre,  c’est  que  presque  nulle  part  les  Arabes 
n’ont,  pour  leur  commerce  en  détail,  une  clientèle  européenne.  Seul 
leur  commerce  de  diamants  fait  exception  à cette  règle. 

L’importation  en  gros  de  produits  du  Levant  et  du  Golfe  persique 
se  fait  principalement  par  des  Arméniens  ou  des  Bengalais,  et  surtout 
à Singapour.  Les  Arabes  leur  achètent  des  dattes,  du  beurre  préparé 
(samin)  et  une  foule  d’articles  de  petit  volume,  comme  de  l’essence 
de  roses,  des  coraux  rouges,  des  chapelets,  des  fez,  des  médicaments, 
des  livres  imprimés  dans  le  Levant  ou  à Bombay,  etc.  S’il  y a des 
Arabes  qui  apportent  dans  leur  bagage  de  petites  quantités  de  ces 
derniers  articles  pour  les  vendre  en  détail  dans  l’Archipel  indien, 
l’importation  en  gros  ne  se  fait  jamais  par  eux.  Nous  avons  déjà  vu 
dans  l’introduction  que  ceci  regarde  en  premier  lieu  les  Arabes  venus 
de  la  Mecque. 

Les  Arabes  font  encore  un  commerce  très-important  dans  tous  les 
articles  de  l’industrie  ou  de  l’agriculture  indigènes,  y compris  les 
produits  naturels  des  forêts  et  autres  terrains  incultes  (*).  Ces 
derniers  articles,  ils  les  obtiennent  des  peuplades  encore  barbares  par 
échange  contre  des  articles  d’Europe.  Avec  une  intrépidité  étonnante, 
ils  se  hasardent  dans  des  contrées  où  ils  ne  peuvent  s’attendre 
à aucune  protection  des  autorités  européennes  et  finissent  toujours 
par  se  tirer  d’affaire  avec  quelque  profit.  Même  ils  ne  craignent  pas 
de  faire  à des  sauvages  des  avances  considérables  pour  s’assurer  leur 
clientèle.  Ils  transportent  les  produits  obtenus  de  la  sorte  dans  les 
grands  centres  de  commerce,  où  ils  les  vendent  aux  maisons  d’exportation, 
ou  bien  ils  les  destinent  à la  consommation  dans  d’autres  localités  de 


(')  Par  exemple  du  rotang,  de  la  gutta-percha,  de  la  gomme,  de  la  cire,  etc. 


10 


146 


l’Archipel  indien.  Ainsi,  chaque  année,  pendant  la  mousson  de  l’est, 
ils  apportent  dans  les  ports  de  l’ile  de  Java  et  à Singapour  grand 
nombre  de  chevaux  de  Macassar  et  des  petites  îles  de  la  Sonde, 
lesquels  se  vendent  à l’enchère,  aussitôt  arrivés.  Cette  branche 

importante  du  commerce  est  même  entièrement  dans  leurs  mains. 
Et  puis  ils  font  le  commerce  de  bestiaux,  de  peaux  de  boeuf,  de 

ballik  (*),  de  riz,  de  poivre,  de  tabac,  de  miel,  de  uoix  et  d’huile  de 
coco,  de  sagou,  de  cacao,  de  caoutchouc,  d’écaille,  de  sucre  indigène, 

de  café,  de  bétel,  de  meubles  et  de  voitures  indigènes,  etc.,  etc. 

Le  commerce  de  ces  articles  n’est  pas  universellement  répandu  dans 
l’Archipel  indien;  il  diffère  d’après  les  localités.  Ainsi,  il  y a des 
endroits  où  le  commerce  de  riz  est  très-important,  et  d’autres  où  il 
n’existe  pas;  ‘ici,  la  vente  en  détail,  dans  les  boutiques,  domine; 
là,  on  achète  pour  vendre  ailleurs. 

J’ai  dit  plus  haut  que  les  principaux  centres  du  commerce 
arabe  dans  l’Archipel  indien  sont  Batavia,  Samarang,  Sourabaya  et 
Singapour.  Pour  donner  une  idée  plus  précise  du  commerce  dans 
ces  villes,  il  me  suffira  de  mentionner  que,  d’après  une  évaluation 
sérieuse,  il  y a à Batavia  22,  à Samarang  14  et  à Sourabaya  43 
Arabes  ayant  un  capital  de  10000  11.  ou  plus  engagé  dans  le 
commerce.  A Singapour,  on  évalue  le  nombre  des  Arabes  de  cette 
catégorie  à 80,  dont  la  plupart  toutefois  font  leurs  affaires  avec  de 
l’argent  emprunté.  H paraît  que,  dans  cette  ville,  les  Bengalais  surtout 
fournissent  aux  Arabes  les  fonds  nécessaires.  A Palembang,  le  nombre 
des  Arabes  faisant  le  commerce  avec  un  capital  de  10000  11.  ou 
plus,  est  évalué  à 57,  à Pekalongan  à 18  et  à Soumenep  à 12; 
mais  attendu  que,  dans  ces  localités,  il  n’y  a pas  de  maisons  de 
commerce  européennes,  et  que  les  principaux  articles  du  commerce 


(')  Espèce  d’indiennes  indigènes,  teintes  à la  main. 


147 


arabe  sont  précisément  ceux  d’Europe,  ils  font  provision  de  marchandises 
dans  les  quatre  grandes  villes  déjà  nommées."  Quant  aux  autres 
parties  de  l’Archipel  indien,  le  nombre  des  Arabes  de  cette  catégorie 
n’excède  certainement  pas  50,  dont  beaucoup  travaillent  encore  avec 
un  capital  emprunté. 

Après  le  commerce,  la  navigation  mérite  mention  comme  moyen 
de  subsistance  des  Arabes.  Très-peu  parmi  eux  se  font  matelots.  Le 
capitaine  (nawkhadsâ),  le  second  ( mo’illim ) et  l’administrateur  ( krânî ) 
des  vaisseaux  sont  des  Arabes;  le  reste  de  l’équipage  sè  compose  de 
marins  indigènes.  Rarement  un  capitaine  arabe  commande  un  vaisseau 
n’appartenant  point  à un  de  ses  compatriotes;  de  même  il  est  rare 
qu’un  vaisseau  arabe  soit  commandé  par  un  capitaine  d’une  autre 
nationalité  (*).  Sur  plusieurs  vaisseaux  arabes  il  y a un  second 
européen,  possédant  un  diplôme  officiel,  pour  satisfaire  aux  conditions 
posées  par  des  affréteurs  européens  en  vue  des  polices  d’assurance. 
Les  marins  arabes  ne  se  soumettent  jamais  aux  examens  pour  obtenir 
un  diplôme  de  navigation,  et  ils  ne  font  pas  non  plus  assurer  leurs 
vaisseaux  à moins  que  l’affréteur  (2)  ne  l’exige.  La  navigation  a été 
depuis  longtemps  le  métier  de  prédilection  des  Arabes  dans  l’Archipel 
indien.  On  ne  s’v  attendrait  pas,  la  plupart  d’entre  eux  n’ayant  pas 
vu  la  mer  avant  de  quitter  leur  patrie.  Dans  le  commencement  de 
ce  siècle,  lorsque  l’émigration  vers  l’Archipel  indien  prit  son  essor, 
la  navigation  était  même  la  source  principale  du  développement  des 
colonies  arabes,  surtout  de  celles  de  Palembang,  de  Pontianak  et  de 
Grissée.  Plus  tard  celles  de  Sourabaya  et  de  Singapour  entrèrent  dans 


(*)  En  1885,  il  n'y  avait  qu’un  seul  vaisseau  appartenant  à un  Européen,  un  seul 
appartenant  à un  Chinois  et  deux  appartenant  à des  Indigènes,  commandés  par  des 
capitaines  arabes.  Dans  la  même  année,  il  y avait  six  capitaines  indigènes  et  un  seul 
capitaine  chinois  commandant  des  vaisseaux  arabes. 

(a)  On  sait  que  le  contrat  d'assurance  est  considéré  par  les  musulmans  comme  un 
manque  de  confiance  envers  Dieu,  cl  que  leur  loi  ne  le  reconnaît  point. 


148 


la  même  voie.  Dans  le  premier  quart  du  siècle,  les  armateurs  arabes 
étaient,  en  même  temps,  si  non  pirates  en  personne,  du  moins  les 
fauteurs  de  la  piraterie  et  les  recéleurs  des  prises.  J’ai  eu  sous  les 
yeux  des  rapports  officiels  de  ce  temps,  dans  lesquels  on  prétendait 
qu’il  y avait  peu  d’armateurs  ou  de  marins  arabes  dont  la  conscience 
fût  parfaitement  pure  de  piraterie.  A mesure  que  le  métier  de 
pirate  devenait  plus  dangereux  et  moins  lucratif,  à cause  des  mesures 
énergiques  des  Gouvernements  hollandais  et  anglais,  la  navigation 
arabe  prit  un  caractère  exclusivement  commercial.  Elle  ne  cessa  de 
devenir  plus  •profitable,  par  suite  du  développement  du  commerce  et 
de  la  prospérité  parmi  les  Indigènes,  dus  à la  consolidation  de  la 
domination  européenne.  La  navigation  arabe  atteignit  son  apogée 
entre  les  années  1845 — 1855.  C’est  dans  cette  période  que  presque 
tous  les  armateurs  réalisèrent  des  profits  énormes;  mais  depuis  lors, 
le  déclin  commença,  à cause  du  développement,  dans  l’Archipel  indien, 
de  la  navigation  à vapeur,  qui  faisait  aux  navires  à voiles  une 
concurrence  funeste.  Cette  navigation  était  exclusivement  dans  les 
mains  de  compagnies  européennes;  dans  les  dernières  années  seules 
des  Arabes  et  des  Chinois  ont  commencé  à y prendre  part,  mais 
encore  sur  une  échelle  très-restreinte. 

En  1885,  il  y avait  sous  pavillon  hollandais  75  navires,  à gréement 
européen  (*),  appartenant  à des  Arabes  et  jaugeant  ensemble  environ 
16000  tonnes;  de  plus,  ils  possédaient  une  centaine  de  navires 
indigènes.  La  valeur  totale  de  leurs  navires  à voiles  sous  pavillon 
hollandais  est  évaluée  à 600000  fl.  A Ponlianak  et  à Grissée  on  ne 
trouve  presque  plus  d’armateurs  arabes;  par  contre,  à Palembang 
il  y en  a encore  20  et  à Sourabaya  9.  Ce  sont  actuellement  les  deux 
principaux  centres  de  la  navigation  arabe.  Il  y a quelques  années, 


(J)  Dont  38  à trois  et  37  à 2 mâts. 


149 


une  compagnie  arabe  a tâché  de  prendre  part  à la  navigation  à 
vapeur  entre  Batavia  et  Sourabaya  ; mais  cet  effort  n’a  pas  été 
couronné  de  succès,  et  la  compagnie  a bientôt  fait  faillite.  Depuis 
lors,  on  ne  trouve,  dans  les  possessions  hollandaises,  qu’un  Arabe,  à 
Palembang,  et  un  autre  à Amboina,  possédant  chacun  un  bateau  à 
vapeur  ( bâbour  ou  markab  ad-dokhân),  au  lieu  qu’à  Singapour  il  y 
a encore  quatre  bateaux  à vapeur  en  possession  de  deux  Arabes. 
Toutefois  l’un  de  ces  deux  derniers  armateurs  n’est  que  le  chef 
d’une  association  dans  laquelle  sont  intéressés  aussi  des  Arabes  de 
Sourabaya,  voire  même  des  Chinois.  Les  quatres  bateaux  à vapeur 
mentionnés  trafiquent  sous  pavillon  anglais  et  ont  tous  des  capitaines 
et  des  mécaniciens  européens.  Il  n’y  aurait  plus,  à ce  qu’on  dit,  de 
navires  à voiles  appartenant  à des  Arabes,  dans  les  colonies  anglaises 
de  la  presqu’île  de  Malacca. 

La  navigation  arabe  est  aujourd’hui  presque  exclusivement  du 
cabotage.  11  n’y  a que  les  bateaux  à vapeur  arabes  de  Singapour 
qui  sortent  de  l’ Archipel  indien  pour  visiter  la  Chine  d’un  côté  et 
Djuddah  de  l’autre.  A ce  qu’on  dit  il  y avait,  dans  la  première  moitié 
du  siècle,  quelques  navires  arabes  visitant  la  Mer  rouge  et  le  Golfe 
persique,  mais,  de  nos  jours,  cette  navigation,  de  même  que  le 
commerce  arabe  entre  l’Archipel  indien  et  ces  parages,  a cessé 
d’exister. 

Les  bateaux  à vapeur  arabes  entre  Singapour  et  Djuddah  sont 
principalement  destinés  au  transport  de  pèlerins.  Les  armateurs  de 
ces  bateaux  à vapeur  ont,  dans  quelques  autres  ports  de  l’Archipel 
indien,  leurs  agents  attitrés  parmi  les  marchands  arabes.  Ces  agents 
toutefois  ne  doivent  pas  être  confondus  avec  les  agents  de  pèlerins 
de  la  Mecque,  dont  j’ai  parlé  dans  l’introduction.  Ils  ne  font  que 
-délivrer  des  billets  de  passage,  rien  de  plus.  Dans  les  dernières 
années  cependant,  les  paquebots  hollandais,  de  Batavia  à Djuddah, 


150 


leur  font  une  grande  concurrence,  du  moins  pour  ce  qui  concerne 
les  pèlerins  de  l’ile  de  Java  et  de  la  côte  occidentale  de  l’ile  de 
Sumatra. 

Quant  aux  navires  à voiles  des  Arabes,  vu  l’extension  incessante  de 
la  navigation  à vapeur,  leur  terrain  d’exploitation  se  rétrécit  chaque 
année.  Ils  desservent  les  ports  non-compris  dans  les  lignes  régulières 
des  bateaux  à vapeur,  et  transportent  les  cargaisons  dont  la  nature 
ou  le  peu  de  valeur  n’admet  pas  de  les  expédier  autrement.  Ainsi, 
ce  sont  des  navires  à voiles  auqitels  on  donne  encore  la  préférence 
pour  le  transport  de  chevaux  et  de  bestiaux  et  pour  le  commerce 
sur  plusieurs  ports  éloignés  dans  les  îles  Moluques,  les  petites  îles 
de  la  Sonde,  l’île  de  Celebes  et  l’ile  de  Bornéo.  Ils  restent  quelquefois 
plusieurs  semaines  dans  ces  ports  et,  pendant  cet  intervalle,  le 
capitaine  achète,  par  petites  quantités,  les  produits  de  l’agriculture 
ou  de  l’industrie  indigènes.  Dans  ce  temps  et  à mesure  qu’il  se  fait 
une  nouvelle  cargaison,  il  vend  aux  Indigènes  ses  articles  d’importation 
européenne.  Un  bateau  à vapeur,  qui  ne  peut  s’arrêter  que  quelques 
heures  dans  ces  localités,  n’y  trouverait  pas  de  cargaison  suffisante. 
Toutefois,  il  va  sans  dire  que,  sur  les  trajets  et  pour  les  cargaisons 
les  plus  profitables,  les  navires  à voiles  des  Arabes  sont  forcément 
supplantés  par  la  vapeur.  C’est  surtout  à Palembang  qu’on  se  ressent 
de  cette  concurrence.  Il  y trente-cinq  ans,  les  Arabes  y avaient  plus 
de  60  grands  navires  à voiles  à gréement  européen  et,  à l’heure 
qu’il  est,  ils  n’en  possèdent  que  22. 

L’agriculture  arabe  est  à peu  près  limitée  aux  colonies  de 
Batavia,  de  Pontianak  et  de  Singapour.  A moins  d’avoir  affaire  à 
des  métis  pauvres,  on  voit  rarement  un  Arabe  mettre  la  main  à la 
charrue.  Comme  l’aristocratie  indigène,  les  Arabes  dans  l’Archipel 
indien  semblent  considérer  le  travail  des  champs  comme  incompatible 
avec  leur  dignité.  Dans  la  Résidence  de  Batavia,  plusieurs  Arabes 


131 


possèdent  de  vastes  domaines,  — de  véritables  latifundia , — qui  ont 
été  aliénés  par  le  Gouvernement,  surtout  dans  le  commencement  de 
ce  siècle,  à condition  que  le  propriétaire  garantirait  aux  Indigènes 
la  possession  héréditaire  de  leurs  champs,  de  leurs  jardins  et  de 
leurs  habitations.  La  possession  héréditaire  cependant  est  grevée 
au  profit  du  propriétaire,  d’une  redevance  qui  constitue  son  principal 
revenu.  Le  propriétaire  arabe  ne  s’occupe  presque  pas  de  l’agriculture 
pour  son  compte  personnel.  Je  n’en  connais  que  deux  ou  trois 
s’occupant  sérieusement  de  l’élevage  de  bestiaux  sur  leurs  terres. 
Outre  ces  grands  propriétaires,  il  y a encore  quelques  Arabes  à 
Batavia  possédant  des  lopins  de  teri’e,  qu’ils  font  cultiver  pas  des 
colons  partiaires.  En  général,  dans  l’administration  et  la  culture 
de  leurs  terres  connue  dans  le  commerce,  la  parcimonie  des  Arabes 
leur  fait  beaucoup  de  mal.  Ils  tâchent,  presque  tous,  de  tirer  de 
leur  propriété  autant  de  profil  que  possible,  sans  penser  à l’améliorer 
par  des  procédés  scientifiques.  La  crainte  des  dépenses  immédiates 
leur  fait  perdre  de  vue  que  la  terre  rend  avec  usure  ce  qu’on 
lui  prête.  Aussi  leurs  propriétés  ont,  en  général,  un  aspect  peu 
florissant. 

Dans  les  environs  de  Pontianak,  presque  la  moitié  du  sol  cultivé 
est  dans  des  mains  arabes.  Ceux  qui  jouissent  d’une  certaine  aisance, 
possèdent  des  plantations  de  noix  de  coco,  situées  sur  les  rives 
du  fleuve  Kapouas  et  sur  le  littoral.  Autrefois  l’huile  de  coco  était 
préparée  à Pontianak;  aujourd’hui  les  noix  secs  se  vendent  à 
Singapour.  Les  plantations,  quelquefois  d’une  étendue  considérable,, 
sont  cultivées  par  des  travailleurs  indigènes.  Les  Arabes  pauvres, 
sur  la  côte  occidentale  de  Bornéo,  ont  souvent  de  petits  champs 
de  riz  qu’ils  cultivent  pour  la  plupart  en  personne;  ce  genre 
d’agriculture  est  même  le  principal  moyen  de  subsistance  de  la 
colonie  de  Koubou.  L’agriculture  arabe,  sur  toute  la  côte  occidentale 


152 


de  Bornéo,  est  du  reste  presque  entièrement  dans  les  mains  de 
métis.  Ce  n’est  qu’à  Pontianak  que  quelques  morceaux  de  terrain 
appartiennent  à des  Arabes  nés  en  Hadhramout.  A Singapour,  plusieurs  • 
Arabes  ont  aussi  de  vastes  plantations  de  noix  de  coco,  et  deux  autres, 
des  plantations  de  canne  à sucre,  avec  des  usines  toutefois  très  en 
arrière  quant  aux  machines. 

Des  autres  contrées  où  il  existe  quelque  agriculture  arabe,  on  me 

« 

rapporte  les  faits  suivants.  A Pekalongan  un  Arabe  a pris  en  bail, 
des  Indigènes,  environ  50  hectares  de  champs  de  riz,  qu’il  fait  cultiver 
par  des  colons  partiaires.  Dans  la  même  ville  beaucoup  de  métis 
pauvres  cultivent  leurs  petits  jardins  et  s’appliquent  spécialement  à 
la  culture  d’arbres  fruitiers.  L’agriculture  personnelle  est  encore  un 
moyen  général  de  subsistance  dans  les  petites  colonies  de  métis  à 
Mouara  Telang  et  à Karang  Anjar,  près  de  Palembang  (*).  Puis,  en 
Siak,  un  métis  possède  une  plantation  de  tapioca;  en  Assahan  et  en 
Atjeh,  plusieurs  métis  cultivent,  en  personne,  leurs  champs  de  petites 
dimensions.  Dans  l’ile  de  Soumbawa,  on  trouve  15  et  à Tontoli,  dans 
l’ile  de  Celebes,  11  Arabes  cultivant,  en  personne,  leurs  champs  de 
riz,  comme  s’ils  étaient  Indigènes.  Partout  ailleurs,  on  ne  trouve  que 

des  exemples  isolés  d’Arabes,  même  métis,  vivant  de  l’agriculture  sous 

» 

quelque  forme  que  ce  soit. 

Parmi  les  Arabes  pauvres,  surtout  parmi  les  métis,  il  y en  a 
beaucoup  faisant  le  métier  de  pêcheur.  Dans  Pile  de  Nias,  c’est  même 
le  métier  de  10  des  14  Arabes  qui  y sont  domiciliés.  La  pêche  est 
aussi  une  occupation  fort  recherchée  des  métis  à Pekalongan  et  en 
Atjeh.  Par  contre,  à Koubou  il  n’y  a aucun  métis  qui  prenne  part  à 
l’industrie  importante  de  la  pêche,  ni  à la  salaison  de  poisson.  Autre 
part,  l’élevage  du  bétail  est  un  gagne-pain  souvent  assez  lucratif,  et 


(*)  Voyez  plus  bas  Chapitre  VIII, 


153 


enfin,  on  trouve,  surtout  dans  l’ile  de  Java,  plusieurs  Arabes  qui 
louent  des  chevaux  et  des  voitures. 

Les  professions  manuelles  proprement  dites  ne  viennent  presque 
pas  en  ligne  de  compte.  Elles  sont  exercées  à peu  près  exclusivement 
par  des  métis.  Dans  les  environs  de  Batavia,  il  existe  un  établissement 
lithographique,  appartenant  à Al.  le  Sayyid  ’Uthmân  bin  ’Abd  Allah 
bin  Yahyâ;  à Palembang,  un  autre  Sayyid  a une  petite  imprimerie. 
Puis  il  y a,  dans  l’Archipel  indien,  5 horlogers,  3 orfèvres,  4 menuisiers, 
1 tailleur,  1 fabricant  de  limonade  et  1 mécanicien  sur  un  bateau 
à vapeur  du  Gouvernement.  Dans  la  principauté  de  Landak  (côte 
occidentale  de  Bornéo)  quelques  métis  s’occupent  à chercher  des 
diamants.  De  Pasourouan,  de  Bangil,  de  Bouléleng  (île  de  Bali) 
et  d’Atjeh  on  me  rapporte  que  quelques  métis  sont  même  devenus 
portefaix.  Près  de  Batavia,  un  Arabe  né  en  Hadhramout  possède  une 
briqueterie  ( mîfâ ) assez  grande,  et  2 ou  3 métis  y ont  des  établissements 
où  se  fabriquent  des  batlik  (*).  Enfin,  à Bangil  un  métis  exerce 
le  métier  de  masseur.  Pour  contribuer  aux  frais  du  ménage,  les 
femmes  des  Arabes  pauvres  exercent,  presque  partout,  de  petites 
industries,  parmi  lesquelles  la  fabrication  de  batlik  est  une  des  plus 
répandues.  On  m’a  même  cité  des  exemples  d’Arabes  vivant,  de  la 
sorte,  du  travail  de  leurs  quatre  femmes. 

Pour  les  professions  libérales,  comptons  d’abord  les  hommes  d’affaires  : 
20  à Palembang,  4 à Pontianak,  1 à Chéribon,  1 à Bandong  et  1 à 
Balangnipa  (île  de  Celebes).  Ces  individus  sont  un  véritable  fléau  pour 
leur  clientèle,  exclusivement  indigène.  Ils  se  chargent  de  soutenir 
devant  les  tribunaux  les  causes  les  plus  désespérées.  A Palembang  et 
à Pontianak,  où  ils  sont  les  plus  nombreux,  ils  forment  une  espèce 
de  barreau,  peu  respectable,  il  est  vrai,  et  très-mal  vu  des  magistrats 


(')  V.  plus  haul  p.  146. 


154 


hollandais.  A Besouki,  il  y a un  Arabe  de  Tunis  qui  s’y  est  établi 
comme  médecin,  et  à Panaroukan,  dans  la  même  Résidence,  un  Arabe 
de  la  Mecque  est  apothicaire. 

Les  emplois  publics  constituent  une  carrière  que  les  Arabes 
choisissent  très-rarement.  Les  métis  seuls  le  font,  mais  aiment 
encore  mieux  entrer  au  service  d’un  prince  indigène,  vassal  des 
Gouvernements  hollandais  ou  anglais,  que  de  devenir  fonctionnaire 
immédiat  de  l’un  ou  de  l’autre.  Ceci  a seulement  trait  au  service 
proprement  dit  et  non  aux  fonctions  non  salariées  de  chef  d’une 
colonie,  fonctions  remplies  par  beaucoup  d’Arabes  nés  en  Hadhramout. 
Dans  l’île  de  Java,  je  ne  connais  que  deux  fonctionnaires  d’origine 
arabe,  actuellement  au  service  direct  du  Gouvernement  hollandais: 
le  Régent  de  Magelang  et  le  Palih  ou  Sous-Régent  de  Brebes;  la 
famille  du  Régent  de  Tjandjour,  quoique  aussi  d’origine  arabe,  est 
devenue  javanaise,  au  point  d’en  avoir  perdu  toute  conscience  (*). 
A Pontianak  seul,  le  service  du  Gouvernement  hollandais  paraît 
assez  en  vogue  parmi  les  métis.  Un  d’entre  eux  est  même  Djaksa 
ou  procureur  du  roi  près  du  tribunal  indigène  et  un  autre,  son 
substitut. 

Dans  le  chapitre  suivant,  je  vais  parler  des  Arabes  exerçant  des 
fonctions  ecclésiastiques  ou  se  vouant  à l’instruction.  Le  fermage  des 
impôts,  si  recherché  des  Chinois  opulents,  est  une  occupation  «à 
peu  près  complètement  négligée  par  les  Arabes  établis  dans  les 
possessions  hollandaises.  A Singapour  seul  deux  Arabes,  l’un  et 
l’autre  Sayyid,  ont  participé,  l’année  dernière,  à une  société  pour 
l’exploitation  de  la  ferme  du  débit  d’opium.  Quant  aux  autres 
participants,  ce  sont  tous  des  Chinois.  Autrefois,  les  Arabes  étaient 
les  principaux  fermiers  des  impôts  levés  par  le  Sultan  de  Soumenep, 


(*)  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  dans  le  Chapitre  VIII. 


155 

mais  ce  pays  ayant  été  placé  en  1885  sous  l’administration 
directe  des  autorités  hollandaises,  les  impôts  en  question  ont  été 
abolis. 

Le  nombre  des  Arabes  établis  dans  l’Archipel  indien,  vivant  de  la 
charité  ou  de  professions  non  avouables,  est  minime.  A Sourabaya, 
trois  métis  vivent  de  la  charité  de  leurs  compatriotes;  à Soumenep, 
un  métis  est  entretenu  par  la  famille  du  Régent,  et  un  autre, 
par  ses  amis  indigènes.  A Siak,  trois  métis  n’ont  pas  de  profession 
reconnue;  il  paraît  que  le  Sultan  et  son  fils  leur  donnent  de  temps 
en  temps  quelques  secours.  Ce  qui  est  certain,  c’est  qu’ils  sont 
pauvres.  Dans  l’ile  de  Banka,  deux  métis  exploitent  la  superstition 
des  Indigènes.  Dans  Pile  de  Soumbawa,  un  Arabe  né  en  Hadhramout 
fait  de  même.  Le  dernier  a la  réputation  d’être  doué  de  lumières 
et  de  forces  surnaturelles  et  vit  largement  des  cadeaux  que  les 
Indigènes  lui  apportent,  en  échange  de  sa  bénédiction.  Enfin  à 
Bangil,  plusieurs  Arabes  m’ont  été  signalés  par  la  police  comme 
soupçonnés  de  vivre,  en  grande  partie,  de  la  contrebande  de  café 
et  d’opium.  Ceci  est  toutefois  un  fait  unique:  dans  les  autres 
colonies,  les  Arabes  soupçonnés  de  contrebande  sont  extrêmement 
rares. 

y 

Quant  aux  Arabes  qui  ne  s’établissent  pas  dans  l’Archipel  indien, 
nous  avons  vu  dans  l’introduction  qu’ils  y viennent,  en  grande  partie, 
pour  demander  la  charité,  et  pour  une  autre  partie  afin  d’exercer 
des  professions  ne  valant  guère  mieux.  On  trouve  parmi  eux  des 
conducteurs  de  bêtes  féroces,  des  musiciens  ambulants,  des  marchands 
forains,  des  charlatans,  des  jongleurs,  enfin  des  représentants  de 
toutes  les  professions  de  bohème. 

Le  tableau  suivant  donne  la  statistique  détaillée  du  nombre  des 
Arabes  aisés,  et  de  leur  revenu  approximatif: 


186 


iLES  DE  JAVA  ET  DE  MADOURA. 


Résidence. 

Arabes  ayant  un  revenu  annuel  de 

600  fl.  à 3600  fl. 

3600  fl.  à 12000  fl. 

plus  de  12000  fl. 

Bantam 

1 

— 

— 

Batavia 

60 

6 

4 

Préanger 

5 

— 

— 

Krawang 

2 

— 

— 

Chéribon 

64 

4 

— 

Tegal 

8- 

2 

1 

Pekalongan 

18 

2 

2 

Samarang 

11  ' 

7 

— 

Japara 

2 

— 

— 

Rembang 

6 

- 

— 

Sourabaya 

79 

6 

5 

Madoura 

25 

7 

1 

Pasourouan 

24 

— 

— 

Probol  inggo 

11 

1 

- 

Besouki 

24 

2 

— 

Kedou 

1 

— 

Total 

341 

37 

13 

AUTRES  POSSESSIONS  HOLLANDAISES. 


Gouvernement  ou 

Arabes  ayant  un  revenu  annuel  de 

Résidence. 

600  il.  à 3600  11. 

3600 11.  à 12000  fl. 

plus  de-12000  fl. 

Côte  occidentale  de  Su- 
matra  

10 

1 



Bengkoulen 

1 

— 

— 

Lampong 

1 

— 

— 

Palembang 

19 

30 

8 

Côte  orientale  de  Sumatra. 

65 

1 

— 

Aljeh  (*) 

2 

3 

— 

A transporter .... 

98 

35 

8 

(■)  Ce  n'est  que  de  la  colonie  de  Kola  Radja  et  les  environs  qu'on  a pu  me  fournir 
nue  statistique  des  revenus. 


Gouvernement  ou 

Arabes  ayant  un  revenu  annuel  de 

Résidence. 

600  fl.  à 3600  fl. 

3600  fl.  à 12000  fl. 

plus  de  12000  fl.. 

Par  transport 

98 

35 

8 

Banka 

2 

— 

— 

Côte  occidentale  de  Bornéo 

160 

1 

1 

Côte  méridionale  et  orien- 
tale de  Bornéo 

13 

1 

Celebes 

210 

— 

— 

Menado 

22 

— 

— 

Amboina 

6 

— 

— 

Temate 

10 

— 

— 

Timor 

4 

— 

— 

Bali 

9 

4 

— 

Total 

345 

41 

9 

• 

POSSESSIONS  ANGLAISES. 


Arabes  ayant  un  revenu  annuel  de 

600  fl.  à 3600  fl. 

3600  fl.  à 12000  fl. 

plus  de  12000  fl. 

Singapour 

90 

50 

15 

De  Poulou  Pinang,  ni  de  Malacca,  je  n’ai  reçu  de  statistique  concernant 
le  revenu.  Seulement,  quant  à Malacca,  on  m’assure  qu’à  l’exception 
de  3 ou  4 tous  les  Arabes  y ont  moins  de  600  fl.  de  revenu  annuel, 
et  quant  à Poulou  Pinang,  que  le  nombre  de  ceux  qui  ont  davantage, 
n’excède  pas  une  vingtaine.  Il  est  très-difficile  de  taxer  le  capital 
des  Arabes  qui  font  le  commerce,  plusieurs  d’entre  eux  faisant  des 
affaires  beaucoup  au-dessus  de  leurs  forces.  La  seule  chose  qu’on 
puisse  savoir  avec  assez  de  certitude,  c’est  que  les  Arabes  vraiment 
riches  sont  assez  clair-semés.  Une  enquête  a prouvé  que  le  nombre (*) 


(*)  Dont  10  dans  l'ile  de  Sownbawa, 


158 


de  ceux  qui  possèdent  un  capital  réel  de  300000  fl.  ou  plus,  ne 
dépasse  pas  21,  dont  4 à Batavia,  2 à Pekalongan,  2 à Sourabava, 
2 à Palembang,  1 à Pontiauak  (*)  et  10  à Singapour. 

Pour  terminer,  je  tiens  à constater  qu’il  m’a  été  impossible  de 
trouver  des  données  statistiques  du  passé,  assez  positives,  pour  décider, 
si  la  position  économique  des  Arabes  était  autrefois  supérieure  à celle 
qu’ils  occupent  actuellement.  Toutefois,  d’après  quelques  indices,  j’ose 
affirmer  que,  dans  la  première  moitié  de  notre  siècle,  ils  s’enricbissaient 
beaucoup  plus  facilement  qu’aujourd’hui,  leur  nombre  étant  encore 
sensiblement  plus  petit,  et,  en  second  lieu,  la  concurrence  des  Européens 
et  des  Chinois  n’étant  pas  encore  si  forte. 

(')  Le  Sultan. 


CHAPITRE  IV. 


CULTE  ET  INSTRUCTION. 

J’ai  exposé  plus  haut  (J)  que,  de  nos  jours,  il  n’y  a pas  d’Arabe 
qui  immigre  dans  l’Archipel  indien  avec  le  but  d’édifier  les  fidèles 
par  ses  lumières  ou  de  prêcher  le  Coran  aux  payens.  C’est  pourquoi 
je  n’ai  jamais  compris  d’où  est  venue  l’idée,  généralement  répandue 
parmi  les  Européens,  que  tout  Arabe  est  une  espèce  de  théologien, 
sinon  un  ministre  du  culte  musulman,  et  que  le  clergé  mahométan 
indigène  se  recrute  principalement  parmi  eux.  Souvent  j’ai  entendu 
désigner  du  nom  de  „prêtre”  un  Arabe  qui,  en  réalité,  n’avait  pas 
même  de  Coran  (2).  Il  est  vrai  que  quelques  Arabes,  une  fois  établis 
dans  l’Archipel  indien,  sans  quitter  leurs  affaires  et  à défaut  de 
personnes  plus  compétentes,  se  font  un  honneur  de  diriger  la  prière 
dans  les  réunions  de  leurs  compatriotes.  Il  y en  a même,  à qui  leurs 
compatriotes  donnent,  par  cotisation,  un  petit  appointement,  afin  qu’ils 
puissent  se  vouer  entièrement  à cette  besogne  et  donner  de  l’instruction 
primaire  aux  enfants  dans  la  colonie.  On  trouve  même  de  temps  en 
temps,  dans  l’Archipel  indien,  un  Arabe  savant  qui,  après  avoir  fait  sa 
fortune  ou,  du  moins,  s’être  assuré  une  modeste  aisance,  reprend  ses 
études  favorites  et  'ouvre  un  cours  public.  Cependant  cela  n’empêche 


(* *)  V.  p.  123. 

(*)  Un  exemple  très-frappant  de  l'erreur  que  je  viens  de  signaler,  c’est  qu’un  métis 
arabe  demanda,  il  y a quelques  années,  de  devenir  premier  ecclésiastique  d'une  grande 
mosquée  indigène.  On  ignorait  que  l'individu  en  question  avait  été  matelot  sur  des  vaisseaux 
anglais.  Dans  ses  voyages  en  Europe  et  en  Chine,  il  avait  appris  à boire  son  petit  verre  et 
à manger  du  porc.  Le  Gouvernement  hollandais  le  nomma  en  effet,  et  crut  même  avoir 
fait  un  choix  des  plus  heureux.  On  espérait,  en  outre,  que  sa  nomination  aurait  une 
très-bonne  influence  sur  ses  paroissiens  placés  depuis  peu  sous  l’administration  directe  de 
nos  autorités,  et  qui  étaient  encore  assez  turbulents.  On  ne  tarda  pas  à s'apercevoir  qu'il 
ne  faisait  que  les  scandaliser  par  son  ignorance  et  ses  moeurs,  peu  en  harmonie  avec  les 
prescriptions  de  l'Islamisme. 


160 


pas  que  la  grande  majorité,  ou  pour  mieux  dire  presque  tous,  restent 
exclusivement  occupés  de  leurs  intérêts  matériels. 

A l’appui  de  ce  qui  précède  je  puis  alléguer  que,  d’après  une 
enquête  officielle,  il  n’y  a,  dans  tout  l’Archipel  indien,  qu’une 
cinquantaine  d’Arabes  qui  donnent  de  l’instruction,  pour  la  plupart 
métis.  Le  nombre  de  leurs  élèves  ne  dépasse  pas  1000.  Ceux  qui 
s’occupent  de  l’instruction  ont  ordinairement  aussi  des  fonctions 
ecclésiastiques.  Il  n’y  a que  16  Arabes  enseignant  la  théologie,  la 
jurisprudence  ou  la  grammaire  à des  adultes.  L’instruction  donnée 
par  des  Arabes  a le  plus  d’importance  à Soumenep,  ou  l’on  trouve 
8 maîtres  d’école,  dont  six  métis,  avec  environ  540  élèves.  Le 
nombre  de  ceux-ci  est  d’environ  180  à Pontianak,  d’environ  100  à 
Sourabaya,  d’environ  50  à Samarang  et  d’environ  40  à Batavia.  A 
Soumenep,  Pontianak,  Sourabaya  et  Samarang,  à peu  près  la  moitié 
des  élèves  sont  des  adultes;  à Batavia  les  3/4  sont  des  enfants  (* *). 
Les  enfants  qui  suivent  l’instruction  sont  tous  de  nationalité  arabe; 
les  élèves  adultes  sont  presque  tous  des  indigènes,  excepté  ceux  de 
Pontianak,  pour  la  majeure  partie  des  métis  arabes.  A Garout  une 
femme  d’origine  arabe  donne  de  l’instruction  primaire  à quelques 
filles  indigènes. 

La  majorité  des  Arabes  qui  se  vouent  à l’instruction,  la  considèrent 
comme  une  occupation  secondaire.  Ils  ont,  en  outre,  un  gagne-pain. 
Il  en  est  de  même  des  ecclésiastiques  auprès  des  petites  mosquées 
dans  la  plupart  des  colonies  arabes  de  quelque  importance.  Ces  mosquées 
ne  sont  en  général  destinées  qu’aux  prières  journalières  et  à celles 
des  deux  fêtes  annuelles,  etc.  Elle  servent  encore  d’écoles  et  de  maisons 
où  les  pauvres  et  les  voyageurs  trouvent  toujours  un  gîte  (2).  Beaucoup 

(')  Il  s'entend  que  ces  chiffres  sont  très-variables.  Tout  dépend  de  la  réputation  du 
professeur. 

(*)  Dans  les  colonies  populeuses,  les  Arabes  ont  des  cimetières  à eux.  Autre  part  ils 
sont  ensevelis  dans  les  cimetières  des  Indigènes. 


161 


n’ont  pas  d’ecclésiastique  attitré;  mais,  l’heure  de  la  prière  sonnée, 
un  des  fidèles  se  charge  de  diriger  la  cérémonie.  La  prière  publique 
du  vendredi  ne  se  fait,  que  je  sache,  que  dans  deux  mosquées  arabes, 
c’est-à-dire  dans  celle  de  Kali  Anget,  près  de  Soumenep,  et  dans  celle 
de  Palembang.  Dans  l’île  de  Java  je  ne  connais  pas  un  seul  Arabe 
qui  soit  Imam  ou  premier  ecclésiastique  dans  une  mosquée  indigène 
destinée  à la  prière  publique  du  vendredi.  Par  contre,  à Jebous  (île  de 
Banka),  à Pontianak,  à Kola  Baron  (Tanah  Laout)  et  à Ternate  les 
Imam  des  grandes  mosquées  indigènes  sont  des  métis  arabes;  à Siak 
Ylmdm  de  la  grande  mosquée  est  un  Arabe  du  Hadhramout.  En 
Atjeh  on  trouve  plusieurs  mosquées  ayant  des  Imam  arabes,  dont 
quelques-uns  sont  des  métis,  et  les  autres  nés  en  Hadhramout.  A 
Singapour  enfin,  deux  des  grandes  mosquées  ont  des  Imam  arabes 
nés  en  Hadhramout;  tandis  que,  dans  la  principauté  de  Djohor,  un 
Arabe  né  en  Hadhramout  est  Muflî  ou  chef  du  clergé.  Les  princes 
arabes  de  Siak,  de  Pontianak  et  de  Ivoubou  se  considèrent  comme 
chefs  du  Mahométisme  dans  leur  pays.  Leur  nom  est  inséré  dans  la 
prière  publique  du  vendredi  ; en  ceci  ils  ne  font  que  suivre  l’exemple 
des  autres  princes  indigènes. 

Quant  aux  fonctions  ecclésiastiques  subalternes,  on  ne  trouve  dans 
Pile  de  Java  que  deux  Arabes  faisant  partie  du  clergé  indigène; 
dans  l’île  de  Banka  il  y en  a un,  à Siak  deux,  dans  l’île  de  Celebes 
un  et  dans  l’île  de  Bali  deux.  En  outre,  il  y a à Batavia  et  à Grissée 
quelques  Arabes  attachés  comme  gardiens  aux  tombeaux  sacrés.  Il  y 
a encore  un  tombeau  sacré  à Kota  Radja  (Atjeh),  où  une  branche  de 
la  famille  de  Bâfadhl  occupe  depuis  quatre  générations  les  fonctions 
de  gardien. 

On  voit  que  l’idée  de  regarder  le  clergé  indigène  comme  à moitié 
arabe  disparaît  entièrement  devant  la  statistique. 

Je  puis  aller  plus  loin  et  constater  que,  surtout  dans  l’île  de 

il 


\ 


162 


Java,  c’est  précisément  le  clergé  indigène  qui  montre  une  antipathie 
prononcée  contre  les  Arabes;  elle  n’aime  pas  à voir  un  Arabe,  même 
métis,  admis  dans  ses  rangs.  Il  en  est  de  même  des  précepteurs  de 
religion  indigènes.  Plus  ils  sont  à la  hauteur  de  la  théologie  et  de  la 
jurisprudence  musulmanes,  et  plus  ils  sont  versés  dans  la  langue 
arabe,  moins  ils  recherchent  ordinairement  l’intimité  des  Arabes 

du  Hadhramout,  qui,  du  reste,  les  payent  en  même  monnaie.  La 
tendance  mystique  du  Mahométisme  dans  l’Archipel  indien  est  des 
plus  antipathiques  à ceux-ci.  Rarement  un  Arabe  parlera  avec  respect 
d’un  ecclésiastique  ou  d’un  précepteur  de  religion  indigènes,  qui,  de 
leur  côté,  ne  manquent  pas  de  montrer  avec  empressement  quelque 
membre  peu  civilisé  d’une  tribu,  parlant  l’arabe  il  est  vrai,  parce 
que  c’est  sa  langue  maternelle,  mais  n’entendant  rien  à la  culture 
des  sciences.  Inutile  d’ajouter  que  ces  opinions  sont,  de  part  et 

d’autre,  erronées.  Ce  ne  sont  pas  les  savants  de  Saioun  qui  forment 
un  objet  de  vénération  pour  les  Indigènes,  mais  ceux  de  la  Mectfue, 
surtout  quand  ils  11e  sont  pas  d’origine  arabe. 

Les  parties  de  l’Archipel  indien  où  les  sciences  musulmanes  et  la 
littérature  arabe  ont  été,  depuis  longtemps,  le  plus  cultivées,  sont 
Bantam,  Palembang  et  Atjeli.  Cette  culture,  cependant,  paraît  être 
restée  exclusivement  indigène:  je  11e  connais  aucun  savant  arabe 

ayant  vécu  dans  ces  contrées.  Par  contre,  à Batavia,  il  y a eu  îles 

Arabes  savants  depuis  la  fin  du  siècle  précédent,  et  à Soumenep, 
depuis  le  commencement  de  ce  siècle. 

Pour  commencer  par  Batavia,  le  premier  de  ces  savants  était  le 
Sayyid  Hosain  hin  Alton  Bakr  al-’Aidrous,  qui  mourut  en  1798, 
après  avoir  enseigné  depuis  de  longues  années.  Il  obtint,  bientôt 
après  sa  mort,  une  grande  renommée  de  sainteté.  Sur  son  tombeau  à 
Louar  Batang,  près  de  l’embouchure  de  la  rivière  de  Batavia,  on 
a érigé  une  grande  mosquée,  qui  est,  de  nos  jours,  un  des  principaux 


lieux  de  pèlerinage  dans  l’Archipel  indien.  Non-seulement  les  Indigènes, 
mais  encore  des  métis  chinois  et  européens  y viennent  faire  des 
voeux  pour  réussir  dans  leurs  entreprises,  pour  avoir  des  enfants,  etc. 
La  valeur  des  ex-voto  s’y  élève  à plus  de  8000  fl.  par  an.  Parmi 
les  Indigènes,  le  petit  cimetière,,  à côté  de  la  mosquée,  est  fort 
recherché;  par  conséquent,  les  redevances  dues  pour  les  tombeaux 
constituent  encore  une  source  de  revenu  très-appréciable. 

Le  second  savant  arabe  de  grande  renommée  était  ’Abd  ar-Rahmàn 
bin  Ahmad  al-Miçrî  (*).  Comme  son  nom  l’indique,  il  n’était  pas  du 
Hadhramout,  mais  de  l’Egypte.  Après  avoir  fait  le  commerce  à Palembang 
et  à Padang,  il  s’établit  dans  les  environs  de  Batavia,  dans  le  village 
de  Patambouran.  Il  y acheta  une  grande  propriété,  y fonda  une 
mosquée  et  se  retira  entièrement  des  affaires  pour  se  vouer  à la 
science.  On  dit  qu’il  excellait  surtout  dans  l’astronomie  et  l’astrologie. 
Il  était  très-bien  vu  des  autorités  hollandaises,  et  spécialement  du 

Gouverneur-Général  Merkus.  Il  mourut  en  1847  et  fut  enterré  près 

« 

de  la  mosquée  fondée  par  lui.  Sans  avoir  rien  écrit,  il  avait  de 
nombreux  disciples.  Son  nom  est  encore  fort  connu  à Batavia.  Il  en 
est  de  même  du  Sayyid  ’Abd  ar-Rahmàn  bin  Abou  Bakr  al-Habchî, 
qui  vint  du  Hadhramout  à Batavia  en  1828  et  repatria  en  1853. 

En  1844,  un  métis  arabe  du  Soudan,  appelé  Mohammad  Djabartî, 
s’établit  à Batavia  comme  précepteur  de  religion.  11  y mourut  en  1855 
et  fut  enterré  dans  le  village  de  Tambora.  En  1851,  un  autre  savant 
arabe  du  Hadhramout,  Sàlim  bin  ’Abd  Allah  bin  Somair,  arriva  dans 
l’Archipel  indien.  Comme  tous  les  Arabes,  il  avait  quitté  sa  patrie 

(')  Son  cousin  'Abd  Altàh  bin  Mohammad  al-Miçrî,  né  à Palembang,  élait  de  1820 
à 1827  secrétaire  du  Sayyid  Hasan  bin  'Omar  al-Habchî,  dont  nous  allons  parler  dans  le 
chapitre  suivant.  'Abd  Allah  est  l'auteur  de  deux  écrits  malais,  intitulés:  Hikàjat  tànah 
Bali  (Description  de  l’ile  de  Bali)  et  Tjeriterà  pada  râdja  râdja  di  negri  Siam  (Histoire  des 
rois  de  Siam).  V.  Handleiding  bij  de  beoefening  der  Maleiscbe  taal-  en  letterkunde  (Manuel 
de  la  langue  et  de  la  littérature  malaies)  par  M.  de  Hollander,  p.  360  et  361  de  la 
5ième  édition. 


164 


pour  chercher  fortune.  Après  un  séjour  de  plusieurs  années  à Singapour, 
il  s’établit  à Batavia  comme  précepteur,  sans  cependant  abandonner 
entièrement  le  commerce.  Il  mourut  en  1854  et  fut  enterré  dans  le 
cimetière  arabe  à Tanah  Abang,  situé  à quelques  kilomètres  de  la 
ville.  Il  est  l’auteur  du  livre  Safinat  an-Nadjâh,  cité  plus  haut  (’).  Ce 
livre  est  encore  actuellement  en  usage,  non-seulement  en  Hadhramout, 
mais  encore  dans  tout  l’Archipel  indien.  Sâlim  bin  ’Abd  Allah  bin 
Somair  était  un  zélé  antagoniste  du  mysticisme  mahométan,  surtout 
de  ses  manifestations  bruyantes,  connues  sous  le  nom  de  larîqah. 
Plusieurs  fois,  il  a eu  maille  .à  partir  avec  les  prédicateurs  indigènes 
de  ces  excentricités  religieuses. 

Après  lui,  le  Sayyid  Chaikh  bin  Ahmad  Bàfaqîh  s’établit  à Batavia 
et  y séjourna  durant  quelques  années;  je  parlerai  de  cet  intéressant 
personnage  tout  à l’heure,  le  principal  terrain  de  son  activité  ayant 
été  à Soumenep.  Depuis  une  quinzaine  d’années,  c’est  M.  le  Sayyid 
’Uthmân  bin  ’Abd  Allah  bin  Yahyâ  qui  jouit  de  la  plus  grande 
autorité  en  matière  de  théologie  et  de  droit,  non-seulement  parmi  ses 
compatriotes  à Batavia,  mais  encore  parmi  les  musulmans  de  tout 
l’Archipel  indien.  11  est  né  à Batavia:  sa  mère  était  la  fille  de  ’Abd 
ar-Rabmàn  bin  Ahmad  al-Miçrî,  nommé  plus  haut.  Il  a fait  ses  études 
principalement  à la  Mecque  et  a visité  le  Hadhramout,  l’Egypte,  la 
Tunisie,  Jérusalem  et  Constantinople.  Dans  les  dernières  années,  il  a 
cessé  de  donner  des  cours  publics  pour  se  vouer,  plus  .à  son  aise,  à 
ses  travaux  littéraires.  Le  nombre  de  ses  écrits  s’élève  actuellement 
déjà  à trente-huit,  partie  en  arabe,  partie  en  malais.  Plusieurs  ont  été 
spécialement  approuvés  par  le  chef  du  rite  de  Châfi’î  à la  Mecque.  Son 
instruction  a une  tendance  éthique;  il  ne  cesse  de  démontrer  qu’on 
peut  rester  sujet  loyal  d’un  gouvernement  européen  dans  l’Archipel (*) 


(*)  Y.  p.  87. 


165 


indien,  tout  en  étant  scrupuleux  dans  l’observance  de  ses  devoirs 
religieux.  Les  agitations  du  Pan-Islamisme,  dans  les  dernières  années, 
trouvent  en  lui  un  antagoniste  déclaré;  de  même  il  fait  tout  ce  qu’il 
peut  pour  arrêter  les  progrès  du  mysticisme  mahométan.  En  cela,  il 
est  un  disciple  fidèle  de  Sàlim  bin  ’Abd  Allah  bin  Somair,  mentionné 
plus  haut.  Son  opposition  au  mysticisme  lui  a également  valu  l’inimitié 
du  clergé  indigène.  Il  demeure  dans  le  village  de  Patambouran,  près 
de  Batavia,  où  il  possède  une  petite  propriété,  à quelque  distance 
de  la  mosquée  fondée  par  son  aïeul,  ’Abd  ar-Ralnnân  bin  Alimad 
al-Miçri. 

Je  crois  qu’il  est  assez  intéressant  de  donner  la  liste  des  écrits 
du  Sayyid. 

1°.  Çifat  doua  poulouh,  traité  des  principaux  épithètes  d’Allàh. 

2°.  Zabr  al-Bàsim,  traité  de  la  nativité  du  Prophète. 

3°.  al-Qawânîn  ach-Char’iah,  traité  des  bases  du  droit  mahométan  ( oçoul 
al-fiqh),  des  autorités  en  matière  de  droit  et  de  l’administration 
de  la  justice. 

4°.  Içlâl.i  al-Hâl,  traité  démontrant  que  l’aversion  des  classes 
supérieures,  parmi  les  Indigènes,  pour  le  travail  manuel,  n’est 
pas  conforme  aux  prescriptions  de  l’Islamisme. 

5°.  at-Tuffâhah  al-Wardiah,  traité  des  choses  et  des  actes  illicites. 
6°.  Manâsik  al-Hadjdj,  traité  du  pèlerinage  et  des  conditions  requises 
pour  l’accomplir  légalement.  Ce  traité  a spécialement  pour  but 
de  combattre  l’opinion  générale  des  Indigènes  que  le  pèlerinage 
est  méritoire,  lors  même  qu’on  devrait  prélever  les  frais  sur 
l’argent  nécessaire  à l’entretien  de  sa  famille,  à payer  ses 
dettes,  etc. 

7°.  Généalogie  des  Sayyid  du  Hadhramout. 

8°.  at-Tarîq  ad-Sahilah,  traité  de  l’art  de  réciter  le  Coran  et  les 
prières. 


166 


9°.  Tawdliil.i  al-Adillah.  traité  de  la  preuve  légale  requise  pour 
constater  l’apparition  de  la  nouvelle  lune  du  mois  de  Ramadhàn. 

10°.  Ircliàd  al-Anâm,  traité  des  prescriptions  légales  relatives  à la 
prière,  au  jeûne  et  aux  prélèvements. 

1 1°.  Maslak  al-Akhyâr,  prières  arabes  avec  l’explication  en  malais. 

12°.  Nafàïs  an-Nihlah,  traité  de  la  direction  à prendre  dans  la  prière. 

15°.  as-Silsilat  an-Nabavviab,  liste  des  principaux  théologiens  et  juristes 
musulmans. 

14°.  Kitâb  al-Faràïdh,  traité  du  partage  des  successions. 

15°.  Sagouna  Sakâya,  traité  du  partage  de  la  communauté  entre 
époux. 

16°.  Mothallajthah,  traité  des  mots  arabes  ayant  plusieurs  significations. 

17°.  Soal  Djawâb,  traité  de  la  preuve  par  écrit. 

18°.  Toudjouh  Fâïdah,  traité  de  la  prière  en  assemblée. 

19°.  an-Naçîbat  al-Aniqah,  écrit  polémique  contre  la  dévotion  mystique 
appelée  an-Naqchibendiah. 

20°.  Sermon  sur  le  don  nuptial. 

21°.  Le  XVIII  Chapitre  du  Coran  et  la  prière  pour  le  Prophète 
expliqués. 

22°.  Abrégé  de  la  science  des  traditions. 

25°.  » de  l’art  de  lire  le  Coran. 

24°.  Traité  des  fautes  commises  dans  la  lecture  du  Coran  pendant 
la  prière. 

25°.  Abrégé  des  éléments  constitutifs  de  la  prière. 

26°.  » de  la  grammaire  arabe. 

27°.  Atlas  ’Arabi,  quatre  cartes  géographiques. 

28°.  Dessin  de  la  Mecque  et  de  Médine. 

29°.  Abrégé  de  l’art  de  constater  les  heures  légales  pour  la  prière. 
» # la  théologie  musulmane. 

» » » loi  sur  les  mariages. 


50°. 

31°. 


167 


52°.  Abrégé  de  la  loi  sur  la  retraite  légale  des  femmes. 

53°.  » » » » » » parenté  de  lait. 

54°.  Traité  des  poids  et  des  mesures. 

55°.  Adâb  al-Iusân,  traité  de  la  morale. 

56°.  Qâmous  Kctjil,  liste  de  mots  arabes  avec  la  signification  en 
malais. 

37°.  Réfutation  d’une  décision  du  tribunal  ecclésiastique  de  Batavia, 
relative  au  partage  des  revenus  du  tombeau  du  saint  al-’Aidrous  (1). 
58°.  Tjampâka  Moulîa,  traité  de  l’amélioration  morale  de  soi-même. 

De  ces  58  écrits,  les  Nos.  5,  7,  8,  12,  15,  16,  20,  21,  22,  26  et  27 

sont  en  arabe;  les  autres  en  malais.  La  plupart  ne  sont  que  d’une 

vingtaine  de  pages,  au  plus. 

A Soumenep,  les  savants  arabes  ont  été  attirés  par  le  Sultan 
Bakou  Nata  Ningrat,  qui  régna  de  1812  à 1834  et  était  un  grand 
amateur  des  lettres  javanaises  et  arabes.  Dans  sa  jeunesse,  il  avait 
appris  l’arabe  et  les  sciences  musulmanes  d’un  certain  Sayyid 
’Ahd  ar-Rahmàn  al-Baitî,  qui,  quoique  appartenant  aux  Sayyid  du 
Hadhramout,  avait  fait  ses  études  entièrement  à la  Mecque.  Il 

paraît  que  cet  homme  a exercé  une  grande  influence  sur  l’esprit  du 
prince  et  lui  a inspiré  un  vif  intérêt  dans  la  civilisation  arabe  et 
dans  ses  compatriotes  en  général.  Du  moins,  depuis  son  avènement, 
le  Sultan  a fait  tout  ce  qu’il  a pu  pour  favoriser  l’établissement  des 
Arabes  dans  son  pays.  Ceux  qui  appartenaient  à la  classe  savante 
furent  dotés  richement;  les  autres  faisaient  de  bonnes  affaires  à 

Soumenep,  leur  commerce  ne  cessant  d’être  favorisé  par  lui.  Il  choisissait 
parmi  eux,  de  préférence,  les  fermiers  des  impôts.  Le  Sultan  parlait 
l’arabe,  possédait  une  grande  bibliothèque  de  manuscrits  dans  cette 
langue  et  correspondait,  entre  autres,  avec  ’Abd  ar-Ralunân  bin (*) 


(*)  V.  plus  haut  p.  162. 


168 


Ah  ni  ad  al-Miçri  et  avec  Sàlini  bin  ’Abd  Allah  bin  Sornair  à Batavia. 
11  n’était  pas  moins  grand  amateur  de  l’astrologie  et  avait  même 
un  astrologue  arabe,  le  Sayyid  ’Omar  Bâharoun,  à son  service 
particulier.  Le  Sayyid  Chaikh  bin  Ahmad  Bâfaqîh  était  gouverneur 
de  ses  fils. 

Il  est  intéressant  de  dire  quelques  mots  sur  la  vie  de  ce  dernier, 
qui  avait  la  réputation  d’appartenir  aux  illuminés  (ahl  al-kèchf)  (*)  et 
qui,  pendant  sa  vie  même,  jouissait  d’une  vénération  extraordinaire. 
Né  à ach-Chihr,  il  s’établit  d’abord  à Sourabaya  et  puis  à Amboina 
comme  simple  marchand.  Soit  qu’il  s’occupât  plus  des  lettres  que  de 
ses  affaires,  soit  manque  d’aptitude,  son  commerce  ne  prospéra  point. 
Par  une  bonne  fortune  pour  lui,  le  Sultan  de  Soumenep  lui  confia 
l’éducation  de  ses  fils  et  lui  céda,  comme  rémunération,  les  revenus 
de  quelques  villages.  11  resta,  près  de  25  années,  auprès  du  Sultan, 
mais,  après  la  mort  de  celui-ci,  il  perdit  sa  position.  Habitué  à faire 
la  charité  sur  une  large  échelle  et  à faire,  en  même  temps,  bonne 
chère,  la  pension  que  lui  avait  accordée  le  fils  aîné  et  successeur  du 
Sultan,  ne  suffisait  pas  à ses  besoins.  11  commença  alors  à signer 
des  billets  afin  de  se  procurer  de  l’argent  chez  les  Chinois  et  les 
Européens,  dans  l’espoir  que,  soit  le  ciel,  soit  ses  amis  les  paveraient 
à l’échéance.  Cet  espoir  fut  cependant  déçu,  et  ses  créanciers  finirent 
par  avoir  recours  à la  contrainte  par  corps.  Il  est  vrai  qu’un  des 
fils  du  Sultan,  par  respect  pour  son  ancien  gouverneur,  paya  ses 
dettes,  après  quoi  le  Sayyid  illuminé  fut  mis  en  liberté;  mais 
comprenant  que  Soumenep  n’était  plus  pour  lui  le  terrain  favorable, 
il  s’établit  à Batavia,  où  il  resta  à peu  près  dix  ans,  donnant  des 
cours  publics  et  vivant  des  dons  que  lui  apportaient  ses  amis,  ou  des 
billets  qu’il  savait  placer,  même  chez  les  grandes  maisons  de  commerce 


(’)  V.  plus  haut  p.  94. 


169 


européennes,  sous  prétexte  d’être  marchand.  La  fin  en  fut,  comme 
à Soumenep,  la  contrainte  par  corps.  Après  avoir  été  libéré  une 
seconde  fois  par  ses  amis,  il  quitta  Batavia  pour  recommencer  le 
même  genre  de  vie  à Samarang.  Je  l’ai  connu  dans  cette  dernière 
ville,  en  1870  et  1871,  et  j’y  ai  assisté  à son  troisième  débâcle.  Il 
était  intéressant  de  comparer  alors  l’opinion  de  ses  créanciers  avec  celle 
de  ses  compatriotes  et  de  ses  disciples.  Les  premiers  le  proclamaient 
un  fripon,  sinon  un  escroc,  et -ne  comprenaient  pas  que  je  permettais 
à un  tel  individu  de  venir  me  voir  de  temps  en  temps;  les  autres 
le  vénéraient  comme  un  saint.  Il  se  plaisait  à jouer  ce  dernier  rôle,  ne 
parlait  que  par  sentences  et  avait  tout  l’air  d’un  vieillard  respectable. 
Le  contact  avec  les  Européens,  le  traitant  d’homme  ordinaire,  froissait 
manifestement  son  amour-propre.  Après  être  sorti  de  la  prison  à 
Samarang,  il  s’établit  à Sourabaya,  où  il  mourut  quelques  années 
plus  tard.  Dans  le  cimetière  de  Batou  Poutih,  réservé  à la  famille  du 
Régent,  on  lui  a érigé  un  mausolée  de  marbre,  qui  est  devenu  un 
objet  de  vénération  pour  les  Indigènes.  Chaque  jeudi  soir,  on  voit 
environ  200  fidèles  y faire  des  voeux  et  implorer  l’intercession  du 
saint  homme  auprès  d’ Allah  et  du  Prophète.  A un  kilomètre  de 
distance  au  plus  se  trouve  le  quartier  européen,  éclairé  au  gaz,  offrant 
un  contraste  frappant  avec  le  spectacle  essentiellement  oriental  de 
cette  foule,  accroupie  dans  une  demi-obscurité  tant  au  point  de  vue 
physique  qu’au  point  de  vue  intellectuel.  Je  crois  que  les  petits-fils 
du  Sayyid  vivent  entièrement  des  ex-voto  apportés  au  tombeau.  C’est 
pourquoi  ils  ont  soin  de  propager  la  renommée  de  ses  miracles. 
Son  frère,  personnage  obscur,  est  enterré  à côté  de  lui.  Les  disciples 
du  Sayyid  sont  très-nombreux  parmi  les  Indigènes;  il  y en  a 
plusieurs  occupant  actuellement  une  haute  position  ecclésiastique. 
A Samarang,  de  100  à 150  auditeurs  suivaient  le  cours  qu’il 
donnait,  la  prière  de  l’après-midi  terminée.  Le  seul  ouvrage  de  sa 


170 


main  est  mie  collection  de  sermons  ( khulbah ) pour  l’année  entière, 
collection,  entre  autres,  encore  en  usage  dans  les  mosquées  de  Batavia. 

Après  la  mort  du  Sultan  Pakou  Nata  Ningrat,  la  culture  des 
sciences  n’a  fait  que  diminuer  à Soumenep.  Un  seul  savant  y est 
encore  aujourd’hui:  Khâlid  bin  ’Abd  Allah  al-Qanâ’i,  originaire  du 
village  de  ’Oloub,  près  de  Bassora.  Venu  à Soumenep  deux  ou  trois 
années  avant  la  mort  du  Sultan,  il  est  actuellement  très-âgé.  11  a 
écrit  un  livre,  intitulé  Tuhfat  al-Ikhwân,  contenant  un  abrégé  de  la 
théologie,  de  la  morale  et  des  prescriptions  relatives  au  culte  (’ibâdah). 
Le  livre  a été  composé  en  1866;  mais,  excepté  à Soumenep,  je  n’en 
ai  pas  vu  d’exemplaire  (*).  Outre  ce  savant,  Soumenep  compte 
actuellement  encore  un  homme  lettré;  c’est  le  fds  d’un  esclave 
émancipé  du  Hadhrainout.  Quoiqu’il  ait  une  certaine  réputation, 
même  hors  de  l’ile  de  Madoura,  ses  conférences  toutefois  ne  dépassent 
guère  la  Safînat  an-Nadjàh.  Quant  aux  six  métis  arabes  qui,  à 
Soumenep,  se  vouent  à l’instruction,  ils  m’ont  fait  l’effet  de  personnes 
assez  bornées. 

Le  degré  de  civilisation  dans  les  autres  colonies  arabes  dépend 

/ 

principalement  de  l’origine  des  individus  qui  y ont  la  majorité.  Les 
colonies  où  les  Sayyid  ont  la  prépondérance,  comme  à Palembang  et 
à Pekalongan,  sont  ordinairement  plus  civilisées  que  celles  où  la 
majorité  se  compose  de  membres  de  tribu,  comme  «à  Tegal,  ou  de 
personnes  appartenant  aux  basses  classes  bourgeoises,  comme  à 
Pasourouan.  Dans  les  maisons  des  Sayyid  riches  et  de  la  haute 
bourgeoisie  on  voit  ordinairement  une  petite  bibliothèque  de  manuscrits 
et  de  livres  imprimés  en  Egypte,  à Constantinople  ou  en  Syrie.  A 
Batavia  et  à Singapour,  la  plupart  des  Sayyid  et  des  bourgeois  aisés 
se  sont  abonnés  à quelque  journal  arabe  (2)  ou  du  moins  lisent-ils 

(‘J  Apres  le  Bisniillàli  les  premiers  mots  du  livre  sont  : J*ytw«A  >A.=Ay-l 

(J)  Je  parlerai  des  journaux  arabes  dans  le  chapitre  suivant, 


171 


un  des  nombreux  petits  journaux  malais  paraissant  dans  l’Archipel 
indien.  Dans  d’autres  colonies,  la  lecture  de  journaux  n’est  pas  encore 
d’usage  général.  Quoi  qu’il  en  soit,  il  n’y  a presque  pas  de  colonie 
arabe  où  l’on  ne  trouve  quelqu’un  s’occupant,  en  amateur,  de  la 
théologie  ou  du  droit,  et  qui  ne  jouit  pas,  à cet  égard,  d’un  certain 
prestige  parmi  ses  compatriotes.  En  cas  d’incertitude,  on  s’en  remet 
à sa  décision.  Par-ci,  par-là  on  rencontre  encore,  dans  l’Archipel 
indien,  un  Arabe  amateur  des  belles-lettres.  A Sourabaya,  par  exemple, 
j’ai  rencontré  un  poète  qui  me  persécuta  de  ses  vers.  Ce  n’étaient 
pas  les  vives  improvisations  des  Bédouins,  mais  des  poèmes  de 
circonstance,  factices  et  pédantesques. 

Il  est  très-rare  de  rencontrer  dans  l’Archipel  indien  un  Arabe, 
même  un  métis,  complètement  illettré.  Tous,  à peu  près,  savent  lire 
et  écrire,  et  assez  de  l’arithmétique  pour  les  besoins  de  leurs  affaires. 
La  grande  majorité  des  enfants  des  Arabes  cependant  n’ont  d’autre 
instruction  que  celle  qu’ils  reçoivent  dahs  leur  famille,  le  nombre  des 
maîtres  d’école  arabes  étant  très-insuffisant  (*). 

L’instruction  arabe , qu’elle  soit  primaire  ou  supérieure , est 
essentiellement  gratuite.  S’il  s’agit  d’une  école,  c’est  la  communauté 
qui  paye  le  maître;  tandis  que  ceux  qui  font  des  conférences, 
ont  ordinairement  d’autres  moyens  de  subsistance.  Quand  on  leur 
apporte  des  cadeaux,  c’est  toujours  à titre  d’hommage  et  jamais  comme 
rémunération.  Exclure  un  enfant  d’une  école  ou  un  étudiant  d’une 
conférence,  pour  le  seul  motif  qu’il  ne  peut  payer,  c’est  quelque  chose 
d’incompatible  avec  les  moeurs  arabes,  tant  dans  l’Archipel  indien 
qu’en  Hadhramout. 

L’instruction  primaire  donnée  aux  enfants  des  Arabes  et  les  cours 


(’)  Nous  avons  déjà  vu  (p.  150)  que  les  écoles  primaires  du  Gouvernement  et  des 
missionnaires  ne  sont  pas  fréquentées  par  les  enfants  des  Arabes  dans  les  possessions 
hollandaises. 


172 


de  leurs  savants  ont  dans  l’Archipel  indien  le  même  caractère  qu’en 
Hadliramout.  Les  livres  que  ces  savants  expliquent  sont,  en  outre, 
les  mêmes  que  ceux  expliqués  par  les  savants  indigènes,  à deux 
exceptions  près:  tandis  qu’un  Arabe  n’expliquera  que  par  grande 
exception,  soit  un  livre  sur  les  dévotions  mystiques,  dont  j’ai  déjà 
parlé  plusieurs  fois,  soit  le  livre  d’as-Sinousî,  intitulé  Umm  al-Barâhîn, 
avec  ses  commentaires,  ces  mêmes  livres  jouissent,  parmi  les  savants 
indigènes,  d’une  grande  popularité. 


CHAPITRE  V. 


OPINIONS  ET  ASPIRATIONS  POLITIQUES. 

Une  opinion  généralement  répandue  parmi  les  Européens  dans 
l’Archipel  indien,  c’est  que  les  colonies  arabes  contiennent  un  élément 
des  plus  hostiles  à leur  domination.  Cette  opinion  toutefois  n’en  est 
pas  moins  parfaitement  erronée,  du  moins  pour  ce  qui  regarde  les 
Arabes  du  Hadhramout.  Même  il  est  étonnant  que  cette  idée  ait  pu 
s’enraciner  si  fortement,  tout  le  monde  pouvant  s’assurer  de  ses 
propres  yeux  que  les  intérêts  matériels  des  Arabes  du  Hadhramout 
exigent  avant  tout  le  maintien  de  l’ordre  public. 

Nous  avons  vu  que  toute  leur  fortune  est  placée  dans  le  commerce, 
ou  en  immeubles,  ou  en  vaisseaux,  c’est-à-dire  d’une  façon  n’admettant 
point  de  la  porter  en  lieu  sur  en  cas  de  troubles.  Nous  avons  vu  en 
outre  que  presque  aucun  d’entre  eux  ne  retourne  en  Hadhramout 
après  avoir  fait  quelque  fortune,  et  que  jamais  ils  ne  l’y  transportent. 
En  tout  cas  leurs  enfants  nés  dans  l’Archipel  indien  y restent  à 
peu  d’exceptions  près,  et  sont  en  général  bientôt  dégagés  des  liens 
avec  le  Hadhramout.  Comment  peut-on  supposer  maintenant  que 
ces  mêmes  individus  soient  les  fauteurs  des  rébellions  qui  éclatent 
de  temps  en  temps  parmi  les  Indigènes,  rébellions  qui  peuvent 
causer  quelque  embarras  aux  gouvernements  européens,  mais  qui 
ne  sont  jamais  de  nature  à aboutir  à la  formation  d’un  état 
musulman  assez  puissant  pour  se  maintenir?  Tout  homme  sensé 
comprend  qu’elles  ne  peuvent  avoir  pour  résultat  que  la  mort 
de  quelques  malheureux  et  le  ravage  des  propriétés;  mais  l’idéal 
de  la  loi  musulmane,  c’est-à-dire  un  souverain,  dominant,  si  non 
le  monde,  au  moins  tous  les  fidèles,  restera  bien  toujours  une 
utopie. 


En  outre,  les  journaux  arabes  lus  dans  l’Archipel  indien  (‘),  sans 
être  à la  hauteur  de  la  journalistique  européenne,  suffisent  pour 
apprendre  à leurs  lecteurs  que  le  centre  de  gravité  des  intérêts  de 
l’Islamisme  n’est  pas  situé  dans  l’Extrême  Orient.  Il  est  du  reste  assez 
clair  que,  de  nos  jours,  aucun  des  princes  musulmans  n’est  assez 
puissant  pour  chasser  les  Européens  de  cette  partie  éloignée  du  monde. 

On  m’objectera  peut-être  qu’il  y a dans  l’Archipel  indien  un  grand 
nombre  d’Arabes  qui,  ayant  quitté  leur  désert  depuis  peu  et  ne  lisant 
point  de  journaux,  n’auront  pas  des  notions  politiques  assez  justes 
pour  faire  ce  raisonnement.  On  alléguera  en  outre  que  précisément 
ces  individus  sans  fortune,  ni  famille  dans  l’Archipel  indien,  n’ont 
aucun  intérêt  au  maintien  de  l’ordre.  A ces  objections  je  réponds 
que  les  Arabes  pauvres  ou  nouvellement  arrivés  sont  presque  toujours, 
sinon  au  service,  du  moins  dans  la  dépendance  pécuniaire  ou  sociale 
de  leurs  compatriotes  plus  favorisés  par  la  fortune,  et  que  ceux-ci 
seraient  les  premiers  à s’opposer  à des  coups  de  tête  dont  les 
conséquences  désastreuses  rejailliraient  sur  eux. (*) 


(*)  De  ces  journaux,  le  mieux  rédigé  était  certainement  al-Djawàïb,  paraissant  à 
Constantinople,  mais  suspendu,  il  y a quelques  années,  par  la  Sublime  Porte.  Ce  journal  avait 
une  tendance  très-prononcée  en  faveur  du  Pan-Islamisme.  Il  comptait  beaucoup  d'abonnés 
dans  l'Archipel  indien.  Il  a reparu,  eu  novembre  1885,  au  Caire  sous  le  nom  d'al-Qâhirali 
Les  autres  journaux  arabes  actuellement  répandus  dans  l'Archipel  indien  lui  sont  très-inférieurs. 
J’en  cite  les  principaux  : 


al-I'tidâl 
al-Insân 
al-Djannah 
Thamarât  al-Fonoun 
Lisàu  al-Hàl 
al-\Vatn 
al-Ahràm 

Kawdhat  al-Iskandariah 
al-Trwat  al-YVutbqâ 


paraissant  à Constantinople. 
• • Bairout  (Syrie). 


au  Caire, 
à Alexandrie. 


Paris. 


Le  dernier  est  un  journal  hebdomadaire,  dans  lequel  on  fait  une  propagande  véhémente 
pour  le  rétablissement  de  l’ancien  Khédive  d'Egypte,  Isma’il-Pàchâ.  F.n  outre,  le  journal 
ne  cesse  de  persuader  tous  les  musulmans  placés  sous  la  domination  des  puissances  européennes, 
et  spécialement  sous  celle  de  l'Angleterre,  à secouer  le  joug  des  infidèles.  Je  n'ai  jamais 
rencontré  d'Arabe  lisant  des  journaux  européens. 


Et  puis  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  liens  de  famille  sont  beaucoup 
plus  prononcés  parmi  les  Arabes  que  parmi  nous.  Si,  par  exemple, 
un  al-Habchî  a de  l’intérêt  au  maintien  de  l’ordre  public,  un  autre 
al-Habchî  n’ira  pas  le  troubler,  lors  même  que  ce  dernier  n’aurait  rien 
à perdre.  Au  reste  les  Sayyid  et  les  bourgeois  sont,  en  Hadhramout, 
pour  la  plupart  des  gens  paisibles.  Quant  aux  membres  des  tribus, 
il  est  vrai  qu’ils  sont  d’une  nature  assez  turbulente,  mais  il  leur 
manque  absolument  l’enthousiasme  religieux  nécessaire  pour  prêcher 
le  renversement  du  pouvoir  européen.  Certes  les  Arabes  établis  dans 
l’Archipel  indien  se  distinguent  de  la  population  indigène  mahométane 
par  l’observance  rigoureuse  des  devoirs  de  la  religion;  mais  quant 
aux  prescriptions  de  leur  loi  relatives  à la  guerre  contre  les  infidèles, 
je  ne  crois  pas  qu’un  seul  d’entre  eux  s’en  occupe  sérieusement. 
Aussi  dans  mes  rapports  fréquents  avec  les  Arabes,  surtout  dans  les 
dernières  années,  je  les  ai  trouvés  religieux,  mais  non  fanatiques  (*), 
et  je  ne  me  suis  jamais  apçrçu  d’un  sentiment  hostile  à la  domination 
européenne,  fondé  sur  la  différence  de  religion.  Au  contraire,  plusieurs 
d’entre  eux  m’ont  déclaré  ouvertement  qu’ils  ne  seraient  pas  fâchés, 
que  quelque  puissance  étrangère  occupât  le  Hadhramout  et  y fît 
régner  la  sécurité  et  la  prospérité  comme  dans  l’île  de  Java.  Ils 
apprécient  beaucoup  que,  surtout  dans  les  possessions  hollandaises, 
les  institutions  de  la  loi  musulmane  sont  maintenues  autant  que 
possible,  et  que  les  musulmans  y sont  placés  sous  le  régime  direct 
de  chefs  de  leur  propre  religion.  Il  va  sans  dire  que  les  Arabes 
dans  l’Archipel  indien  ont  quelquefois  des  démêlés  avec  les  autorités 
locales,  voire  même  avec  le  Gouvernement.  Ils  sont  très-réfractaires, 
s’il  s’agit  de  payer  des  impôts,  spécialement  des  impôts  personnels, 

(')  J’en  ai  eu  plus  d'une  fois  la  preuve  dans  la  manière  dont  ou  s’informait  des  préceptes 
de  l'Evangile.  Surtout  parmi  les  Sayyid  il  y en  a beaucoup  qui  aiment  à parler  théologie 
comparée,  tout  en  posant  comme  un  fait  indiscutable  que  le  Christianisme,  pris  dans  son 
entier,  est  une  erreur. 


176 


et  ils  ne  se  soumettent  qu’à  leur  corps  défendant  à la  juridiction 
exercée  par  le  clergé  maliomélan  indigène  par  rapport  aux  droits  de 
famille  et  aux  successions.  Ceci  toutefois  est  une  opposition  d’une 
toute  autre  nature  que  celle  qui  renfermerait  le  germe  d’une  rébellion 
politique  et  religieuse.  Les  Arabes  éclairés  savent  parfaitement  que 
les  Européens  leur  sont  supérieurs  sur  le  terrain  de  l’industrie,  du 
commerce  et  des  sciences.  C’est  seulement  dans  le  domaine  de  la 
religion  qu’ils  nous  regardent  avec  pitié  (*). 

Pour  dissiper  entièrement  la  défiance  contre  les  Arabes  du  Hadhramout, 
je  tiens  à constater  que  la  Mecque,  quoique  certainement  une  ville 
sainte,  ne  représente  nullement  pour  eux  la  capitale  intellectuelle  et 
spirituelle  de  l’Islamisme.  Tout  eu  respectant  les  familles  aristocratiques, 
les  érudits  et  le  liant  clergé  de  la  Mecque,  ils  n’ignorent  pas  que  la 
grande  majorité  des  habitants  n’y  a d’autre  sentiment  religieux  que 
de  tirer  le  plus  de  profit  possible  des  dévots  qui  y affluent  encore 
chaque  année.  Aussi  le  nombre  des  Arabes  établis  dans  l’Archipel 
indien,  qui  ont  accompli  le  pèlerinage,  est  relativement  restreint,  et 
leurs  femmes,  ni  leurs  filles  ne  l’accomplissent  jamais.  Ce  qu’on  prêche 
à la  Mecque  constitue  peut-être  une  espèce  de  mot  d’ordre  pour  les 
pèlerins  javanais  et  malais,  mais  certainement  point  pour  ceux  du 
Hadhramout.  Pour  ceux-ci,  la  Mecque  est  une  ville  trop  peu  arabe,  et 
le  Pan-Islamisme,  dont  quelques  individus  dans  celte  ville  tâchent 
d’endoctriner  les  pèlerins  étrangers,  n’a  aucun  effet  sur  eux.  De  même 
ils  ont  parlé  des  progrès  du  Malidî  dans  le  Soudan,  comme  d’une 
affaire  qui  ne  les  regarde  pas. 

Nous  avons  vu  que  les  chefs  en  Hadhramout  professent  d’être  sous 
la  protection  de  la  Sublime  Porte,  mais  que  cette  puissance  n’y 
exerce,  en  effet,  aucune  autorité.  En  tout  cas,  aucun  Arabe  domicilié 

(*)  On  cherche  en  vain  dans  l’Archipel  indien  un  exemple  de  la  conversion  d'un  Arabe 
au  Chrislianisme. 


177 


dans  l’Archipel  indien  ne  se  croirait  obligé  à obéir  aux  ordres  émanés 
de  Constantinople.  Supposé  que  la  Sublime  Porte  fît  un  appel  aux 
tribus  du  Hadhramout,  je  crois  bien  que  quelques-unes  prendraient 
les  armes,  non  par  sentiment  religieux,  mais  dans  l’espoir  de  faire 
un  butin  magnifique.  Bientôt  cependant  la  Sublime  Porte  en  aurait 
assez  de  ces  auxiliaires  indisciplinés,  qui  ne  se  soucient  guère  de  sa 
dignité  de  Calife  ou  successeur  du  Prophète  (* *)  et  qui  probablement 
ne  feraient  pas  beaucoup  de  distinction  entre  des  chrétiens  et  des 
officiers  ou  des  fonctionnaires  turcs  élevés  à Paris  ou  à Londres  et 
imbus  des  idées  modernes.  L’hommage  qu’on  rend  en  Hadhramout  à 
la  Sublime  Porte,  en  insérant  le  nom  du  Sultan  dans  la  prière 
publique,  n’a  d’autre  portée  que  de  reconnaître  qu'elle  est  actuellement 
la  plus  grande  puissance  musulmane,  et  la  seule  dont  la  voix  soit 
écoutée  par  la  diplomatie  européenne  (2). 

Quant  aux  idées  politiques  des  Arabes  du  Hadhramout  sur  les 
puissances  européennes,  constatons  en  premier  lieu  le  fait  que  la 
Russie  semble  exercer  une  certaine  fascination  sur  les  esprits,  même 
dans  leur  pays,  où  nul  Russe  n’a  encore  mis  le  pied.  Il  paraît  que 
la  Russie,  rien  que  par  son  étendue,  a une  attraction  irrésistible  sur 
les  peuples  de  l’Asie  et  qu’elle  est  considérée  en  Hadhramout  comme 
un  état  à demi  asiatique  et  musulman.  On  l’appelle  „la  grande 
Constantinople'’,  en  opposition  à „la  petite  Constantinople”,  c’est-à-dire 
la  Turquie. 


(*)  M.  N.  B.  E.  Baillie,  dans  sa  brochure:  „Is  lhe  Sultan  of  lhe  Turks  the  Calipli  of 
the  Musulmans",  a déjà  démontré  que  le  califat  de  la  Sublime  Porte  est  très-contestable 
au  point  de  vue  du  droit  musulman. 

(*)  11  y a environ  8 ans,  un  chef  du  Yémen,  dont  le  pays  avait  été  conquis  et  annexé 

par  la  Sublime  Porte,  arriva  à Batavia  pour  demander  aux  Arabes  des  secours  en  argent 

et  autres,  afin  de  pouvoir  continuer  la  guerre  pour  son  indépendance.  Il  n’avait  aucun  succès  ; 

mais,  si  en  Hadhramout  la  Sublime  Porte  avait  été  populaire  ou  respectée  seulement,  il 

s’entend  qu’il  ne  serait  pas  venu  demander  de  l’assistance  dans  une  partie  du  monde,  où  il 

savait  que  les  capitalistes  arabes  sont,  à une  ou  deux  exceptions  près,  tous  originaires  du 

Hadhramout. 

•/ 


12 


178 


La  nation  qui  représente  pour  les  Arabes  du  Hadhramout  le 
Christianisme  et  la  civilisation  occidentale,  c’est  la  France.  Le  nom 
de  „Francs”  (. Ifrèndjî  plur.  Ifrèndj ) désigne  encore  de  nos  jours  en 
Hadhramout  tous  les  Européens,  les  Hollandais  et  les  Anglais  compris. 
Du  reste  il  est  étrange,  quelle  popularité  a même  parmi  les  Bédouins 
la  légende  napoléonienne.  Le  nom  du  grand  empereur  et  celui  de  la 
France  sont  unis  pour  eux  d’un  lien  indissoluble. 

L’Angleterre  a en  Hadhramout  beaucoup  moins  de  prestige.  On 
sait  que  c’est  une  nation  puissante  et  surtout  riche;  mais  ce  qui 
fait  sur  l’esprit  des  Arabes  une  impression  très-fâcheuse,  c’est  qu’il 
règne  en  Angleterre  une  reine  et  non  un  roi.  On  croit  généralement 
que  la  constitution  y exige  un  gouvernement  féminin,  sinon  que  les 
rôles  des  deux  sexes  y sont  intervertis  et  que  les  femmes  y sont 
les  chefs  des  familles.  Ce  dernier  sujet  semble  préoccuper  fortement 
les  esprits  en  Hadhramout.  Les  Arabes  nouvellement  arrivés  de 
ce  pays,  avec  lesquels  j’ai  causé  politique,  m’ont  presque  toujours 
abordé  avec  des  questions  relatives  à l’autorité  maritale  et  au  degré 
d’émancipation  des  femmes  dans  les  états  de  sa  Majesté  Britannique. 
Inutile  d’ajouter  que  l’on  s’étonnait  encore  davantage,  quand  je 
leur  assurais  qu’une  souveraine  aussi  puissante  n’a  eu  qu’un  seul 
époux. 

La  Hollande  n’est  connue  en  Hadhramout  que  comme  la  puissance 
dominatrice  dans  l’Archipel  indien,  c’est-à-dire  dans  la  contrée  où  un 
grand  nombre  d’Arabes  vont  faire  leur  fortune.  Des  autres  puissances 
européennes,  on  n’en  a pas  d’idée  du  tout.  L’Allemagne,  c’est  pour 
les  habitants  du  Hadhramout  la  contrée  où  l’on  fabrique  les  étoffes 
à bon  marché  qui  inondent  le  pays,  et  contre  lesquelles  l’industrie 
nationale  est  impuissante  à lutter.  v 

Il  s’entend  que  les  Arabes  qui  ont  beaucoup  voyagé  ou  fait  un 
long  séjour  dans  l’Archipel  indien  ont  des  idées  plus  justes  et  plus 


179 


précises  sur  l’état  actuel  de  la  politique.  Ils  ont  appris  l’existence 
de  journaux  et  ont  eu  l’occasion  de  rencontrer  des  Européens  de 
différentes  nationalités.  Ils  savent  parfaitement  que  les  ménages  anglais 
sont  à peu  près  conduits  comme  ceux  des  autres  Européens.  J’ai  cru 
cependant  de  quelque  intérêt  de  faire  ressortir  les  idées  politiques  de 
gens  ayant  quitté  le  désert  depuis  quelques  semaines  seulement. 

Les  questions  politiques  dans  l’Archipel  indien  sont  regardés  par 
les  Arabes  du  Hadhramout  avec  une  suprême  indifférence,  tant  que 
leurs  intérêts  matériels  ou  spirituels  ne  sont  pas  en  cause.  Ils 
obéissent  de  bon  gré  aux  lois  et  usages  dans  leur  nouvelle  patrie. 
Ainsi,  dans  les  possessions  hollandaises,  la  vaccination  qui,  sans  être 
obligatoire,  y est  cependant  pratiquée  d’une  manière  persuasive  assez 
bien  accentuée,  ne  soulève  aucune  opposition  de  leur  part.  Même 
des  évènements  comme  la  conquête  d’Atjeh,  qui  a été  le  sujet  de 
conversation  de  tous  les  Européens  dans  l’Archipel  indien,  n’ont  eu 
aucun  retentissement  dans  les  colonies  arabes. 

Je  n’ai  jamais  rencontré  un  Arabe  avec  des  notions  précises  sur 
la  forme  de  notre  Gouvernement  colonial.  Ils  savent  qu’à  Buitenzorg 
il  existe  un  Gouverneur-Général,  appelé  ordinairement  par  eux  du 
titre  malais  de  Touan  besâr  „Grand  Seigneur”  ; il  savent  encore  qu’il 
y a,  dans  les  principales  villes,  des  Gouverneurs  ou  des  Résidents 
hollandais.  Mais  ils  ignorent  l’existence  d’une  Charte  coloniale  et,  surtout, 
ne  comprennent  rien  au  pouvoir  des  Etats-Généraux,  relativement  aux 
colonies.  Si  leurs  intérêts  matériels  sont  en  cause,  comme  par  exemple 
dans  les  dernières  années,  par  suite  de  la  révision  des  impôts,  ils 
sont  assez  récalcitrants;  mais  même  alors,  leur  antipathie  dépasse 
rarement  les  autorités  locales,  chargées  de  la  répartition,  comme  si 
c’étaient  celles-ci  et  non  la  loi  qui  leur  causait  ce  désagrément.  En 
tout  cas  ils  pouvaient  se.  dire  qu’en  Hadhramout,  c’était  beaucoup 
pire  encore,  au  moins  pour  les  bourgeois. 


180 


Dans  les  démêlés  dn  Gouvernement  hollandais  avec  les  princes 
indigènes,  les  Arabes  du  Hadhramout  sont  presque  toujours  du  côté 
des  Européens,  à moins  qu’ils  ne  restent  neutres.  Dans  la  guerre 
d’Atjeh  seule,  il  y a eu  un  Arabe  du  Hadhramout,  qui  a été 
longtemps  le  principal  auteur  des  hostilités  contre  le  Gouvernement 
hollandais , et  encore  celui-ci  a fini  par  déserter  la  cause  de 
l’insurrection  (Q.  Par  contre,  un  autre  Arabe  a rendu  dans  cette 
guerre  de  grands  services  politiques  au  Gouvernement.  C’était  le 
Sayyid  Mohammad  hin  Abou  Bakr  ’Aidîd , actuellement  décédé , 
mais,  pendant  sa  vie,  chef  de  la  colonie  arabe  de  Batavia.  En 
reconnaissance  des  services  rendus  par  lui,  le  Gouvernement  lui  a 
accordé  en  1877  le  titre  honorifique  de  Major,  et  deux  années  plus 
tard,  celui  de  Pangéran,  c’est-à-dire  le  plus  haut  titre  de  noblesse 
indigène. 

L’exemple  du  Sayyid  ’Aidîd  n’est  pas  le  seul  qu’on  puisse  citer. 
Plusieurs  autres  Arabes  distingués  ont  fait  preuve  de  loyauté  envers 
le  Gouvernement  hollandais.  Les  princes  arabes  de  Siak,  de  Palalawan, 

v 

de  Ponlianak  et  de  Koubou  sont  restés  les  vassaux  fidèles  du 
Gouvernement  hollandais,  depuis  le  moment  qu’ils  l’ont  reconnu  pour 
leur  suzerain  (2).  Le  Sayyid  ’Ahd  ar-Rahmân  hin  Abou  Bakr  al-Qadrî, 
dans  l’île  de  Soumha,  a été,  depuis  plus  de  50  ans,  le  trait  d’union 
entre  les  autorités  hollandaises  et  les  chefs  de  cette  île.  Il  a en  outre 
rendu  des  services  importants  à tous  ceux  qui  venaient  y faire  le 
commerce  (3).  Un  autre  membre  de  la  même  famille,  le  Sayyid  ’Ahd 
ar-Rahmân  hin  Hâmid  al-Qadrî,  reçut  en  1862  du  Gouvernement  le 
titre  de  Pangéran  à cause  des  services  rendus  par  lui  dans  les  troubles 
de  Bandjarmasin.  La  même  faveur  fut  accordée  en  1879  au  Sayyid  ’Ahd 


(')  V.  plus  bas  Chapitre  Vil  §1  1. 
(J)  V.  Ibid. 

(’)  Y.  Ibid. 


181 


Allah  bin  Mançour  al-’Aidrous  à Batavia,  qui,  sous  le  titre  de  maître 
des  cérémonies  indigène,  est  chargé  de  recevoir  et  de  conduire  les 
princes  et  chefs  indigènes  d’autre  part.  Les  fonctions  de  chef  de 
la  colonie  arabe  de  Palembang  sont,  depuis  plus  d’un  demi-siècle, 
dans  la  famille  du  Chai/ch  Abou  Bakr.  Deux  membres  de  celte 
famille  ont  été  gratifiés  par  le  Gouvernement  hollandais  du  titre 
de  Pangéran  et  de  la  grande  médaille  d’or  de  mérite  civique, 
pour  preuves  de  fidélité  et  services  rendus  dans  les  agitations 
politiques  dont  Palembang  a été  plusieurs  fois  le  théâtre  (1). 
Enfin,  de  1820  à 1827,  le  Sayyid  Hasan  bin  ’Omar  al-Habchî,  de 
Sourabaya,  a été  chargé  par  le  Gouvernement  hollandais  de  missions 
importantes  auprès  du  roi  de  Siam,  du  Sultan  de  Brounai  (2)  et 
des  princes  de  l’île  de  Bali  (3)  et  de  Sourakarta.  Il  employait  toute 
l’influence  dont  il  jouissait  dans  ces  contrées,  pour  faire  réussir 
les  projets  du  Gouvernement;  en  outre  il  a adressé,  en  1850, 
au  Gouverneur-Général  un  rapport  des  plus  intéressants  sur  la 
piraterie  existant  alors  dans  l’Archipel  indien  et  sur  les  moyens  de 
combattre  ce  fléau.  En  signe  de  reconnaissance,  on  lui  avait  déjà 
accordé  en  1822  le  titre  de  Pangéran,  avec  une  pension  annuelle  de 
4800  florins. 

Avant  de  terminer,  je  veux  dire  encore  un  mot  sur  la  cause  de 
la  mauvaise  renommée  politique  des  Arabes  chez  la  plupart  des 
Européens  dans  l’Archipel  indien.  Cette  cause  n’est  autre  que  l’ignorance. 
Nous  avons  vu  dans  un  chapitre  précédent  (* *)  que  les  Arabes  sont, 
dans  l’Archipel  indien,  la  nation  qui  se  tient  le  plus  à l’écart  de  la 

(*)  Il  n'y  a qu'un  seul  Arabe  qui  a joué  un  rôle  dans  les  dernières  agitations  politiques 
soulevées  par  les  descendants  des  anciens  Sultans  de  Palembang.  C’était  un  métis  entièrement 
assimilé  aux  Indigènes,  et  qui  appartenait,  par  sa  mère  et  sa  grand'mère,  à la  famille  des 
dits  Sultans. 

(*)  V.  P.  J.  Yeth:  Borneo’s  Westerafdeeling  (La  côte  occidentale  de  Bornéo)  II,  p.  186. 

(3)  Ibid.  p.  197  et  s. 

(*)  V.  p.  130  et  s, 


182 


société  européenne.  Il  en  résulte  qu’on  ne  les  connaît  pas.  Puis,  tout 
le  monde  sait  que  l’Islamisme  proclame  la  conversion  des  infidèles 
par  le  fer  et  que  les  Arabes  sont  très-attachés  à leur  religion; 
on  en  conclut  que  ces  personnes  peu  sympathiques  ne  demandent 
pas  mieux  que  de  couper  le  cou  aux  Européens  à la  première 
occasion. 

On  commet  une  seconde  erreur,  en  comprenant  sous  le  terme  général 
d’Arabes  les  habitants  du  Hadhramout,  du  Yémen,  de  la  Mecque,  de 
l’Egypte  et  des  bords  du  Golfe  persique,  voire  même  tout  individu 
qui  porte  le  turban  et  se  revêt  de  la  djubbah.  On  ne  pense  pas  que 
plusieurs  Turcs,  Persans,  etc.,  quoique  parlant  l’arabe  et  s’habillant 
commes  les  vrais  Arabes,  n’ont  pas  plus  de  sang  sémitique  dans 
leurs  veines  que  les  Hollandais  ou  les  Anglais.  On  oublie  encore 
que  la  plupart  des  gens  venus  de  la  Mecque  dans  l’Archipel  indien 
n’appartiennent  pas  à la  race  arabe;  ce  sont  des  étrangers  arabisés,  qui 
ne  sont  point  admis  dans  les  quartiers  arabes  à titre  de  compatriotes, 
ni  même  de  personnes  respectables.  Ces  individus  forment,  en  outre, 
dans  l’Archipel  indien  une  si  insignifiante  minorité,  que  leurs  opinions, 
si  tant  est  qu’ils  en  professent,  non-seulement  ne  sauraient  être 
considérées  comme  celles  des  Arabes  en  général,  mais  peuvent  être 
régardées  comme  non-avenues,  quand  on  parle  des  opinions  ayant 
cours  dans  les  quartiers  arabes.  S’il  y a eu  quelques-uns  dont  le 
petit  commerce  ne  légitime  point  leur  long  voyage,  et  dont  on  peut 
soupçonner  par  conséquent  qu’ils  ont  un  but  non  avouable,  ce  soupçon 
n’a  aucun  trait  aux  Arabes  proprement  difs.  Je  ne  crois  pas  à 
propos  d’entrer  dans  de  plus  amples  détails  sur  les  aspirations  des 
individus  que  j’ai  ici  en  vue,  et  dont  plusieurs  ont  été  signalés  à 
la  police,  par  nos  agents  consulaires,  comme  des  sujets  dangereux. 
Toutefois,  je  puis  assurer  le  lecteur  que,  même  les  individus  en 
question  ne  sont  pas  tous  ennemis  des  Européens.  La  bohème  se 


183 

préoccupe  eu  général  très-peu  île  la  politique,  dans  l’Extrême  Orient 
comme  en  Europe. 

Pour  éviter  tout  malentendu,  j’ajoute  que  mon  assertion  que  les 
colonies  arabes  ne  sont  point  hostiles  à la  domination  européenne, 
n’exclut  point  la  présence  de  quelque  panier-percé  ayant  d’autres 
sentiments  que  la  majorité  de  ses  compatriotes;  mais  on  peut  être 
sur  que  ceux-ci  seront  les  premiers  à le  renier  et  à le  dénoncer,  s’il 
devient  dangereux. 


CHAPITRE  VI. 

DIFFÉRENCE  ENTRE  LES  ARABES  DANS  L’ARCHIPEL 
INDIEN  ET  CEUX  EN  HADHRAMOUT. 

Le  point  capital  dans  lequel  les  Arabes  dans  l’Archipel  indien 
diffèrent  de  leurs  compatriotes  restés  en  Hadhramout,  c’est  la 
circonstance,  déjà  relevée  (*),  que  non-seulement  il  n’y  a pas  ici  des 
femmes  nées  en  Arabie,  mais  même  pas  des  femmes  arabes  de  sang 
mêlé,  qui  ont  eu  leur  éducation  eu  Hadhramout.  Les  seules  exceptions 
que  j’ai  pu  constater  à cette  règle,  sont  les  suivantes:  à Chéribon 
se  trouve  actuellement  une  femme  née  dans  l’Archipel  indien,  il  est 
vrai,  mais  qui  a passé  sa  jeunesse  en  Hadhramout;  à Samarang  ou  m’a 
raconté  que,  il  y a une  vingtaine  d’années,  un  Arabe  de  cette  ville  avait 
amené  du  Hadhramout  une  jeune  esclave;  à Deli  cinq  femmes  esclaves 
ont  été  amenés  successivement  de  la  Mecque;  de  même  le  Sultan  de 
Pontianak,  étant  en  pèlerinage  dans  la  ville  sainte,  y a acheté  une 
esclave  circassienne  et,  de  retour  chez  lui,  en  a fait  son  épouse. 
L’esclavage  étant  aboli  dans  les  possessions  hollandaises,  ces  femmes 
devenaient  libres  par  le  fait  d’y  avoir  mis  le  pied. 

Quant  aux  rares  Arabes  établis  dans  l’Archipel  indien,  qui  ne  sont 
pas  du  Hadhramout,  je  n’en  connais  pas  un  seul  dont  les  filles,  une 
fois  de  retour  dans  la  patrie  de  leur  père,  soient  revenues  dans  cette 
partie  du  monde. 

Les  Arabes  dans  l’Archipel  indien  sont  mariés,  soit  à des  femmes 
indigènes,  soit  à des  filles  de  leurs  compatriotes,  lesquelles  n’ont 
jamais  quitté  le  pays  et  sont,  par  ce  fait,  entièrement  semblables 
aux  femmes  indigènes,  sous  le  rapport  de  la  langue,  de  la  civilisation 


H V.  P.  97. 


185 


et  des  moeurs.  Dans  quelques  lieux,  surtout,  à ce  qu’il  paraît,  dans 
les  îles  de  Bali  et  de  Ternate,  il  y a des  Arabes  qui  ont  épousé  des 
filles  de  Chinois,  ce  qui  est,  par  rapport  au  sujet  qui  nous  occupe, 
exactement  la  même  chose. 

Une  première  conséquence  de  ce  qui  précède,  c’est  que  la  langue 
parlée  dans  les  maisons  des  Arabes  n’est  pas  l’arabe  mais  le  malais, 
le  javanais,  la  langue  de  leur  femme  enfin.  C’est  aussi  la  langue  qu’ils 
parlent  à leurs  enfants.  Les  garçons,  devenus  adultes,  apprennent  un 
peu  d’arabe;  les  filles  n’apprennent  que  quelques  formules  du  Coran 
et  de  la  prière.  Aussi  les  Arabes,  pour  peu  qu’ils  aient  fait  un  séjour 
de  quelque  durée  dans  l’Archipel  indien,  parlent  et  lisent  le  malais 
comme  une  autre  langue  maternelle.  Seulement  leur  prononciation 
garde  toujours  quelque  chose  de  particulier.  Quant  aux  autres  langues 
indigènes,  ils  les  parlent  en  général  moins  bien,  quoique  toujours 
beaucoup  mieux  que  ne  le  font  la  plupart  des  Européens.  Ils  ont  une 
grande  aptitude  à apprendre  ces  langues,  bien  que  celles-ci  diffèrent 
essentiellement  de  l’arabe.  Quant  au  malais,  ils  le  parlent  tous,  même 
si  leurs  femmes  et  leurs  enfants  ne  comprennent,  par  exemple,  que 
le  javanais.  Il  paraît  qu’à  Singapour,  les  Arabes  de  distinction  tiennent 
à ce  que  leurs  filles  nées  de  femmes  indigènes  apprennent  l’arabe; 
par  conséquent  cette  langue  se  parle  dans  leurs  maisons.  De  même, 
le  Sultan  de  Pontianak  a de  son  épouse  circassienne  une  fille,  qui  a 
appris  un  peu  d’arabe  de  sa  mère;  mais  ce  sont  tous  des  cas 
exceptionnels. 

Une  autre  conséquence,  c’est  que  la  polygamie  et  la  dissolution 
facile  du  mariage,  permises  par  la  loi,  mais  condamnées  par  les  moeurs 
du  Hadhramout,  fleurissent  parmi  les  Arabes  dans  l’Archipel  indien 
peut-être  encore  plus  que  parmi  les  Indigènes.  Quelques  Arabes  m’ont 

même  avoué  que  cette  facilité  constitue  pour  plusieurs  de  leurs 

> 

compatriotes  un  attrait  spécial  vers  ces  contrées.  Il  est  vrai  que  les 


186 


prescriptions  de  la  loi,  relatives  à l’entretien  dû  aux  épouses,  forment 
contre  la  polygamie  un  frein  puissant,  qui  est  cause  qu’on  ne  trouve 
que  relativement  peu  d’Arabes  pauvres  ayant  plus  d’une  femme 
à la  fois;  mais  ceux-ci  ont,  dans  la  dissolution  unilatérale  du  mariage, 
un  moyen  qui  leur  permet  d’avoir  successivement  autant  de  femmes 
qu’ils  en  désirent.  On  comprend  quelle  en  est  l’influence  sur  la 
vie  domestique  et  sur  l’éducation  des  enfants.  Avant  de  quitter  ce 
sujet,  ajoutons  que  les  Arabes  qui  possèdent  plus  d’une  femme  à 
la  fois,  les  ont  rarement  dans  la  même  maison.  Ceux  qui  ont 
des  affaires  dans  plusieurs  villes  ont,  dans  chacune,  une  maison 
avec  une  femme,  de  sorte  qu’ils  sont  partout  chez  eux.  Il  s’entend 
toutefois  que  ces  pied-à-terre  ne  peuvent  excéder  le  nombre  de 
quatre. 

Une  dernière  conséquence  de  l’absence  de  femmes  arabes  dans 
l’Archipel  indien,  c’est  que  le  ménage  d’un  Arabe  est  à peu  près 
semblable  à celui  d’un  Indigène.  C’est  le  même  genre  de  vie  peu 
coûteux,  les  mêmes  logis,  les  mêmes  plaisirs,  la  même  nourriture, 
pour  ne  pas  oublier  le  même  mauvais  goût,  chez  les  notables,  de 
meubler  la  maison  quasi  à l’européenne.  Les  seuls  traits  caractéristiques 
d’un  ménage  arabe,  ce  sont  l’observance  plus  rigoureuse  des  préceptes 
de  la  religion  d’un  côté,  l’abstinence  des  jeux  de  hasard  (!)  et  de 
l’opium  de  l’autre,  ces  deux  plaies  de  la  société  indigène.  En  outre, 
on  voit  dans  presque  chaque  maison  arabe  des  pipes,  des  dattes,  du 
beurre  préparé,  de  l’essence  de  roses  et  de  la  viande  de  chèvre,  au 
lieu  qu’on  ne  les  rencontre  que  par  exception  dans  les  maisons 
indigènes.  Enfin,  les  Arabes  aiment  beaucoup  les  maisons  à étage  et 
n’ayant  pas  des  fenêtres  donnant  sur  la  rue. (*) 

(*)  Sans  parler  des  jeux  en  usage  en  Hadhrainout  (V.  p.  93),  il  y a dans  l'Archipel 
indien  des  Arabes  qui  jouent  très-bien  aux  échecs,  et  le  jeu  de  billard  est  un  amusement 
qui  commence  à être  assez  en  vogue  parmi  les  classes  supérieures,  surtout  parmi  les 
jeunes  métis.  • 


187 


Les  femmes  et  les  filles  des  Arabes  sont  habillées  comme  celles 
des  Indigènes  de  la  même  position  sociale;  il  n’y  a que  l’usage  du 
voile,  qui  les  distingue.  Même  les  hommes,  surtout  ceux  des  classes 
pauvres,  adoptent  souvent,  du  moins  chez  eux,  le  costume  des 
Indigènes.  Seulement,  un  Arabe  qui  tient  encore  quelque  peu  à son 
origine  ne  porte  jamais  le  mouchoir  de  tête  remplaçant  le  turban 
dans  l’Archipel  indien. 

Un  autre  point  de  différence  entre  les  Arabes  en  Hadhramout  et 
ceux  dans  l’Archipel  indien,  c’est  qu’aucun  Arabe  ne  répugne  ici  à 
gagner  sa  vie  par  le  commerce  ou  l’industrie,  pourvu  que  cette 
dernière  ne  soit  pas  un  -travail  manuel  proprement  dit.  Aussi  les 
rares  Arabes  qui  exercent  une  profession  de  cette  nature,  sont  presque 
tous  des  métis.  Excepté  ceci,  tous  les  gagne-pain  leur  conviennent: 
les  Sayyid  et  les  membres  de  tribu  n’ont  aucun  scrupule  à faire  le 
commerce  de  détail,  ni  même  à colporter.  De  retour  en  Hadhramout, 
le  Sayyid  reprend  ses  livres,  le  membre  de  tribu  ses  armes,  comme 
si  de  rien  n’était.  Quelques  Sayyid,  aimant  mieux  être  ici  dans  le 
mouvement  des  affaires,  que  de  jouer  le  santon  dans  leur  patrie, 
restent  à cause  de  cela  dans  l’Archipel  indien.  Il  n’en  est  pas  de 
même  des  membres  de  tribu:  pour  la  plupart,  ils  m’ont  parlé 
encore  avec  enthousiasme  de  leur  vie  de  brigand  en  Hadhramout, 
tout  en  appréciant  la  prospérité  matérielle  dont  ils  jouissent  à l’étranger. 
J’en  ai  connu  qui  ne  venaient  aux  Indes  que  pour  ramasser  vite  quelque 
argent,  après  quoi  ils  retournèrent  immédiatement  en  Hadhramout; 
ils  recommençaient  le  même  procédé  aussitôt  que  l’argent  gagné  était 
épuisé.  Au  reste,  il  est  remarquable  que  les  habitants  des  montagnes 
du  Hadhramout  et  même  les  Sayyid  deviennent,  dans  l’Archipel  indien, 
de  si  intrépides  marins.  Cela  prouve  une  disposition  innée  pour  la 
navigation,  car,  pour  la  plupart,  ce  ne  sont  pas  les  Arabes  d’al-Mokallâ 
ou  d’ach-Chihr,  c’est-à-dire  des  bords  de  la  mer,  qu’on  voit  conduire 


188 


des  navires  dans  l’Archipel  indien,  mais  au  contraire,  des  personnes 
qui,  avant  d’émigrer,  loin  d’avoir  gouverné  un  bateau,  n’en  avaient 
jamais  vu  même.  En  outre  le  goût  des  voyages  devient  un  Irait 
caractéristique  de  beaucoup  d’Arabes  du  Hadhramout,  dès  qu’ils  ont 
quitté  leur  pays  natal. 

Une  troisième  différence,  c’est  le  costume.  Plusieurs  Arabes  notables 
s’avisent  de  porter,  au  lieu  de  la  foutah,  un  pantalon  à l’européenne, 
avec  des  bas  et  des  souliers;  dans  les  derniers  temps,  j’ai  remarqué 
même  que  quelques-uns  d’entre  eux,  à Batavia,  ont  adopté  le  costume 
des  Turcs  modernes,  c’est-à-dire  le  bonnet  rouge  avec  la  redingote  et 
le  pantalon  noirs.  Ceci  toutefois  reste  exception;  mais  il  y a d’autres 
déviations  plus  générales  et  partant  plus  importantes.  La  différence 
dans  le  costume  des  Sayyid  et  des  bourgeois,  d’un  côté,  et  des  membres 
de  tribu,  de  l’autre,  disparait  entièrement  dans  l’Archipel  indien.  La 
plupart  de  ces  derniers  changent  leur  habillement,  soit  avant  de  quitter 
leur  patrie,  soit  à Singapour.  A Batavia,  aucun  d’eux  ne  pourrait  se 
montrer  dans  son  costume  national,  sans  être  importuné  dans  la 
rue  par  les  enfants,  tellement  il  est  hors  d’usage.  Le  costume  des 
Sayyid  et  des  bourgeois  a encore  subi  quelques  modifications:  ils 
portent  ordinairement,  sous  la  djubbah,  une  chemise  blanche  (qamiç), 
descendant  jusqu’aux  chevilles  des  pieds;  sous  celte  chemise,  plusieurs 
remplacent  la  foutah  par  un  sirwâl  ou  caleçon.  La  djubbah  n’est 
point  boutonnée;  souvent,  surtout  dans  les  grandes  occasions,  on 
porte  encore  sous  la  djubbah  un  badan  ou  gilet.  La  djubbah,  aussi 
bien  que  la  çodairiah,  se  porte,  dans  l’Archipel  indien,  indistinctement 
par  tout  le  monde;  seulement  la  première  passe  pour  plus  babillé 
et  plus  convenable  aux  personnes  avancées  en  âge.  Quelques-uns 
remplacent  même  la  çodairiah  par  le  badan,  chose  qui  cependant 
n’est  pas  convenable.  La  mafrîah  est  entièrement  hors  d’usage,  du 
moins  lorsqu’on  se  montre  en  public.  On  ne  voit  non  plus  porter  le 


189 


râdî,  à moins  qu’on  ne  veuille  appeler  tel  le  mouchoir  (româl),  que 
quelques-uns  portent  sur  l’épaule,  et  auquel  ils  attachent  leurs  clefs. 
Enfin,  tous  les  Arabes  portent  dans  l’Archipel  indien  le  turban,  et 
en  négligé  la  koufiah.  La  tête  est  toujours  rasée.  Quand  un  membre 
de  tribu  a l’intention  de  se  repatrier,  alors  seulement  il  laisse  pousser 
ses  cheveux. 

Un  quatrième  point  de  différence  c’est  que,  par  la  force  des  choses, 
il  existe  dans  l’Archipel  indien  de  toutes  autres  relations  entre  les 
di  lier  eu  tes  parties  de  la  société  arabe  qu’en  Hadhramout.  Les  membres 
de  tribu  y deviennent  en  général  moins  rudes  et  plus  religieux,  au 
lieu  que  le  prestige  des  Sayyid  y diminue  notablement.  Il  s’entend 
que  la  qualité  de  Sayyid  ajoute  toujours  à la  considération  d’un 
individu,  s’il  est  reconnu  homme  de  bien,  savant,  ou  riche;  mais  si 
quelqu’un  n’a  pas  d’autre  titre  à la  considération  de  ses  compatriotes 
que  le  fait  d’être  Sayyid,  il  n’en  tirera  pas  grand  avantage.  On  lui 

X 

traitera  avec  les  égards  auxquels  il  a droit,  par  exemple  on  lui  baisera 
la  main;  dès  qu’il  entre  dans  une  réunion,  on  se  lèvera  et  on  lui 
offrira  la  place  d’honneur.  Aucun  Arabe  n’étant  pas  Sayyid,  n’osera 
prétendre  à la  main  de  sa  fille;  mais  personne  ne  s’imposera  un  sacrifice 
quelque  peu  considérable  pour  le  descendant  de  la  fille  du  Prophète, 
et  jamais  je  n’ai  remarqué  que  les  Sayyid  dominaient  l’opinion  publique 
dans  les  colonies.  Aussi  plusieurs  d’eux  se  sont  plaints  auprès  de 
moi  que  les  Arabes  de  basse  extraction  oublient  ce  qui  est  dù  aux 
personnes  de  qualité.  Pour  bien  juger  de  cette  situation,  n’oublions 
pas  qu’en  général  les  Sayyid  dans  l’Archipel  indien  n’ont  pas  la  retenue 
de  leurs  confrères  en  Hadhramout.  Ils  font  le  commerce,  se  livrent  à 
l’usure  et  souvent  s’oublient  jusqu’à  prendre  part  à la  danse  comme 
un  homme  ordinaire.  Dans  le  chapitre  suivant,  nous  allons  parler  de 
Sayyid  allant  à la  guerre  et  même  se  livrant  à la  piraterie.  Notons 
encore  en  passant  que  dans  l’Archipel  indien*  exception  faite  d’Atjeh, 


190 


le  titre  (le  Habib  est  très-peu  usité;  on  se  sert  de  préférence  du 
mot  Sayyid.  A Pekalongan,  à Samarang,  à Pontiauak,  à Koubou,  à 
Siak  et  quelquefois  aussi  autre  part,  les  Sayyid  nés  dans  l’Archipel 
indien,  surtout  s’ils  ont  perdu  leur  caractère  arabe,  changent  leur 
titre  contre  celui  de  Charîf  (*),  comme  s’ils  étaient  descendants 
d’al-Hasan  (2). 

Quant  aux  bourgeois,  ils  deviennent  dans  l’Archipel  indien  beaucoup 
plus  indépendants  que  dans  leur  patrie,  où  ils  vivent,  non-seulement 
dans  le  respect  superstitieux  des  Sayyid,  mais  encore  dans  la  crainte 
très-positive  des  tribus.  Tel  individu  de  basse  extraction  devient  même 
chef  d’une  colonie.  Du  reste,  tous  les  Arabes  qui  ne  sont  pas  Sayyid 
se  font  appeler,  dans  l’Archipel  indien,  Chaikh , titre  qui,  nous  l’avons 
vu,  n’appartient  qu'aux  savants  et  à quelques  familles  ou  tribus  (3). 

Les  inimitiés  entre  les  tribus  du  Hadhramout  n’ont  guère  d’influence 
sur  les  relations  entre  les  membres  de  ces  tribus  dans  l’Archipel 
indien.  L’année  dernière,  entre  autres,  deux  Arabes  à Batavia  se  sont 
associés,  malgré  les  hostilités  qui  avaient  éclaté  entre  leurs  tribus 
respectives.  En  pareil  cas,  ou  se  dira  peut-être  quelques  injures,  on 
se  taquinera,  on  fera  une  épigramme;  mais  rarement  on  ira  plus 
loin.  Par  contre,  les  inimitiés  entre  les  Arabes  dans  l’Archipel  indien 
ont  souvent  leur  contre-coup  en  Hadhramout.  Un  homicide  commis  à 
Batavia  sur  un  membre  d’une  tribu  entraînerait,  en  Hadhramout,  la 
mort  d’un  membre  de  la  tribu  ou  de  la  famille  du  coupable.  Je  sais 
même  qu’un  membre  d’une  tribu  a tiré,  d’une  embuscade,  un  coup 
de  fusil  mortel  sur  un  bourgeois,  parce  (pie  le  frère  de  celui-ci  avait 
fait  exécuter  une  prise  de  corps  contre  un  autre  membre  de  la  même 
tribu.  Si  le  créancier  avait  lui-même  appartenu  à une  tribu  puissante, 


(‘)  Prononcé  par  eux  à la  façon  de?  Javanais  et  des  Malais:  Sarijt. 
(’)  V.  plus  haut  p.  32. 

(3)  Y.  plus  haut  p.  40  et  4t. 


191 

i , 

l’assassinat  n’aurait  probablement  pas  eu  lieu,  par  la  crainte  d’exciter 
une  longue  vendetta,  et  parce  qu’en  définitive,  il  n’y  avait  pas  eu  de 
sang  versé  par  le  créancier.  Dans  le  cas  toutefois,  il  ne  s’agissait 
que  d’une  famille  bourgeoise,  hors  d’état  de  venger  l’assassinat.  Celte 
histoire  peut  servir  de  commentaire  à ce  que  j’ai  dit  plus  haut  (*), 
relativement  à la  position  des  bourgeois  vis-à-vis  des  tribus  en 
Hadhramout. 


(M  V.  p.  34  et  40. 


CHAPITRE  VII. 

INFLUENCE  SUR  LA  POPULATION  INDIGÈNE. 

§ 1. 

INFLUENCE  POLITIQUE. 

J’ai  démontré  plus  haut  (x)  que  c’est  une  erreur  d’attribuer  aux 
Arabes  eu  général  des  dispositions  hostiles  à la  domination  des  Européens; 
mais  ils  n’en  ont  pas  moins  eu,  dans  l’Archipel  indien,  une  grande 
influence  sur  les  destinées  de  la  population  indigène.  L’histoire 
de  Java  nous  apprend  que,  dans  le  15ièm'  siècle  de  notre  ère,  des 
Arabes  ou  des  descendants  d’Arabes  fondèrent  plusieurs  petites 
principautés,  le  long  de  la  côte  septentrionale  de  cette  île,  et 
finirent  par  faire  écrouler  le  puissant  empire  hindou  de  Modjopahit. 
L’histoire  de  la  chute  de  cet  empire  nous  offre  le  spectacle  étrange, 
que  les  Arabes  n’avaient  qu’à  se  présenter  au  milieu  d’un  peuple 
payen  pour  devenir  gouverneurs  de  province  et  pour  épouser  les 
filles  des  rois  ou  de  la  haute  aristocratie  (2).  On  a prétendu 
souvent  que  l’influence  des  Arabes  sur  les  princes  indigènes  dans 
l’Archipel  indien  est  due  à leur  qualité  de  compatriotes,  sinon  de 
descendants  du  fondateur  de  l’Islamisme.  Je  crois  que  cette 
explication  n’est  pas  soutenable  devant  les  faits.  Supposé  qu’on 
put  expliquer  de  cette  façon  leur  influence  actuelle , comment 
attribuer  à la  même  cause  leurs  succès  dans  un  empire  payen, 
basé  même  sur  la  distinction  des  castes,  comme  l’était  celui  de 
Modjopahit  (3). (*) 

(*)  v.  P.  175. 

(’)  V.  Veth:  Java  II,  p.  187  et  s. 

(3)  Dans  le  Livre  des  Merveilles  de  l'Inde,  cité  plus  haut  p.  104  noie  1,  on  rencontre 
aux  pages  154  et  155  un  récit,  qui  prouve  encore  que  les  princes  payens  de  Java  avaient 
une  espèce  de  déférence  pour  les  musulmans  et  pour  les  Arabes  en  particulier. 


1Ô3 


Si  l’on  n’a  pas  assez  de  confiance  dans  cette  partie  de  l’histoire 
javanaise,  comme  reposant  uniquement  sur  des  chroniques  indigènes, 
je  renvoie  le  lecteur  à des  phénomènes  analogues  qui  ont  eu  lieu 
dans  notre  époque.  J’ai  parlé  (x)  des  ambassades  du  Sayyid  Hasan 
bin  ’Omar  al-Habchî,  dans  les  années  1820 — 1827,  et  j’ai  mentionné 
que  le  Gouvernement  hollandais  a tiré  beaucoup  de  profit  de  l’influence 
de  cet  Arabe  sur  les  princes  indigènes.  Eli  bien!  les  commissions  les 
plus  importantes  dont  il  a été  chargé,  étaient  précisément  auprès  des 
princes  payens  de  l’île  de  Bali  et  du  roi  de  Siam.  Un  exemple  non  moins 
frappant,  c’est  la  carrière  d’un  métis  arabe  de  Sourabaya,  ’Abd  Allah 
bin  ’Abd  ar-Rahim  al-Kâdirî  (2),  qui  s’établit,  il  y a environ  20  ans, 

à Ampanan  dans  l’ile  de  Lombok,  dans  un  but  purement  commercial.  Il 

/ 

avait  déjà  beaucoup  voyagé  et  avait,  entre  autres,  séjourné  quelque  temps 
à la  Mecque.  Le  prince  de  Lombok,  professant  encore,  comme  les  princes 
de  l’île  de  Bali,  la  religion  hindoue,  se  servit  de  lui  d’abord  comme 
secrétaire,  pour  sa  correspondance  en  malais  ; mais  bientôt,  s’insinuant 
dans  la  faveur  de  ce  vassàl  du  Gouvernement  hollandais,  le  secrétaire 
devint  son  vizir  et  l’homme  le  plus  influent  de  l’île.  Même  les  membres 
de  la  famille  du  prince  redoutent  actuellement  sa  puissance.  Il  obtint, 
entre  autres,  le  droit  de  passer  devant  les  temples  payens  sans 
descendre  de  cheval,  privilège  exorbitant  dans  ce  pays-là.  A l’heure 
qu’il  est,  le  prince  ne  prend  aucune  mesure  de  quelque  importance 
sans  le  consulter,  et  ce  sont  spécialement  les  rapports  avec  les 
autorités  hollandaises  qu’il  dirige.  Il  n’a  cessé  d’entretenir  des  relations 
assez  intimes  avec  la  Mecque.  Les  étrangers  venant  de  cette  ville 
trouvent  toujours  un  bon  accueil  chez  lui  ; mais  il  s’efforce  de 
contrarier  de  toutes  façons  les  Arabes  du  Hadhramout.  Ceux-ci * (*) 

U)  V.  p.  181. 

(*)  Ne  pas  confondre  ce  nom  avec  celui  de  la  famille  d’al-Qadri  du  Hadhramout.  Le 
père  de  ’Abd  Allah  était  natif  de  Mossoul.  C’est  pourquoi  on  lui  donne  aussi  le  nom  de 
famille  d’al-Mouçalî. 


13 


194 


le  lui  rendent  en  cherchant  à débiter  sur  son  compte  des  récits 
malveillants. 

En  troisième  lieu  citons,  en  exemple  de  ce  qu’un  Arabe  peut  faire 
auprès  d’indigènes  payens,  l’établissement  du  Sayyid  ’Abd  ar-Rahmân 
bin  Abou  Bakr  al-Qadrî  dans  l’île  de  Soumba.  Le  dit  Sayyid,  appartenant 
à la  famille  des  Sultans  de  Pontianak,  fut  banni  de  cette  principauté 
en  1829,  à cause  d’un  homicide  commis  par  lui.  Le  Gouvernement 
hollandais  le  relégua  à Batavia.  En  1856,  il  entra  au  service  des 
douanes  hollandaises  et  fut  placé  à Koupang,  dans  l’île  de  Timor. 
Trois  années  plus  tard,  il  accompagna  le  Résident  de  Timor  dans  un 
voyage  dans  l’ile  de  Flores.  Il  paraît  que  cette  île  lui  avait  plu;  du 
moins  l’année  suivante  il  donna  sa  démission,  s’établit  comme  marchand 
à Endeh,  un  des  ports  de  l’île,  et  y épousa  la  fille  d’un  des  chefs. 
En  1845,  il  s’établit  avec  sa  famille  dans  la  haie  de  Nangamessi, 
dans  l’île  de  Soumba.  Il  y fonda  un  village,  dont  il  devint  naturellement 
le  chef.  Dans  peu  de  temps  il  jouit  d’une  inllnence  énorme  auprès 
de  tous  les  chefs  de  l’île.  Ceux-ci  le  prirent  plusieurs  fois  pour 
arbitre  dans  leur  différents,  et,  durant  de  longues  années,  il  fut  le 
trait  d’union  entre  eux  et  les  autorités  hollandaises.  En  1877,  ayant 
eu  quelques  désagréments,  il  demanda  lui-même  de  quitter  Soumba 
et  de  retourner  tà  Pontianak;  mais  il  mourut  à Koupang,  avant  d’avoir 
pu  partir  pour  sa  ville  natale.  A son  départ  de  l’île  de  Soumba, 
presque  tous  les  autres  chefs  l’escortèrent  jusqu’au  lieu  d’embarquement 
avec  des  signes  du  plus  profond  respect. 

Quand  on  voit  de  tels  succès  politiques  s’accomplir  de  nos  jours,  le 
rôle  que  les  Arabes  ont  joué,  au  dire  des  chroniques  javanaises, 
auprès  des  princes  hindous  n’a  plus  rien  d’incroyable.  En  tout  cas, 
on  doit  en  conclure  que  l’influence  politique  des  Arabes  ne  saurait 
être  exclusivement  attribuée  à des  causes  ayant  rapport  à la  religion. 
Pour  ma  part,  je  crois  plutôt  devoir  l’attribuer  à leur  finesse,  à leur 


195 


habileté  à exploiter  les  côtés  faibles  du  caractère  indigène  et  à 
leur  flux  de  bouche,  pour  ne  pas  dire  à leurs  fanfaronnades.  Je  me 
tromperais  fort  sur  le  caractère  des  princes  indigènes,  ou  ce  sont  là 
les  véritables  éléments  du  succès  des  Arabes  auprès  d’eux,  dans  le 
passé  comme  aujourd’hui  (*). 

Les  chroniques  javanaises  nous  ont  conservé  les  noms  et  les 
généalogies  des  Arabes  qui,  au  lbième  siècle,  ont  le  plus  contribué  à 
la  chute  de  la  puissance  des  Hindous.  Ces  généalogies,  quoique  en 
partie  légendaires,  font  ressortir  cependant  que  les  Arabes  en  question 
prétendaient  être  des  Sayyid,  mais  d’une  autre  lignée  que  ceux  du 
Hadhramout  (2),  ou  qu’ils  furent  du  moins  crus  tels  par  les  Javanais.  Un 
seul  d’entre  eux  a dù  appartenir  à la  famille  des  ’Abbâsides.  Pour 
peu  qu’on  puisse  se  fier  aux  noms  des  localités  d’où  tous  ces  Arabes 
tiraient  leur  origine,  selon  les  chroniques  javanaises,  il  en  résulte 
encore  qu’ils  venaient  des  bords  de  la  Mer  rouge  et  du  Golfe  persique, 
mais  non  du  Hadhramout. 

Je  vais  donner  à la  fin  de  mon  ouvrage  l’arbre  généalogique  des 
principaux  personnages  d’origine  arabe  qui  ont  joué  un  rôle  dans  la 
chute  de  la  puissance  des  Hindous.  Ils  portent  chez  les  Javanais 
modernes  les  litres  de  Wnlî,  Mawlânâ,  Kiahi  Ageng  ou  Sousouhounan. 
J’ai  puisé  cet  arbre  généalogique  dans  un  manuscrit  inédit,  appartenant 
à la  Société  des  Arts  et  des  Sciences  de  Batavia,  manuscrit  qui  contient 
les  généalogies  des  princes  et  chefs  javanais  actuels.  L’auteur  en  est 
un  savant  javanais,  Raclen  Ngabehi  Ronggo  Warsito.  Il  a composé 
les  généalogies  d’après  les  anciennes  chroniques  javanaises,  sous  le 


(*)  Comme  un  signe  Je  l’influence  arabe  dans  l'Archipel  indien,  même  sur  les  esprits 
des  infidèles,  on  peut  encore  citer  le  fait  que  les  tombeaux  de  leurs  saints  y sont  vénérés 
presque  autant  par  les  payens,  p.  e.  par  les  Chinois,  que  par  les  musulmans.  Même  on 
trouve  des  métis  européens  qui  sont  enclins  à subir  l'influence  de  la  réputation  de  ces 
lieux  sacrés. 

O V.  p.  5t. 


196 


contrôle  et  d’après  les  instructions  de  feu  Cohen  Stuart , érudit 
très-versé  dans  l’ancienne  littérature  javanaise.  Par  conséquent,  ces 
généalogies  offrent  toutes  les  garanties  d’être  composées  avec  la 
précision  que  la  nature  du  travail  admettait. 

Ce  que  sont  devenus  les  descendants  des  anciens  princes  et  chefs 
arabes  de  Java,  nous  allons  le  voir  dans  le  chapitre  suivant.  Il  suffit 
de  relever  ici  qu’aucun  d’eux  n’a  fondé  une  dynastie  qui  ait  conservé 
le  caractère  de  leur  nationalité.  La  plupart  de  leurs  petites  principautés 
furent  absorbées  par  l’empire  de  Mataram,  fondé,  dans  la  seconde 
moitié  du  I6ième  siècle,  dans  l’intérieur  de  Java.  Les  principautés  de 
Chéribon  et  de  Bantam  seules  sont  restées  indépendantes  de  cet 
empire  et  ont  pu  continuer  leur  existence  jusqu’à  leur  annexation 
au  territoire  hollandais;  mais  dès  la  première  génération,  les 
descendants  des  Arabes  qui  avaient  fondé  ces  deux  principautés,  ne 
ne  se  distinguaient  déjà  plus  des  autres  princes  indigènes.  L’histoire 
de  toutes  ces  principautés  n’appartient  donc  pas  au  sujet  qui  nous 
occupe. 

Depuis  le  loième  siècle,  les  Arabes  n’ont  pliis  exercé  sur  les  destinées 
des  Javanais  une  influence  politique  comparable  au  grand  bouleversement 
occasionné  par  la  chute  de  l’empire  de  Modjopahit.  Cela  n’a  pas  empêché 
les  princes  de  Bantam  d’entretenir  toujours  des  rapports  avec  la  Mecque. 
C’est  de  cette  ville  qu’en  1638  le  titre  de  sultan  leur  fut  conféré,  de 
même  qu’aux  princes  de  Mataram  en  1632  (*).  Quant  aux  Arabes  du 
Hadhramout,  ils  n’ont  jamais  réussi  à prendre  pied,  ni  auprès  des 
Sultans  de  Bantam,  ni  auprès  ceux  de  Mataram.  Ils  se  sont  établis  de 
préférence  dans  les  parties  de  l’île  de  Java  soumises  d’abord  à la 
Compagnie  des  Indes,  plus  tard  au  Gouvernement  hollandais.  Actuellement, 
il  y a à Djokyakarta  une  famille  originaire  du  Hadhramout,  occupant 


(*)  V.  Velh:  Java  11,  p.  330,  33-1. 


197 


une  haute  position  auprès  du  Sultan  ; mais  celte  famille  a perdu 
entièrement  son  caractère  national  pour  devenir  javanaise  (1). 

Dans  les  états  malais,  à l’exception  d’Atjeh,  l’influence  politique  des 
Arabes  ne  date  que  du  siècle  précédent.  Elle  diffère  essentiellement 
de  l’influence  arabe  dans  l’île  de  Java  au  lS'ème  siècle,  en  ceci  qu’elle 
n’avait  pas  pour  objet  la  chute  de  principautés  payennes,  qu’elle 
était  exercée  en  premier  lieu  par  des  Arabes  du  Hadhramout  et 
qu’elle  a continué  jusqu’à  nos  jours. 

• Nous  commencerons  par  l’île  de  Sumatra.  Un  membre  de  la  famille 
d’as-Saqqàf  s’établit  à Siak,  vers  le  milieu  du  siècle  précédent  (2), 
épousa  la  soeur  consanguine  du  Sultan  et,  en  1782,  fut  chargé  par 
celui-ci  d’un  ambassade  auprès  des  autorités  hollandaises  à Malacca. 

De  même,  un  membre  de  la  famille  de  bin  Cbihâb  (3),  ’Uthmân,  avait  * 
épousé  la  fille  d’un  Sultan  précédent  de  Siak,  et  son  fils  Sayyid  ’Alî 
bin  ’Uthmân  bin  Chihâb  finit  par  détrôner  la  dynastie  régnante  et  se 
faire  Sultan  de  Siak,  dans  les  dernières  années  du  dix-huitième  siècle. 

Ses  descendants  y régnent  encore  sous  la  suzeraineté  du  Gouvernement 
hollandais  (4).  Un  frère  du  Sayyid  ’Alî,  le  Sayyid  ’Abd  ar-Rahmân 
bin  ’Uthmân  bin  Cbihâb  devint  chef  de  Palalawan  ou  Kampar.  C’était 


(*)  V.  le  chapitre  suivant. 

(2)  V.  E.  Netscher:  De  Nederlanders  in  Djohor  en  Siak  (Les  Hollandais  au  Djohor  et  dans 
le  pays  de  Siak)  Tome  XXXV  (1870)  des  Publications  de  la  Société  des  Arts  et  des 
Sciences  de  Batavia  p.  137  et  s.  et  la  monographie  de  M.  H.  A.  Hymans  d’Anrooy  dans  le 
Tome  XXX  (1885)  de  la  Revue  de  Philologie  et  d’Ethnologie,  publiée  par  la  même  Société. 

(3)  Ibid. 

(4)  Les  Sultans  Arabes  de  Siak  sont-. 

’Ali  bin  ’Uthmân  bin  Chibâb,  surnommé  ’Abd  al-Djalil  Saif  ad-din,  1791 — 1811.  En  1811 
il  abdiqua,  mais  il  mourut  10  ans  plus  tard. 

Ibrahim  bin  ’Alî  bin  Cbihâb,  surnommé  ’Abd  al-Djalil  Khalil  ad-din,  1811 — 1827,  destitué 
à cause  de  faiblesse  d'esprit. 

Isma’il  bin  Mohammad  bin  Chihâb,  surnommé  ’Abd  al-Djalil  Saif  al-’Alam,  1827 — 1864. 
Son  père  Mohammad  était  cousin  germain  du  précédent.  Il  fut  également  destitué  à cause  de 
faiblesse  d'esprit. 

Qàsim  bin  Mohammad  bin  Cbihâb,  surnommé  ’Abd  al-Djalil  Saif  ad-din,  frère  du  précédent, 
le  Sultan  actuel. 


198 


d’abord  une  dépendance  des  Sultans  de  Siak;  mais  en  1811,  le  pays 
fut  cédé  à ’Abd  ar-Rahmân,  comme  une  principauté  héréditaire  n’ayant 
avec  le  Siak  que  des  rapports  d’amitié.  Les  princes  de  Palalawan 
portent  le  titre  malais  de  Tongkou  Besâr,  c’est-à-dire  ,. Grand  Seigneur”, 
et  reconnaissent  la  suzeraineté  du  Gouvernement  hollandais  (*).  Il  y 
a dans  le  pays  de  Siak,  outre  les  chefs  appartenant  à la  famille  du 
Sultan,  encore  un  autre  chef  arabe.  C’est  le  Bandahara  de  Palapahan, 
Sayyid  Mohammad  bin  ’Alouî  al-Djufrî.  Son  père  était  un  Arabe 
né  en  Hadhramout,  mais  lui-même  est  métis.  Depuis  longtemps  les 
Sultans  de  Djarnbi  sont  liés  par  des  mariages  réciproques  à des 
métis  arabes,  qui  ont,  par  là  même,  exercé  une  grande  influence 
sur  les  destinées  du  pays.  Actuellement  encore  un  des  principaux 
chefs  de  Djarnbi,  c’est  le  Pangèran  Wira  Kousouma,  issu  de  la  famille 
d’al-Djufrî  et  gendre  du  Sultan  précédent. 

Dans  l’ancienne  principauté  d’Atjeh,  l’influence  arabe  sur  la  politique 
a été  très-grande  depuis  des  siècles;  mais  si  peu  que  nous  puissions 
retracer  l’histoire  intérieure  du  pays  (2),  il  est  évident  que  l’influence 
venait  plutôt  de  la  Mecque  que  du  Hadhramout.  S’il  est  vrai  qu’il  y 
ait  en  Atjeh  plusieurs  descendants  d’Arahes  du  Hadhramout , et 
qu’actuellement  quelques-uns  d’entre  eux  y soient  devenus  de  petits 
chefs,  il  est  remarquable  qu’on  ne  rencontre  dans  l’histoire  du  pays 
aucun  personnage  important  dont  le  nom  dénote  une  origine  de  cette 
partie  de  l’Arabie,  avant  l’apparition  du  Sayyid  ’Abd  ar-Rahmân  bin 


(*)  Les  Seigneurs  arabes  de  Palalawan  sont: 

'Abd  ar-Rahmân  bin  'Uthmân  bin  Chihib  1811 — 1821. 

Hàchim  bin  'Abd  ar-Rahmân  bin  Chihâb  1821 — 1828. 

Isma'il  bin  'Abd  ar-Rahmân  bin  Cbihâb  1828 — 1844,  frère  du  précédent. 

Hàmid  bin  'Abd  ar-Rahmân  bin  Chihâb  1844 — 1866,  frère  du  précédent. 

Dja’far  bin  ‘Abd  ar-Rahmân  bin  Chihâb  1866 — 1873,  frère  du  précédent. 

Abon  Bakr  bin  ’Abd  ar-Rahmân  bin  Chihâb,  frère  du  précédent  et  prince  actuel.  U est 

le  dernier  survivant  des  fils  du  fondateur  de  la  principauté. 

(*)  V.  Veth:  Atchin  en  zijne  betrekkingen  lot  Nedcrland  (Atjeh  et  scs  rapports  avec 
les  Pays-Bas)  passim. 


190 


Mohammad  as-Zâhir,  c’est-à-dire  avant  les  évènements  qui  ont  amené 
la  conquête  d’Atjeh  par  les  Hollandais  (* *).  Je  veux  citer  quelques 
traits  de  la  vie  de  cet  aventurier,  pour  faire  ressortir  à quoi  un 
Arabe  sans  argent  et  sans  connaissances  spéciales  peut  parvenir  chez 
les  habitants  de  l’Archipel  indien.  Né  en  Hadhramout,  en  1852, 
son  père  l’emmena  dans  sa  première  enfance  au  Malabar.  Il  étudia 
à Calicout  (2)  et  visita,  en  1848  et  les  années  suivantes,  l’ile  de 
Ceylan,  Mokhâ  et  la  Mecque.  De  retour  au  Malabar,  il  réussit  à 
s’insinuer  dans  les  bonnes  grâces  du  prince  de  Haiderabâd  (3),  qui 
lui  conféra,  à son  dire,  le  grade  de  Djama’dâr  ou  colonel.  Malgré  cet 
avancement  rapide,  il  quitta  bientôt  le  service  militaire  et  s’établit  à 
Calcutta,  où  il  se  fit  orfèvre  (4).  Plus  tard,  s’étant  mis  à voyager,  il 
parcourut  l’Italie,  l’Allemagne  et  la  France,  visita  Constantinople, 
revint  dans  l’Inde  anglaise  et  finit  par  entrer  au  service  du  Maharadja 
de  Djohor  dans  la  presqu’île  de  Malacca  (s).  Après  deux  ou  trois  ans 
de  séjour  auprès  du  Maharadja,  il  le  quitta  en  1864,  pour  se  rendre 
en  Atjeh,  muni  de  ses  lettres  de  recommandation;  mais  il  n’en  avait 
pas  besoin.  Car,  après  deux  ou  trois  entrevues  avec  les  savants  indigènes 
dans  la  grande  mosquée  de  la  capitale,  il  étonna  ceux-ci  tellement 
par  son  érudition  en  matière  de  droit  et  de  théologie,  qu’ils  le 
reconnurent  pour  leur  supérieur  et  obéirent  aveuglément  à ses 
ordres.  Dans  quelques  mois,  il  était  devenu  l’homme  le  plus  influent 
du  pays.  Il  fut  nommé  grand  juge  et  finit  par  s’imposer  au  Sultan 
comme  vizir.  Cependant,  soit,  comme  il  le  raconte,  qu’il  fût  las  des 

(*)  Une  biographie  du  Sayyid,  écrite  d’après  ses  propres  renseignements,  a paru  dans 
la  revue  intitulée  „De  Indische  Gids”  2ième  année  (1880),  Tome  II,  page  1008  et  s. 

(*)  Suivant  la  biographie  citée  dans  la  note  précédente,  il  prétend  avoir  étudié  aussi  en 
Egypte,  depuis  1837  jusqu'en  1842;  mais,  eu  égard  à son  âge,  ceci  est  manifestement 
un  mal-entendu  de  la  part  de  son  interlocuteur. 

(з)  V.  plus  haut  p.  36. 

(и)  Il  prétend  avoir  gagné  dans  ce  métier  des  sommes  incroyables. 

(5)  Il  parait  que  ce  prince  indigène  est  très-accessible  aux  Arabes,  même  de  bas 
étage. 


200 


I roubles  intérieurs  en  Atjeh,  soit  qu’il  cherchât  à renouer  les  liens 
qui  avaient  existé,  depuis  des  siècles,  entre  ce  pays  et  l’empire 
ottoman,  il  quitta  Atjeh  en  1870,  se  rendit  à Constantinople  et  de 
là  à la  Mecque.  Dans  cette  première  ville,  on  lui  accorda  la  croix 
de  l’ordre  appelé  al-’Uthmâniah.  Pendant  son  séjour  à la  Mecque 
en  1875,  la  guerre  fut  déclarée  au  Sultan  et  aux  autres  chefs  d’Àtjeh 
par  le  Gouvernement  hollandais,  ce  qui  devint  un  motif  pour  les 
Atjinois  de  faire  un  nouvel  appel  aux  services  de  notre  héros.  Ils  le 
choisirent  pour  leur  ambassadeur  auprès  de  la  Sublime  Porte  et 
de  la  République  française,  dans  l’espoir  d’obtenir  une  intervention 
diplomatique,  sinon  armée,  en  faveur  de  l’indépendance  de  leur*  pays. 

II  s’entend  que  cet  espoir  fut  bien  vite  déçu.  Deux  années  plus  tard, 
’Abd  ar-Rahmân  était  de  nouveau  à Poulou  Pinang,  y déjoua  la 
vigilance  des  autorités  anglaises  et  s’embarqua  pour  Atjeh,  où  il  prit 
le  commandement  des  bandes  qui,  après  l’établissement  du  pouvoir 
hollandais,  continuaient  une  guerre  de  guérilla.  Enfin  en  1878,  voyant 
la  cause  de  l’indépendance  d’Atjeh  sans  avenir,  il  offrit  aux  autorités 
hollandaises  de  la  déserter  moyennant  une  pension  viagère  de  50000  fl, 
Cette  offre  fut  acceptée  et  depuis  lors  il  demeure  à la  Mecque.  D’après 
la  plupart  de  ceux  qui  le  connaissent,  il  fait  l’effet  d’un  énorme 
fanfaron  ; mais  ceci  a été  précisément  la  cause  de  ses  succès  auprès  des 
Indigènes.  Il  a cependant  un  telle  idée  de  son  importance,  qu’il  nourrit 
toujours  l’espoir  que  le  Gouvernement  hollandais  le  rappellera,  d’un 
moment  à l’autre,  à Batavia  pour  lui  confier  des  charges  importantes. 
Même  il  s’est  avisé  d’offrir  au  Gouvernement  hollandais  de  l’assister, 
dans  les  affaires  d’Atjeh,  de  ses  lumières  et  de  ses  bons  conseils. 

Dans  le  pays  d’Edi,  formant  autrefois  une  dépendance  d’Atjcb,  mais 
dont  le  prince  est  actuellement  vassal  direct  du  Gouvernement  hollandais, 
il  y a quatre  Arabes  nés  en  Hadhramoul,  tous  Sayyid,  qui  sont 
devenus  chefs  indigènes.  Je  ne  sais,  s’ils  occupent  leurs  fonctions 


201 


depuis  longtemps,  ni  comment  ils  y sont  parvenus;  mais  en  tout  cas, 
ce  ne  sont  pas  des  affiliés  du  Sayyid  ’Abd  ar-Rahmân. 

Dans  Tile  de  Bornéo,  le  Gouvernement,  hollandais  a encore,  de  nos 
jours,  deux  vassaux  arabes:  le  Sultan  de  Pontianak  et  le  Seigneur 
de  Koubou.  En  1735,  le  Sayyid  Hosain  bin  Ahmad  al-Qadrî  arriva 
du  Hadhramout  à Matan,  où  non-seulement  on  ne  tarda  pas  à le 
considérer  comme  autorité  suprême  en  matière  de  théologie  et  de 
droit,  mais  où  il  devint  encore  le  favori  du  Sultan.  Las  de  vivre  à 
Matan,  il  s’établit  plus  tard  à Mampawa,  pour  y jouer  le  même 
rôle  avec  un  succès  encore  plus  éclatant,  le  prince  de  Mampawa 
lui  confiant  bientôt  l’administration  de  son  pays.  Le  Sayyid  ’Abd 
ar-Rahmân,  fils  du  Sayyid  Hosain  et  d’une  esclave  appartenant  à la 
population  payenne  de  Bornéo,  choisit  pour  sa  carrière  la  piraterie, 
ce  qui  ne  l’empêcha  pas  d’obtenir  la  main  de  la  soeur  du  Sultan  de 
Bandjermassin,  dès  qu’il  s’était  montré  dans  ce  dernier  pays.  Après 
beaucoup  d’aventures,  dont  la  plupart  n’étaient  guère  à son  honneur, 
il  s’établit  en  1771,  avec  une  foule  de  gens  de  mauvais  aloi,  dans 
l’endroit  où  la  rivière  de  Landak  se  jette  dans  le  Kapouas  et  y 
fonda  la  ville  de  Pontianak.  Par  la  protection  accordée  au  commerce, 
cette  ville  devint  en  peu  d’années  le  port  le  plus  important  de  la 
côte  (1).  Ses  descendants  y régnent  encore  et  ont  toujours  fait  preuve 
de  loyauté  (2).  En  1787,  le  Sayyid  Qâsim,  fils  du  Sayyid  ’Abd 
ar-Rahmân , lut  même  placé  par  les  Hollandais  sur  le  trône  de 
Mampawa,  devenu  vacant  par  la  défection  du  prince  malais;  mais 
lorsque,  en  1808,  le  Sayyid  Qâsim  succéda  à son  père  comme  Sultan * (*) 


(“)  Quoique  le  Sayyid  'Abd  ar-Rahmân  biu  Hosain  al-Qadrî,  fût  un  personnage  peu 
édifiant,  son  tombeau,  situé  à Batou  Layang  près  de  Pontianak,  n'en  est  pas  moins 
un  objet  de  pèlerinage  fréquent  de  la  part  de  toute  la  population , y compris  les 
Chinois  et  les  Dayak  payens.  Il  en  est  de  même  du  tombeau  de  son  père  près  de 
Mampawa. 

(*)  V.  Vcth:  Borneo's  Westerafdceling  (La  partie  occidentale  de  Bornéo)  I,  p.  249  et  s. 


202 


de  Pontianak,  l’ancienne  dynastie  de  Mampawa  fut  rétablie  dans  ses 
droits  (1). 

Quelques  années  avant  la  fondation  de  Pontianak,  un  autre  Arabe, 
le  Saijyid  ’Aidrous  biu  ’Abd  ar-Rahmàn  al-’Aidrous,  avait  réuni  autour 
de  lui  un  grand  nombre  d’aventuriers.  Après  s’être  établi  avec  eux 
sur  les  rives  de  la  Terentang  (2),  il  y fonda  la  ville  de  Koubou. 
Il  avait  pour  épouse  la  soeur  du  fondateur  de  Pontianak.  Dans  le 
commencement,  la  ville  de  Koubou  fut  très-florissante,  mais  peu  à 
peu  elle  est  descendue  au  rang  d’un  pauvre  village;  tandis  que 
Pontianak  a vu  le  nombre  de  ses  habitants  s’augmenter  sans  cesse. 
Les  princes  de  Koubou,  portant  le  titre  malais  de  Touan,  c’est-à-dire 
„Seigneur”  (3),  se  sont  avoués,  en  1825,  vassaux  directs  du  Gouvernement 
hollandais.  Celui-ci  n’a  jamais  eu  à se  plaindre  de  leur  conduite,  ce 
qui  mérite  d’être  relevé,  eu  égard  à la  circonstance  qu’avant  1823 
Koubou  était  un  véritable  nid  de  pirates  (4). 

Dans  plusieurs  états  indigènes  de  la  côte  méridionale  et  orientale  de 
Pile  de  Bornéo,  des  Arabes,  métis  il  est  vrai,  occupent  des  fonctions 
importantes  et  sont  liés  par  des  liens  de  famille  avec  les  princes. 
A Tidore,  dans  les  Moluques,  un  membre  de  la  famille  d’as-Saqqâf 


(')  Ibid.  I,  p.  277  et  375.  Je  donne  ici  les  noms  des  Sultans  arabes  de  Pontianak  : 
'Abd  ar-Rahmàn  biu  Hosain  al-Qadri  1771 — 1808. 

Qâsim  bin  ’Abd  ar-Rahmàn  al-Qadri  1808 — 1819. 

’Uthmân  bin  'Abd  ar-Rahmàn  al-Qadri,  frère  du  précédent,  1819 — 1855.  11  abdiqua 
en  1855  et  mourut  en  1860. 

Hàmid  bin  'Uthmàn  al-Qadri  1855 — 1872. 

Iousuf  bin  Hàmid  al-Qâdri,  le  Sultan  actuel. 

(J)  Une  branche  du  fleuve  Kapouas. 

(3)  V.  Veth:  Op.  cit.  II,  p.  163. 

(‘J  Ibid  II,  pag.  212.  Les  noms  des  Seigneurs  arabes  de  Koubou  sont: 

'Aidrous  bin  'Abd  ar-Rahmàn  al-'Aidrous,  mort  en  1795. 

Mohammad  bin  ’Aidrous  al-'Aidrous  1795 — 1829. 

’Abd  ar-Rahmàn  bin  Mohammad  al-’Aidrous  1829 — 1841. 

Isma'il  bin  'Abd  ar-Rahmàn  al-’Aidrous  1841  — 1863. 

Hasan  bin  'Abd  ar-Rahmàn  al-’Aidrous,  le  Seigneur  actuel.  Il  succéda  à son  frère,  parce  que 
le  fils  de  celui-ci  était  allé  chercher  sa  fortune  à Serawak,  où  il  mourut,  en  1866,  avant 
d’avoir  pu  retourner  à Koubou  pour  prendre  possession  de  son  pays. 


205 


a organisé,  il  y a un  demi-siècle,  la  petite  année  du  Sultan.  Les 
ordres  se  donnent,  encore  de  nos  jours,  dans  cette  armée  en  arabe. 
Dans  le  Chapitre  V ('),  j’ai  déjà  parlé  de  l’influence  politique  exercée 
par  des  Arabes  comme  agents  du  Gouvernement  hollandais,  et  dans 
ce  chapitre  même,  du  rôle  qu’ils  ont  joué  dans  les  îles  de  Lombok 
et  de  Soumba. 

Je  me  suis  borné  dans  ce  qui  précède  à relever  le  rôle  politique 
des  Arabes  dans  l’Archipel  indien,  en  tant  qu’il  s’est  manifesté  par 
des  faits  historiques.  Quant  à l’influence  politique  exercée  par  eux 
en  secret,  au  moyen  de  conseils  aux  princes  indigènes  et  de  discours 
privés,  je  crois  pouvoir  renvoyer  le  lecteur  au  Chapitre  V,  où  j’ai 
exposé  les  sentiments  des  Arabes  envers  les  gouvernements  européens. 
Il  n’y  a aucune  raison  de  supposer  que  les  Arabes  du  Hadhramout 
tâchent  de  propager  parmi  les  Indigènes  des  idées  contraires  à ces 
sentiments  et,  qui  est  plus,  à leurs  intérêts  matériels.  Quant  aux 
Arabes  non-originaires  du  Hadhramout,  dans  les  rares  cas  qu’ils 
s’établissent  dans  l’Archipel  indien,  ils  s’absorbent  bientôt  dans  la 
masse  de  ceux  du  Hadhramout  et  subissent  l’influence  des  opinions 
de  ces  derniers.  Leurs  intérêts  étant  devenus  les  mêmes,  il  n’y 
a plus  lieu  de  voir  en  eux  un  ferment  hostile.  Les  Arabes  qui 
ne  s’établissent  point  dans  l’Archipel  indien  n’ont  aucun  intérêt  au 
maintien  de  l’ordre,  mais,  comme  j’ai  déjà  relevé  plus  haut  (2),  en 
tant  qu’ils  appartiennent  à la  bohème,  on  n’a  pas  besoin  de  se 
préoccuper  de  leur  influence  politique,  attendu  qu’ils  n’ont  pas  de  si 
hautes  aspirations.  Il  n’y  a que  les  Arabes  de  la  Mecque  qu’il  est 
bon  de  surveiller.  Il  résulte  de  plusieurs  rapports,  laits  au  Gouvernement 
hollandais  par  les  autorités  locales,  que  ce  sont  ces  individus  mêmes 
qui  colportent  toutes  sortes  de  fausses  nouvelles  et  dénigrent  les (*) 


(*)  V.  p.  180  et  s. 
j1)  V.  p.  182  et  s. 


204 


puissances  chrétiennes.  Par  contre,  ils  donnent,  par  leurs  discours, 
une  idée  tout  à fait  exagérée  de  la  force  et  de  la  richesse  de  la 
Porte  ottomane,  des  victoires  du  Mahdî,  etc.  Sous  prétexte  de  faire 
de  la  propagande  pour  le  Pan-Islamisme,  ils  parviennent  à escamoter 
de  l’argent  aux  Indigènes,  qui,  croyant  servir  une  bonne  cause, 
deviennent  dupes  de  leur  crédulité  et  de  leur  ignorance  de  l’état 
politique  du  monde.  Malheureusement,  il  paraît  que  plusieurs  princes 
et  chefs  indigènes  croient  être  bien  renseignés  de  la  sorte;  c’est 
pourquoi  ils  donnent  volontiers  l’hospitalité  à ces  étrangers  et  font 
tout  leur  possible  pour  cacher,  devant  les  autorités  hollandaises,  le 
but  de  leur  arrivée.  Si  ceux-ci  se  font  passer  pour  des  personnages 
d’importance  à la  Mecque,  leur  prestige  en  croît  d’autant.  J’en  ai 
connu  un,  ayant  exercé  dans  cette  ville  l’humble  métier  de  porteur 
d’eau,  mais  se  faisant  passer  dans  l’Archipel  indien  pour  Charif  et 
savant,  en  conséquence  de  quoi  on  le  traitait  avec  les  plus  grands 
égards.  Il  va  sans  dire  qu’il  évitait  les  colonies  arabes. 

Les  renseignements  fournis  par  les  Arabes  de  la  Mecque,  s’ils 
n’excitent  pas  directement  à la  rébellion,  n’en  sont  pas  moins  peu 
recommandables.  De  retour  à leur  ville,  plusieurs  de  ces  Arabes  restent 
les  correspondants  de  princes  où  de  chefs  indigènes  et  continuent,  de 
cette  façon,  à fournir  des  renseignements  politiques  à ceux-ci. 

§ 2. 

INFLUENCE  ÉCONOMIQUE,  SOCIALE  ET  RELIGIEUSE. 

Il  n’y  a pas  de  sujet  sur  lequel  les  opinions  des  autorités  locales 
sont  tant  partagées  que  sur  l’influence  économique  des  Arabes  sur  la 
population  indigène.  Quant  à leur  influence  économique  sur  les 
Européens  et  les  Chinois,  tous  sont  d’accord  qu’elle  est  si  minime 
qu’on  ne  peut  la  qualifier  de  bonne,  ni  de  mauvaise.  Le  nombre 
relativement  petit  des  Arabes  et  leurs  capitaux  restreints  les  tiennent 


iO& 

presque  partout  dans  une  infériorité  marquée  envers  ces  deux 
nationalités.  Quant  à leur  influence  économique  sur  les  Indigènes, 
la  divergence  des  opinions  s’explique  par  la  nature  des  moyens  de 
subsistance  (1).  Certes,  l’usure  des  Arabes  est  un  élément  pernicieux 
dans  les  localités  où  les  Indigènes  pourraient  emprunter  à meilleur 
marché  et  ailleurs  que  chez  les  Arabes,  mais  où  ceux-ci  attirent  la 
clientèle  par  des  facilités  apparentes.  Par  contre,  dans  les  localités 
où  l’Indigène  ne  peut  trouver  de  crédit,  si  ce  n’est  chez  eux,  leurs 
conditions,  quelque  onéreuses  qu’elles  soient,  constituent  encore  un 
bienfait  réel.  Enfin,  dans  les  localités  où  les  autres  usuriers  sont  de 
la  même  espèce  que  les  usuriers  arabes,  l’influence  pernicieuse  de 
ceux-ci,  tout  en  existant,  ne  saute  pas  aux  yeux  comme  un  trait 
spécial  de  leur  nationalité.  Il  me  reste  à ajouter  que  les  localités  de 
la  dernière  categorie  sont  les  plus  nombreuses  et  celles  de  la  première 
excessivement  rares.  J’ai  décrit  plus  haut  l’usure  arabe  (2),  et  je 
crois  qu’il  suffit  de  savoir  ce  qu’elle  est  pour  la  condamner.  Ceci 
toutefois  n’empêche  pas  que,  dans  des  cas  exceptionnels,  les  usuriers 
arabes  ne  puissent  faire  du  bien.  Je  connais  des  gens  qui,  ne  trouvant 
plus  de  crédit  que  chez  quelque  Arabe,  ont  été  sauvés  de  la  faillite, 
par  un  secours  temporaire,  malgré  la  dureté  des  conditions.  D’autres 
n’auraient  jamais  pu  commencer  leurs  affaires  sans  un  usurier  arabe 
qui  leur  lit  crédit.  Cependant,  prise  en  son  entier,  je  considère 
l’usure  arabe  comme  un  fléau,  surtout  pour  un  peuple  insouciant  et 
toujours  prêt  à escompter  l’avenir,  comme  le  sont  les  Indigènes  dans 
l’Archipel  indien.  La  seule  circonstance  atténuante  que  je  puisse 
alléguer  en  faveur  des  Arabes,  c’est  que  les  usuriers  chinois  sont, 
à leur  manière,  tout  aussi  fins  dans  leurs  tentatives  d’exploiter  la 
faiblesse  du  caractère  indigène  et  qu’ils  font  encore  beaucoup  plus (*) 


(*)  V.  p.  134  et  s. 
O V.  p.  136  et  s. 


206 


de  victimes,  par  leur  plus  grand  nombre  et  leurs  plus  grands 
capitaux.  Seulement,  la  vente  en  détail  à crédit  constitue  une  façon 
de  dépouiller  les  Indigènes  propre  aux  Arabes.  Les  Chinois  ne  vendent, 
pour  la  plupart,  aux  Indigènes  qu’au  comptant,  ou,  du  moins,  à courte 
échéance.  Dans  les  villes  enfin  où  l’on  trouve  des  hommes  d’affaires 
arabes,  ceux-ci  excercent  également  une  influence  des  plus  pernicieuses 
sur  le  bien-être  de  leur  clientèle  indigène.  Heureusement,  comme 
nous  venons  de  le  voir  (*),  il  n’y  a encore  que  peu  de  localités  où 
les  Arabes  exercent  cette  profession. 

Dans  le  commerce  proprement  dit,  l’influence  des  Arabes  est,  sous 
plusieurs  rapports,  profitable  aux  Indigènes.  Ils  sont  comme  les 
avant-coureurs  des  Européens  et  même  des  Chinois  auprès  des  peuplades 
demi,  sinon  entièrement  sauvages.  En  outre,  ils  forment  un  débouché 
important  pour  les  produits  agricoles  et  industriels  des  Indigènes 
plus  civilisés. 

L’influence  sociale  des  Arabes  sur  la  masse  des  Indigènes  musulmans, 
quoiqu’elle  ne  soit  plus  si  exorbitante  qu’elle  le  fut  auparavant,  est, 
en  général,  encore  très-grande.  L’Indigène  sans  titre  considère  tout 
Arabe  comme  un  homme  de  naissance  et,  par  conséquent,  comme 
son  supérieur  au  point  de  vue  social.  Il  croit  généralement  que  le 
titre  de  Chaikh,  porté,  dans  l’Archipel  indien  (2),  par  tous  les  Arabes 
qui  ne  sont  pas  Sayyid  ou  Charîf,  quoique  inférieur  à ces  derniers 
titres,  constitue  encore  un  signe  de  noblesse.  Comme  aux  Européens, 
il  donne  à tout  Arabe  le  titre  de  Touan,  c’est-à-dire  „Seigneur”;  dans 
quelques  localités  on  dit  même  de  tous  les  Arabes  indistinctement 
Touan  Sayyid,  sans  se  préoccuper  de  la  signification  de  ce  dernier 
mot.  En  rencontrant  un  Arabe,  l’Indigène  musulman  le  salue  d’une 
manière  respectueuse  et  lui  baise  la  main.  Dans  plusieurs  villes. 


(')  V.  p.  153. 
(’)  V.  p.  190. 


207 


comme  à Palembang  et  à Banyouwangi,  les  Arabes  ont  même  exercé 
une  certaine  influence  sur  les  habitudes  de  la  population. 

Dans  les  grandes  villes  de  Java  ce  sont  surtout  les  Indigènes  ayant 
fait  fortune  par  le  commerce  ou  par  l’industrie  et  n’appartenant  pas 
à des  familles  aristocratiques,  qui  recherchent  la  société  des  Arabes. 
Lorsqu’un  tel  individu  donne  un  festin,  l’Arabe  est  toujours  le 
bien-venu  à sa  table,  et  son  amour-propre  est  très-flatté,  s’il  peut 
obtenir  un  Arabe  pour  gendre  ou  pour  beau-frère  (* *).  C’est  un 
prestige  de  la  même  nature  dont  la  noblesse  en  Europe  jouit,  encore 
de  nos  jours,  auprès  de  la  bourgeoisie  parvenue.  Tel  nouveau  riche, 
qui  ne  cesse  de  se  proclamer  démocrate  à outrance  et  de  fulminer 
contre  les  prétendus  préjugés  de  l'aristocratie,  serait  au  fond  de  son 
coeur  au  comble  de  la  joie,  si  un  gentilhomme  obéré  lui  demandait 
la  main  de  sa  fille.  C’est  un  phénomène  de  tous  les  temps  et  de 
tous  les  pays.  Quant  à l’aristocratie  indigène,  qu’elle  soit  portée 
pour  ou  contre  les  Arabes,  elle  reconnaît  en  tout  cas  les  Sayyid  et 
les  Ghanf  comme  des  gens  de  race  noble. 

Il  s’entend  que  cette  espèce  de  prestige  fournit  aux  Arabes  un 
vaste  champ  d’exploitation.  Le  Chinois  qui  veut  épouser  une  femme 
indigène  ne  la  trouve  que  dans  les  classes  inférieures.  L’Européen, 
qui  n’accorde  que  très-rarement  à la  femme  indigène  le  titre  d’épouse 
légitime  (2),  doit  ordinairement  chercher  sa  concubine  dans  les  derniers 
rangs  même  de  la  société  javanaise  ou  malaie.  Par  contre,  l’Arabe 
peut  conclure  des  alliances  avantageuses  et,  s’il  est  Sayyid  ou  Charif, 
prétendre,  du  moins  dans  les  pays  malais,  à la  main  d’une  princesse 
même.  Nous  avons  déjà  cité  dans  le  paragraphe  précédent  plusieurs 
exemples  de  mariages  de  cette  nature.  Seulement  j’ai  remarqué  que 

(*)  Dans  quelques  localités,  il  en  est  de  même  des  métis  chinois. 

(*)  Si  les  Européens  se  mêlaient  à la  population  indigène,  comme  le  font  les  Arabes, 
je  crois  qu’ils  pourraient  avoir  encore  plus  de  succès,  à cet  égard,  que  ceux-ci,  malgré 
la  différence  de  religion. 


208 


la  plupart  des  princes  malais  préfèrent  un  Sayyid  métis  à un  Sayyid 
nouvellement  arrivé  du  Hadhramout,  qui  ne  connaît  pas  encore  les 
usages  des  cours  indigènes.  Toutefois,  il  y a plusieurs  exemples  de 
Sayyid  de  la  dernière  catégorie  qui  ont  épousé  des  princesses  malaies. 
Les  descendants  des  anciens  Sultans  de  Palembang  donnent  volontiers 
leurs  fdles,  comme  deuxième  ou  troisième  femme,  à un  Sayyid  de 
bas  étage. 

Dans  l’île  de  Java,  il  en  était  de  même  jusque  dans  le  commencement 
de  ce  siècle,  à la  seule  exception  des  maisons  princières  de  Sourakarta 
et  de  Djokyakarta,  qui  n’ont  accepté  les  alliances  arabes  que  par 
grande  exception.  Par  contre,  dans  les  familles  des  Régents,  dans  les 
parties  de  Java  soumises  directement  à l’administration  hollandaise, 
de  telles  alliances  étaient  très-fréquentes.  Dans  les  familles  des  Régents 
de  Wiradesa  (Résidence  de  Pekalongan)  et  de  Lassem  (Résidence  de 
Rembang),  il  paraît  même  que,  dans  la  première  moitié  de  ce  siècle, 
on  se  fit  un  point  d’honneur  de  s’allier  à des  Sayyid. 

Actuellement  toutefois,  la  situation  a changé.  Soit  que  les  Régents 
comprennent  que  le  Gouvernement  hollandais  ne  voit  pas  d’un 
hon  oeil  l’introduction  d’Arabes  dans  les  grandes  familles  indigènes, 
soit  qu’ils  commencent  à mieux  pénétrer  qu’après  tout,  les  Arabes 
qui  cherchent  des  alliances  avec  leur  famille,  le  font  dans  un  hut 
pécuniaire,  il  est  devenu  un  fait  exceptionnel  qu’un  Arabe,  qu’il  soit 
Sayyid  ou  Charîf,  obtienne  la  main  d’une  femme  appartenant  à 
l’aristocratie  javanaise.  Même  à Soumenep,  où  la  famille  du  Régenta 
beaucoup  d’attaches  sociales  avec  les  Arabes  (*),  aucun  d’entre  eux 
n’a  encore  épousé  une  femme  appartenant  à cette  famille.  Qui  plus 
est,  à Soumenep  on  regarde  comme  une  mésalliance  que  deux  femmes 
de  la  famille  des  Régents  voisins  de  Pamakassan  ont  conclu  un 


(*)  V.  p.  167  et  s. 


209 


mariage  de  cette  nature.  C’est  pourquoi  l’une  des  deux  femmes, 
jeune  encore  et  veuve  depuis  quelques  années,  n’a  plus  trouvé  un 
second  mari  parmi  les  membres  de  l’aristocratie  de  l’ile  de  Madoura. 
Outre  les  deux  mariages  cités,  il  n’existe,  à l’heure  qu’il  est,  que 
six  femmes  de  l’aristocratie  javanaise  qui  ont  épousé  des  Arabes. 
C’est-à-dire,  à Sourabaya,  une  arrière-nièce  du  Régent  de  cette  ville, 
à Kraksaàn,  la  fdle  du  Régent  précédent  de  Probolinggo,  à Tjilatjap, 
la  fdle  du  Régent  précédent  de  Tjiamis  et,  à Samarang,  trois  filles 
d’un  ancien  Régent  de  Lassem.  Même  les  descendants  d’Arabes,  après 
s’être  assimilés  aux  Javanais  et  étant  parvenus  à de  hautes  fonctions 
au  service  du  Gouvernement,  comme  les  Régents  de  Magelang  et  de 
Tjandjour  et  le  Sous-Régent  de  Rrebes,  préfèrent  pour  leurs  filles 
une  alliance  avec  l’aristocratie  javanaise  à celle  avec  un  Arabe.  Il  en 
est  de  même  des  Sultans  médiatisés  de  Chéribon.  Par  contre,  les 
descendants  d’Arabes  régnant  à Siak,  à Palalawan,  à Ponlianak  et  à 
Koubou,  qualifient  de  mésalliance  le  mariage  d’une  de  leur  filles  avec 
un  Indigène,  lors  même  qu’il  serait  prince  ou  chef  puissant.  On 
donnerait  la  préférence  au  plus  pauvre  des  Sayyid. 

11  en  est  des  autres  rapports  sociaux  entre  les  Arabes  et  les  membres 
de  l’aristocratie  javanaise  comme  des  alliances  de  famille:  ils  ont 
une  tendance  marquée  à diminuer.  Il  est  vrai  que  ces  rapports  sont 
encore  beaucoup  plus  intimes  que  ceux  entre  les  Arabes  et  les 
Européens  ou  les  Chinois,  conséquence  naturelle  de  la  communauté 
de  religion,  de  langue  et  de  moeurs.  La  circonstance  que  plusieurs 
membres  de  l’aristocratie  javanaise  dépendent  d’usuriers  arabes,  explique 
encore  beaucoup  de  concessions  sociales  faites  à ceux-ci.  Mais  ce 
qui  est  certain,  c’est  que  le  temps  est  passé  où  les  Arabes  avaient, 
comme  de  plein  droit,  leurs  grandes  et  leurs  petites  entrées  dans  les 
maisons  des  Régents,  et  qu’ils  pouvaient,  à défaut  de  gagne-pain,  y 
jouer  le  rôle  de  pique-assiette.  Je  crois  qu’il  faut  attribuer  ce  changement 

14 


210 


d’abord  à l’augmentation  du  nombre  des  Arabes  dans  l’ile  de  Java, 
et,  en  second  lieu,  «à  ce  que  l’immigration  du  Hadhramout  était  autrefois 
presque  exclusivement  bornée  «à  des  Sayyid,  au  lieu  qu’on  voit,  de 
nos  jours,  affluer  de  plus  en  plus  des  Arabes  de  bas  étage,  sinon 
des  Bédouins.  Les  manières  peu  polies  et  le  caractère  brusque  de 
ceux-ci  sont  très-antipathiques  à un  Javanais  de  bonne  naissance.  C’est 
chez  les  membres  de  la  famille  du  Régent  du  Soumenep  que  l’on 
voit  encore  le  plus  grand  nombre  d’Arabes.  Un  des  Pangëran,  l’unique 
survivant  des  fds  du  Sultan  Pakou  Nata  Ningrat  (*),  parle  encore 
l’arabe  assez  correctement,  mais  les  beaux  jours  du  règne  du  dit 
Sultan  sont  passés  pour  eux.  Déjà  le  fils  aîné,  qui  lui  succéda  sous 
le  titre  de  Paiiembcihaii,  faisait  très-peu  de  cas  de  parler  arabe,  et 
c’est  sa  faute  que  la  bibliothèque  de  son  père  (2)  a été  presque 
entièrement  dispersée.  Les  rapports  sociaux  du  Régent  actuel,  fils  du 
Panembahan,  avec  les  Arabes  me  semblent  être  plutôt  une  affaire 
de  tradition  que  d’enthousiasme.  Ailleurs  dans  l’ile  de  Java,  les 
Arabes  actuellement  encore  admis  dans  l’intimité  des  princes  ou  des 
Régents  sont,  pour  la  plupart,  des  métis  et  des  individus  de  la 
Mecque. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que,  dans  les  des  de  Java  et  de 
Madoura,  les  Arabes  doivent  se  replier  de  plus  en  plus  sur  les 
Indigènes  appartenant  aux  classes  bourgeoises,  tant  pour  ce  qui 
regarde  leurs  relations  sociales  que  pour  leurs  mariages.  Ce  sont  les 
marchands  et  les  industriels  indigènes  dans  les  grands  centres  de 
population,  qui  subissent  actuellement  le  plus  leur  influence  sociale; 
après  ceux-ci  viennent  les  chefs  de  village  et  les  employés  subalternes 
du  Gouvernement.  Cependant  les  Sayyid  tâchent  encore  de  fréquenter 
l’aristocratie.  Dans  les  parties  de  l’Archipel  indien  qui  ne  sont  ni 


(')  V.  p.  1G7  et  s. 
(*j  Ibid. 


211 


malaies  ni  javanaises,  la  civilisation  est  encore  si  peu  développée 
qu’on  ne  peut  y parler  de  couches  sociales,  et  qu’on  ne  fait  aucune 
différence  entre  un  Arabe  qui  est  Sayyid  et  un  autre  qui  ne  l’est  pas. 

Pour  terminer  ce  paragraphe,  je  vais  ajouter  encore  quelques  mots 
sur  l’influence  religieuse  exercée  par  les  Arabes  dans  l’Archipel  indien. 
Il  s’ensuit  de  ce  qui  précède  sur  le  caractère  de  l’immigration  arabe  (*) 
que  leur  propagande  religieuse  actuelle  est  de  peu  de  conséquence. 
Il  est  vrai  que  les  Arabes  donnent  en  général  l’exemple  d’une 

observance  scrupuleuse  des  devoirs  de  la  religion,  qu’ils  contribuent 
volontiers  «à  la  fondation  ou  à la  réparation  de  mosquées,  qu’ils  font 
tout  leur  possible  pour  que  leurs  femmes  indigènes  observent  au 
moins  les  prescriptions  de  la  loi  relatives  à la  prière  et  au  jeûne,  qu’ils 
n’épousent  pas  de  femme  payenne,  à moins  qu’elle  n’embrasse  leur 
foi,  que  les  rares  savants  arabes  ont  quelquefois  beaucoup  d’influence 
sur  les  Indigènes  qui  suivent  leurs  cours,  et  que,  lorsque,  par 
exception,  un  métis  chinois  ou  européen  manifeste  son  intention  de 
se  convertir  à l’Islamisme,  il  trouve  ordinairement  quelque  riche 

Arabe  prêt  à le  secourir;  mais  ces  faits  qui  indiquent  que  les  Arabes 
ne  manquent  pas  de  favoriser  la  cause  de  leur  religion,  si  l’occasion 

se  présente,  sont  loin  d’être  des  manifestations  d’un  prosélytisme 

militant.  Il  est  surtout  à remarquer  que  les  Arabes,  établis  dans  un 
but  commercial  parmi  les  Indigènes  payens,  s’abstiennent  presque 
entièrement  de  faire  de  la  propagande  hors  de  leur  famille  ou  de 
leur' entourage  immédiat. 

Le  prestige  spirituel  des  Arabes,  comme  compatriotes  du  Prophète, 
si  minime  qu’il  soit  dans  l’Archipel  indien,  n’en  reste  pas  moins  une 
idée  fixe  de  beaucoup  d’Européens,  laquelle  je  tiens  à dissiper.  Il 
se  peut  qu’un  prestige  de  cette  nature  ait  existé  autrefois;  mais,  de 


(‘)  Y.  p.  123. 


212 


nos  jours,  le  nombre  (les  Arabes  est  devenu  trop  grand  et  l’on  trouve 
parmi  eux  trop  de  personnes  peu  onctueuses,  pour  que  l’Indigène 
puisse  avoir  pour  eux  quelque  vénération.  L’Indigène  craint  leur 
finesse  ou,  si  l’on  veut,  leur  astuce;  il  subit  leur  ascendant  social; 
il  croira  peut-être  que  parmi  eux  il  y a plusieurs  qui  sont  un 
peu  sorcier:  c’est  tout.  Les  rares  Arabes  qui,  à l’heure  qu’il  est, 
jouissent  réellement  d’un  prestige  spirituel,  l’ont  acquis  par  leurs  qualités 
personnelles  et  non  par  le  seul  fait  d’appartenir  à la  race  au 
milieu  de  laquelle  est  né  l’Islamisme.  J’ai  déjà  mentionné  en  quoi 
consiste  le  prestige  que  les  Arabes  ont  encore,  et  quelles  sont  les 
véritables  causes  de  leur  succès  politiques  et  sociaux  auprès  des 
Indigènes.  Quant  au  succès  des  agents  de  la  Mecque,  par  rapport  au 
pèlerinage  et  aux  quêtes,  il  est  dû  exclusivement  à ce  qu’ils  servent 
une  cause  qui,  sans  eux,  serait  très-populaire  dans  l’Archipel  indien. 
Du  reste,  vu  le  caractère  de  l’Islamisme  en  Hadhramoul  (’),  il  serait 
à désirer  que  les  colonies  arabes  eussent  pins  d’influence  religieuse 
sur  les  Indigènes.  La  popularité  toujours  croissante  du  mysticisme 
mahométan  dans  l’Archipel  indien  montre  assez  que  celte  influence 
est  très-restreinte. 


(‘)  V.  p.  85. 


CHAPITRE  VIII. 


MÉTIS  AKABES  (1). 

Une  conséquence  nécessaire  de  l’absence  de  femmes  du  Hadhramout, 
c’est  que  tous  les  Arabes  nés  dans  l’Archipel  indien  sont,  plus  ou 
moins,  de  sang  mêlé.  Nous  avons  vu  que  les  Arabes  établis  dans 
l’Archipel  indien,  quoique  parlant  entre  eux  leur  langue  maternelle, 
se  servent  en  famille  exclusivement  du  malais  ou  d’une  autre  langue 
indigène  et  que  ces  langues  sont  aussi  celles  de  leurs  enfants  (2). 
Dans  les  grandes  colonies  toutefois,  les  garçons,  devenus  adultes, 
apprennent  toujours  un  peu  l’arabe,  ne  fùt-ce  que  par  la  conversation 
journalière  avec  les  compatriotes  de  leurs  pères.  Quant  aux  fdles, 
leur  unique  conversation  est  avec  des  femmes  ne  parlant  pas  l’arabe. 
Comme,  au  reste,  la  conversation  avec  tout  homme  qui  n’est  pas 
leur  mari  ou  leur  proche  parent,  leur  est  interdite,  et  que  ceux-ci 
parlent  avec  elles,  dès  l’enfance,  le  malais,  le  javanais,  etc.,  il  s’entend 
qu’elles  n’apprennent  de  l’arabe  jamais  autre  chose  que  quelques 
mots.  Sauf  les  exceptions  mentionnées  dans  un  chapitre  antérieur, 
aucune  d’elles  ne  peut  soutenir  en  arabe  une  conversation,  même  de 
la  plus  simple  nature  (3). 

Pour  quiconque  n’a  parlé,  durant  son  enfance,  que  les  langues 
de  l’Archipel  indien,  il  est  très-difficile  d’apprendre  à bien  parler  une 
langue  aryenne  ou  sémitique.  Même  chez  les  enfants  des  Européens, 
une  instruction  soignée  ne  suffit  pas  toujours  pour  réparer  ce  qui 

(J)  Un  métis  s'appelle  en  arabe  mowallad,  plur.  mowâlidah.  et  un  Arabe  de  l'Arabie 
wolaiti,  plur.  wolaitiah.  Les  mêmes  mots  s’emploient,  quand  on  parle  d'Européens  ou  de 
Chinois  et,  en  général,  de  tous  les  peuples  étrangers  qui  ont  fondé  des  colonies  dans 
l’Archipel  indien.  Le  mot  mowallad  signifie  en  outre  simplement  „celui  qui  est  né  dans  une 
localité",  mais  alors  il  a le  pluriel  mowalladin. 

(2)  V.  p.  185. 

(3)  Ibid. 


214 


a été  gâté,  à cet  égard,  dans  les  premières  années.  On  comprendra 
donc  aisément  que  l’arabe,  tel  que  le  parlent  les  métis,  est  en  général 
très-incorrect.  Cela  est  si  vrai  que  les  métis,  qui  parlent  cette  langue 
avec  facilité,  restent  toujours  reconnaissables  pour  un  vrai  Arabe, 
circonstance  qui  est  d’autant  plus  saillante,  s’ils  n’ont  jamais  quitté 
le  milieu  où  ils  vivent  et  où  le  malais  est  la  langue  prédominante. 

Les  Arabes  qui  désirent  donner  à leurs  enfants  une  éducation  un 
peu  soignée  les  envoient  ou  les  ramènent  en  Hadhramout  auprès  de 
leur  famille.  Les  enfants,  y étant  dans  un  milieu  arabe,  doivent  apprendre 
à parler  la  langue  de  leurs  pères  et  ils  y sont,  du  moins  pour 
quelques  années,  hors  de  l’entourage  énervant  des  Javanais  ou  des 
Malais.  D'ailleurs  le  Hadhramout  parait  être  un  pays  spécialement 
propre  à l’éducation  de  la  jeunesse.  Tous  les  enfants  des  classes 
aisées,  du  moins  dans  les  villes,  y vont  à l’école  et,  sortis  de  là,  n’ont 
d’autre  distraction  que  l’étude  et  les  pratiques  de  la  religion.  Les 
amusements  ordinaires  des  villes  européennes  et  même  des  grandes  villes 
de  l’Archipel  indien,  tels  que  théâtres,  cafés  et  leurs  accessoires,  sont 
absolument  inconnus  en  Hadhramout;  ainsi  on  y est  forcé  à mener 
une  vie  austère  et  rangée.  Qui  plus  est,  je  connais  des  Arabes  qui 
ont  envoyé  leurs  fils  en  Hadhramout  à cause  de  tendances  à devenir 
mauvais  sujets,  tout  comme  en  Europe  on  met  des  individus  de  ce 
caractère  en  pension  à la  campagne.  Ils  y coûtent  peu  et  n’ont  pas 
l’occasion  de  se  livrer  à la  débauche. 

Cependant,  un  séjour  de  quelques  années  en  Hadhramout  ne  suffit 
guère  pour  transformer  des  métis  en  vrais  Arabes.  A peine  de  retour 
dans  l’Archipel  indien,  plusieurs  d’entre  eux  recommencent  à se  servir 
du  malais  comme  langue  habituelle  (').  Ils  cherchent  la  société  de (*) 


(*)  Souvent,  i|uand  je  111c  suis  trouvé  parmi  des  métis  qui  parlaient  assez  bien  l'arabe, 
j'ai  remarqué  que,  tout  en  se  servant  de  cette  langue  avec  moi,  ils  se  servaient  du  malais 
dés  qu'ils  adressaient  la  parole  à un  des  leurs. 


leur  camarades  d’enlance  et  fuient  celle  des  Arabes  nés  en  Hadhramout. 
Quelques-uns  se  livrent  au  jeu  ou  à d’autres  plaisirs  défendus,  voire 
quelquefois  à l’abus  d’opium  ou  de  boissons  alcooliques  (*).  Ces 
tendances  sont  encore  plus  fortement  prononcées,  si  le  père  lui-même 
est  métis  et  que  l’individu  en  question  n’ait  jamais  été  en  Arabie. 

Il  résulte  de  tout  ce  qui  précède  que  les  familles  arabes  ont  une 
tendance  inévitable  «à  déchoir  et  à s’assimiler,  dans  quelques  générations, 
à la  population  indigène.  Ce  qui  disparaît  le  premier,  c’est  la  langue 
arabe,  puis  l'habillement  et  enfin  le  nom  de  famille  (2).  Quoique  la 
loi  musulmane  qualifie  de  mésalliance  le  mariage  d’une  fille  d’Arabe 
avec  un  individu  de  toute  autre  nation,  beaucoup,  parmi  les  métis, 
n’ont  plus  de  scrupules  à ce  sujet  et  donnent  leurs  filles,  de  bon  coeur, 
à des  indigènes  ayant  une  position  sociale  quelque  peu  présentable. 

Le  caractère  des  métis  s’assimile  encore  plus  vite  au  caractère 
indigène  que  l’extérieur.  Quoi  que  l’on  puisse  dire  des  Arabes  du 
Hadhramout,  il  faut  avouer  qu’ils  ont  beaucoup  de  traits  louables,  et 
il  faut  surtout  admirer  leur  énergie.  Ces  traits  disparaissent  toutefois 
bien  vite  chez  leurs  descendants,  qui,  après  avoir  perdu  ou  dissipé 
l’héritage  de  leurs  pères,  vivent,  en  général,  dans  un  état  nécessiteux, 
sans  énergie  ou  capacité  pour  se  relever. 

D’un  autre  côte,  leur  assimilation  aux  Indigènes  va  rarement  jusqu’à 
devenir  laboureurs;  je  ne  connais  pas  d’exemple  qu’ils  aient  été  admis 
comme  tels  dans  les  communautés  agraires  des  villages,  dans  l’intérieur 
de  Java.  Il  parait  que  l’obligation  de  participer  aux  corvées,  inséparable 
d’une  admission  dans  ces  communautés,  est  une  des  causes  qui  leur 
inspirent  une  aversion  contre  cette  manière  de  gagner  leur  pain. 
Quoi  qu’il  en  soit,  les  métis  arabes,  devenus  Indigènes,  restent  pour 

(’)  Toutefois  ce  n'est  qu’à  Grissée,  à Sourabaya  et  à Singapour  qu’on  m’a  cité  plusieurs 
exemples  d’ivrognerie  parmi  les  métis.  Partout  ailleurs,  ces  exemples  sont  rares.  Pour 
la  plupart,  les  métis  adonnés  aux  boissons  alcooliques  sont,  ou  ont  été  marins, 

(2)  On  sait  que  les  Indigènes  n'ont  pas  des  noms  de  famille. 


216 


la  plupart  dans  les  grands  centres  de  population  et  appartiennent  à la 
classe  des  petits  industriels  ou  des  marchands.  Il  est  incompréhensible, 
comment  quelques-uns  d’entre  eux  pourvoient  à leur  subsistance. 
Dans  les  dernières  années,  plusieurs  d’eux,  dans  l’île  de  Java,  ont 
demandé  aux  autorités  locales  à être  reconnus  officiellement  comme 
Indigènes.  Ces  demandes  ont  été  rejetées;  mais  la  position  sociale 
de  ces  gens  n’en  est  pas  moins  restée  la  même,  c’est-à-dire  qu’ils 
sont  déjà  entrés  de  fait  dans  la  nationalité  dont  on  leur  a refusé 
l’accès  légal. 

Ce  qui  précède  n’a  rapport  qu’aux  métis  en  général  et  ne  regarde 
nullement  les  individus.  Ainsi,  comme  nous  venons  de  le  voir  (*),  il 
y a à Singapour  des  Arabes  de  distinction,  qui  tiennent  à ce  que 
même  leurs  filles  parlent  l’arabe.  En  outre,  quelques  métis  restent 
longtemps  en  Hadhramout,  y épousent  des  femmes  arabes  et  redeviennent 
à peu  près  Arabes  comme  leur  entourage.  Il  y en  a même  parmi 
les  métis  qui,  sans  avoir  jamais  quitté  l’Archipel  indien,  se  sont 
développés  par  l’étude  et  par  la  conversation  avec  des  Arabes  du 
Hadhramout  (2),  au  point  de  leur  ressembler.  Cependant,  toutes  ces 
exceptions  ne  font  que  confirmer  la  règle  que  les  métis  en  général 
penchent  du  côté  de  leurs  mères,  c’est-à-dire  vers  les  Indigènes.  Ils 
sont  plus  polis,  plus  souples  que  les  Arabes  nés  en  Hadhramout,  et 
ils  acceptent  des  gagne-pain  que  leurs  pères  auraient  refusés,  comme 
au-dessous  de  leur  dignité.  Ce  qui  est  surtout  remarquable,  c’est  que 
le  prestige  intellectuel  et  spirituel  dont  la  Mecque  jouit  chez  les 
Indigènes,  semble  se  développer  également  chez  les  métis  à mesure 
que  la  distance  sociale  et  intellectuelle  entre  eux  et  les  Arabes  du 
Hadhramout  devient  plus  grande.  J’en  connais  plusieurs  qui  ont 


(■)  V.  p.  185. 

(J)  J’ai  remarque  même  celte  tendance  à apprendre  l'arabe  chez  deux  ou  trois  métis  de 
plusieurs  générations,  qui  m’ont  assuré  que  leurs  pères  avaient  déjà  entièrement  oublié  l’arabe 


217 


visité  cette  ville  sainte,  mais  non  le  Hadhramout.  Par  contre,  nous 
avons  vu  que  les  Arabes  du  Hadhramout  eux-mêmes  considèrent  le 
pèlerinage  précisément  comme  un  devoir  religieux  dont  ils  n’ont  pas 
trop  à se  préoccuper,  et  en  tout  cas,  ils  n’ont  pour  la  Mecque 
aucunement  le  respect  superstitieux  des  Indigènes  (’). 

L’assimilation  des  métis  arabes  aux  Indigènes  va  plus  lentement 
dans  les  grandes  colonies  que  dans  les  endroits  où  il  n’y  a que  peu 
de  familles  arabes,  et  où,  par  conséquent,  tout  l’entourage  est  indigène. 
Il  s’entend  en  outre  qu’un  Arabe,  ayant  appartenu  en  Hadhramout 
aux  classes  supérieures,  tient  à ce  que  son  enfant,  né  dans  l’Archipel 
indien,  reste  Arabe.  De  même  un  Sayyid  ou,  en  général,  un  Arabe 
lettré  donnera  une  meilleure  éducation  à ses  enfants  et  tiendra  plus 
à ce  que  son  fils  épouse  une  fille  d’Arabe  au  lieu  d’une  Indigène  (2), 
que  ne  le  fera  un  individu  qui  ne  s’était  occupé  en  Hadhramout 
que  de  ses  armes  et  de  sa  pipe.  Ce  sont  là,  tous,  des  éléments  qui 
ralentissent  l’assimilation  des  métis  aux  Indigènes,  sans  cependant 
être  jamais  assez  forts  pour  l’arrêter  entièrement. 

Dans  tout  ceci,  on  trouve  l’explication  du  phénomène  ethnologique, 
qui  m’a  frappé  fortement,  c’est-à-dire  qu’il  y a dans  l’Archipel  indien 
si  peu  de  métis  de  plusieurs  générations.  J1  est  vrai  qu’avant  le 
dix-neuvième  siècle  le  nombre  des  Arabes  dans  l’Archipel  indien  ne 
peut  avoir  été  que  relativement  restreint  (3)  ; mais  il  n’en  est  pas 
moins  avéré  qu’il  y a eu,  dans  ces  régions,  des  Arabes  établis  depuis 
des  siècles.  Les  métis  arabes  dont  les  familles  sont  le  plus  longtemps 
établies  dans  l’Archipel  indien,  se  rencontrent  à Pontianak,  à Koubou, 
à Siak  et  à Palembang,  colonies  qui  ne  datent  que  d’à  peine  cent 
ans.  Exception  faite  de  celles-ci,  on  ne  trouve  que  quelques  petites 

n V.  p.  84  et  176. 

(’)  Les  mariages  entre  métis  arabes  restent  très-souvent  stériles,  mais  non  les  mariages 
entre  métis  arabes  et  femmes  indigènes. 

(3)  V.  p.  104  et  s. 


218 


colonies  de  métis  de  plusieurs  générations,  vivant  séparés  des  autres 
Arabes  de  leur  voisinage;  mais  partout  ailleurs,  les  métis  arabes, 
même  de  trois  générations,  sont  extrêmement  rares,  et  ils  ne  vont 
jamais  au-delà  de  la  quatrième.  Il  est  évident  que  les  faits  exceptionnels 
que  je  viens  de  citer,  n’expliquent  nullement  où  sont  restés  les 
descendants  des  Arabes  qu’on  a vus  arriver  dans  toutes  les  parties  de 
l’Archipel  indien,  dans  le  cours  des  siècles,  d’autant  moins  que  la  race 
arabe  est  très-prolifique  (1).  Cette  explication,  je  le  répète,  on  ne 
peut  la  trouver  que  dans  la  rapide  assimilation  à la  population  indigène, 
plus  rapide  encore  autrefois,  à cause  de  l’infériorité  numérique  des 
colonies. 

A l’appui  de  ce  qui  précède,  je  vais  citer  quelques  exemples 
d’assimilation  de  familles  arabes  aux  Indigènes,  exemples  assez 
frappants,  parce  qu’ils  ont  rapport  à des  familles  aristocratiques. 

En  premier  lieu,  il  est  intéressant,  à cet  égard,  de  voir  ce  que 
sont  devenus  les  descendants  des  Arabes  qui  ont  fondé  des  principautés 
musulmanes  dans  l’île  de  Java  (2).  En  tant  qu’ils  ont  continué  jusqu’à 
nos  jours  à résider  dans  les  domaines  de  leurs  aïeux,  et  qu’ils  forment 
encore  des  familles  séparées  des  Javanais,  je  les  ai  visités  tous.  La  plus 
importante  de  ces  familles  c’est  bien  celle  des  Sultans  médiatisés  de 
Chéribon,  descendants  directs  du  Sousouliounan  Gounoung  Djati  (3). 
La  langue  arabe  leur  est  devenue  complètement  étrangère;  depuis 
des  générations,  ils  s’habillent  à la  javanaise  et  portent  des  noms  et 
des  titres  javanais;  la  seule  chose  ([ni  rappelle  encore  leur  origine, 


(*)  Le  fondateur  île  Pontianak,  'Abd  ar-Rahmàn  hin  Hosain  al-Qadri,  avait  06  enfants; 
actuellement  le  nombre  de  ses  descendants,  à Pontianak  seul,  est  de  768.  Le  nombre  des 
descendants  de  son  beau-frère,  ’Aidrous  bin  'Abd  ar-Rahmàn  al-’Aidrous,  le  fondateur  de 
Koubou,  est  actuellement,  à Koubou  seul,  142.  En  outre,  on  trouve  nn  assez  grand 
nombre  de  descendants  de  ces  deux  personnes  établis  autre  part.  Le  Seigneur  de 
Palalawan  Hàmid  bin  'Abd  ar-Rahmàn  bin  Cbihàh  a laissé  52  enfants. 

(*)  V.  p.  195  et  s. 

(3)  V.  l'arbre  généalogique  à la  (in  de  cet  ouvrage. 


219 


c’est  qu’ils  accordent  aux  Sayyid  le  droit  de  visiter  le  tombeau  sacré 
de  leur  souche,  situé  sur  la  colline  de  Djati.  Exception  faite  des 
ecclésiastiques  chargés  de  l’entretien,  et  des  membres  de  la  famille 
des  Sultans,  nul  Javanais  ni  Arabe,  et  à plus  forte  raison  nul  Européen 
ni  Chinois,  ne  peuvent  visiter  ce  tombeau,  mais  doivent  s’arrêter  à 
la  troisième  terrasse  de  la  colline.  Au  reste,  il  n’y  a plus  aucun 
rapport  entre  les  Sultans  et  les  Arabes  domiciliés  à Chéribon, 
qui,  de  leur  côté,  prennent  même  envers  eux  une  altitude  assez 
malveillante,  pour  ne  pas  dire  hostile.  Ils  refusent  constamment  de 
les  reconnaître  comme  descendants  d’al-Hosain  et,  par  conséquent, 
comme  Sayyid.  Il  y a une  vingtaine  d’années  le  nom  des  Sultans  a 
été  retranché  de  la  prière  publique  du  vendredi,  sur  une  plainte 
portée  par  des  Arabes  devant  les  autorités  hollandaises.  Ils  prétendirent 
que  la  loi  musulmane  défend  de  nommer  dans  la  prière  publique  un 
sultan  qui  n’excerçait  plus  aucune  autorité.  Il  n’est  plus  question, 
du  moins  de  nos  jours  (*),  de  mariages  entre  membres  de  la  famille 
des  Sultans  et  Sayyid.  Les  uns  et  les  autres  considèrent  un  pareil  mariage 
comme  une  mésalliance:  les  Sayyid,  parce  qu’ils  ne  reconnaissent  pas 
l’arbre  généalogique  des  Sultans,  les  Sultans,  parce  qu’ils  considèrent  le 
titre  de  Sayyid  comme  inférieur  aux  hauts  titres  javanais  (2).  Il  est 
impossible  de  constater,  si  ces  rapports  peu  amicals  datent  déjà  de 
longtemps.  Ce  qui  est  certain,  c’est  que  l’arbre  généalogique  des 
Sultans  démontre  que  les  fils  du  Sousouhounan  Gounoung  Djati, 
c’est-à-dire  la  première  génération,  portaient  déjà  des  noms  et  des  titres 
javanais,  au  lieu  de  noms  et  de  titres  arabes.  Cette  circonstance,  confirmée 
par  les  inscriptions  sur  les  tombeaux  de  la  colline  de  Djati,  prouve, 
à mon  avis,  que  ces  fils  étaient  déjà  devenus  Javanais.  Du  reste,  la 

(*)  Nous  allons  voir  tout  à l’heure  qu’il  n’en  était  pas  Je  même  dans  le  commencement 
du  dix-huitième  siècle. 

(2)  V.  p.  207.  Ils  considèrent  le  titre  de  Sayyid  comme  équivalant  tout  au  plus  à celui 
de  Iiaden  parmi  les  Javanais. 


220 


colonie  arabe  de  Chéribon  est  relativement  jeune  ; sous  le  règne  des 
Sultans  il  n’y  avait  presque  pas  d’Arabes.  L’architecture  des  Kraton 
ou  palais  et  des  autres  édifices  érigés  anciennement  par  les  Sultans, 
démontre  en  outre  que,  si  les  Arabes  ont  exercé  sur  eux  quelque 
influence  dans  le  passé,  cette  influence  était  beaucoup  surpassée  par 
celle  des  Chinois. 

La  famille  des  Sultans  médiatisés  de  Bautain,  descendants  directs 
d’un  des  fils  du  Sousouhounan  Gounoung  Djati,  est  devenue  également 
entièrement  javanaise.  Elle  est  actuellement  reléguée  à Sourabaya,  où 
les  rapports  entre  elle  et  les  métis  arabes  sont  toutefois  plus  amicals 
qu’à  Chéribon.  Une  branche  de  la  famille  des  anciens  Sultans  de 
Bantam  c’est  celle  des  Régents  actuels  de  Tjandjour.  Elle  fut  investie 
de  cette  dignité  en  1815  et  a perdu  même  le  souvenir  de  son 
origine.  Le  Régent  actuel  n’ignore  pas  qu’il  est  un  descendant  des 
Sultans  de  Bantam  ; mais  il  ne  sait  pas,  si  ces  derniers  étaient 
d’origine  arabe  ou  non.  Les  descendants  du  Sousouhounan  Kalidjogo(') 
sont,  de  nos  jours,  les  Seigneurs  médiatisés  de  Kadilangou,  près  de 
Demak;  tandis  que  ceux  du  Sousouhounan  Dradjat  habitent  la  petite 
propriété  de  ce  nom  située  près  de  Sidayou  (2).  Cette  propriété 
d’environ  9 hectares  et  dont  la  valeur  n’excède  pas  4000  fl.,  est 
tout  ce  qui  reste  de  la  principauté  de  Dradjat.  Les  métis  arabes  de 
Kadilangou  et  de  Dradjat  sont  devenus  encore  plus  javanais  que  les 
familles  des  Sultans  de  Bantam  et  de  Chéribon.  De  mémoire  d’homme, 
ils  n’ont  plus  été  en  contact  avec  les  colonies  arabes  dans  le  voisinage 
de  leur  terre,  et  il  a fallu  une  enquête  formelle  pour  découvrir  leur 
origine. 

Pour  passer  à des  exemples  plus  récents,  je  vais  citer  l'histoire  de 
la  famille  de  Bàch-Chaibân.  Sayyid  ’Abd  ar-Rabmân  bin  Mohammad (*) 


(*)  V.  l’arbre  généalogique  à la  fin  de  cet  ouvrage. 
(’)  Ibid. 


221 


Bâch-Chaibân  vint,  dans  le  commencement  du  18ième  siècle,  du  Hadhramout 
à Chéribon,  où  il  épousa  la  fille  d’un  des  Sultans.  Ses  deux  fds,  Solaimân 
et  ’Abd  ar-Rahîm,  adoptèrent  déjà  le  titre  javanais  de  Kiahi  Mas. 
D’après  une  tradition  conservée  dans  la  famille,  ils  prirent  ce  titre 
sur  l’ordre  de  leur  père,  qui  comprenait  que,  si  ses  fils  voulaient 
faire  une  belle  carrière  dans  le  pays,  ils  ne  pouvaient  mieux  faire 
que  de  s’assimiler  aux  Javanais.  Ils  s’établirent  d’abord  à Sourabaya, 
plus  tard  à Pekalcngan,  où  leurs  descendants  vivent,  dans  le  faubourg 
Krapyak,  entièrement  comme  les  Javanais.  Il  paraît  cependant  qu’une 
brancbe  de  la  famille  est  restée  à Sourabaya;  du  moins  il  y a eu, 
dans  cette  ville,  deux  ou  trois  membres  du  clergé  indigène  portant  ce 
nom.  Un  des  fils  de  ’Abd  ar-Rahîm,  Sa’îd,  épousa,  au  commencement 
de  ce  siècle,  la  fille  du  Raden  Adipati  Danou  Redjo,  administrateur 
de  la  principauté  de  Djokyakarta  (* *);  mais  dans  sa  vieillesse,  il  se  retira 
à Krapyak,  où  l’on  voit  encore  son  tombeau.  De  ses  trois  fils,  l’aîné, 
Hâchim,  prit  le  nom  et  le  titre  de  Raden  Wongso  Redjo,  le  second, 
’Abd  Allah,  ajouta  à son  nom  seulement  le  titre  de  Raden  (2),  tandis 
que  le  troisième,  ’Alouî,  entra  au  service  du  Gouvernement  anglais  (3) 
et  devint,  en  1813,  Régent  de  Magelang  sous  le  nom  et  titre  de 
Raden  Toumenggoung  Danou  Ningrat  I (4).  En  1826,  son  fils  Hamdânî 
lui  succéda  sous  le  nom  et  titre  de  Raden  Toumenggoung  Ario  Danou 
Ningrat  II  (5).  Celui-ci  donna  sa  démission  en  1862  et  fut  remplacé 
par  son  fils  Sa’id  sous  le  nom  et  titre  de  Raden  Toumenggoung  Danou 
Ningrat  III  (6).  Danou  Ningrat  III  quitta  ses  fonctions  en  1878; 


(*)  V.  Vetb  : Java,  Tome  II.  p.  561,  563,  582. 

(2)  Les  descendants  de  Hâchim  et  de  ’Abd  Allah  vivent  encore  à Djokyakarta,  et  il  y en 
a qui  occupent  des  fonctions  importantes  auprès  du  Sultan  de  ce  pays.  L'un  d’entre  eux 
p.  e.  est  le  Wadono  Djakso  ou  chef  du  ministère  public. 

(*)  On  sait  que  l'ile  de  Java  était,  de  1811  à 1816,  une  possession  anglaise. 

(4)  En  1820,  il  obtint  du  Gouvernement  hollandais  le  titre  de  Raden  Adipati. 

(5)  Idem  en  1830.  — 

(6)  Jusqu’à  la  mort  de  son  père  en  1867,  il  s’appelait  Raden  Toumenggoung  Danou  Kousoumo, 


222 


l’année  suivante,  le  Gouvernement  lui  donna  pour  successeur  son  fils, 
le  Régent  actuel,  Sayyid  Ahmad  bin  Sa’id  Bàch-Chaibân,  sous  le  nom 
et  titre  de  Raden  Toumenggoung  Danou  Kousoumo.  En  février  1881, 
j’ai  rencontré  le  Sayyid  Sa’id,  qui  retournait  de  la  Mecque,  sur  le 
bâteau  à vapeur  à Singapour,  et  je  n’avais  alors  aucune  idée  que 
j’avais  devant  moi  un  métis  arabe  au  lieu  d’un  descendant  des  anciens 
princes  de  Java. 

Une  assimilation  encore  plus  rapide  a eu  lieu  dans  la  famille  de 
bin  Yahyâ.  Le  peintre  Raden  Saleb,  connu  même  en  Europe,  s’appelait 
réellement  Sayyid  Çâlih  bin  Hosain  bin  Yahyâ.  Son  grand-père 
’Awadh  était  un  Arabe  du  Hadbramout,  qui  vint  à Java  dans  le 
commencement  de  ce  siècle  et  épousa  la  fille  d’un  Régent  de  Lassem  ('), 
Kialii  Bostam.  Son  fils,  Hosain,  s’établit  à Pekalongan,  où  il  épousa 
la  fille  du  Régent  de  Wiradesa  (2).  Il  en  eut  quatre  enfants,  deux 
fils  et  deux  filles.  Le  fils  aîné  portait  encore  le  titre  arabe  de  Sayyid, 
comme  les  deux  filles  celui  de  Chanfah.  Seul  le  second  fils  s’arrogea 
le  titre  de  Raden  et  se  fit  passer  pour  Javanais,  et  en  Europe  pour 
un  prince  javanais  même  (3).  Une  de  ses  soeurs  épousa  un  Arabe, 
mais  l’autre  un  Javanais,  le  Palih  ou  Sous-Régent  de  Galoub. 

Un  autre  membre  de  la  famille  de  bin  Yahyâ,  Tâhir,  arriva  â 
Poulou  Pinang  également  dans  le  commencement  de  ce  siècle.  11  y 
épousa  une  femme  de  la  famille  d’un  Sultan  de  Djokyakarta  qui  avait 
été  relégué  dans  cette  île  par  le  Gouverneur-Général  anglais  Radies  (4). 
Il  vint  â Java  à la  suite  du  dit  Sultan  et  s’établit  à Samarang.  Deux 
de  ses  fils  sont  restés  Arabes;  mais  le  troisième,  Ahmad,  se  fit  passer 

(’)  V.  p.  208. 

(s)  Ibid. 

(3)  Lors  de  son  dcrniev  voyage  en  Europe,  quelque  temps  avant  sa  mort,  on  a pu  lire, 
entre  autres  dans  quelques  journaux  de  Paris,  force  récits  fantastiques  sur  sa  dignité 
de  prince. 

(4)  Le  séjour  du  Sultan  à Poulou  Pinang  dura  de  1812  â 1816.  V.  Veth:  Java,  II, 
p.  586  et  648,  cl  n.  3 de  la  page  précédente. 


223 


pour  Javanais  et  prit  service,  comme  volontaire,  dans  la  cavalerie 
hollandaise,  sous  le  nom  et  titre  de  Raden  Soumo  Dirdjo.  Il  prit  part 
à la  guerre  de  Java  et,  après  le  rétablissement  de  la  paix  en  1830, 
il  quitta  le  service  militaire  comme  maréchal  de  logis.  Alors  il  reprit 
le  vêtement  arabe,  s’établit  à Pekalongan,  où  il  épousa  la  fille  d’un 
Arabe,  de  la  famille  de  Bâ’aboud.  Son  fils  Çâlil.i  se  fit  passer  de 
nouveau  pour  Javanais  et  entra  au  service  civil  du  Gouvernement 
hollandais,  sous  le  nom  et  titre  de  Raden  Soumo  di  Poutro.  Il  devint 
Djaksa  ou  procureur  indigène  du  roi  à Tjilatjap,  et  ensuite  Kliwon 
ou  chef  de  la  police  à Pekalongan.  Dans  cette  dernière  qualité,  il 
quitta  le  service,  après  quoi  il  reprit  son  vrai  nom  Çâlil.i  et  ses 
habits  arabes;  sa  fille  unique  est  actuellement  la  fiancée  d’un  Arabe 
du  Hadhramout. 

La  famille  de  Bâ’aboud,  que  je  viens  de  nommer,  présente  encore 
des  exemples  d’une  assimilation  rapide.  Le  Sayyid  Ahmad  bin  Muhsin 
Bâ’aboud  arriva  du  Hadhramout  à Pekalongan  dans  le  commencement 
du  siècle  actuel  et  y épousa  une  fille  du  Régent  de  Wiradesa.  Il 

eut  d’elle  deux  fils,  qui,  l’un  et  l’autre,  épousèrent  des  filles  d’Arabes. 
Les  enfants  du  fils  aîné  restèrent  Arabes;  mais  il  n’en  fut  pas  de 
même  de  ceux  du  second  fils,  appelé  Hosain.  L’un  Muhsin,  après 

avoir  été  dans  sa  jeunesse  colporteur  de  cotonnades , s’avisa  de 

devenir  Javanais,  adopta  le  nom  et  titre  de  Raden  Souro  Atmodjo, 
entra  au  service  civil  du  Gouvernement  hollandais  et  y fit  une 

rapide  carrière.  Actuellement  il  est  P ali  h (Sous-Régent)  de  Brebes  II 
a répudié  sa  femme,  fille  d’un  Arabe,  laquelle  il  avait  épousée  avant 
de  devenir  Javanais,  et  il  tâche,  autant  que  possible,  de  faire  oublier 
à ses  enfants  leur  origine  étrangère.  Son  frère  Ahmad  a suivi  son 
exemple:  il  s’appelle  maintenant  Raden  Soura  di  Poutro  et  a trouvé 
un  emploi  dans  une  sucrerie.  Par  contre,  ses  deux  autres  frères,  ’Alî 
et  Zain,  sont  restés  Arabes;  je  les  ai  rencontrés  à Wiradesa;  ils 


224 


n’avaient  pas  encore  entièrement  oublié  la  langue  de  leurs  aïeux. 
En  parlant  de  leurs  frères,  ils  ne  les  appelaient  que  de  leurs  noms 
adoptés. 

Dans  les  pays  malais,  il  en  est  de  cette  faculté  d’assimilation  comme 
dans  l’ile  de  Java.  A Priaman  (Cote  occidentale  de  Sumatra),  il  existe 
une  branche  de  la  famille  de  Djamal  al-Lail,  reconnaissable  seulement 
comme  d’origine  arabe,  à ce  que  les  Indigènes  donnent  encore  aux 
membres  de  cette  famille  le  titre  de  Sîdî.  Près  de  Palembang,  à l’une 
des  embouchures  du  fleuve  Mousi,  on  trouve,  dans  les  villages  de 
Mouara  Telang  et  de  Karang  Anyar,  une  cinquantaine  d’individus 
appartenant  à la  famille  de  Bâfadhl.  La  colonie  arabe  de  Palembang 
ne  les  reconnaît  plus  pour  compatriotes  et  les  appelle  motawahhich, 
c’est-à-dire  „devenus  sauvages”.  Ils  sont  soumis  aux  impôts  et  aux 
corvées  des  Malais,  labourent  en  personne  leurs  champs  de  riz,  comme 
tout  autre  Indigène,  et  n’ont  plus  aucun  scrupule  à marier  leurs 
filles  même  à des  Malais  du  bas  peuple;  ils  ne  portent  l’habit  arabe 
que  les  jours  de  fête.  Dans  la  principauté  de  Djambi,  les  descendants 
d’un  membre  de  la  famille  de  Bâraqbah  et  d’un  membre  de  la 
famille  d’al-Djufrî  vivent  comme  les  Indigènes  et  au  milieu  d’eux, 
et  portent,  pour  la  plupart,  des  noms  et  des  titres  malais.  Il  en  est 
de  même,  dans  le  pays  d’Atjeh,  des  descendants  de  membres  des 
familles  de  Bâfadhl  et  de  Djamal  al-Lail. 

Les  colonies  les  plus  nombreuses  de  métis  assimilés  sous  tous  les 
rapports  aux  Indigènes,  le  nom  de  famille  et  le  titre  exceptés,  se 
trouvent  à Pontianak  et  à Koubou.  Dans  la  dernière  colonie,  les 
Arabes  venus  du  Hadhramout  font  même  complètement  défaut.  J’ai 
raconté  autre  part(')  l’origine  de  ces  deux  colonies.  A Pontianak,  la  grande 
majorité  des  métis  appartient  à la  famille  d’al-Qadrî  et  à Koubou,  à 


(')  V.  p.  201  et  s. 


225 


celle  d’al-’Aidrous  (‘).  Outre  les  al-Qadrî  on  trouve  à Pontianak 
des  membres  des  familles  d’al-’Aidrous,  de  Bâ’aboud,  de  Motahhar, 
d’al-Hindouân,  d’al-Habehî,  d’al-Haddâd,  d’as-Saqqâf  et  de  quelques 
autres.  Toutes  ces  familles  ont  conclu  avec  la  famille  des  Sultans, 
les  al-Qadrî,  des  alliances  nombreuses.  Par  contre,  la  famille  de 
Bâdjâbir,  depuis  de  longues  années  également  établie  à Pontianak,  est 
restée  étrangère  à toutes  ces  familles,  comme  n’étant  pas  Sayyid. 

Les  Arabes  du  Hadhramout  sont  très-mal  vus  à Pontianak,  à 
moins  d’être  des  Sayyid  appartenant  aux  familles  mentionnées.  Par 
conséquent,  leur  nombre  y est  petit.  On  y aime  encore  mieux  avoir 
alfaire  aux  Arabes  des  autres  parties  de  la  péninsule.  Les  métis 
arabes  à Pontianak  et  à Koubou  qui  sont  Sayyid  savent  encore  par 
tradition  que  le  mariage  avec  des  bommes  qui  ne  soient  point  de  la 
même  origine,  est  interdit  à leurs  filles  (2).  Du  reste  la  plupart  des 
métis  à Pontianak  et  tous  ceux  à Koubou  portent  l’habit  malais. 
Dans  la  première  ville,  il  y en  a tout  au  plus  une  douzaine  qui 
parlent  encore  passablement  l’arabe,  et  à Koubou  l’arabe  n’est  plus 
compris  par  personne.  Le  Sultan  de  Pontianak  et  le  Seigneur  de 
Koubou  m’avouèrent  ne  plus  savoir  la  différence  légale  entre  les 
titres  de  Sayyid  et  de  Charîf.  Ils  croyaient  même  le  second  titre 
plus  élevé  que  le  premier,  attendu  que  c’était  celui  de  la  plupart 
des  gens  de  qualité  à la  Mecque  (3).  A Pontianak  et  à Koubou,  les 
Sayyid  métis  portent  le  titre  spécial  de  Wan,  abréviation  du  mot 
malais  Touan  (*). 

Quant  à la  famille  des  Sultans  arabes  du  Siak,  la  décadence  de 

(*)  V.  p.  218  note  1. 

(l)  On  n'a  pu  me  citer,  à Pontianak,  qu'un  seul  cas  d’une  fille  de  Sayyid  ayant  épousé 
un  prince  malais,  au  lieu  que  trois  ou  quatre  filles  d'Arabes  qui  n’étaient  pas  Sayyid, 
avaient  contracté  des  mariages  avec  des  Indigènes. 

(s)  V.  p.  32  et  95. 

O On  joint  souvent  le  titre  de  Wan  à celui  de  Charîf  ou  de  Ckarîfah.  On  dit  alors 
en  malais  Wan  Sarip  et  Wan  Nipa. 


15 


226 


leur  famille  se  manifeste  surtout  par  des  cas  fréquents  d’aliénation 
mentale  (*).  Du  reste,  cette  famille  s’est  peut-être  encore  plus 
assimilée  aux  Indigènes  que  celle  des  Sultans  de  Pontianak;  il  en 
est  de  même  des  Seigneurs  de  Palalawan.  La  seule  colonie  où  les 
métis  aient  généralement  gardé  leur  caractère  arabe,  nonobstant 
les  cinq  ou  six  générations  que  beaucoup  de  familles  comptent  déjà 
dans  l’Archipel  indien,  c’est  celle  de  Palembang.  Dans  les  classes 
élevées  du  moins,  il  est  rare  de  rencontrer  un  homme  adulte  qui  ne 
parle  pas  l’arabe,  chose  d’autant  plus  étonnante,  que  ces  familles 
n’envoient  pas  leurs  fils  en  Hadhramout  pour  leur  éducation  (2). 
Tandis  qu’à  Pontianak  les  métis  sont,  pour  la  plupart,  indigents, 
s’abstiennent  presque  entièrement  du  commerce  et  ue  vivent  que  des 
produits  de  leurs  terres  ou  des  subventions  que  leur  accorde  le 
Sultan,  pour  peu  qu’ils  appartiennent  à la  famille  d’al-Qadrî,  ceux 
de  Palembang  sont  encore,  pour  la  plupart,  dans  l’aisance  et 
plusieurs  peuvent  même  passer  pour  riches.  Les  principales  familles 
établies  à Palembang  sont  celle  du  Chaikli  Abou  Bakr,  d’al-Habchî, 
de  bin  Chihâb,  d’as-Saqqâf,  de  Bâraqbali  et  d’al-Kâf.  La  dernière  est 
la  plus  nombreuse,  mais  sa  fortune  est  inférieure  à celle  des  autres. 
Les  familles  d’al-Monawwar  et  d’al-Djufrî,  qui  n’y  sont  établies  que 
depuis  une  ou  deux  générations,  comptent  certainement  parmi  les 
plus  riches.  Toutes  ces  familles  peuvent  être  considérées  comme  les 
patriciens  de  Palembang,  et  se  marient  de  préférence  entre  elles.  En 
général  un  membre  de  ces  familles  ne  prend  la  fille  d’un  Arabe  qui 
n’est  pas  Sayyid  ou  d’un  descendant  des  anciens  Sultans  que  comme 
seconde  femme.  Une  femme  indigène  du  peuple  n’est  admise  qu’en 
troisième  ou  en  quatrième  lieu.  Ces  familles  ont,  en  outre,  des  liens 
de  parenté  avec  les  familles  arabes  de  distinction  établies  à Singapour. 


(*)  V.  p.  197  note  4. 
O V.  p.  214. 


227 


Nous  avons  déjà  vu  qu’à  Palembang  les  Arabes  dominent  parleurs 
capitaux,  lesquels  appartiennent,  pour  les  cinq  sixièmes,  à des  métis. 
Quant  aux  Arabes  nés  en  Hadhramout,  leurs  rapports  avec  les  métis 
sont  comme  à Pontianak:  la  seule  différence  c’est  qu’à  Palembang 
les  métis  ont  réellement  la  supériorité  sociale  et  intellectuelle,  au 
lieu  qu’à  Pontianak  ils  voient  dans  tout  nouveau-venu  du  Hadhramout 
un  concurrent,  qui  ne  pourra  que  hâter  leur  décadence.  Par  contre, 
les  Arabes  de  la  Mecque  sont  bien  reçus  à Pontianak  par  le  Sultan 
et  les  autres  métis  de  distinction  ; à Palembang,  on  aime  ces  intrus 
encore  moins  que  ceux  du  Hadhramout. 

Si  j’ai  parlé  si  amplement  de  Palembang  et  de  Pontianak,  c’est 
que  la  première  colonie  a,  par  rapport  aux  métis,  un  caractère  tout 
à fait  exceptionnel  et  que,  dans  la  dernière,  la  décadence  de  la  race 
arabe  dans  l’Archipel  indien  est  la  plus  sensible;  nulle  part  on  ne 

trouve  un  si  grand  nombre  de  familles  de  métis  où  le  sang  arabe 

n’a  pas  été  renouvelé  depuis  des  générations. 

Presque  tous  les  exemples  que  je  viens  de  donner  pour  faire 

ressortir  la  décadence  des  métis  arabes  et  leur  assimilation  aux 
Indigènes,  ne  regardent  que  des  Sayyid.  Quant  aux  Arabes  qui 

ont  peu  de  culture  d’esprit  ou  qui  n’ont  pas  de  nom  à soutenir,  il 
est  facile  de  comprendre  que  la  condition  de  leurs  descendants  est 
pire  encore.  De  ces  Arabes  de  bas  étage,  j’en  connais  même  qui, 
quoique  nés  en  Hadhramout,  tiennent  si  peu  à leur  nationalité  qu’ils 
se  sont  fait  passer  pour  Indigènes,  nonobstant  le  scandale  qu’un 
tel  procédé  devait  causer  parmi  leurs  compatriotes.  Ainsi,  à Kroé 
(Rés.  de  Benkoulen),  il  demeurait,  il  y a quelques  années,  un  Arabe 
du  Hadhramout  qui  ne  se  distinguait  plus  en  rien  de  son  entourage 
indigène  que  par  ses  traits.  Il  avait  une  femme  indigène  et  ses  enfants 
qui,  à l’heure  qu’il  est,  viennent  quelquefois  à Batavia,  passent  pour 
Malais.  Un  autre  Arabe  est  actuellement,  sous  un  nom  indigène,  valet 


228 


d’écurie  chez  une  famille  européenne  dans  les  environs  de  Batavia. 
Amené  du  Hadhramout  par  son  frère  aîné,  à l’âge  de  huit  ans,  il 
demeurait  d’abord  avec  celui-ci  dans  le  quartier  arabe;  devenu  adulte, 
il  a tourné  mal:  il  a quitté  le  quartier  arabe  pour  demeurer  parmi 
les  Indigènes  et  a fini  par  présenter  ses  services  pour  son  emploi 
actuel.  Le  père  est  encore  en  Hadhramout,  et  le  fils  aîné  est  resté 
entièrement  Arabe. 

Souvent  j’ai  rencontré  des  Javanais  ou  des  Malais  aux  traits  arabes 
prononcés.  Je  suppose  que  beaucoup  d’entre  eux  sont  les  enfants  de 
femmes  indigènes  dont  les  maris  sont  morts  ou  ont  retourné  en 
Hadhramout.  Ces  femmes,  restées  auprès  de  leur  famille,  auront 
épousé  en  secondes  noces  des  Indigènes,  et  les  enfants  du  premier 
lit  auront  été  élevés  comme  tels.  On  a pu  m’en  citer  un  exemple 
dans  une  famille  indigène  très-distinguée.  La  fille  du  Sultan  de  l’île 
de  Batjan,  mariée  à un  Sayyid  du  Hadhramout,  eut  de  celui-ci  trois 
filles,  qui,  maintenant  que  leur  père  est  mort,  sont  élevées  auprès 
de  leur  grand-père  comme  les  autres  membres  de  sa  famille.  Il 
s’entend  qu’elles  pencheront  tout  à fait  du  côté  de  leur  mère,  et 
qu’elles  n’auront,  plus  tard,  aucune  conscience  de  leur  origine. 
Attendu  qu’à  Batjan  les  compatriotes  de  leur  père  ne  s’établissent 
que  rarement,  elles  passeront  peut-être  leur  vie  sans  jamais  voir  un 
intérieur  arabe. 

Les  Arabes  eux-mêmes  n’ignorent  pas  que  leurs  enfants  tiennent* 
plus  des  Indigènes  que  des  Arabes  et  qu’ils  finiront  inévitablement 
par  s’assimiler  à leur  entourage.  Plusieurs  d’entre  eux  m’ont  parlé  de 
ce  phénomène  comme  d’un  fait  regrettable,  contre  lequel  ils  sont 
impuissants  à lutter.  Je  crois  qu’ils  ont  raison,  eu  égard  à la 
circonstance  que  même  les  familles  européennes  dans  l’Archipel  indien 
ont  une  tendance  prononcée  à déchoir  et  que  les  Arabes  sont  dans 
une  bien  plus  mauvaise  condition  encore  par  la  plus  grande  intimité 


229 


sociale  entre  eux  et  les  Indigènes.  Cette  intimité  leur  donne  d’un 
côté,  comme  nous  l’avons  vu  (*),  des  avantages  réels;  mais  de  l’autre, 
elle  augmente  singulièrement  la  force  absorbante  que  parait  avoir  la 
race  malaie  relativement  aux  colonies  étrangères.  Malgré  la  distance 
énorme  qui  sépare  la  société  européenne  de  celle  des  Indigènes,  les 
Européens  mêmes  perdraient  à la  longue  leur  caractère  national,  au 
cas  que  l'affluence  des  immigrants  vînt  à cesser. 

Afin  de  réagir  contre  cette  fatale  tendance  de  leur  lignée,  les  Arabes 
marient  leurs  filles  de  préférence  à des  Arabes  du  Hadhramout, 
même  pauvres.  Ceux-ci  ont  toujours  un  certain  prestige  dans  ces 
contrées,  par  le  seul  fait  de  leur  naissance.  On  aime  à les  employer 
dans  ses  affaires,  surtout  s’il  s’agit  d’un  emploi  de  confiance.  Quant 
aux  métis,  ils  ne  sont  recherchés  que  pour  les  emplois  inférieurs  ou 
pour  ceux  qui  exigent  une  connaissance  spéciale  de  la  langue  et  des 
coutumes  du  pays.  Ils  sont  aussi  beaucoup  moins  exigeants,  quant 
au  salaire,  que  les  Arabes  nouvellement  arrivés.  C’est  un  phénomène 
identique  qu’on  remarque  dans  la  société  européenne  de  l’Archipel 
indien,  ou  pour  parler  plus  exactement,  dans  toutes  les  colonies 
de  date  récente.  Tant  qu’une  colonie  n’a  pas  encore  la  conscience 
qu’elle  puisse  subsister  sans  l’immigration  de  la  mère-patrie,  les 
nouveaux-arrivés  sont  toujours  les  bienvenus  et  regardent,  sinon 
avec  dédain,  du  moins  avec  une  espèce  de  pitié,  les  créoles  et  les 
métis  comme  des  êtres  d’une  nature  inférieure.  Cela  dure  jusqu’à  ce 
que  la  colonie  ait  obtenu  une  stabilité  suffisante,  et  qu’elle  ne  sente 
plus  son  infériorité  vis-à-vis  de  la  mère-patrie.  Alors  les  rôles  sont 
changés,  et  ce  sont  les  colons  qui  regardent  les  immigrants  comme 
intrus,  sinon  comme  aventuriers  (2). 

/ 

(*)  V.  plus  haut  p.  138,  139  et  207. 

(*)  V.  W,  Roscber:  Koloniën,  Kolonialpolitik  und  Auswanderung,  p.  58  de  la  seconde 
édition. 


250 


Celle  observation  se  trouve  confirmée  d’une  manière  remarquable 
dans  les  colonies  arabes  de  l’Archipel  indien.  A Palembang  seul  j’ai 
entendu  parler,  dans  quelques  familles  patriciennes,  avec  une  sorte 
de  pitié  du  Hadhramout  et  de  ses  habitants.  11  m’a  semblé  même 
que  les  immigrants,  s’ils  n’appartenaient  pas  à ces  familles,  y sentaient 
leur  infériorité  sociale.  Partout  ailleurs,  l’Arabe  né  en  Hadhramout 
a du  prestige  et  est  considéré  comme  un  être  supérieur,  bien  que 
parfois,  comme  à Pontianak,  on  ne  l’aime  pas,  précisément  à cause 
de  cette  supériorité. 


TROISIÈME  PARTIE. 

L'ARABE  PARLÉ  EN  HADHRAMOUT  ET  DANS  L’ARCHIPEL  INDIEN. 


CHAPITRE  I. 

CARACTÈRE  GÉNÉRAL. 

L’arabe  parlé  dans  l’Archipel  indien  est,  sauf  quelques  particularités 
de  peu  d’importance,  le  même  que  celui  qu’on  parle  en  Hadhramout. 
Les  rares  individus  qui  parlent  un  autre  dialecte  et  qui  s’établissent 
dans  cette  partie  du  monde,  n’ont  aucune  influence  sur  la  langue  en 
usage  dans  les  quartiers  arabes. 

De  tous  les  dialectes  de  l’arabe  vulgaire  il  n’y  en  a peut-être 
aucun  qui  s’écarte  si  peu  de  l’arabe  littéraire  que  celui  des  habitants 
du  Hadhramout.  Ce  phénomène,  je  crois  devoir  l’attribuer,  en  premier 
lieu,  à la  circonstance  que  ce  pays  n’a  eu  jusqu’ici  que  très-peu  de 
contact  avec  l’étranger  (*),  et,  en  second  lieu,  au  goût  pour  les  études 
théologiques,  juridiques  et  grammaticales  parmi  les  classes  civilisées. 
Les  différences  sont  si  peu  essentielles  que,  pour  quiconque  sait  l’arabe 
littéraire,  c’est  une  affaire  de  quelques  mois  de  pouvoir  converser 
avec  des  Sayyid  et  avec  la  haute  bourgeoisie  du  Hadhramout. 

Naturellement  on  rencontre  dans  le  dialecte  du  Hadhramout  plusieurs 
mots  qui  manquent  dans  nos  dictionnaires  de  l’arabe  littéraire.  Ce 
sont,  pour  la  majeure  partie,  des  noms  de  choses  et  d’institutions 
particulières  au  pays.  Par  contre,  beaucoup  de  mots  de  l’arabe 


(l)  v.  P.  48. 


232 


littéraire  ne  sont  plus  en  usage,  quoiqu’ils  soient  presque  toujours 
compris.  Ainsi  l’on  emploie  pour  „bouche”  généralement  le  mot 

cl  c 

fj'ï  ou  fj'J,  mais  tout  le  monde  comprend  le  mot  classique  A.  II  en 

y C y Cl 

est  de  même  des  mots  plèvre”  et  ,,nez”,  employés 

respectivement  au  lieu  des  mots  classiques  Ai  et  “A  Le  lecteur 
pourra  augmenter  les  exemples  de  cette  nature,  en  comparant  les 
mots  donnés  dans  le  cours  de  cet  ouvrage  avec  ceux  des  dictionnaires 
de  l’arabe  littéraire.  Ce  n’est  que  dans  les  rares  cas  qu’un  mot  a 
varié  de  sens  ou  que  le  sens  s’en  est  élargi  ou  rétréci,  en  passant  de  la 
langue  littéraire  à la  langue  parlée,  que  l’étranger  qui  ne  connaît 
que  la  première  s’exposerait  à des  quiproquos.  Ainsi  le  mot  L 
n’a  plus,  dans  le  dialecte  du  Hadhramout,  la  signification  de  „voir” 
en  général,  mais  seulement  celle  de  „voir”  au  sens  figuré  et  de 
«voir”  dans  un  songe  ou  dans  une  vision.  Quand  on  veut  dire 
„voir”  dans  le  sens  naturel,  il  faut  se  servir  du  mot  1 — -‘'A  De  même 

✓ uJ  f 

le  mot  pl.  ne  signifie  plus  „marchand”,  mais  „riche”.  Pour 
«marchand”  on  dit  et  au  pluriel  ^ v J-4'.  Pour  „dent” 

C ) J • ) i 

on  emploie  plur.  au  lieu  que  le  mot  ^ plur.  de  ^ 

signifie  ,, l’indisposition  d’un  petit  enfant”,  par  suite  de  la  dentition. 

o ^ c 

«Visage”  n’est  plus  mais  ^ , le  premier  signifiant  «côté”  ou 
«face”  d’une  question  scientifique,  plur.  ne  signifie  pas 

«papier”,  mais  «pétard”;  pour  «papier”  on  dit  (AA,  même  s’il 
s’agit  de  papier'  colorié  ou  peint.  Tout  cela  n’empêche  pas  qu’en 
Hadhramout  l’idiome  parlé  ne  s’approche  de  très-près  de  la  langue 
classique.  Quelquefois,  surtout  dans  le  style  épistolaire  soigné,  on  va  plus 
loin  encore,  et  l’on  tâche,  autant  que  possible,  de  s’abstenir  des  particularités 
de  la  langue  parlée,  pour  se  servir  entièrement  de  l’arabe  littéraire.  Ceci 
toutefois  reste  une  exception,  ou  à vrai  dire,  une  espèce  d’affectation. 

Quant  aux  couches  sociales  inférieures,  il  est  plus  difficile  de 
converser  avec  eux.  D’abord  ils  se  servent,  beaucoup  plus  que  les 


253 


classes  lettrées,  de  proverbes  et  d’allusions,  incompréhensibles  à 
quiconque  n’est  pas  né  et  élevé  parmi  eux.  Puis  ils  parlent,  pour 
la  plupart,  très-vite  et  prononcent  les  mots  de  manière  à les  rendre 
inintelligibles  à l’oreille  peu  exercée.  Non-seulement  les  voyelles 
brèves  sont  prononcées  par  eux  d’une  façon  douteuse  — c’est  ce  que 
font  tous  les  Arabes  modernes  — mais  ils  omettent  quelquefois  des 
consonnes,  chose  qui  est  plus  grave.  On  peut  comprendre,  par  exemple, 

} s J C J ^ y f y 

ce  que  veut  dire *  *3  ou  ^ '~e,  sans  reconnaître  ces 

'/  ' 

expressions  dans  cjutloh  ou  mânâdârî.  En  outre  on  transpose  quelquefois 
les  consonnes  d’un  mot;  j’ai  entendu  par  exemple  plusieurs  fois  dire 

° y C y 

au  lieu  de  ^>j.  Une  autre  difficulté  dans  la  conversation  avec 
des  personnes  appartenant  aux  classes  inférieures  du  Hadhramout,  c’est 

O y (. 

qu’elles  emploient  souvent  des  mots  bas,  comme  (*)  pour 
mots  qu’il  est  absolument  interdit  d’employer  dans  la  bonne  société. 

c ^ 

Quelquefois  les  mots  populaires  sont  très-poétiques,  par  exemple 

o ^ ^ 

pour  „pluie”,  au  lieu  du  mot  ordinaire  (2).  On  dit  même 
du  sol  arrosé  par  la  pluie. 

En  dernier  lieu,  plusieurs  mots,  en  usage  parmi  les  classes  civilisées, 
ne  sont  pas  compris  par  le  bas  peuple,  par  la  seule  raison  que  celui-ci 
ne  connaît  pas  l’objet  nommé.  Tel  Bédouin  qui  n’a  jamais  vu  la  mer, 

^ o 

ne  comprendra  pas  le  mot  > — „rame”;  mais  ce  mot  n’en 
appartient  pas  moins  au  dialecte  du  Hadhramout. 

Cependant,  on  peut  remarquer  des  phénomènes  pareils,  non-seulement 
dans  l’arabe,  mais  dans  toute  langue  vivante.  Un  Hollandais  ayant 
appris  le  français  par  la  lecture  des  auteurs  classiques,  aura  bien 
moins  de  difficultés  dans  sa  conversation  avec  les  gens  du  inonde 
qu’avec  des  ouvriers  ou  des  paysans. 

ul  J x 5 

(*)  Ne  pas  confondre  ce  mot  avec  £ „boule"  et  ijî  „ globe  terrestre". 

c ^ 

(*)  I.e  mot  est  employé  spécialement , quand  on  veut  parler  d'une  pluie 

bienfaisante. 


234 


Quant  aux  éléments  étrangers  dans  le  dialecte  du  Hadhramout, 
ils  sont  relativement  rares.  Quelques  mots  hindoustanî,  par  exemple 
«secrétaire”,  au  lieu  du  mot  classique  et,  dans  les 

derniers  temps,  une  demi-douzaine  de  mots  malais  sont  entrés  dans 
la  langue  parlée,  surtout  dans  les  villes.  Les  mots  turcs  et  persans 
sont  plus  rares  encore. 

Il  va  sans  dire  que  j’ai  nullement  la  prétention  de  donner  un 
exposé  complet  de  l’arabe  parlé  en  Hadhramout,  comme  en  a fait 
par  exemple  Spitta  Bey  dans  sa  savante  grammaire  du  dialecte  de 
l’Egypte  (*).  Pour  un  travail  aussi  profond  il  faudrait  absolument 
avoir  fait  un  séjour  prolongé  dans  le  pays.  En  outre  il  faudrait  être 
en  premier  lieu  grammairien,  tandis  que  moi  je  me  suis  occupé  de 
la  langue  arabe  dans  le  but  spécial  d’étudier  le  droit  mahométan. 
Mon  intention  n’est  que  de  donner  une  idée  générale  d’un  dialecte 
encore  inconnu  et  qui  n’en  mérite  pas  moins,  sous  plusieurs  rapports, 
l’attention  des  arabisants. 

Ce  sont  surtout  les  différences  locales  que  j’ai  dû  traiter  d’une 
manière  très-superficielle.  J’ai  remarqué  à -cet  égard,  parmi  les  Arabes 
établis  dans  l’Archipel  indien,  un  phénomène  identique  à celui  qui 
m’a  frappé  parmi  les  Hollandais;  c’est-à-dire  que,  dans  les  colonies 
composées  d’individus  de  différentes  parties  du  pays,  les  particularités 
locales  de  la  langue  hollandaise  tendent  à s’effacer.  Il  est  rare  qu’à 
Batavia  on  reconnaisse  quelqu’un  à son  idiome  pour  un  habitant 
d’Amsterdam  ou  de  la  Haye;  de  même  beaucoup  de  membres  des 
tribus  du  Hadhramout  perdent  les  traits  distinctifs  de  leur  idiome 
local.  Quand  on  est  dans  une  assemblée  d’Arabes,  soit  à Batavia,  soit 
autre  part,  on  serait  au  premier  abord  enclin  à croire  que  la  langue 
parlée  en  Hadhramout  est  partout  la  même.  Ceci  n’est  vrai,  je  crois. 


(')  Citée  plus  haut  p.  49  n.  1. 


255 


que  pour  les  classes  civilisées;  mais  pour  les  couches  sociales  inférieures, 
il  me  semble  que,  surtout  dans  la  prononciation,  il  y a des  déviations 
locales  assez  sensibles,  dont  les  plus  remarquables  seront  exposées 
dans  le  chapitre  suivant. 

L’arabe  parlé  dans  l’Archipel  indien  diffère  de  celui  du  Hadhramout 
surtout  par  l’emploi  fréquent  de  mots  malais,  non-seulement  pour  désigner 
des  choses  particulières  à la  vie  aux  Indes  et  inconnues  en  Hadhramout, 
comme  les  noms  d’animaux,  de  plantes,  d’institutions,  de  poids,  de  mesures, 
etc.,  mais  encore  pour  des  choses  ayant  un  nom  arabe  connu  de  tout  le 
monde  (1).  Ces  mots  malais  subissent  ordinairement  un  léger  changement, 
le  plus  souvent  à cause  de  quelques  lettres  malaies  manquant  dans 
l’alphabet  arabe.  Ainsi  on  substitue  le  ou  le  1 — > au  1 — >,  le  f ou  le 
d,  ou  bien  la  combinaison  t>-  au  £,  le  au  ^ . Quelquefois  le 
changement  subi  par  les  mots  malais  ne  s’explique  pas,  et  enfin 
les  mots  malais  se  déclinent  et  se  conjuguent  comme  si  c’étaient  des 
mots  arabes. 

A l’appui  de  ce  que  je  viens  de  dire,  je  vais  citer  quelques  exemples. 
Pour  (2)  on  dit  généralement  du  malais  au  pluriel 

✓ X*  J(//  >«•'>'  O z' 

on  dit  De  même  on  dit  j&j  plur.  ^’'-",dumalais_j^  (3), pour 

jî.j'"*  pour  ^1*^  (4),  y y aor.  yyu  du  malais  yy,  pour 
ÿy  (5),  Pour  De  ce  dernier  mot  on  fait  le  verbe  '-^yw 

^ G ^ ^ G J 5 wJ 

pour  Même  j’ai  souvent  entendu  dire  (6)  pour 

Cx-C  O)  » 

' pour  etc.  Parmi  les  mots  malais  qui  n’ont  pas 

d’équivalent  précis  dans  l’arabe  du  Hadhramout,  je  cite  seulement 


(*)  Quelquefois  même  on  emploie  dans  l’arabe  de  l’Archipel  indien  des  mots  hindoustani 
ou  persans,  qui  ne  sont  pas  encore  entrés  dans  la  langue  malaie. 

H V.  p.  98. 

(3)  Du  hollandais  „bank”. 

O 

(4)  Le  mot  parait  être  hors  d'usage  en  Hadhramout. 

(5)  Mot  malais  emprunté  au  hollandais  „citatie”. 

(s)  Du  hollandais  „nummer"  numéro. 


256 


° C >C)  (,>01  o * s 

prononcé  (*),  „ carrosse,”  prononcé plur.  u^^., 
«paquet”,  «allant  droit  au  but”,  (2)  «blanchisseur”,  et 

c ✓ o x- 

^ (3),  prononcé  f|j,  «horloge”. 

En  second  lieu,  relevons  le  fait  que,  quoique  l’écriture  dite  latine 
ne  soit  connue,  dans  l’Archipel  indien,  que  de  très-peu  d’Arabes,  et 
qu’elle  soit  absolument  inusitée  pour  leur  langue  maternelle,  il  n’en 
est  pas  de  même  de  nos  chiffres  et  de  notre  calendrier.  Parmi  les 
Arabes  faisant  des  affaires  un  peu  considérables,  il  y a plusieurs 
qui  emploient  volontiers  les  chiffres  européens;  ils  se  servent 
même  souvent  de  notre  calendrier.  En  dernier  lieu,  il  reste  à 
mentionner,  comme  différence  entre  l’arabe  parlé  en  Hadhramout  et 
celui  de  l’Archipel  indien,  que  plusieurs  mots  et  expressions  se 
rattachant  à des  circonstances  locales  du  premier  pays  tendent  à 

o - o ^ 

disparaître  dans  le  second.  Ainsi  les  mots  et  pour  «sud” 
et  «nord”,  seraient  Vides  de  sens  sur  la  côte  septentrionale  de  Java. 

G / C/- 

On  les  remplace  à Batavia  par  et  naturellement  ces  deux 

derniers  mots  n’ont  plus  la  même  signification  autre  part,  p.  e.  à 
Singapour  ou  à Pontianak.  De  même  le  mot^  est  remplacé,  dans 

<j'  ) ) 

l’Archipel  indien,  par  le  mot  plur.  lequel,  en  Hadhramout, 

n’est  employé  que  dans  des  significations  spéciales,  comme 
JUJ!  (4),  etc.  Dans  les  villes  où  l’on  trouve  un 

éclairage  au  gaz,  on  emploie  le  mot  ÿ (5)  pour  désigner  cette  espèce 
d’éclairage,  au  lieu  que,  pour  désigner  le  pétrole,  on  se  sert,  partout 

s s o ✓ 

dans  l’Archipel  indien,  soit  de  l’expression  malaie  <xiU  soit  du  mot 

hollandais  «petroleum”. 

Quant  aux  métis,  il  en  est  de  leur  arabe  comme  de  leur  caractère. 

J1)  Du  portugais  „caretta”. 

(J)  Du  bindoustanî  uS^30- 

(3)  Mot  persan  adopté  dans  la  langue  malaie. 

(“)  Four  cette  dernière  expression,  v.  p.  54. 

(‘)  V.  p.  66. 


237 


Les  mots  malais  se  substituent  aux  mots  arabes,  à mesure  que 
l’individu  se  rapproche  de  la  population  indigène.  Quiconque  tient 
à son  origine,  tâche  de  parler  comme  les  Arabes  du  Hadhramout,  à 
moins  d’avoir  fait  un  'long  séjour  à la  Mecque;  car  dans  ce  cas 
l’influence  de  l’arabe  de  cette  ville  se  montre  souvent  d’une  manière 
sensible.  Le  premier  signe  auquel  on  reconnaît  ordinairement  un 
métis,  ce  sont  les  fautes  contre  la  grammaire  arabe,  essentiellement 
différente  de  la  grammaire  malaie.  Il  n’y  a presque  point  de  métis 
qui  observent  les  règles  relatives  aux  temps,  aux  nombres,  à l’article 
et  à la  concordance.  Il  paraît  que  ce  sont  là  des  difficultés  presque 
insurmontables  pour  quiconque  n’a  appris,  dans  son  enfance,  qu’une 
langue  indigène.  Par  contre,  le  malais  des  métis  se  distingue  encore 
durant  plusieurs  générations  par  l’emploi  de  mots  arabes,  là  même 
où  le  malais  a un  parfait  équivalent.  C’est  une  affectation  qui,  comme 
la  coiffure  du  turban  (*),  ne  cesse  que  quand  le  métis  a perdu  toute 
conscience  de  son  origine.  Il  en  est,  au  reste,  de  même  des  mots 
hollandais,  employés  par  les  métis  européens. 


O v.  p.  187. 


CHAPITRE  II. 


OBSERVATIONS  GRAMMATICALES  ET  LEXICOLOGIQUES  (’). 

Eu  égard  au  caractère  de  l’arabe  parlé  eu  Hadhramout  et  à 
l’impossibilité  d’en  donner,  sans  quitter  l’Archipel  indien,  une  description 
complète,  je  crois  qu’il  sera  rationnel  de  me  borner,  dans  le  chapitre 
qu’on  va  lire,  à des  annotations  sur  la  grammaire  arabe  vulgaire  de 
Caussin  de  Perceval  (2).  Quoi  qu’en  puisse  dire  le  savant  explorateur 
du  dialecte  égyptien  (3),  il  me  semble  que  les  traits  distinctifs  de 
l’arabe  vulgaire  sont  exposés,  dans  le  livre  de  Caussin  de  Perceval, 
d’une  manière  aussi  précise  que  succincte.  Quand  il  s’agit  d’un  dialecte 
tellement  rapproché  de  la  langue  littéraire  que  celui  dont  nous  nous 
occupons,  la  meilleure  méthode,  suivie  par  Caussin  de  Perceval,  c’est 
de  prendre  cette  dernière  langue  comme  point  de  départ.  En  tout 
cas,  on  irait  beaucoup  trop  loin  en  appliquant  au  dialecte  du  Hadhramout 
ce  que  Spitta  Bey  nous  apprend  des  rapports  entre  l’arabe  littéraire 
et  le  dialecte  de  l’Egypte,  dans  les  deux  dernières  pages  de  sa 
préface  (4).  Je  n’en  ai  pas  moins  consulté  l’ouvrage  de  Spitta  Bey  à 
plusieurs  reprises  et  j’y  ai  trouvé  sujet  à plusieurs  observations.  J’ai 
cru  inutile  de  citer  toujours  les  pages;  ceux  qui  prennent  intérêt 
à mes  modestes  efforts  pour  décrire  le  dialecte  du  Hadhramout, 
connaissent  assurément  son  livre,  produit  d’une  persévérance  et  d’une 
sagacité  au-dessus  de  toute  louange.  Je  sais  assez,  par  expérience, 
combien  il  est  difficile  de  constater  les  règles  grammaticales  d’un 


(* *)  Dans  le  cours  de  mon  ouvrage,  surtout  dans  la  première  partie,  j'ai  déjà  donné  un 
grand  nombre  de  mots  du  dialecte  du  Hadhramout.  Je  ne  les  répéterai  pas  dans  le 
présent  chapitre. 

(*)  Je  citerai  les  pages  et  les  paragraphes  de  la  4ièmc  édition,  Paris  1858. 

(3)  Spitta  Bey  op.  cit.  p.  VII. 

(“)  Ibid.  p.  XIV  et  XV. 


239 


idiome,  pour  apprécier  la  valeur  du  livre,  qui,  selon  un  juge  compétent, 
marque  une  nouvelle  époque  dans  l’étude  des  dialectes  arabes  parlés  (‘). 

L’arabe  du  Hadhramout  a conservé  toutes  les  28  consonnes  de 
l’arabe  littéraire.  On  les  appelle  vulgairement:  Alif,  Bê,  Té,  The, 
Djhn,  Ilâ,  Khâ,  Dâl,  Dsâl,  Râ,  Zai,  Sîn,  Chîn,  Cad,  Dhâd,  Ta,  T ha, 
9 Ain,  Chain,  Fà,  Qâf,  Kâf,  Lâm,  Mîm,  Noua,  Il  à,  Wâw  et  Yâ. 

VAlif  est  un  simple  Spirilus  Lenis.  Comme  voyelle  longue  elle  se 
prononce  toujours  comme  a dans  le  mot  français  „va”.  Je  n’ai  jamais 
entendu  la  prononciation  dite  Imâlah. 

Le  Thé  est  le  Ih  anglais  dans  „tbing”.  Cette  lettre  n’est  jamais 
confondue,  ni  avec  le  s,  ni  avec  le  l. 

Le  Dj  îm  se  prononce,  à l’est  de  Cbibâm  jusqu’à  Târibah,  comme 
le  y français  (2),  mais,  dans  la  vallée  de  Kasr,  comme  le  j français. 
Partout  ailleurs  on  le  prononce  dj. 

Le  Hâ  n’est  jamais  confondu  avec  le  Khâ,  ni  avec  le  9 Ain. 

Le  Dsâl  se  prononce  à ach-Chihr,  à al-Mokallâ  et  dans  les  environs 
à peu  près  comme  d,  partout  ailleurs  comme  ds. 

Le  Cad  est  un  s fortement  articulé,  à peu  près  comme  fs.  Je  crois 
qu’il  est  le  plus  simple  de  représenter  la  lettre  par  le  ç français.  11 

^ c ^ 

se  confond  quelquefois  avec  le  Sîn.  Ainsi  les  mots  (3)  et 

W O / > 

(4)  s’écrivent  souvent  avec  un  Sîn;  mais  il  va  sans  dire 
que  l’emploi  du  Çâd  mérite  la  préférence,  eu  égard  à la  racine 
dont  l’un  et  l’autre  sont  dérivés. 

Le  Dhâd  est  un  dh  ou  dl,  articulé  avec  emphase.  Le  Thâ  se 
prononce  presque  comme  le  Dhâd,  et  on  le  confond  souvent  avec 
cette  dernière  lettre,  même  dans  la  langue  écrite.  Au  cas  que  le (*) 

(*)  V.  Actes  du  sixième  congrès  des  orientalistes,  Première  Partie,  p.  78. 

(J)  Dans  ce  cas  le  Djim  précédé  d'une  Falhah  et  marqué  d’un  Sokoun  se  prononce  à 

G ss  C / ^ 

peu  près  comme  ai  : c a le  son  de  i j»-. 

(3)  Ainsi  s'appelle  toute  pièce  d’habillement  couvrant  la  partie  supérieure  du  corps. 

H V.  p.  99. 


240 


'Ain,  à la  fin  d’une  syllabe,  soit  précédé  par  toute  autre  voyelle  que 
le  a,  on  entend  entre  celle-là  et  le  'Ain  un  a très-léger.  C’est  le 
Patakh  Furtivum  de  l’hébreu.  La  même  observation  s’applique  au  Hâ. 
Il  est  vrai  que  le  Patakh  Furtivum  est  le  plus  marqué,  si  la  voyelle 
i ou  u est  longue;  mais  on  l’entend  encore,  quoiqu’à  un  moindre 

c " 

degré,  si  la  voyelle  est  brève,  p.  e.  dans  prononcé  à peu  près 
comme  râfia\  Si  le  'Ain  ou  le  Hâ,  à la  fin  d’un  mot,  est  précédé  d’une 
autre  consonne  portant  le  Sokoun  le  Patakh  Furtivum  se  fait  encore 

O X-  G ^ 

remarquer:  ainsi  se  prononce  dhaba ’,  ^1^  Khala’  Ràcbid(1),  etc. 

Le  Ghain  se  transcrit  le  mieux  par  un  gh. 

Le  Qâf  se  prononce  comme  le  g français  devant  un  a. 

c? 

Quant  à la  diphtongue  elle  se  prononce,  soit  comme  au,  soit 
comme  aw.  La  première  prononciation  est  la  plus  commune  quand 
' est  suivi  d’une  consonne  avec  Sokoun ; cependant  il  y a des 
exceptions  à cette  règle. 

Le  Yâ  marqué  du  Sokoun  et  précédé  d’une  Fathah  se  prononce 
non-seulement  comme  le  ai  français  dans  „bain”,  mais  encore  plusieurs 
fois  comme  le  ai  français  dans  „j’ai”,  c’est-à-dire  comme  é.  Ainsi 

G J G ^ G J G x 

les  noms  des  villes  et  se  prononcent  Séyoun  et  Séhout.  Je 

n’ai  pu  constater  une  règle  à ce  sujet.  A la  fin  des  mots,  le  Yâ  peut  servir 
encore  à prolonger  la  Fathah.  Ainsi  et  se  prononcent  comme 
^ et  Au  § 51,  traitant  de  la  terminaison  il  faut  ajouter  que  le 
Hâ  se  prononce  encore  comme  l,  s’il  est  suivi  d’un  pronom  suffixe.  Dans 
le  cours  de  mon  ouvrage  j’ai  représenté  cette  terminaison  par  ah,  afin 
de  fatiguer  le  lecteur  aussi  peu  que  possible  par  des  irrégularités  de 
transcription;  mais  cela  n’empêcbe  pas  que  la  terminaison  ne  se  prononce 
souvent  comme  éh.  Les  observations  contenues  dans  le  § 32  s’appliquent 
aussi,  selon  mon  avis,  au  dialecte  du  Hadbramout.  Si  la  terminaison  *- 


(*)  V.  p.  28  cl  82. 


se  prononce  comme  élt,  et  que  le  lia  doive  se  changer  en  /,  à cause  (l’un 

✓G 

pronom  suffixe,  etc.,  elle  devient  il.  Ainsi  Irilméh  „mot”,  suivi 
d’un  pronom  suffixe,  devient  kilmilnâ,  kilmilak,  etc.  Par  contre 
courait  „forme”,  „image”,  devient  çouratnâ,  çouratak,  etc. 

Pour  ce  qui  regarde  les  voyelles,  je  n’ai  qu’à  remarquer  que  la 
Dhammah  se  prononce  o dans  une  syllabe  ouverte,  mais  dans  une 
syllabe  fermée,  u bref,  comme  dans  le  mot  anglais  „but”  (').  On  dit 

^ * u*  i~ 

p.  e.  qorâ  i Sf  plur.  de  „village”,  et  umm  ^ „mère”.  Les  signes 

G ^ ^ G ^ 

des  voyelles  se  nomment  ordinairement  plur.  de 

L’A///'  placé  devant  la  première  consonne  d’un  mot,  pour  en 
faciliter  l’articulation,  est  seulement  en  usage,  si  le  mot  commence 

/ /Ci  c ^ G£ 

par  un  Mim.  On  dit,  et  on  écrit  même  cl Par  contre, 

^ C)  ^ y 

on  dit  bien  distinctement  „à  bon  marché”  et  „cbef 

^ JJ 

de  tribu”,  mais  non  et  comme  le  prétend  Caussin  de 

^ y 

Perceval.  Les  voyelles  finales  — > — et  — , comme  signes  des  cas 
dans  l’arabe  littéraire,  ne  se  font  jamais  entendre  dans  le  dialecte 
du  Hadhramout,  lors  même  que  le  mot  suivant  commencerait  par 
un  Waçl.  On  dit  ’Abd  Allah,  mais  non  ’Abd  Ullâh.  Cette  dernière 
prononciation  a été  toutefois  adoptée  par  les  Javanais  et  les  Malais  dans 
quelques  noms  propres  et  dans  quelques  expressions  arabes  qui  ont 

passé  dans  leurs  langues  respectives.  Le  Tanwîn  n’est  point  en  usage,  si 

* 

ce  n’est  dans  quelques  adverbes  qui  se  terminent  en  L et  dont  nous  allons 

* 

parler  plus  loin.  Les  terminaisons  et  — de  l’arabe  littéraire,  pour 
y-,  et  deviennent  dans  le  dialecte  du  Hadhramout  ^j-el 
Voilà  les  principales  remarques  faites,  lorsque  j’ai  comparé  la 
prononciation  de  l’arabe  parlé  dans  mon  entourage  avec  les  règles 
données  dans  les  22  premières  pages  de  la  grammaire  de  Caussin  de 


(')  Il  n'y  a que  très-peu  d'exceptions  à cette  règle.  Ainsi,  dans  le  pronom  personnel 

C y 

suffixe  <X_,  on  entend  le  son  o et  non  celui  de  u bref;  il  eu  est  de  même  dans  le 

G y 

nom  de  la  ville  1 „al-Ghorfah” . 


16 


242 


Perceval.  Je  dois  faire  observer  cependant  que  nulle  description  ne  peut 
donner  une  idée  exacte  de  la  prononciation  des  Arabes.  Qu’on  invente 
un  système  de  transcription  aussi  savant  et  aussi  compliqué  qu’on 
voudra,  il  ne  pourra  jamais  remplacer  l’ouïe,  et  les  mérites  d’un  tel 
système  ne  seront  appréciés  à leur  juste  valeur  (pie  par  ceux  qui  ont 
appris  à parler  l’arabe  par  la  conversation.  C'est  une  observation  qui 
regarde  toute  langue  vivante  et,  à plus  forte  raison,  une  langue  comme 
l’arabe,  dont  la  prononciation  diffère  tellement  des  langues  européennes. 
C’est  surtout  le  fait,  souvent  constaté,  que  les  voyelles  brèves  n’ont 
guère  de  son  pur  et  distinct,  (fui  rend  impossible  de  représenter,  par 
notre  alphabet,  les  mots  comme  ils  se  prononcent  par  les  Arabes 
eux-mêmes.  L’étranger,  pour  être  compris,  ne  saurait  mieux  faire  que 
de  s’appliquer,  en  premier  lieu,  à bien  articuler  les  consonnes,  toujours 
en  tant  que  cela  est  possible  pour  quiconque  n’est  pas  de  la  race 
sémitique.  Chez  les  Arabes  les  consonnes  forment  le  corps  des  mots; 
les  voyelles  et  surtout  les  voyelles  brèves  n’en  sont  que  l’accessoire. 

La  conjugaison  du  verbe  diffère  sous  quelques  rapports  de  celle  dans 
les  autres  dialectes  de  l’arabe  vulgaire  ; voici  le  paradigme  : 

Prétérit.  Aoriste. 

3 p.  m.  s.  kalab.  3 p.  m.  s.  yaklub. 

G ^G  ^ G J G 

3 p.  f.  s.  katbat.  3 p.  f.  s.  taktub. 

G G > Cy 

2 p.  m.  s.  katabt.  2 p.  m.  s.  taktub. 

s * ^ G J G/-  t 

2 p.  f.  s.  l_5LJS  katabtî.  2 p.  f.  s.  ^jJJo  btklobin. 

1 p.  c.  s.  katabt.  1 p.  c.  s.  i Jtf'f  aktub. 

3 p.  m.  pi.  katbaw.  3 p.  m.  pl.  yaktoboun. 

3 p.  f.  jd.  ij*jS  katabin.  3 p.  f.  pl.  yaktobin. 

y G/  y jGx 

2 p.  m.  pl.  katablou.  2 p.  m.  pl.  taktoboun. 

G G ^ ^ G 

2 p.  f.  pl.  JÀüï  katabtin.  2 p.  f.  pl.  laktobin. 

si* s s ° y*" 

1 p.  c.  pl.  Uuüi’  katabnâ.  1 p.  c.  pl.  naktub. 


245 


Le  subjonctif  et  les  formes  dites  énergiques  de  l’arabe  littéraire 
sont  tombés  en  désuétude,  mais  le  jussif  a été  conservé.  Il  se  distingue 
de  l’indicatif  dans  ce  que  les  terminaisons  de  la  5k'me  et  de  la  2ième 
personnes  masc.  plur.  sont  ^ au  lieu  de  Ce  n’est  que  dans  les 
verbes  concaves  qu’il  existe  une  différence  dans  toutes  les  personnes. 

La  voyelle  des  préfixes  de  l’aoriste,  je  l’ai  représentée  par  une 
Falhah,  parce  que  le  a en  est  le  son  primitif.  Cette  voyelle  toutefois 
est  prononcée  tellement  brève  et  vague,  qu’on  devrait  la  rendre  par 
le  e muet  français,  ou,  ce  qui  vaudrait  peut-être  mieux  encore,  la 
supprimer  entièrement.  La  même  observation  s’applique  du  reste  à 
la  Dhammah  de  l’aoriste  du  passif.  Les  préfixes  «— > et  devant 
l’aoriste,  sont  entièrement  hors  d’usage.  Il  en  est  de  même  des  préfixes 

■ji  ^ 

^ et  Quant  au  mot  J^,  on  s’en  sert  pour  préciser  le  temps 
présent,  tant  au  masculin  qu’au  féminin,  et  tant  au  singulier  qu’au  pluriel. 
Ce  mot,  toutefois,  n’est  pas  d’un  usage  très-fréquent,  et  jamais  on  ne 
l’abrège  en  Pour  exprimer  le  futur,  on  se  sert  du  préfixe  L, 

G^ 

prononcé  à Terîm  et  dans  les  environs  y>,  et  dans  quelques  autres 

G s J) 

localités  ^ . L’emploi  du  mot  pour  indiquer  le  futur  simple,  et 
des  mots  ou  ^ j,  pour  indiquer  une  action  future  très-prochaine, 

est  inconnu  en  Hadhramout.  L’emploi  du  prétérit,  sans  y attacher 
l’idée  d’une  action  passée,  a lieu  non-seulement  après  les  particules 

• Gy* 

conditionnelles  ^ \ et  mais  encore,  quand  on  veut  exprimer 

l’optatif.  Ce  dernier  emploi  est  même  assez  fréquent. 

Le  passif  n’est  pas  du  tout  tombé  en  désuétude,  comme  le  prétend 
Caussin  de  Perceval  pour  les  autres  dialectes  de  l’arabe  vulgaire.  Il  est 
vrai  que,  dans  quelques  verbes,  on  le  remplace  par  une  forme  dérivée  (x); 
mais  il  y a aussi  beaucoup  de  verbes  dont  le  passif  s’emploie  tant  au 
prétérit  qu’à  l’aoriste.  L’usage  seul  peut  apprendre,  dans  quel  cas  il 


(*)  Spécialement  par  les  formes  VII  et  VIII. 


faut  se  servir  de  l’une  ou  de  l’autre  manière  pour  exprimer  l’idée 
du  passif.  Seulement  j’ai  remarqué  que  le  passif  est  le  plus  en  usage 
dans  les  formes  I et  II. 


Quant  aux  formes  dérivées,  relevons  en  premier  lieu  que  l’observation 
sur  la  voyelle  des  prélixes,  dans  l’aoriste  de  la  forme  I,  s’applique 
aussi  aux  créments  des  lormes  V et  VI.  Il  en  est  de  même 
des  préfixes  dans  l’aoriste  de  toutes  les  formes,  à la  seule 

G G y 

exception  de  la  forme  IV,  dont  l’aoriste  actif  est  et  l’aoriste 

G /•  C )  *  *" 

passif  à prononcer  yuklib  et  yukfab.  Quant  à la  voyelle 

des  créments  des  participes,  dans  les  formes  dérivées,  conformément 
à la  règle  donnée  par  Caussin  de  Perceval  au  § 47 , elle  est 
supprimée,  s’il  s’agit  d’une  syllabe  ouverte,  mais  la  Dhammah  se 
prononce  distinctement,  s’il  s’agit  d’une  syllabe  fermée.  Puis  l’aoriste 
actif  de  la  forme  II  offre  une  autre  particularité:  on  ne  dit  pas 

* G jl  ) 

comme  dans  l’arabe  littéraire,  mais  De  même  l’impératif 

i)  G i)  y X ^ G,*)* 

est  t, ^ au  lieu  de  et  le  participe  actif  (')  au 

lieu  de  - Enfin  le  dialecte  du  Hadbramout  ne  connaît  pas 

* G G G ^ s s- 

le  changement  de  la  forme  V,  en  ou  en  ni 

t,  s S G^^J  G 

celui  de  la  forme  VI,  en  ou  en  ? ni  celui 

G y y Kj  G x /O 

de  la  forme  VIII,  en  ni  enfin  celui  de  la  forme X, 

G /’C^  G G «*J  G 

i Ajüa»  1 ^ on  1 _ 

Le  paradigme  du  verbe  redoublé,  tel  qu’il  a été  donné  par  Caussin 
de  Perceval,  doit  être  corrigé  d’après  ce  que  je  viens  de  dire  sur  la 
conjugaison  des  verbes  en  général  (2).  La  seule  irrégularité  consiste 

G o)  s G ji  s 

dans  ce  que  la  3 p.  f.  pl.  est  au  lieu  de  comme  on 

üJ  t 

pourrait  le  supposer  d’après  l’analogie  de  la  3 p.  m.  pl. 

G ^ ✓ G ^ 

Au  reste,  je  n’ai  jamais  entendu  les  formes  etc.  et 


(*)  Ce  mot,  comme  nous  l'avons  déjà  vu  (p.  17),  a la  signification  spéciale  de 
..messager",  , .porteur  de  lettres". 

(*)  V.  p.  242  et  243. 


On  dit  toujours  d-oik*  et  ^ . Do  même  la  conjugaisou  régulière  de 
l’aoriste  des  verbes  assimilés,  ô^y,  etc.,  au  lieu  de  J-*3:».,  et  celle  du 

C x ^ 

prétérit  des  verbes  concaves  jy2;  etc.,  au  lieu  de  J^>,  ne  sont  point 
en  usage.  Par  contre,  quelques  verbes  concaves,  dont  la  seconde 
radicale  est  un  y et  dont  l’aoriste  s’écrit  avec  a,  se  conjuguent 

0/0/  C -"C  x 

régulièrement  dans  l’aoriste.  Ainsi  l’on  dil^y^î  „il  peut”  et 
„il  flaire”  (*),  quoique  l’aoriste  de  <— soit  <— et  non  ipu. 
L’observation  contenue  dans  le  § 127  n’a  aucun  rapport  au  dialecte 
du  Hadhramout  où,  comme  nous  l’avons  vu,  le  jussif  existe  dans 
tous  les  verbes.  Enfin  la  forme  IV  ne  perd  jamais  au  prétérit  le 

C C ^ c 

crément  1.  On  dit  toujours  j J J ï. 

Les  verbes  défectueux  se  conjuguent  tous,  même  dans  la  forme  I, 

O ^ 

comme  si  la  dernière  radicale  était  un  Yd:  etc.  etc. 

(//'  O//*  )Oz  ; C/-  "" 

et  au  lieu  de  ^yf-,  etc.  yf^„,  etc.  et  yf^.  Dans  l’impératif, 

ces  verbes  rejettent  non-seulement  leur  dernière  radicale,  mais  la 

C C CO  O / 

deuxième  prend  encore  le  Sokoim.  On  dit  p.  e.  u^jï  etc. 

au  lieu  de  fj\,  ),  £ J),  etc.  Quelques-uns  de  ces  verbes  rejettent 
encore  le  1 caractéristique  de  l’impératif:  ainsi  l’impératif  du  verbe 
^ est  J»-,  et  celui  du  verbe  Jæ,  I33.  La  voyelle  finale  reparaît  toutefois 

o o 

au  féminin.  On  dit  ^^1,  ^^,1,  etc.  La  terminaison  irrégulière  du 
participe  passif  féminin  de  la  forme  II,  au  lieu  de  »),  n’existe  pas. 

Les  verbes  liamzés  <^=*1  et  se  conjuguent,  à Terîm  et  dans 
les  environs,  au  prétérit,  comme  si  c’étaient  les  verbes  défectueux 

• . C / / C// 

et  . On  y dit  et  '.  A Saioun  et  dans  les 

c ^ c^ 

environs,  on  rejette  au  prétérit  le  »,  et  l’on  dit  et  oif. 

Les  verbes  liamzés  dont  la  troisième  radicale  est  un  l,  ont  toujours 

>o 

l'aoriste  de  la  forme  I avec  a.  On  n’entend  jamais  jr^>,  mais  toujours 
ou  plutôt  yy.,  conformément  à la  règle,  posée  par  Caussin  de 


(*)  Ne  pas  confondre  cel  aoriste  avec 


Z'S- 


,,il  va”,  de  la  même  racine. 


246 


Perceval,  que  les  verbes  hamzés  de  cette  catégorie  se  confondent  avec 
les  verbes  défectueux.  Le  verbe  quadrilitère  a,  dans  la  forme  I,  l’aoriste 

GG  9 OC  009 

l’impératif  et  le  participe  mais  les 

préfixes  et  j»  se  prononcent  encore  comme  s’ils  avaient  pour 
voyelle  un  e muet. 

O O ✓ O 9 (// 

Les  infinitifs  de  la  loriue  II,  du  verbe  trilitère,  sont 

^ C/  ✓  *  * 

et  «si&âJ,  la  Falhah  du  crément  ^ à prononcer  aussi  comme  e muet, 
est  le  plus  commun,  quoique  soit  en  usage  dans  quelques 

9 0^  9 G*- 

verbes  d’un  emploi  fréquent;  on  dit  p.  e.  et  (*),  et 

c o O ^ 

non  et  L’infinitif  Jlaiù,  de  la  forme  II,  est  inusité. 

Le  diminutif  est  très-fréquent  dans  le  dialecte  du  Hadhramout, 
là  même  où  la  logique  semblerait  ne  pas  l’exiger.  J’ai  souvent  entendu 

^ Cs  9 9x  t*»x9  O 

dire  p.  e.  au  lieu  de  „fiancée”,  au  lieu  de 

uJ  ^ 9 

„fille”,  au  lieu  de^à^  „jeune  enfant”,  etc. 

Après  avoir  remarqué  en  passant  que  la  terminaison  féminine 
h\  au  lieu  de  est  tout  aussi  inusitée  pour  les  substantifs  que 
pour  les  participes  (2),  je  passe  au  nombre  des  noms.  Et  d’abord 
l’usage  du  duel  est  à peu  près  limité  aux  cas  où  il  s’agit  de  deux 
personnes  ou  objets  formant  sous  quelque  rapport  une  paire.  S’il  s’agit 
de  deux  personnes  ou  objets  différents,  on  se  sert  du  pluriel.  Puis 
j’ai  remarqué  qu’un  mot  au  duel  ayant  un  complément  quelconque 
est  remplacé  par  le  pluriel.  On  dit  à prononcer  al-îdain  „ les 

deux  mains”  (3);  mais  quand  on  veut  exprimer  „vos  deux  mains” 
on  dit  à prononcer  cdâk.  Quoique  réellement  le  pluriel  sain 

soit  beaucoup  moins  usité  que  le  pluriel  rompu,  c’est  aller  trop  loin 
que  de  prétendre  que  le  pluriel  sain  est  limité  aux  noms  de  métier. 


(')  I*  signifie  dans  le  dialecte  du  Hadhramout  , .appeler  quelqu'un  . 11  se 

construit  avec  de  la  personne. 

(*)  V.  p.  245. 

tj  y 

(3)  Le  singulier  se  prononce  id. 


247 


Une  autre  particularité  du  dialecte *du  Hadhramout,  c’est  que, 
très-souvent,  les  mots  ne  subissent  pas  de  changement  pour  le 
pluriel:  ils  l’expriment  par  leur  forme  primitive,  au  lieu  que  le 
singulier  est  exprimé  par  le  nom  d’unité.  Celte  manière  d’indiquer 
le  nombre  est  eu  usage,  sans  qu’on  distingue  entre  objets  naturels, 
objets  d’industrie  ou  êtres  animés.  Ainsi  le  pluriel  de  yé  „une  datte” 

L>  y ^y  Li  y G y G ^ 

est  celui  de  „une  planche”  celui  de  yû  „une 

L/y 

vache”  etc.  Quant  au  pluriel  des  adjectifs,  remarquons  que 
le  pluriel  sain  des  superlatifs  est  hors  d’usage.  Jamais  je  n’ai 

/OC 

entendu  dire  „ils  sont  les  plus  excellents”,  mais 

toujours  |*a.  En  outre,  plusieurs  adjectifs  relatifs  dénotant 

des  nationalités  ont  des  pluriels  irréguliers.  Ainsi  le  pluriel  de 

L»  * y y<jyy  / ✓ ^ 

„un  Hollandais”  est  celui  de  „ un  Javanais”  '■3., 

y fj  y y G /(///  G 

celui  de  „un  Français”  » celui  de  „un 

G GG  C/  G * " 

Anglais”  celui  de  „un  Européen”  (Q,  celui  de 

G 11'  y y O y y 

„un  Bengalais”  celui  de  „un  Arabe”  <— ,tc,  celui 

y L,  y ' L>  y y 

de  „un  Arabe  du  Hadhramout”  etc. 

Le  substantif  étant  suivi  d’un  adjectif,  tous  les  deux  prennent 
l’article.  L’emploi  de  l’article  devant  l’adjectif  seul  serait  une  faute, 
presque  impossible  à un  Arabe  né  en  Hadhramout.  Je  n’ai  jamais 
entendu  dire  S — pour  yxûl 

Les  mots  gu*,  et  1 _S*J,  servant  dans  d’autres  dialectes  à 

uJ  ^ 

exprimer  le  génitif,  sont  inusités.  Ils  sont  remplacés  par  le  mot 
qui  sert  à exprimer  non-seulement  le  Genitivus  Possessoris,  mais  encore 
le  Genitivus  Materiae.  On  dit  indistinctement  „la 

G ^ 

maison  d’un  tel”  et  „la  maison  de  bois”  (2). 

Quant  au  mot  on  ne  l’emploie  que  dans  le  sens  de  appartenant 


(*)  On  dit  aussi  et 

(2)  Littéralement  „de  planches". 


248 


à”,  c’est-à-dire  lorsqu’on  veut  exprimer  fortement  qu’un  objet  est  à 
un  tel  et  non  à un  autre.  Plusieurs  fois,  j’ai  vu,  dans  un  magasin, 
des  caisses  portant  l’inscription  ^ JU>. 

Le  vocatif  s’exprime  par  la  particule  W;  dans  la  conversation, 

✓ Si  £,  ^ S 

les  particules  WJ  et  WvJ  sont  inusitées  et  le  nom  de  la  personne  ou 
de  l’objet  qu’on  appelle  n’a  jamais  l’article. 

Les  pronoms  offrent  plusieurs  particularités.  En  premier  lieu,  le 
pronom  personnel  est  souvent  employé  avant  le  verbe  conjugué, 
soit  pour  faire  ressortir  le  sujet  de  la  phrase,  soit  connue  mot 
explétif.  De  ce  dernier  fait,  on  pourrait  conclure  que  les  préfixes 
et  les  suffixes,  exprimant  les  personnes  dans  la  conjugaison  du 
verbe,  tendent  à perdre  leur  signification  dans  la  bouche  du  peuple. 
C’est  surtout  pour  distinguer  la  seconde  personne  masculin  singulier 
du  prétérit  de  la  première  personne  singulier  de  ce  même  temps 

c ^ ✓ 

qu’on  ajoute  les  pronoms  personnels.  Or  le  mot  katabt , tout 

court,  représente  aussi  bien  „vous  avez  écrit”,  que  „j’ai  écrit”.  Le 
dialecte  du  Hadhramout  ne  connaît  pas  la  forme  de  convenance  ou 
de  politesse  consistant  à sc  servir  de  la  deuxième  personne  du 
pluriel  pour  marquer  le  singulier.  On  tutoie  tout  le  monde.  C’est 
seulement,  quand  on  parle  ou  qu’on  écrit  à un  individu  d’une  position 
sociale  très-supérieure , que  l’on  emploie  quelquefois , au  lieu  de 

' G ^ G > G ✓ ^ 

! ou  de  CS-,  ^ li=».  Dans  le  style  épistolaire  toutefois,  on  se  sert 
de  préférence  des  pronoms  de  la  première  et  de  la  seconde  personne 
du  pluriel;  mais  ceci  n’a  rien  à voir  avec  l’emploi  en  français  de 
„vous”  au  lieu  de  „tu”. 

La  conjugaison  du  pronom  personnel  isolé  est  comme  suit: 
Singulier.  Pluriel. 

✓ C ^ G ^ 

1 p.  in.  ^ anâ.  1 p.  c.  nahnn  (1). 


(’)  Dans  la  vallée  de  Kasr  on  dit  nehâ, 


249 


Singulier. 


Pluriel. 

y ('l 


1 p.  f.  anî. 

2 p.  c. 

lÿjl  èntou. 

c* t 

2 p.  m.  e^-'l  ènt  ou 

enté.  3 p.  m. 

hum. 

î 

2 p.  f.  èntî. 

5 p.  f. 

O 

^ hin. 

3 p.  m.  y*  hou. 

3 p.  f.  ^ hi. 

c 

L’emploi  de  ^ , dans  le 

commencement 

d’une  phrase, 

Singulier. 


masculin  ou  le  féminin  indifféremment,  est  inconnu. 

Les  pronoms  personnels  suffixes  dénotant  le  génitif  se  conjuguent: 

Pluriel. 

nâ. 

2 p.  m.  CS-  ak  ou  ^ k.  2 p.  m.  ^ hum. 

c 

kih 


1 p.  c. 


1  p.  c. 


un. 


2 p.  f.  tjL.  ich  ou  O ch.  2 p.  f. 

° o ; 

3 p.  m.  <x_  oh  ou  * h.  5 p.  m.  ^ hum. 

✓ C/ 

5 p.  f.  la  hâ.  5 p.  f.  hin. 

Si  le  pronom  suffixe  ^ s’ajoute  à un  mot  terminant  par  un  Sokoun, 
on  le  prononce  souvent  comme  'A-  anâ.  On  dit  et  ^Jlc  tout 

aussi  bien  que  WU*.  et  'Aa'x.  Puis,  après  les  prépositions  ^et^^- 
le  pronom  suffixe  de  la  première  personne  du  singulier  n’est  pas  i : 
on  l’exprime  en  donnant  au  u?  final  un  Sokoun-,  „vers  moi”  et  „sur 

C ✓ ^ 

moi”  sont  respectivement  ^ et  à prononcer  ilaij  et  ’alay.  Après 

* 

tous  les  autres  mots  se  terminant  par  une  voyelle  le  suffixe  se 

s S ? t s ' ' ' 

change  en  ^ p.  e.  abouï  „mon  père”,  ’açâï  „mon 

S " 

bâton”,  qâdhiï  „mon  juge”,  etc.  Par  contre,  si  les  pronoms 

suffixes  de  la  seconde  personne,  dans  les  deux  genres  du  singulier,  et 
de  la  troisième  personne,  au  masculin  du  singulier,  doivent  être  placés 
après  un  mot  se  terminant  par  une  voyelle,  ils  perdent  leurs  voyelles 

>■*  y 

caractéristiques  — > — * — , et  il  n’en  reste  que  les  consonnes  ^ \ 


250 


c fl  O fl 

(^,  * avec  le  Sokoun.  Ainsi  l’on  dit  p.  e.  abouk  ou 

o y t 

abouch  „ votre  père”,  abouh  „son  père”.  Le  y final  des  prépositions 
1 et  prend  en  outre  le  Sokoun  et  l’on  prononce  p.  e.  ilaik, 
ilaich,  ilaih,  etc. 

Les  pronoms  personnels  suffixes  dénotant  l’accusatif  sont  les  mêmes 
que  ceux  du  génitif,  à la  seule  exception  des  suffixes  de  la  première 
personne.  Le  suffixe  du  singulier  n’est  point  mais  pour  le 

x ✓ c ^ 

masculin,  et  ^ pour  le  féminin;  tandis  qu’au  pluriel  on  dit 
pour  les  deux  genres.  L’emploi  de  deux  pronoms  personnels  suffixes, 
à l’accusatif,  après  un  verbe,  est  inusité.  On  donne  de  préférence 
un  autre  régime  au  verbe,  c’est-à-dire,  au  lieu  de  deux  accusatifs,  un 
accusatif  et  un  datif.  Il  n’y  a que  quelques  verbes  très-usités  ayant, 
dans  l’arabe  littéraire,  deux  accusatifs,  qui  les  ont  gardés;  mais 
alors  le  second  accusatif,  s’il  est  un  pronom,  est  exprimé  par  la 

tu  o ai  ✓ c ç 

particule  Ll.  On  dit  par  exemple  * VJ  LUacl  „il  me  l’a  donné”, 

£ I i 

au  lieu  de  dans  l’arabe  littéraire. 

L’expression  b,  dans  le  sens  de  „tandis  que”,  quoique  en  . 
usage,  n’admet  point  qu’on  y ajoute  des  pronoms  personnels  suffixes. 

J J U tout  court  signifie  „tandis  qu’il”;  dans  le  cas  où  l’on  voudrait 

o » 

exprimer  p.  e.  „tandis  que  vous”,  il  faudrait  dire  etc. 

La  particule  )j,  dans  le  sens  de  „voici”  et  joint  à un  pronom 
personnel  suffixe,  sujet  de  la  phrase,  est  inconnue  en  Hadhramout. 
Nous  allons  rencontrer  cependant  cette  particule  plus  loin  dans  un 
autre  sens.  Enfin,  quand  on  emploie  comme  sujet  d’un  verbe  deux 

* ^ x «J  ^ 

pronoms  personnels  joints  par  la  conjonction  Llj  p.  e.  Ul5  fi 
n’est  pas  permis  d’en  retrancher  le  premier  et  de  dire  p.  e. 

o oi  C*  . • • 

„vous  et  moi,  nous  irons”,  au  lieu  de  U! 

ou  de  o-iïj  L)  Les  mots  et  J Lo  s’emploient  avec  les  pronoms 
personnels  suffixes,  comme  avec  tout  autre  mot  au  génitif.  C’est  à 
l’aide  de  ces  mots  qu’on  forme  aussi  les  pronoms  possessifs  „le  mien”. 


251 


etc.,  quand  il  n’y  a pas  de  nom  d’objet  à exprimer.  Lorsqu’au 
contraire  il  y a un  nom  à exprimer,  il  faut  le  répéter;  on  dit  p.  e. 

O s - O jJ 

„mon  livre  et  le  tien”.  offrirait  un 

contre-sens. 

Le  pronom  réfléchi  s’exprime  par  le  mot  avec  le  pronom  suffixe 
de  la  personne  exigée  par  la  phrase.  Jamais  on  n’ajoute  le  pronom  isolé 
au  pronom  suffixe  pour  mieux  particulariser  la  signification  de  ce 

't  c, 

dernier:  ut  pour  „à  moi-même”,  <ü,  pour  „à  lui-même”,  et 
lût  pour  „mon  livre  à moi”,  sont  des  expressions  que  l'on 

n’entend,  dans  l’Archipel  indien,  que  de  la  bouche  de  métis. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  ou  tla,  s J ou  ou  bien 

✓ O /■  ✓C  ✓ > /« 

et  ou  pour  De  la  même  manière  on  forme  les 

O,  . O # C O O C S-  s' 

dérivés  ou  A et  ^ ou  CS^,  l)W» 

et  CSjJ  ne  sont  pas  en  usage,  et  il  en  est  de  même  de  la  lettre  * 
au  lieu  de  etc.  Les  pronoms  démonstratifs  peuvent  se  placer 

tout  aussi  bien  avant  qu’après  les  substantifs  auxquels  ils  ont 
rapport.  Seulement,  en  cas  que  l’on  mette  le  pronom  démonstratif 
avant  le  substantif,  il  doit  se  confondre,  dans  la  prononciation,  avec 

C > oî 

l’article.  Ainsi  „cet  homme”,  se  prononce  dsâr-radjul.  La 

répétition  du  pronom  démonstratif  après  le  substantif  p.  e. 

pour  donner  plus  d’énergie  à la  signification,  est  encore  hors  d’usage. 
Le  pronom  relatif  est,  pour  les  deux  genres  et  nombres,  ou, 
dans  ses  formes  abrégées,  ou  i S*.  Jamais  cependant,  on  ne  se 

sert  du  pronom  démonstratif  comme  équivalent  de  la  conjonction 

L c 

„que”.  „Celui  qui”,  „celle  qui”  se  rendent  ordinairement  par  ^ 

O ✓ 

au  lieu  de 

° o ^ 

Les  pronoms  interrogatifs  sont  {j<,  plus  usité  que  „qui”,  pour  les 
personnes,  et  ^ „qui”  ou  „quoi”,  pour  les  animaux,  le  pronom 

t ^ 

interrogatif  U n’étant  plus  en  usage.  „Quel”  se  rend  par  cf  ^ ou 
Les  pronoms  interrogatifs  eiy^A  y*4’  WA  Ul,  Ul, 


252 


^UA  ^a>Ul,  et  donnés  par  Caussin  de  Perceval, 

n’appartiennent  point  au  dialecte  du  Hadhramout. 

Les  noms  des  nombres  de  1 à 10  sont  comme  ceux  donnés  par 

G x x x x x 

Caussin  de  Perceval,  à la  seule  exception  qu’on  dit  et  au 

g x x g x £ 

lieu  de  ^ 'j  et  de  ; tandis  que  est  employé  généralement 

^ ^ G x G - G 

dans  la  forme  abrégée  de  Et  puis  on  dit  constamment 

g x ^ 

pour  le  mot  n’étant  connu  comme  numératif  que  dans 

le  sens  de  „une  paire”. 

Les  nombres  de  11  à 19  sont  les  mêmes  pour  les  deux  genres, 


c’est-à-dire: 


\^X.WJ  ( 1 ) 

G x x xG 

O xx  x xG  x 

y^z.  Lu  ^ 

<///  XXXX 

O x x x C x x 

yLc  àJ  & 

üUi'  (2) 

G x x x/xCÎ 

C x x X x O 

C X-  x-  X X G X 

jkLkZ 

O x G J 

Cxx  Gx 

pluriel  de  *£^0  est 

»G  xx 

300  est  400 

G x 

Million”  se  dit  pi*  et  „cent  mille”  Ce  dernier  mot 

s’emploie  indistinctement  comme  singulier  et  connue  pluriel. 

✓ l 

Des  numératifs  ordinaux,  remarquons  que  pour  le  féminin  de 

WJ  C ^ oJ  ’t  & * 

JZ  n’est  pas  en  usage.  On  dit  et  quelquefois  Par  contre, 

yj.  t A 

on  ne  dit  point  011  Les  numératifs  ordinaux  au-dessous 

de  1 1 ne  sont  jamais  remplacés  par  les  numératifs  cardinaux,  et  puis 
les  signes  pour  exprimer  les  fractions,  tels  que  Caussin  de  Perceval  les 
donne,  sont  inusités.  On  connaît  seulement  le  signe  / pour  „la  moitié” 
(u^),  < pour  „un  quart”  (gj),  £>  pour  „trois  quarts”  (çî/  ^ 


(*)  Non:  jmS. 

(2)  Non  \ ixi  1*0* 


253 


cl  £ pour  „un  huitième”  (^J.  Ceux  qui  ont  été  en  contact  fréquent 
avec  les  Européens,  se  servent  quelquefois  de  notre  système  d’écrire 
les  fractions  ordinaires,  mais  ceux-là  ont  adopté,  en  même  temps, 
les  chiffres  européens.  Aussi  expriment-ils  les  fractions  ordinaires 

S-  ✓ o S-  S- 

comme  nous  p.  e.  £^1  &&  „trois  quarts”,  &*ij\  ^quatre 

cinquièmes”,  etc. 

Avant  d’entamer  les  prépositions,  adverbes,  conjonctions  et  interjections, 
il  me  reste  à faire  quelques  observations  lexicologiques,  au  sujet  des 
mots  donnés  comme  exemples  dans  le  cours  de  la  grammaire  de  Caussin 
de  Perceval. 

g 

p.  1.  et  iyï  ne  sont  point  en  usage  dans  la  conversation. 

£ >*■  — c- 

Pour  „père”,  on  dit  abou  plur.  et  quelquefois 

...  c > * f 

Au  lieu  de  „aiguille”  on  se  sert  du  mot  )oys^o,  ^ „mère”  a le 

t,  5 f 

pluriel  au  lieu  de  ^->W. 

g /• 

,,2.  est  seulement  en  usage  dans  le  sens  de  „ceinture  de 

femme”  ( l).j  ^ pl.  j V. J est,  en  Hadhramout,  le  mot  ordinaire  pour 
„maison”,  mais  inusité  dans  l’Archipel  indien  (2). 

p.  4.  est  seulement  connu  dans  le  sens  de  „tradition 

relative  au  Prophète”. 

o ^ ^ 

p.  5.  Le  mot  lU=-  est  peu  en  usage  et  seulement  pour  „chameau 
de  prix”.  Au  reste,  les  mots  pour  les  différentes  sortes  de  chameaux 

G } G ^ ^ 

ont  été  données  p.  81.  Pour  „enroué”  ou  dit  „enrouement” 

G ^ 

est 

^ ^ > 

p.  6.  est  inusité;  on  dit  J àj*>. 

G > 

p.  7.  ne  signifie  pas  „maladie”  en  général,  mais  une  maladie 

spéciale  de  l’estomac,  se  manifestant  par  un  manque  d’appétit  et  une 
exténuation  du  corps. 


(1)  V.  p.  100. 

(2)  V.  p.  62  et  236. 


234 


p.  8.  se  dit  d’un  sac  qui  se  vide  par  suite  de  ce  qu’on  y a fait  un 

trou.  ou  est  entièrement  inusité, 

p.  10.  Le  verbe est  inusité. 

p.  11.  y J signifie  1°.  „service  à café”,  2°.  ..boussole”.  Dans  la 
signification  de  „banlieue”,  le  mot  est  inconnu.  Puis  est  inusité: 
les  mots  en  usage  pour  ânesse  ont  été  donnés  plus  haut  (‘). 

x c ^ 

p.  12.  „Gêne”  n’est  pas  niais  une  „mouche”  s’appelle 

^ i ' c 

S-i comme  nous  l’avons  vu  plus  haut  (2);  un  „arbre”, 

✓ G £ s s s s > s ' 

pl.  .Isuil  (3);  signifie  ..chagrin”;  mais  ..soupir”  se  dit  ; 

* i ^ t**s 

ïf* *-  plur.  f>-  est  une  ..charge”,  ce  qu’un  homme  ou  un  animal  peut 
porter  à la  fois.  Le  mot  en  usage  pour  ..souris”  a été  donné 

c y c > 

plus  haut  (4)  et  est  inconnu. 

p.  13.  ..servante”  est  inusité.  Il  en  est  de  même  du  masculin 

jx». ).  Ljj  est  encore  un  mot  inconnu  (5).  Attendu  qu’il  n’y  a 

Cs 

pas  de  roses  en  Hadhramout,  le  vulgaire  ne  connaît  pas  le  mot 
dans  cette  signification,  mais  bien  dans  celle  de  ..fièvre”.  On  dit 

G 9 s ***  > 

aussi  àjjl*  ..celui  qui  a la  fièvre”.  Le  mot  littéraire  est  cependant 
usité  aussi,  surtout  par  les  classes  lettrees. 

G ^ » 

p.  14.  Nous  avons  déjà  parlé  de  et  de  (G),  est  un 

mot  inusité. 

p.  18.  Les  mots  et  ont  été  expliqués  plus  haut  (7). 

y c s 

Pour  ..brodé”  on  dit 

G SS 

p.  20.  „Fils”  est  ^ pl.  ûïjî.  Le  mot  ^ s’emploie  seulement 

G y s 

dans  le  style  élevé  ou  officiel,  et  l’abrégé  J>.  pl.ÿj  dans  les  généalogies. 


C)  v.  P.  8t. 

(*)  V.  P.  82. 

G ^ 

(s)  signifie  „herbe". 

O V.  p.  82. 

^ y 
»»  • 

(5)  Sur  JJ  y,  voyez  p.  65. 
(e)  V.  p.  236  et  246. 

(’)  V.  p.  34  et  65. 


255 


Le  mot  ^ est  souvent  remplacé  par  4,  surtout  dans  la  vallée  de 
Dou’an. 

O oJ/»  o ^ 

p.  21.  „Portefaix”  n’est  pas  d^c,  mais  JL^,  et  le  pluriel  de 

O J y x' 

„coupe”  est  non-seulement  , mais  aussi 

p.  29.  Au  lieu  de  et  de  tjLilac,  on  dit  communément  ^ 

et  plur.  ^ (‘). 

p.  34.  Les  mots  et  ne  sont  pas  en  usage, 

p.  41.  Le  mot  n’est  pas  en  usage. 

p.  42.  X «attendre"  11’est  pas  en  usage.  On  remplace  cette 

forme  par  la  forme  V. 

ui 

p.  43.  Quoique  ^ s’emploie  encore  dans  la  grammaire  dans 

G ^ C £ 

l’expression  d* *^,  «sourd”  se  dit  fü-al.  De  même  on  dit  pour 

c ^ c’f 

«muet”  non  comme  dans  l’arabe  littéraire,  mais 

p.  52.  Le  mot  .Le  pour  11e  signifie  jamais  «assourdir"; 

ui  ) 

ccst  seulement  la  racine  de  «façonner’’,  «peindre",  de 

C ’jj 

,. forme”,  «image",  et  de  «peintre”, 

p.  53.  Le  mot  est  entièrement  inconnu, 

p.  55.  IV  n’est  pas  en  usage. 

p.  64.  L’impératif  de  'V  est  et  non  Nous  avons  déjà 

parlé  de  \s\  (2).  et  sont  des  formes  inconnues:  on  se 

sert  seulement  de  ufjt. 

p.  68.  V n’est  pas  en  usage. 

p.  69.  ne  signifie  point  en  Hadhramout  «laboureur",  mais 

«vagabond’’.  Celui  qui  cultive  son  propre  champ  s’appelle 

c ✓ 

plur.  &j*-,  et  le  laboureur  à gages 

p.  70.  «Belle-mère”  11’est  pas  mais  2 U-  et  de  même  «beau-père" 

u>  ^ 

est  mots  qui  ont,  en  outre,  leur  signification  juridique  de  «tante 
maternelle"  et  de  «oncle  paternel".  est  un  mot  inconnu. 


(2)  Selon  quelques-uns  les  mots  et  doivent  s’écrire  avec  un  V.  p.  239. 

(*)  V.  p.  232. 


/ 


256 

ul 

j).  72.  signifie  tout  aussi  bien  „menuisier”  que  «charpentier’'  ; 

C 3 ✓ C oJ  > 

le  pluriel  île  est  irrégulier  le  métier  de  sellier  n’existant 

pas  en  Hadhramout,  le  mot  y est  inconnu. 

p.  73.  Le  mot  >— * ^ n’est  pas  en  usage.  „Pain”,  de  toute  sorte, 

O j Ci  y y 

s’appelle  Le  pluriel  de  est  jj^. 

uJ  • 

p.  75.  Nous  avons  déjà  parlé  des  mots  ^ et  (*'  (')■  P°ur 

) £ 

^-1  on  dit  ordinairement  le  plur.  est  tandis  que  le 

plur.  de  oô*'  est  ^ 

c y 

p.  77.  pour  „veuf”  n’est  pas  en  usage;  on  dit  j IL, 

expression  qu’on  n’emploie  pas  pour  désigner  un  jeune  homme 

O **  s Ci  i 

célibataire.  On  appelle  celui-ci  pl.  Une  jeune  fille 

C yyi't  y Ci  C ' t 

non  mariée  s’appelle mais  „veuve”  est  *LciL  pl.  <J-<M 

" m'ct  ' ' J 

est  souvent  employé  pour  1 „Arménien”. 

c y i 

p.  81.  Le  pluriel  de  JjL:  n’est  pas  niais  JLlc,  et  „fou”  se 

C i C y C'  y'  ' 

dit  pl.  Le  mot  signifie  „fou  furieux”. 

p.  85.  n’est  pas  en  usage.  Un  volume  d’un  ouvrage  s’appelle 

Ci  c 

V=>-  ou 

p.  86.  Celui  qui  monte  un  animal  s’appelle  <*-^1 j ; celui  qui 

C -j)  y C y 

monte  un  cheval  ^ signifie  „celui  qui  a beaucoup  de 

perspicacité”. 

C y ' C ^ 

p.  90.  „Ici”  n’est  pas  mais  Lia.  Là-bas  est  i^-Tlia. 

c s i ' " 

p.  92.  „Moucboir”  s’appelle  J1'-»;,  mot  qu’on  ne  doit  pas  confondre 

C y C s s s C s C * * 

avec  J Le,  plur.  de  ô~°j  „sable”.  pl.  a ]a  signification 

de  „parente  à un  des  degrés  prohibés”. 

> C /•  G s C 1 

p.  96.  „Content”  n’est  pas  mais 

Maintenant  je  vais  parler  des  prépositions,  etc.  El  d’abord,  j’ai 
à faire  l’observation  que  le  dialecte  du  Hadhramout  admet  aussi 

Cy  C C y 

l’emploi  de  prépositions  doubles:  O?  et  beaucoup  d’autres 

" ' S. 

(*)  V.  p.  253  el  254. 


257 


sont  d’un  usage  fréquent.  Puis,  les  prépositions  J et  suivies 
d’un  pronom  personnel  suffixe,  sont  souvent  remplacées  par  M cité 
plus  haut  (* *):  pour  CJsXc  on  peut  dire  A>b>.  Au  lieu  de 

Os  Oy  t 

^—Sjo  on  entend  aussi  <— L’emploi  de  ^y,  dans  le  sens  de  „il 
y a”,  est  très-fréquent  (2),  mais  on  n’y  ajoute  jamais  un  on  ne 

o «•  % 

dit  ni  (j A,  ni  Par  contre,  le  mot  ^y  s’emploie  encore  pour 

exprimer  l’impératif  ou  plutôt  l’optatif:  „il  faut  qu’il  y ait”.  Le  mot 
A pour  „il  y a”,  est  inconnu,  de  même  que  l’emploi  de  ^y,  dans 
le  sens  de  „pouvoir”.  Pour  l’expression  „il  n’y  a pas”,  nous  en 
parlerons  en  traitant  des  adverbes  négatifs. 

CO  O y O* 

Non-seulement  on  dit  mais  encore  toutefois  ni  l’un, 

ni  l’autre  n’est  suivi  de  la  conjonction  iJ  pour  exprimer  „afin  que”. 

o c 

Quoique  l’on  se  serve  de  l’expression  A ^ 011  ne  dit  point  U- 

tout  seul,  dans  le  sens  de  la  préposition,  française  „pour”. 

c s ' O y 

Au  lieu  de  JA  on  dit  de  préférence  mais  non  <_f j . Ce  dernier 
mot  signifie  „à  la  manière  de”,  mais  il  n’implique  pas  l’idée  d’égalité, 

O C,/  O y 

comme  c’est  le  cas  de  JA  0u  'A’-  '—A  et  JA,  sont  employés 
comme  dans  l’arabe  littéraire. 

L’emploi  de  substantifs  et  d’adjectifs,  comme  adverbes  est  fréquent; 
mais,  du  moins  dans  la  conversation,  l’emploi  de  la  terminaison  ^ de 

* y£  * o'i  * O' 

l’arabe  littéraire,  est  restreint  à quelques  mots  p.  e.  Al,  Li>l,  Lai,  etc. 

O y 

et  i — sont  inconnus,  mais  r*A  est  en  usage.  Au  lieu  de 

^ } O y ) " 

on  entend  souvent  a seulement  le  sens  de  „fort”; 

C ✓ jî/’O  £ 

„très”  se  traduit  par  ^ (3)  ou  par  et 

sont  inconnus.  f A ne  s’emploie  que  comme  substantif  „fin”. 


(*)  V.  p.  250. 

(*)  „eau"  (C.  d.  P.  p.  119)  n’est  pas  du  dialecte  du  Hadhramout:  on  dit  L« 

comme  dans  l'arabe  littéraire.  V.  p.  68. 

O s O s- 

(’)  On  place  après  l’adjectif  qu’il  modifie,  et  puis  on  dit  même 

O y C s O s 

et 


17 


258 


n’a  jamais  un  pronom  suffixe.  Il  paraît  que,  dans  quelques 

Cs'  O x G /•/< 

localités,  on  se  sert  de  (j dans  le  sens  de  Le  mot 

est  d’un  usage  fréquent. 

a seulement  la  signification  de  «besoin”,  «nécessité”,  comme 
dans  l’arabe  littéraire;  n’est  pas  en  usage.  Il  en  est  de  même  de 
et  de  ses  dérivés.  La  traduction  de  „ici”  et  de  „là-bas”  a été 
donnée  plus  haut  (* *).  Il  me  reste  cependant  à ajouter  ici  que  la 

ut  S 

tribu  des  Homoum  emploie  encore  le  mot  pour  (2). 

G ^ G ✓ ' Oui 

Au  lieu  de  ^ on  dit  En  outre  on  a les  expressions 

G £ G O s ' 

( j*)  et  i_s^’  mais,  au  lieu  de  la  dernière,  on  dit  aussi 

0 B G a*  s*  G 

tout  court.  „Quelque  part”  s’exprime  par  u «Dans”  est  J 
et  non  est  inconnu;  pour  on  dit  ou  bien 

oJ 

et  ne  sont  pas  du  dialecte  du  Hadhramout:  l’adverbe 

„tard”  se  traduit  par  ^ ou  Par  une  expression  analogue. 

' ^G  j C/ 

«Deinaiu  soir”  se  dit  «après-demain”  après-demain  soir 

s S S ' ' lOx  (//•  ✓G  ^ 

abUll  ou  simplement  après-après-demain  Sja>. 

et  sJo  signifient  «demain  matin”.  Pour  «hier  soir”  on  dit  ' plutôt 
,.  . . . * ° ‘ 
que  xnais  teyw  > est  inusité.  «Hier”  est  «avant  hier” 

(j^l  Jjl  ou  ï (u"*}  (*V’  '***"»  et  ^ sont 

entièrement  hors  d’usage. 

G x- 

a&j  signifie  «après”  et  «tout  à l’heure”,  mais  point  «encore”  ou 

G y*  X- 

«jusqu’à  présent”.  J 'j  pour  «encore”  est  connu;  mais  on  dit  de 

G ✓ 

préférence  Cet  adverbe  se  construit  de  préférence  avec  un  pronom 
personnel  suffixe  etc.  à\c  signifie  aussi  «plus”,  ^ U 

ou  j le  5!  „ne  ....  plus”.  «Pas  encore”  est  ^ et  *• 

MJ  et  )ÿ,  ne  sont  pas  du  dialecte  du  Hadhramout. 

G *—  G O 

«Maintenant”  est  ou  <*>  et  ce  dernier  mot  signifie  aussi  «alors”. 


(*)  V.  p.  256. 

G 3 . 

(*)  Oii  ne  dit  point  ctuî. 


259 


signifie  „depuis  peu”.  j=-  et  jhl^  sont  hors 

' ' **J--  O^-uJ 

d’usage.  V signifie  „bien”.  „Ensemble”  se  dit  J»-  est  „deux 

ui 

fois”,  „la  seconde  fois”,  mais  à ces  exceptions  près,  le  substantif 

° J ° *"  JJ  Oi 

„fois”  se  traduit  plutôt  par  ; lasc*  qUe  par  yc.  signifie  „au 

plus  haut  degré”,  „très”.  \ n’est  pas  en  usage  comme  particule 
indiquant  l’actualité,  mais  |;_j  est  devenu  l’adverbe  interrogatif.  On 
pourrait  le  rendre  par  „est-ce  que”.  Cet  adverbe  admet  d’être 

i-  y y 

construit  avec  des  pronoms  personnels  suffixes,  par  exemple 
ivarâï,  „est-ce  que  je”,  warâk,  „est-ce  que  tu”,  „est-ce 

qu’il”,  etc. 

i. 

Les  adverbes  interrogatifs  de  Carabe  littéraire  ï et  Ja,  sont  tombés 
en  désuétude  dans  la  conversation.  Souvent  aussi  on  indique,  par  la 
simple  modulation  de  la  voix,  que  la  phrase  est  interrogative. 

„Ainsi”  est  et  non  ou  Nous  avons  déjà  parlé  de 

o ^ 

(»).  Ajoutons  ici  que  l’on  ne  s’en  sert  jamais  dans  le  sens  de 
„comme”,  de  „de  même  que”,  ou  de  „lorsque”. 

i*J 

et  sont  inconnus.  „Combien”  est  ^ ^>1  ^ 

1*1  O/- 

ou  sont  hors  d’usage.  Pour  on  emploie  de  préférence 

^ j • '-SJ  4>  '-SJ  U*25  V.»  sont  encore 

inconnus.  Pour  exprimer  „je  te  prie”  ou  plutôt  „je  te  supplie”, 

o ^ ^ 

on  se  sert  de  CS^Uj.  L’expression  française  „s’il  vous  plait”  se 

o tZyy 

traduit  par  J-âsu,  quand  elle  a la  signification  de  „ayez  la  bonté  de” 

Z O G oJyy 

p.  e.  „asseyez-vous  s’il  vous  plait”  Quand  au  contraire 

G C-j)  ✓ 

elle  constitue  une  manière  polie  de  dire  „oui”,  on  se  sert  de 
Ce  dernier  mot,  prononcé  sur  un  ton  interrogatif,  se  traduit  par 

J O y Gy  G y y 

„plait-il”.  On  rend  „merci”  par  (2)  ou  par  JJ  CS)j\js-, 


(*)  V.  p.  257. 

> <;'  JC-f  i i /(,  i , 

(*)  Abréviation  de  De  même  on  dit  jLaàyl  1 pour  h&Js-j  1 L ^ 

c est  une  manière  polie  d'annoncer  son  intention  de  partir,  quand  on  rend  visite  à quelqu'un. 


260 


d’après  ce  que  le  mot  merci”'  a le  sens  d’un  refus  poli  ou  d’une 
expression  de  reconnaissance.  En  outre  le  mot  a conservé  sa 
signification  primitive  de  „je  vous  présente  mes  excuses”. 

G-' 

L’adverbe  négatif  ^ suivi  du  jussif  est  très-peu  en  usage  dans  la 
conversation.  La  négation  s’exprime  ordinairement  par  '»*  ou  par 
„I1  n’y  a pas”  se  traduit  par  y*  U ou  ^ b,  d’après  ce  que  la 
négation  se  rapporte  à un  objet  ou  à un  animal,  ou  bien  à un  être  humain. 
Les  mêmes  expressions  s’emploient  pour  „aueun”  et  „nul”.  ^ exprime 
encore  le  vétatif  (*),  et  puis  on  se  sert  de  cet  adverbe  pour  dire  „non”, 
connue  réponse  à une  question.  Dans  la  dernière  acception,  c’est 

O ^ xO ? x 

l’opposé  de  ou  ^ signifie  „sans”.  Enfin  il  faut  encore  noter 

(,//  x- 

l’expression  (y-  pour  „gratis”. 

Mes  observations  sur  les  conjonctions  ne  sont  qu’en  petit  nombre. 
Dans  le  dialecte  du  Hadhramout,  la  conjonction  j ne  se  prononce 

OJ  X' 

ordinairement  pas  ou,  mais  wa,  comme  on  l’écrit.  Puis  y^»-  n’est 

x ( C x V 

jamais  abrégé  en  ^ , ni  ne  se  remplace  par  y U y signifie  „mais” 
et  non  „donc”.  Ce  dernier  se  rend,  quoique  par  exception,  par  u'A 

oJ 

au  lieu  que  ^ ^1  n’est  point  en  usage.  Toutefois  „donc”  s’exprime 
le  plus  souvent  par  la  conjonction  1 — ’•  y ^ est  inconnu,  et  ^ 
n’a  jamais  d’autre  signification  que  celle  que  nous  avons  déjà 
mentionnée  (2).  „Lorsque”  est  ÿ*. 

G O 

u'  et  sont  tous  les  deux  en  usage.  Seulement  le  second 

t s 

admet  une  construction  avec  un  pronom  suffixe,  ce  qui  n’est  point 

G > 

le  cas  du  premier.  On  dit  p.  e.  y „s’il”,  mais  Au  reste 

C G "f  uJ 

est  souvent  employé  au  lieu  de  Il  eu  est  de  même  de  u' 

S w t s. 

au  lieu  de  y surtout  par  le  bas  peuple.  Quant  aux  classes  lettrées, 

O ? 

elles  observent  généralement  la  différence.  Toutefois  l’emploi  de 


(l)  Un  vétatif  plus  marqué  est  celui  à l'aide  du  mot 

..prenez  garde  d'aller”. 

(*)  V.  p.  257. 


p.  e 


'J*?  J 


A»!  1 


261 


J 

et  de  est  assez  restreint.  Après  le  verbe  ^ „espérer”  et 

C Cf 

ses  dérivés  je  les  ai  entendus  toujours;  après  J**-  «ü  se  peut”, 
on  les  emploie  ordinairement;  mais  à ces  deux  exceptions  près,  la 
proposition  incidente  se  place,  surtout  dans  la  conversation,  le  plus 

souvent  après  la  proposition  principale,  sans  l’intermédiaire  d’une 

if 

conjonction.  au  lieu  de  ^ est  inusité.  Aujoutons  encore 

que  la  conjonction  ^ s’emploie  aussi  très-souvent  là  où  il  faudrait 

CS 

dire,  dans  l’arabe  littéraire,  ^ . Les  interjections 
et  sont  inconnus. 

Au  lieu  de  V.,  on  dit  ordinairement  <^,  sans  y rien  ajouter. 
Dans  le  cours  de  ce  qui  précède,  j’ai  déjà  inséré  quelques  observations 
relatives  à la  syntaxe.  Je  ne  crois  pas  à propos  d’entrer  dans  des 
détails  ultérieurs  à ce  sujet.  Le  dialecte  du  Hadhramout  a,  en  général, 
la  même  syntaxe  que  l’arabe  littéraire,  la  seule  différence  sensible 
résultant  de  la  perte  des  inflexions  finales  et  du  fait  que  quelques 
particules  sont  tombées  en  désuétude,  ou  ont  été  remplacées  par 
d’autres.  Les  personnes  lettrées  observent  naturellement  mieux  les 
règles  de  la  syntaxe  que  les  illettrées  ; les  Arabes  nés  en  Hadhramout, 
le  font  mieux  que  les  métis.  Souvent  j’ai  cru  avoir  affaire  à une 
expression  qui  s’écartât  des  règles  de  la  syntaxe  de  l’arabe  littéraire. 
En  rencontrant  d’autres  Arabes,  j’ai  fini  par  constater  que  j’avais 
mal  entendu,  ou  que  l’expression  constituait  une  ellipse  ou  une 
anacoluthe.  Toutefois,  eu  égard  à l’extrême  difficulté  d’établir  des 
règles  pour  une  langue  parlée,  et  vu  que  je  n’ai  pas  visité  le 
Hadhramout,  il  se  peut  que  des  recherches  ultérieures  donnent  un 
autre  résultat.  Je  ne  puis  que  reproduire  l’impression  que  j’ai  reçue 
de  l’idiome  parlé  dans  l’Archipel  indien  par  des  Arabes  du  Hadhramout. 


CHAPITRE  III. 


LETTRES  ÉCRITES  PAR  DES  ARABES  DU  HADHRAMOUT. 

Les  lettres  qui  vont  suivre,  ont  été  écrites,  à une  seule  exception 
près,  sans  la  moindre  idée  que  le  hasard  les  ferait  tomber  un  jour 
entre  mes  mains , et  que  j’en  ferais  usage  pour  faire  connaître 
l’idiome  du  Hadhramout.  Ce  n’est  que  celle  que  je  publie  en  dernier 
lieu,  qui  a été  adressée  à moi  personnellement.  Je  puis  donc 
assurer  le  lecteur  que  les  lettres  sont  en  effet  des  spécimens  de  la 
correspondance  des  Arabes  entre  eux.  Il  va  sans  dire  que,  avant  de 
les  publier,  j’ai  changé  les  noms  des  personnes  pour  exclure  toute 
idée  d’une  indiscrétion.  Pour  ce  qui  regarde  les  notes  explicatives,  il 
me  faut  encore  avertir  le  lecteur  que  je  me  suis  borné  à expliquer  les 
mots  et  les  expressions  qu’on  chercherait  en  vain  dans  les  dictionnaires 

* N 

arabes  de  Freytag  et  de  Kazimirski  ou  dans  le  Supplément  de  Dozy. 
Puis,  dans  le  cas  où  il  faudrait  expliquer  un  mot  qu’on  a déjà  rencontré 
dans  le  cours  de  l’ouvrage,  je  me  suis  borné  à renvoyer  le  lecteur  à 
la  page  où  l’on  peut  le  trouver.  Enfin,  je  n’ai  donné  les  explications 
ordinairement  qu’une  seule  fois.  Il  me  semble  que  cela  suffît  pour 
les  arabisants  qui  prendront  quelque  intérêt  dans  ce  dernier  chapitre. 

Les  lettres  ont  été  écrites  par  des  personnes  appartenant  à toutes 
les  couches  sociales.  Quelques  lettres  sont  de  Sayyid  et  de  bourgeois, 
d’autres  de  membres  de  tribus,  voire  de  Bédouins.  Par  conséquent 
ce  ne  sont  pas  toutes  des  modèles  de  style,  mais  seulement  des 
échantillons  de  l’idiome  dont  on  se  sert  en  Hadhramout  et  dans 
l’Archipel  indien.  Elles  servent  en  même  temps  sous  plusieurs  rapports 
de  pièces  justificatives  à ce  que  je  viens  de  dire  dans  le  cours 
de  mon  ouvrage  concernant  le  Hadhramout  et  ses  colonies  dans 
l’Extrême  Orient. 


263 


m°.  t. 

* litX-w»  t dx  <XÜ)  t ^ <xli  ) 

icllr  ç»oUn  ^ ^yd*S)  C (J*?^  (Jl>-  U!  (*)  laiiso  *1!) 

^.CxLc  ^ iL**i)  •#  <^Li)  <l^Jl^j  ^ , ^u>s\l)  tXj  t _ç>  ) AÜ) 

o J j 

r^  ^ix  (3)  A3 ^fti|  <^Jü  C13jJ^£  *Aili^^  Ail)  k*^yj 

uJ  f f 

^..Qas».  iù.i  Lu  ^x^csH  i 3^  La*! ),  (Jjbil)  ^ ( ')  j*^Ü  1*m  ^ ( ')  <ÛjIcj 

C 3 s C £ t 

^*X  L)  * Aà$Ix^  1 Q--^  ' • jX^*’  ' ^3  ^ t^S'  Aid 

uJ  o 

1^%JU2:J\  V_»li^  j^a  àtf,  ^ (j^  ^->t>  US  t—jlxO)  Jj  ^ LUrsir 

or  ..."  ' ',  " 

l^juilsj  l)JÔ  O^sù)  *t-_AK!)  Jj  ^c  C_£jU  ( ) SÂa>  5!j  SaS^o 

_ f 

Uj| Ij^cj  Ülsl«J)  (')  ^jdi  1__>U£S^  <uic  ei^JS  Loj  CU-SlsaJ  )ji^’\ J 

Jô)  <xü)  (9)  lï jL*  Lij^  l2^na»j)  *cXW  jlÿl  C)  CXsySUU  CJU 

y (12)jJwûj‘ Le^KjJÏ  ^j3>  Li^vtS'S)  US’iX!)j  I — ijo  (n)  ^&>MJ  (10)  <USÏ 

jjljuj)  (li)-(J^;^_J  LmXII  (13)  ^jJ  <xl!)  JtlSS  t 1 Cxs*  yj^***^  lii  Le  * t^*û 
(w^axs])  Xc  2s ysS)  )jso  ^sô  LeSj  (16)  (15)  tU/jlc  ^ ) 

- o { 

(— 3ji^  ^k>  ^^.0  IaA_J  ) ^ C/*  V 

itcUai!  ^3  adl)  ^iSlj  l^J  (19)  tl/^3  ^Liyt)jJiS>-  *(18) 

C J 

^<c  ^j3U  ^ybj  I^S'aXsc}  Le  liüb  ) 8^1^-  ^e 


(*)  On  s’attendrait  à un  optatif  )àsL»-,  mais  dans  la  lettre  il  y a l’aoriste  qui,  à la 
rigueur,  peut  s'expliquer  aussi.  (a)  P.  32.  (J)  P.  13.  (4)  ,,Je  n’ai  que  d'agréables 
nouvelles  à vous  communiquer  et  on  y jouit  d’une  bonne  santé".  (5)  V.  Causs.  de  Perc. 
p.  24  n.  1.  (6)  I ..s'attendre  à’’  III  ..attendre".  (’)  P.  252.  (8)  P.  232  et  243. 

(9)  „Le  monde  entier  nous  sépare  actuellement".  (10)  P.  261.  (“)  P.  32.  (,2)  jS*o 

II  ..envoyer".  (13)  ,,I1  faut  qu’il  y ait".  P.  257.  (14)  Jw jj  IV  sans  y rien  ajouter,  signifie 

,, envoyer"  ou  , .remettre  de  l’argent".  (15)  P.  258.  (I6)  „Si  vous  pouvez  encore  vous  en 

procurer",  c’est-à-dire  ,,de  l'argent".  (”)  „Et  de  la  mosquée  je  retourne  chez  moi", 

c’est-à-dire:  „je  n'ai  d’autre  distraction  que  l'étude  et  les  pratiques  de  la  religion".  P.  214. 

(ls)  Phrase  ellyptique:  ,,Ne  nous  oubliez  pas,  dans  quelque  partie  du  monde- vous  vous 

u> 

trouviez".  P.  249.  (19)  t\3  ,,déjà”.  (20)  „I1  faut  que  nous  recevions  quelque  soulagement 

(c’est-à-dire  de  l'argent)  de  file  de  Java". 


264 


è uj  y ui 

1 f*  1 °'  4 lAc  ç£m*&}  1 ÇXA.si  I t ) 

mx  iju/  jLa  Ie  (21)  ^ ^y^tï 

(22)  UjJ)  i^!ll= 

Signature. 

03  X 

Adresse:  u_>U<n  ^L*j  (2S)  ^Aü  ^iXb  s_jU-  ^J) 
^ *Ü)  juL,  JH  ^ JH  (24)  voucftS) 

N®.  «. 

X 5 

Cl^  L_^XXsA)  (♦y^^  ïUsO  *11)  £X«)  <xil  tX^sl) 

u) 

i Çjlio  j Ax)  ^x©  ( ^ ^ cXo  # <xL)  i • ^.CaL^  <x^1aw 

ç^jb  ( ^ ^^iîAxw  cXÎ  ( / AAjlftJ 

U»  ^ CioU».  (°)  jyJ)  (4)  UU,^o  ^U&y)  ^ 

(J^u^>.  C_£Â<  ^^jAxlUa  la»!)  )Âi>  LL£!  UIra-  (jï)  * CJUu 

UJ 

USl^-  ( ) jïÿÏÏ  IaaIawj  Li-^As»-)  i ç3  ^J»A*s^  1aLû3 

1)  a)  X ^ 

^xe  I^AaIamj)  i_CtXi)  j^ù  ( ) {^«^Axo  ^AaIUs  ^Ï)j 

(10)  * c\^^xo  U!  dxoy:  Ujw^  (°)  JT  (8)  jâ!) 

t*J  J u)  J 

*11)  U!  Ai».  (")  Ijuubj  jii  Amie  ,j)l  <j^$j  jS^i) 

*11)  lime  ^g!l  l$Luj)  »)  Axa! t ^*>yÂl)  ô^j  ) A#  J *11) 


(**)  Pour  U'Ull)  „mardi”.  (”)  Cette  expression  dénote  que  celai  qui  signe  la  lettre 
se  considère  comme  inférieur  au  destinataire  surtout  par  rapport  à l'âge.  Dans  le  cas 
opposé  on  se  sert  de  l’expression  ^3  ^gci^SI,  et  dans  le  cas  d'égalité,  de  l’expression 
*ljbj  IciXl)  L^JUs.  (”)  Bclâwi  ..Batavia”.  (“)  La  construction  avec  deux  accusatifs 
de  jjuu  II  dans  le  sens  de  „rcmettre"  manque  dans  les  dictionnaires.  P.  250. 

(*)  L’emploi  de  UiyjiX^  sans  exprimer  le  sujet  est  à la  rigueur  licite,  mais  ordinairement 
# > C f 

on  ajoute  i_5^>-ïl  (*)  Il  est  plus  usité  de  dire  u_>lxCi)  L-^s-^-o  „ce  qui  me 

i>J  t*J 

force  à vous  écrire”.  (3)  Plur.  de  lai-  ..lettre”.  Dans  le  sens  de  ..ligne”,  „raie”,  lai- 

O > N 

a le  plur.  As  liai- A (‘)  Du  malais  ^j*>ÿ  ..droit  au  but",  ..directement".  (5)  Du  hollandais 
post  ..poste”.  (s)  Prononcez:  tolco,  mot  malais  signifiant  ..boutique",  ..magasin"  et  même 
„comptoir"  d’un  négociant  en  gros,  yyill  Jjbl  „lcs  maisons  de  commerce  européennes”. 
P.  134.  (7)  P.  259.  (8)  P.  247.  (”)  P.  52  et  135.  (,0)  p.  259.  (“)  Pour 
P.  261. 


2«S 


* ul  ul  ui 

Le  ^ i\s=klï  y<icsJ) *  *lL«  C^Llc  i!ly»-  «ic^ 

ot  j 

( ' j I A V 1 c'cLij  ^ jXX^JS^y)  y^.w  I I y J 

u) 

• (jjLs^e  » 

Signature. 

Adresse:  j*yC*J)  u_>Ua»  ^Lj  (1S)  CJ^  yL  (14) 

*1!)  <X^JLu  ^yitj  ^yilî  t- 


1°.  3. 

^ j»yisA^J!  |*y£*])  üLso  <kJJJ  ^ILe)  jdl  j**»!) 

i Cj> Lj  x- æJJ)  ^Ldx  ^iLwi)  x-^yA^o)  &1!)  ^Cejiuj  ^yïts 

G ui 

LJ^  ^ iLO  Ixxic  lo^£L>-  (JLS'd)  L t\3j 

1 ^ ^ i.  G ^ uJ 

^ ( ) lL£-»-<s  (^Â!)  (J-^yL  CJL)  cuJxylj  ^ (J»xJL  CJoj 

• ^ « °'*T'  " ’ ^ 

Li»-  ^Jx  (3)  (2)  cSs-^  L Juslslïj  cjllj  c^JUA 

üjy^e  C-^-Lc  LiJI  ÏÂa>  t^_£i  Lia»-  jjDlj  Lü»J  ^x&-Usv « 

Ljjy«  (J  ) j L_L)Àî  (.1^!  Ai  i\«aj  («lis!  (jL  Syy«  ,_g^-  jy^sd  .-^y 

(5)  ^_jy^L  ti/ixc,i  8y*»it  *(^)  es*  ^ynj  yj 

(J-tflsJ)  * LilLo  LL/LaLc^  l^jLi  (6)  LLety  CjLi  yâll  Iwr»)  ^sô  y a^, 
* * lilCeJ  1 i — a^  ijo^-  —y  L«-  *_$“  L (_|IsâJ 

V , -*0  V # > ^ 

&Sy  SyAisve,!)  Aa-[».  t 1 Le  l ( * C-tyl^a.)  t<, 

1 . # • uJ  tU  uJ 

LM*?“  C^yU-  * S-^5  ^Le  £-Ûj  luL!)  icLeUeJlj  LulaU 

C^-LÜm»)  l^p*J  (J**>l»i>Lj  CLLi  i^JÿjL  ü_jy«j 


(12)  Du  hollandais  Scptember  ..septembre”.  (,3)  p.  236.  (lu)  Padang,  chef-lieu  du 
Gouvernement  de  la  côte  occidentale  de  Sumatra.  (15)  Batou  Sangka,  village  situé  près 
de  Padang. 

(*)  P.  46.  (2)  ..Voyez  comment  vous  m'avez,  etc.”.  (3)  R.  250.  (4)  lCi  VIII  „se 

plaindre",  signifie  ici  ..faire  un  procès  à quelqu'un”.  (s)  ..Bienveillance”.  n lM  dans 
le  sens  de  ..espérer”  n'est  pas  en  usage:  on  dit  toujours  y*yi  t_)^>^  II  ..mettre  sa 
confiance  dans  quelqu  un  , se  construit  avec  ,, faire  un  voeu  à”  se  construit  avec  ^J. 

O >*  0 ^ 

Le  substantif  (J^e)  signifie  ..voeu”  et  est  plus  usité  dans  ce  sons  que^Âi,  le  dernier  mot, 
sans  y rien  ajouter,  étant  employé  dans  la  conversation  presque  exclusivement  dans  le 
sens  de  ..avertissement”.  Il  en  est  de  même  de  verbeyÂi  IV  ..avertir".  V.  n.  8 de  N°.  13. 


266 


CSôJM  JU-UU  JS)  (7)  % sOJ  JJ  )i)  U,  C/&1  Uo 

, U>  ) iw 

|JUm J ^ J)j  ^jî  ll/sûj  Sp-M  ^_gi5  Lo*io) 

ôsJI  lik*  c£  Ui&».  L)  ïp.ÿl  c_£juxlk<  ^pô* 

ilS&àj  (9)  CL>^ljpü\  CS»jSj  ^Ju J.  ^pj  ^Lj  (8)  Ci^c  ^pjJUs 

g^g£  ^ G ^ ^ ^ 

t ( ç-^Lv&^j I • ( ^ ^àaI  ^ , ç ( ) ^mj'*A5Uw)  t ^5  L— TiXÂr  Lxl  ^jJb  l^c 

G J 

l— ^ J^XXXk  ‘ ■ ■|Q^J  i_C^'  &SLeï)  **— t ç3  Ijj  AT  I 

> G > -.»  G J 

jsù  _^lsu  ^ ^ y>^_.  ï.po  Üatv  ^pûUs  jzû  ^JuL  ksJ) 

^ G 

(j_^c«  ^ i Uu!)  (,3)  Jj.y^  J^j)) 

( ) &x)  . 1 Cvjw  , c^j  JvÂji  ^siUaîtj  d^JtA  L^  i <G^ 

^^gir  ^pJ  ^Isû  CJ-.Lc  ^pjJlls  (J-clsJ)  *<>ddb  XI  ip  ï_j  Jp-  ♦ 

✓ ) ^ iü  * 

u ■■?! x ( iïJz+2*- 1 * ^ ■■✓  i\C t ajus^.  t 3 ^Ay Isvj  U« 

^J-ûflj  *£!lsl)  (1S)  ïÀJb  (’')  bLS)jj  <-rOl£3lj  u_>^CU 

oJ  uJ  G 

t_l£x<  Lâî  lü  p Lo  ^,Jpj  UaIt  t-pp-j  p*«j  Jppu  vi- 

wJ  w 

u_i2LX!  ,pj  U ^po  ^X  C-^!  (JusÂjK  ^pô  _^U>-  ^Xl  «Ll/liUlc  Ss  ^ 
(J  ) 1 j 5^  -^-î  ^jJ***'  CS^ 

J O)  G ) 

cr*  U Ll^-'  t Uô\  byCj!  US)  Ul».  Uuj 

Jlc  1^  (20)  CJ)ÿi  cS^S6  ^j<  i jpj  *cS^+Àj 

\ji  J ui 

i a v a (22)  pxijj  i»0  ^p*-  lai  ki‘  tXfij  (21) 

ui  > 

Signature. 


. (’)  , )j  II  dans  le  sens  de  ..chercher"  se  construit  non-seulement  avec  ^s.  (V.  Dozy 

Supplément)  mais  encore  avec  (J.  avec  et  avec  l ace.  (“)  P.  261.  (*)  Malais^ lip  ,, affaire", 
..procès",  ..désagrément",  avec  la  terminaison  du  pluriel  arabe.  (10)  Hollandais  acceptalie 

✓ J 

..billet  à ordre".  (*')  Sous-entendu  iMj  ..florin",  mot  malais  devenu  arabe.  (”)  p.  258. 
('*)  „Compte  courant".  (J‘)  Pluriel  malais  de  <üb  ..Chinois",  <ülj  «XjU  ..les  différents  Chinois". 


(’5)  V.  n.  11.  Pour  ce  qui  regarde  la  substitution  de  la  lettre  <—J  à la  lettre  malaie  s_5. 
v.  p.  235.  (’6)  P.  81.  ..Même  le  chameau  léger  lorsqu'il  porte  le  mensonge,  devient  bientôt 
fatigué".  (”)  P.  259.  (,8)  Dans  le  discours  écrit  on  se  sert  ordinairement  de  ïtiJîi  an  lieu  de 
^■Àï.  P.  251.  (**)  P.  260.  (10)  ,,Le  résultat  de  ce  que  vous  n'avez  aucune  conscience  de 
vos  propres  fautes,  c'est  que  vous  vous  verrez  un  jour  bourrelé  de  remords  ".  (”)  (JsC 


Il  dans  le  cens  de  ,, faire  cas  de"  se  construit  non-seulement  avec  J-c  mais  encore  avec  U— ’. 
(,l)  Du  hollandais  November  ,, novembre". 


267 


N°.  4. 


* 

*^rV^  <xü)  juJLw  K^xS)  Jw^Ul) 


^ jAjij  Oi< Xo  *15)  iï*c^*-j j ^XxLc 

-V  ^ J ui 

Ia5^Cj  ^Jm£J^-  *0^  ^ L ^ ^.Cj ) ^ b , bw 

U»  O// 

^ijb\  i3 -Cas  â*Xi  \ j&<k  <Xxoj  ^m^Ia9j£  ( ' j c **  *>  Js  à L« 

^Wj)  tX^  <0  , cXâJ  i Ctki ) t^3  <XaLc  (^  ^ ^ «XxJ)  ^ j ^jX^y  Uo  ^ 


ytUà  ^Ol<aj  ^5*^  ^<xH  ^ <*i  <JL£x*  ^1^3  ^<kS)  lL$ 

(7)  Jo*-  (6)  jCaJj  ^*5  lc<xl)  ü)  <X-viu  l*»  ^lX-Uw  LÜ'^c  ^o 

1>J^  hm*  î?  ^ ^ I^J  J 

<ui  iuu^Jlj  iJ  yjeXu  lL/jJ  ^Ujl^  ( ) liiJIj  il!)  /'^'y.î  '“*;'x  (—Jysj 

uJ  J O ^ 

^_^uj  il  y**Xo  il!)  <Jd  ^0  <xju  ïijlf^î  <J»o2?ô  il  ^i’IrJj  ^XL asu  yi  ^.Uu 
àsujM  Jo^jU  cT5'^  il!)  <A^tr  ^ ^ ^ 5^  &“}1j  liLy)  lb>Xs»-  (9)  ^Xl)  J^~‘ 

»J  y O / 

lÂ>^  ^j-O  ^ *X^0  <xî  Xîi  ( ) ^ 8 tXXC  tXî 

uJ 

b iS-j-s.  (Xî  *U<XAC  <XÜ^-  ^S  btXX£  y$f^ 


^.0  ^)X;^  t K jS*a^ ! &>-L>-  ( ) ijLa^c  l ** — ii- \ ^jl>«w  i_CcXXmj 

uJ  l uJ 

■ Q^)-“^  1 CiXAmJ  * ^Jl^U  L?y  (jlü^C  ^^a1L>  l^*- 

LX  ^JükX  ^libi.  L_^JU»1)  (j-«  Jll^ï!  iili"  I bbb  j»iLJI 

l)^1^  -ci-  ^*Xl  L_^ÏXj  b tX.'  b ^ILb)  {Jjjs*.  i_<Tylx  «Xi^U  ^X!  ^S) 

° ^ • 

ii'iX)jl  (JLwjl  ij^o  ^^^ilajlj  (*J^  ^ OjyCjA»- 

, uJ  l*> 

J^lbic  1 cAXw  'b<iL«  J jlL^  !*Ïm*1)*  l— Xjlsl>-  L ^t\- 


(')  V.  n.  14  de  N°.  2.  (J)  Sous-entendu  ^Xjllii.  (3)  P.  254.  (‘J  ..mettre”, 

,, placer  '.  (s)  V.  n.  6 de  N°.  3.  (6)  Pour  jlc  Hj.  P.  258.  (7)  P.  252.  (8)  jJü*< 

à peu  près  le  même  que  p^!|  ,,etc.".  La  tradition  entière  à laquelle  l’auteur  fait 

U)  ^ 


allusion,  est:  ï j ^ir  ts  ^{c)  IjJU  il})  f=~jy  (9)  En  malaisytlX  du  hollandais 

O j > wJ  ✓ 

i«r  ..charrette”.  On  en  fait  le  pluriel  arabe^^X.  (10)  (Jl».^  pl.  ^x&Xs-j  ..brave", 


..homme  de  coeur".  (“)  ..Affairé”,  Le  substantif  est  ÜZjj.  (12)  P.  257.  (1S)  Pour  jU  U 
P.  258. 


268 


aJjJ)  (Jj>)  i — ^o  |* *Jo4jsS  ^ir  y 

uJ  y 

iavi  üwj  (14)  yÿU)  ,v  ^ jj»- 

O cjy^n 

M° . 5. 

| ^ â*x^*z*  &i  ^ A-<^..v  U iXx*j  dtlH  t > üA^»-  • étU  A^s^i) 

ul 

«jcaLu  y ^jili  fj£d)  ^u£l!  yjs M c-^sv^!)  u^Iâ»!)  ^Slc  t__>li». 

t— îy»-)l)  IJDjX'C  Axsul)  |*3LjJ)  S.j^~  *yL«)  ^gllG’  <*Ü3 

l»wii!  ^j^c  &»\£j  ( ) )*^”'  Li-j  ly  a!  f^j*c  ^soj  ( ) L^jj^aàj 

ai  â u i 5 

xH'  jy»  l*Xi yit-<.  ) UiXJ  j ) \ij  i-  cJ ^ ^ l) ^ ^ 

O (4)  c/^?  1_S^  uT^  /^V5^  S*>j  ^ r 

^!)_j  ÿil  (8)  lÿjJ«  ^.G\  Uiî y (7)  UjU>j  Âxî\a>  (6)  yyJI  (Jjfc)  iîli’j 

O/ 

,r  i_s*  *(9)  c/*|^  u5^  <Jy  *-s!j^î  t>^'  «y 

j*e«  j».3i  yiï  (n)  jLu  y^n  ^_,  (10)  aü  Ji 

^ ^ ul 

lisais  i jï)  iw!)  ^ytayl»  ^G)  lyjy,  yyS’  Jy 

ul 

_jl  yjlÿ  (_5^  ^yob  *J3ysJ3  US  lÿÂxc  3lj  yx  y 

j S&~  ^ ^3  <U  lj ^î  ) &!  W t ^ Si  ^ J ^ bj  ^ J**4  , ^ ^ 

ii»  <dS)  *(n)  fïôS  ^Ay  y,lÿ  J)  31  ! %»!1  u, U’  ^ ^U  3!  3b 3 

^ si  ^s&  L0ti>-  l)^" 

s t i L— t ^ ) ^â>j  ^ t ^Jx 

( c i\!  ^ ^ ) <xj  \j jmj  t ^ Ij  ( ç^j  Loa  ) i+x)  ^ i> j S 

u)  uJ  ^ 

<0  Lj t j ï c/yj  ^ 

('*)  Du  hollandais  Oklober  , .octobre".  (ls)  V.  n.  22  de  N°.  1.  Ceci  est  une  manière 
de  terminer  la  lettre  qu’on  peut  seulement  usiter  envers  quelqu’on  dont  on  est  l’inférieur 
au  plus  haut  point,  tant  par  rapport  à l'âge  que  par  rapport  à la  position  sociale. 

(*)  Sourabaya.  (’)  P.  261.  (’)  Ibid.  (*)  Bouléleng  dans  l’ile  de  Bali.  (s)  Dans  le  discours 

écrit,  GÛ3  est  plus  usité  que  )ÿj)  (P.  249),  mais  dans  la  conversation  je  ne  l'ai  jamais 

ul 

entendu.  (6)  Du  hollandais  brik  , .brick".  (’)  P.  257.  (8)  Awj  ..vider  un  différend  à 

l’amiable".  P.  244.  (9)  ,,Le'  nolis  du  brick  sera  par  tête  et  non  en  bloc".  Le  bâtiment 
était  affrété  pour  le  transport  de  bestiaux.  (10)  „Qu’il  y ait  seulement  12  têtes  de  bétail 

ul 

à transporter,  c'est  bien”.  (”)  (_Jwi  aor.  i ..aller  chercher",  ..emmener”.  (,l)  „Cela  suffit". 
('*)  Du  hollandais  bank  ..banque".  (“)  P.  261. 


269 


( 1 G)  ^ ^ ' <5 ( ) l/5^  ^ 1J''*0  1 — ^ s 

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IV.  G. 


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düU^Sj  <_Q-i  ) ^«.r  AAvjJS  Jou  Lej  |«  y^û  liüiXJ^Ltfj  ^aasvSJ  <ui 

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Uîjls  ^S  ) [&J  iXo  ^aï  U J U yj  ï <k!  UUj  d^U^c 


(15)  Du  hollandais  pas  „passe-port”.  (16)  Grissée.  (*7)  Du  hollandais  Java-Bank  „La 

banque  de  Java",  c’est-à-dire  la  banque  coloniale  officielle.  (l“)  Du  javanais  tegerang  „bois 

3)  j 

de  campêche”,  en  arabe  ^S->-  (l9)  C’est  ainsi  qu’on  écrit  ordinairement  63,05  fl.  (a“)  Du 
hollandais  limonade. 

(')  Dans  le  style  épistolaire  on  emploie  le  mot  ^ I non-seulement  pour  ,,frère’.’,  mais 
encore  pour  désigner  un  ami  qui  est  à peu  près  du  même  âge  que  celni  qui  écrit  la 
lettre.  P.  250.  (2)  Le  chef  de  la  maison  Burt  Myrtle  et  Cie  à Batavia, 


270 


lisj  AÏ  ( ) LJ  ) ( 3)  ) U!  (JUj 

uJ  f, 

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(7)  cT^^*1  .J^  (6)  £}  i_5^  ^ Lls^  Xcl  S,^\x«J) 

(9)  ty***  ***•«  (_5'~  (8)  l)'*^  ^y*u  ^ (jiï  ^jjixo  iüji; 

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J^>L  <*■>)  aJ  Uijij  ^suL  (ûjbL^c  aj)  Jyb;  ax«  tA. o (10)  U 
(n)  ^iïjiXUn  jj&Lk-O  U)  <y^&.yc  ^gL  Jlî  )Lib  ^gi 

( ) Çi  ui^"  (J  ^ ^L~î  4 * * *^=>_  ■ ( l)1^  St\^?  jjJjCj  (JwOjU 

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uJ  ) W)/>  ^ » o o üw 

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uJ  OJ  > 

jJ^j'US)  U)j  US  I — ijC  (Jjj-<j  J le  l^LU  ^£0  C^Aàj  Jjt  U! 

gp-*  kcUssj  ) i_  S.mj  ( ) t ^ aLa>  tX=>-  U ' 10  i3^l)  j»SjïS  8(\!b 

(in)  libyiüsl  Le  (1!î  l$il ojji  .A-usll  ei>*l».  ^jIxa 

Ai!)  Lw  jj  ) ( ) S lS jSoj  Le  ^jsuj  ^oL**«J}  i^0' 

c t c ^ ô> 

jlgÜl  Jj_jj  JLJL  CjLeJvSuL  ^jSU  jj)  ^ÔJy,  ^Lcl  * Lu  j-Usu 

^5*  ^ i'1)  tjp0  (21)  (-U^V.  ^ Lo 


(J)  Pour  |j).  (‘‘)  ..Lorsque  vous  aurez  vendu  les  battik,  remettez-le  (c'est-à-dire  l'argent) 

& 

à Myrtle"  (c'est-à-dire  à moi).  (5)  „Et  je  lui  ai  répondu".  (e)  Abréviation  de  ^ijo. 

C x 

(7)  est  le  mot  hollandais  madapolam  , .espèce  de  colonnades”,  est  le  mol 


malais  > o~-  „sceau”.  La  phrase  doit  se  traduire:  „Je  lui  ai  dit  que  'Ali  m'a  assuré  de 

V 

vouloir  acheter  trois  caisses  de  madapolam  ayant  sur  l'étiquette  deux  médailles  comme 
marque  de  fabrique".  (8)  P.  258.  (9)  „11  a raison",  ,, c’est  vrai".  (*°)  P.  260.  (”)  V.  n.  3. 

(**)  „Et  maintenant  un  autre  chapitre".  (’*)  V.  n.  6 et4  7.  (**)  „Prêt”.  Traduisez: 

✓ > » 

..L’argent  est  prêt".  (15 * *)  ph  i_SjS^  ou  pl.  ”un  Pa(luel  de 

20  pièces".  (1S)  ,,Bon  marché",  „peu  demandé".  (”)  ,, Personne  n'en  reçoit  plus". 

C x-  > /-C/- 

P.  260.  (ie)  Du  malais  ,.r°tang”-  Le  mot  arabe  est  {J^jj »Les  caisses  sont 

restées  envèloppées  de  leur  rotang",  c'est-à-dire:  „I1  ne  valait  pas  la  peine  de  les  ouvrir”. 
j18)  ..Dans  le  magasiu  de”.  (“)  ..Quant  à moi,  aussitôt  que  les  prix  se  relèveront”. 
(**)  „Et  puis".  (al)  Pour  ^Am*!1»-.  P.  239. 


271 


(24)  ij^as  JJüUH  i — ijo  i\xka>-t  ^.c  Uj^)  (23)  )jÿ\ 

lai* *-  y»U  (i7)  U— >jsA)  ^ (*6)  l>  lasJ)  )ÂÆ>  (2S)  ^ala  ki-  dP  ^<Xo) 

O s ^ 

tXtr  iXij!)  ^ iîT®  f*^***^  )Â3>  ï|^i  {jGyz  «iJj^ 

uJ 

y'  ui  y*,  ojü  ^ ^ y y^oj  cA*^ 

*J  uJ  > 

i ai  b lL«  CJ'«ki  ^*ai~  < — 5^Uk)  &s\£  y^cj  *Ü)  i3o^c  ^_jkj  ^x^a>- 

M°.  î. 


<XÜ)  <C«ku  yjltî  yj^î  ^ j*y"ï  I <Xti  * ïAs>-j  æ11  ) 

i\aj  jAÂj  (^T0  1 ClJjiXo  *<xjiliyj  <ÜJ)  iLo^yj  ykc  j*1LJ) 

OJ  J xO^ui  wJ-^ 

(’)  l*»-  ïjôà*,  ijj  yy  y yy  ^ b ^y  ) y us" 

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U Uuiy  yy i yjy  yy_j  y y y ) ^y  y^y  yiy  iy 

uus)  yiy!)  y l^jUs  jT  yy  iy)  j,.^  djkkj 

u> 

d/y  d£.>ï  (3)  (J^s)  (J>*>^  C_£!  e7s',)  *j^~  f^y°y  i_s^c-5 


* li ijk:  yl  (5).  i j\z  dS\  j}^5  C-ï Ss  )Ââ>  Ulai-  ijy^y  (Jk- 

y)  <xLo!ij  ^*yy  y (»_«jus  <jt  v_^sy  (j^u 

y)  ^.Uko  jL«  *(|J)  çjj!)  c^yi)  (Âï>  di-k  ^c yij  ik-Li 

(8)  y^1.  ï^A«s)  j*<^£  (()  (jU*-^) 

Os  uJ 


M°.  8. 

u)  uJ 

y I jtjÀsuA)  U_>Lk-  (^^asû  *(*)  <xjUî/^c  <d5  A/*sJ! 

t-  ^ fcVO  * J «Ü)  ^*Xa1x  ^*)Lk  ) xkwv 


(1J)  „Je  ne  demeure  que  dans  un  coin  de  la  ville",  sous-entendu:  ,,et  par  conséquent 
mon  magasin  n'est  pas  très-fréquenté”.  (“)  V.  n.  12.  (“)  „Dans".  (26)  Pour  ls>-  ..laquelle 
est  arrivée”.  P.  239.  (”)  PourC-jy)  i^j)  .,1e  Hadhramout".  P.  124  et  125. 

(*)  P.  254.  (2)  P.  58.  (s)  ..Pourvu  que”,  ,,à  la  condition  que".  (*)  „Et  ce  que  vous 
devez  faire”.  (5)  ,, Passage".  (6)  En  Hadhramout  le  mot  est  masculin.  (7)  ..Bateau 
à vapeur”.  (e)  P.  261. 

Cs  s S > JÏ  s Z 'is 

(*)  Quelques-uns  prononcent  (XâLî,  ir  au  lieu  de  <xit£/  :c. 


272 


(9)  JX»5L  cXaj  ( j ^blàH 

i—i^is  ij*  LâiÏj  JG  |*^cj  LuJic  édi)  laJlc)  ^UaiïJ  iXtc  SiXa&^JI 

«4 

Jlaj  cjjÿ  Lxj  ) ^G" »G»  zÿijô*c  j*Xi|  çS ùÀz  i_Ç~Âi) 

G t4  J «4  > ui 

^Xx^o  lxAS^£^  S , i "6yijS^O 

G » ^ uJ  ^t4  O 

UasuJ  ^ )ÿj^  to  o^ïr0  (iT°  O '— •^‘^ 

s ' Ci  1*J  '" 

t ^3  <£i  tX>-  Lo  )^-Âl3  L^j3  ^Xa)x  ^ ^ li  X>  L^o  1 JU ^Xx-c 

^ # oj  i »_ 

J*>)  ï |*Xju  'Lêf  liki-  i_a£J  Le  jJU»  bbjJecJ  (.IGG  yjïîj  ^blÂJ) 

UJ  (ji  )j  jxi£  jÇ+A}  )Âà  ^J9  L^*jLÔ  ^.3  (6)  tJyi*-  IGlc  L^^nX»!  |«XjJLC 
}aâ  * i CfcXXsM  SjLmJ  5^Lw^I  JLetX>-  ^_C  l J -G>^£  ^ ^3  jdj)  ^L 

«4  (4  <4  % «4 

lÀ^  l 5 ^U*l  ^ ^ ) t ^)»£  Lk.  S ^0 

^IL»  < iÜÏ  i_ûib 

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V_^GG  Le  LjUmJj  jfy+t  I I j ^Ste  | *3  )a^-  ^.Caj  ' * l\ÂL'  iG. 

l*LJ^  sJLj  )<i>*  LiGi^j  ^GH  u)-flj  Le  Lo^i  Lis  (7)  (ûso^L  <ulc 

(8)  JlxaJ)  ^G=G  kJ* 

C°)  yuJ)  (9)  ydy  ji  u xïU)  jUj 


M°.  ». 

* (Xa^cOj  Jü  1^  (3*#e*^ce  LtXA>*i  &11  ) jZ.  jdi  lN*o^>à  ^ 

(4 

^GJlc  <uj^»  ^jili  ^ <— ?lx^-  ^S! 

XO ^ Xjjàso  j&Xï  CL^cyo  * ^ 

t4  (4 

L L__>UiXn  * iuilftj  ^Ityi-Ï)  LüjJ  (i^e  lie  ^Lm 

jtee»-  0 (2)  yjLwlCe  ^e  lai-  Ix  L |*^cl 

(J)  V.  n.  14  de  N°.  ‘2.  (3)  Dans  le  dialecte  du  Hadhramout  le  mot  Jjac  est  masculin 
et  féminin,  quoique  le  féminin  soit  plus  usité.  (')  P.  53  et  58.  (s)  est  la 

forme  III  de  Ai-I  „gronder",  ..réprimander”.  La  construction  avec  ^ir  de  la  personne 

v4  ^ J 

manque  dans  les  dictionnaires.  (6)  J^-  pl.  jy^>-  ..échéance".  (’)  ,,J’ai  oublié  d'y 
faire  mettre  une  adresse  en  caractères  latins".  L'Administration  des  Postes  et  des  Télégraphes 
dans  les  possessions  hollandaises  exige  de»  adresses  en  caractères  latins.  (“)  Jote  ..esclave”, 
a le  plur.  Sxxz,  dans  le  sens  de  ..serviteur”,  le  pluriel  est  jlxc.  P.  40.  (9)  ..Timbre-poste", 
du  hollandais  franko  ,, franc  de  port”.  (*“)  P.  260. 

(*)  Madoura,  appelé  ordinairement  Bangkallan,  chef-lieu  de  la  partie  occidentale  de  l'ile 
de  Madoura.  (!)  Pamakassan. 


273 


yj  # UJ  » uJ 

Hl»S)  ijC)  Ho  y^JH'L  f£>)  ( ')  ^LJlÜl  I — j^L  ^ 

O X O >  *  * ul  1>J 

lyu^xi.^  lyLjj  ( ')  y^o  jLL<  lai-  ^g)Lj  Ll^iJ  )jyA*a  I^LââJ  «Lclj 

yj  yj  U>  J £ ^ 

^Ui^c  y/^J  {&*>  I j^iXojU  ^G)  ^gic  ^a>L)  ^Ualac)  ^ïl_pJI 

^X>-  ( ) ^Lii^  tXé^Ho  L ^^Z\jc!\ ) i\XC  <0  L j*±i  .^J) 

(/✓  Cs\j)  X*  ^ 

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L . ^-s\^  L y^jSltj  jiè-G^L  cX°  ^*>}1L!)  y/£_7^^''0  LL^*M  1^1 

Ujub^  jydl  1_jî  LjLi-  j*G  LUo  tGj  ( ) LaàSI  i — &L  US  y^SH  tJwÂa.ji 

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1 s^L  h»S)  ^gî  ^Ui^c  U ^gi  ‘—^•=>-  (JjS\i  (J^j  D_J  ^CLo  y^jlibL) 

^ .HUL  ^sL  (lü)  ioUG  Dlj  ii'  lyUil  as  yjl  (9)  ^l^oS) 

y|  UJ 

^i’UijC  Le  L^>  ^gia  ^OUSS  Ai I As  ^)j  LL 

l«L*S^  uH^S!  ^g»  LS)  L^  ^GyL  1 î&  *(n) 

I®.  ÎO. 

L Aa*h  i ^ir  L 1 çLb^  ü <L  cXa^S ) * ^x>»y S J* ^ æIS 1 i*  "' ^ 

HL  ^gi  ^voUSl  (JH  US  ÿjlij  ^LJ  LS)  LH  *jU*uj  <u^u 9j  <xjTj  a^.sk^o 
rui  #^1  JUJ  LSI  LH  ^Ui  ^ yjlü  cXliyi  aS^.  L) 

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^ ui  C 

(*)  ÜUûaSJ  ^J*3  1^X5  jjSsisQ  Jülj> l^Jkl)  Ijki^Oj  cX>o 

O 

Li  (J)  ^UjLXj  m ^0  ii^xc  IxL^J^»  Le 

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Uj^oi^  U *iilxlii  ^1)  ^xLoîj  ( *)  ^Sff  *j*£  LiLas*. 

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^X5-  Ci^Sj  ^iUS)  (J&l  u- >1^.  C-^-Lo  ^yo  ^ ^ 


O C ^ O 

(3)  Du  malais  „l>onton‘’;  le  mot  arabe  est  ^*Jj  ou  yuls  pl.  ..boutonner" 

^ uJ  ^ 

est  II.  (*)  Soumenep.  (5)  Pour  Jlc  'iy  P.  258.  (8)  ^-j  a encore  ici  le  sens  de 

..rester".  V.  n.  18  de  N®.  G.  (7)  Là)  III  ..attendre".  (8)  ,, Comme  vous  avez  promis". 
(9)  P.  235.  (10)  „Si  vous  en  avez  déjà  obtenu,  c’est  bien,  sinon,  ne  vous  donnez  plus 

O x 

la  peine  d'en  chercher".  (**)  Du  malais  ^ y»,  le  ,, dessin"  des  hallik.  P.  146. 

(*)  ..Makassar  dans  le  pays  des  Bouguis”,  c’est-à-dire  l ile  de  Celebes.  (2)  ..Séjour”,  du 
verbe  Ua)  „ séjourner”,  ,, rester”.  (3)  Pontianak.  (4)  Paré-Paré,  dans  Pile  de  Celebes. 

(5)  , .Envoyer". 


18 


274 


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L. ( ^ AÜ)  W- T»\?  lùcj  ^ 

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( i s L^  L)^  cV^^v^c  ^*&n  U/^o  ^iUJL  ^U>»  ^)l**SL  ^^aà^S)  t ^5  aIS) 
feV*;>-)  ^Jl^vSÎ  ÀjIj^*;  ^j*c  U^sUjj  ^«wlC<  t ^3  ( ^ )^aw 

^U>- 

N°.  11. 


^ j ili  L— J ' j Ud  ) i\!^S  ) ^ ^ ^.C^w  ) fcX  aS  s 4\>- • a1!  tVo»s^S  ^ 

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L^oU^S)  ^C»  lie  ^U  J\j  SjUS)  (2)  *j\*m)}  àsà)j  (*)&*!) 

C^aa**  <yï*  AajUj  £A*^\S\  ^ûïj)  iil^j  j#X>)  AasUj  ax^sai) 

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^ *»  ■ p?Ia3  ^^A/«  ^W'Æ.  l/lO  iïf*6  ^ L **  S J 

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^lü)  #^cil)  )Â2>  C^>i  » aA$"  lÂj^ J üj  C-^üii 

wJ  y 

J ^ AÜ)  AÜ)  AÜ)  L **^\.  j#lc  ^£  ^j,Ai>-  ^j^jUpU 

^.^ÂCj'ü  jla^o  a!5)  lXAC  L ^nsil \ ^ ^ j U jAS& ( *) 

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^^.A-x)  S AX  Le  ^ ) L*)| ÿ~^  Aj^  lU  ^ S^AA^  ^ ^ -^A^ 

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^iiXlïjH  ï)  aISI  acIL  tXü^  Uj  lL&a!)j  ^iüL  ^JU  ^aS)  ^aS)  ^ U 

^ ^ O ✓*  >>J .(  uJ 

( ^ lilw^>-)  ^ji\S)^!lj^  sUI  il)  KlXa.>o  il)  ^ J ^'’ j i * t t joI^aam  ^S^üJ 


(“)  ..Revenu",  ..salaire”.  (’)  Pour  slj).  U).  P.  250  et  25G.  (“)  ,, Ensemble”. 

.t. 

(*)  P.  H.  (*)  On  s’attendrait  au  pronom  féminin,  mais  le  masculin  est  à la  rigueur 
licite  à cause  du  mot^iXu.  ,,El  les  prix  n’y  ont  point  changé”.  (3)  „Si  tu  ne  penses 
plus  à moi,  à qui  penseras-tu  donc".  (*)  P.  12C.  (5)  ..Mon  âge  ne  me  donne  aucune  x 
espérance”,  c’est-à-dire  de  te  revoir.  (°)  ,.Tu  ne  l’as  pas  honoré  d’une  réponse", 

(’)  Coran  XVII  : 24. 


275 


O x wi  ul  u> 

(8)  JJjXe  Uj  ^jJU  ^jÏ 

uJ 

Lgl^o^  i  *  * c»  l\Î^  ^IL*#  i\x> 

y # 

L<  ( J ^«olx>*  L ) yÇ  t çX»«0  ^**  ï Jà  û L»o 

Ci^U*.  C^LôUr*.  ^j<  |*LJ)j  jJj  U CS** 

<xi!)  t\xc  i-  ^ ijlisJ ) L«)^  ^iLw  i\^^-  ) <■— (*^\}3  <^!ï  tXxr  L ^ 1 1 1 

clAm)^  CiLbt>)  us^v  JLJ)j  t— >UÜÏ  (Ji’  ^o  CJ^  Jy^© 

(n)  *ü)  *in  *aî)  (l0)  «yy  ^o  c-^s 

L«  (^«^aî  2>yi>  Iâa&j  ^^C>  L*aj)  ^ ) t yu) 

lLXj  <aJ^j 

M°.  13. 

J)  y™  <xSlj  Xx^e  l)Ja«j  ^ir:  <)dl)  ^Le,  *1!  J>-«>sJ| 

iiSS  &«l«j  jjSlj  ^ jjXj  jj^ftSS  ^Sl)  (J>^-ï)  *— >IÀ»- 

k»  #8^Lwj  ^Slc^Sj  (|  j ^lÂjlXb  ^k  L. 5^^-M  iXJjXæ  #^A^«cS 

IxiU.  iuiUo  (J.aM^  |*-L)I  j*XjS  ‘u^c  l^_j  ^ V]y«  u-AIdl 

c.  y ' <? 

t c cXaa*j  i i Ct\! \j>  <x.oLft!)â  t <xj b LO^o^ 

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J>.Â^  Xaj  , lô  jxxkZ  l\xo*-^  tXiy)  <- . 3jr^~  ( y ) Lkl*#*^  ^lj 

t <xa5  i_c«ks)  ( ) ^^nax)  t ^3  ^^W*"  <-  y~^s  y^#j  iy«)^ 

(J)  y*^°  lÂia^  t.  Le  ^Jl^-  * )ûA3  (3) 

^ ^viL?  ( y ^ûa3  fcXiyn  ^..✓vÀC^ 

uJ  > _ 

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(“)  P.  77  et  78.  (9)  „Grand’mère”,  c’est  encore  une  signification  du  mot 
à insérer  dans  les  dictionnaires.  V.  p.  32.  (10)  „Je  prie  pour  toi  dans  chacune  de  mes 

cinq  prières  journalières".  (")  ..Quitte  l’ile  de  Java  et  retourne  en  Hadhramout". 
P.  236.  (,s)  P.  234. 

(*)  Pekalongan.  (5)  P.  236.  (3)  „0ù  demeure  ’Alî  surnommé  al-Hârich’’,  c’est-à-dire 

,,le  Serpent”.  (‘)  ..Aussitôt  que”.  (5)  Le  Pakhodjan  à Batavia.  P.  112.  (6)  ^ixi  est 
une  abréviation  de  (Jj-Sj  (,/i^  ..quittance”.  (’)  V.  la  note  précédente.  (8)  P.  260. 

(9)  Jü=  H ..avoir  du  penchant  pour”  se  construit  avec  c> 


276 


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UucL  C_£o)p-  p* *s  U>i  U lûlioK  Jlpilj  ^gjuJ)  CJliii  (10) 

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(13)  L>^h  i ^ (*^***3  , c «.Xa^  )*ijb  -*  i <r^> Uo  t 

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^ C. vî  l . >..ix,  ^’Jd!  0 jcaLc  ^ ^1j  ^ 


(10)  ,,Je  ne.  puis  pas  continuer  de  travailler  avec  le  même  zèle”.  Jb  II  dans  le  sens 
de  , .faire  durer”  manque  dans  les  dictionnaires.  (“)  „ Adresse”.  Traduisez:  ..Vous  pouvez 

c 

m’adresser  notre  réponse  à Pekalongan".  (yt)  Tegal.  (13)  Du  malais  t 1 Ci , litre  des 

quarleniers  indigènes  à Batavia.  Le  mot  est  emprunté  au  hollandais  wijlc  ..quartier". 
(“)  P.  247. 

(*)  Quoique  le  mot  C_£JLc  ne  s’emploie  ordinairement  que  quand  on  a en  vue  un 
droit  réel,  on  m’assure  que,  spécialement  à ach-Chihr,  on  l'emploie  encore  quand  on 
parle  de  la  puissance  paternelle.  (J)  P.  11.  (3)  V.  n.  2 de  !N“.  11.  (*)  P.  49. 

(5)  . ^ pl.  ..champ".  (“)  ..Terrain  cultivable";  le  singulier  est  P-  246. 

(7)  ,,Les  maisons  et  autres  constructions  rurales  et  urbaines".  (“)  pp»  jSi  ..donation 
avec  rémunération' . étxi  signifie  en  Hadhramout  la  donation  pure  cl  simple. 


277 


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CJ*)jj)  i—îÂC)  ^ (JjiX-a!)  lÂijC  JUJj  j_fjUx)  )j  ^S  ^J)  ^.1  l> 

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AÂa*i  ^ ^ *i  si  Ss-  )•  ( j jJ  la»y  ) ( * ) lÜ-<  !-<  ^Cî  ) <■  )* 


(9)  ,,I1  veut  venir  en  personne  à ach-Chihr  pour  voir  ce  qu’il  lui  faudra  faire”.  (10)  „Quand 

il  possède  quelque  peu  que  ce  soit,  il  commence  par  payer  ses  dettes”.  (“)  P.  241. 
(12)  P.  78.  (”)  Coran  XXVIII  : 35.  (li)  „Je  vous  ai  relevé  dans  les  yeux  des  hommes, 
tant  individuellement  que  pris  en  entier".  (ls)  Proverbe:  ,, L'homme  libre  tient  sa  parole 

O ✓ 

sans  qu'on  ait  besoin  de  la  lui  rappeler",  est  l'impératif  de  ^a5j-„ recommander".  P.  245. 
os  -- 

(le)  Pour  (iMjl-i.  P..  251.  ,,Je  vais  perdre  partience".  (17)  „Le  chagrin  que  vous  m’avez 
causé,  m'a  fait  chercher  une  consolation  dans  la  religion,  et  maintenant  Dieu  m'a  récompensé". 

(**)  ,,Tout  au  plus”;  ce  mot  est  employé  ici  dans  le  sens  inverse,  c’est-à-dire  pour  „au  moins". 
Cette  dernière  expression  est  rendue  ordinairement  par  AaHa]).  V.  plus  bas  n.  30.  (ls)  Proverbe: 
„Ce  ne  sera  pas  comme  si  'Amir  était  allé  au  marche".  D'après  un  conte  populaire,  'Amir 
était  un  homme  qui  allait  au  marché  avec  beaucoup  d'argent,  mais  qui  en  revenait  sans  avoir 

t>> 

acheté.  (20)  Pour  UU-  P.  249.  (21)  P.  246.  (22)  P.  252. 


rien 


278 


t ( ) )^Ai-  ^aU.  aSj  Alsace 

(21)  l^Ulsj  *_•  j»ç)  ï JAïl)  '_j  ^2>U*^o  'Jl  (_/>-LL)  Lo 

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ijiUJ**^~  ÀUi  v_5^°_)  y^J-'ï-'  AÂ*u  (J^)  ^ j^SLwj  )_}  j^jAaLs»  t— ^u»U 

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(26)  a1»»j1!I  ^Cj  ) *Lxas>-  ^li  ül  Jlj  (2j)  t. 5 iUy  y U ci^oJL  j*^_ 

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)j^AsLUo  ci  ift)_j  Ü i);_j  CiU  _ Jo  AaLc  Aj  ^jd)  (</ûo 

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(3*)  (J0j\  Al  yUjiy  Ailb  CiAic  l X<jc  )Àifc  yj^jl)  ji iCïl)j  ciu 

^ , ul  uJ 

% i *•  ) j^sa!)  )Ài  ^j!)  CÜ-i;  ^y^ji  Ci^  > 


(”)  Pour  Ijii»-).  P.  2-45.  (a‘)  , .Emigrer”.  (îs)  P.  126.  (26)  ..Virilité”,  , .caractère 
mâle  et  généreux".  (”)  N.  7 de  N°.  3.  (l8)  çjz  IV  ..inviter”.  Toutefois  la  forme  I est 
plus  en  usage  dans  ce  sens.  (**)  Du  chinois  lokljoan,  nom  d'une  espèce  de  ballik. 
(30)  II  ..faire'*.  (31)  V.  n.  18.  (3J)  Impératif  de  (e^)-  •’■  2‘45. 


270 


J x C/x  Cf 

( I dLrCÿSl}  tx>-  *Jj)  AA£  l*C  t ^ <xliu  ^*>AaÜ_ > k\>-  L*) 

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uJ 

^Jl^))j  ^/wLti)  a^~  ^ tJ^jjj  lj  i«  ts^l^-  . ^ ) “c^^j  *)  . 

^w!)  (J^U  jU-<  j»KÎ)  )io  (üijc  )j)  (JU  LÜ'J  <ûlî>  (3j)  ytj 

^2»;  CAxLc  *j  AÜ)  ^ir  ^cLi^l.  (JLwjil)  l^%1a2j  Aîj  ü) 

Üiljj!  Ij  CA-OlC  (_yu-  (36)  £A*2fv)  (J^lisJ)^  ïbl  yjSvj  CALe.  <x!te 

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L—T AwjJ J L*-£  JA^J  ^ÜJ)  t ^>X  ^ 1 Çj  A)  Lie 

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i=^!)  )ÂJt  ^«J)  £x«^-  <_y  CA^xæj  jÿdj 

jJ  t/J 

<)CÎ  l*ÏLJj  iS^Cj  Aj Li->>j  ^SiîK  ^J*Jt)l  t ^iL^ilê  L * Le  ^ AJt  Lmj 

U>  U>  X» 

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^ <di)  *!!)_,  i^U*  üiü  Ux=J  ^!)  (30)  JjAJ)  (38)  cüü 

Cf  uJ 

il  ^ t~  _Caj  A il  L Le  ( C^!L  ^Iaa!)  b^jL^e  ^A^-lj  <XA^1  ) $^A/a*]) 


j«il«j.;  )j  ) Ait 

C^xjJ  UjlOj  A-tilsj  ^.;i 


*Iua!)_j  ^a!)  ^ji  Axa^!)  il)  ,jLwJ  ü^  lÜ" Ui J 

uJ 

üa!)^!)  Lc)j  c^i’Ur*  £ju»i) 


le  ^Laj  ^ j f t ^JIaü]  j£3  JlCL^J  Le  ^A^^»  L^»  AAwa!  ) 

*»  C ^ji  y 

JliJ)  jle  ^CLxAej  tojAiv  CJIa!U^-  US^i  LJaS)^  jlA£  ü)  l^Ur: 


h Kjr  (i/Sij  h U*  ^jT  J]^  h 

i*j 

t j***  Le  | Uü  ^e  ^üLwli  AijA!)  | i ^^lüi)  ^AA^lc^  ^*^S\i! 

^Aiv!)  XJi*  ^jlc  ^ ^c}  ^ îa^i 

u)  l*J 

<^S-ws.)  ^iLw.!)^  Iaa  * i__}L^j  ^<c  il)  L<  «xisj 

CTa!)^  i ij \s  ^^0.  j«iL«  i jü)  i_i!lj  CJ-i*)_j  A^>-)  'j*  lS^- 


(33)  ,, Personne  n'ira  jurer  par  Dieu  et  par  son  Prophète  s'il  s'agit  d'une  affaire  qui  n'a 

pas  plus  de  poids  auprès  de  Dieu  que  l'aile  d'un  moustique”.  Le  mot  ordinaire  pour 

o , { 

„moustique”  est  ^*>1*-.  P.  82.  (34)  <Xx»-^  est  le  plur.  de  &s-y  P-  232.  (35)  Pour  (jj)j. 

of  ^U) 

Traduisez:  , .Quelle  idée  doit  il  se  former  de  vous”.  (36)  Pour  ad  A ..partout”.  (37)  ..Dans”. 

< > C ^ 

(3“)  Du  malais  ..village”,  ,, quartier",  ..faubourg".  (39)  Ampel,  nom  d’un  quartier 

de  Sourabaya. 


280 


a!  tüijz  Le  ^s>-  ^-=>-  (40) 

i—Jj!)  ,_ç^rj  ^L^,  i—î^L:  t^o)^  (_ S'1" 

N°.  14. 

lûA^-  sr  ^Iawj  <t  a!  Tj  i\a^v^c  l>  iXA>^»  ^ ^ix  &11  ) ^ b <XÜ  <Xe^\]  ) 

U* * 

<xa1x^  ^x<)  i-  (JL>-  <xlî) 

IaI/^j  i c»Lô  j ^ 4 * ^ <xU)  <x^^.,^ 

i\s<J  t ^ilso  <xi!)  Là»  <Xaî  Iâj  l 5 £o  ^ ( 

(3)  d*^  (2)  yM  0 L^if  *^X' 

«tin  ^cU ) l_^j)  * ùi^sj  1 ç?lwi)  t- ' _£ j ) j^-  <itL)  <k1J)  *v— aL*^s\J) 

l*iL»S)j  (J.SVC  ksvllj 

11°.  15. 

i ji  c>^  f i_5'^>«  t-rJ'“^*"  *AÜ  iXa2a!) 

# <S6  Jlll)  i.A*2*-jy  ^.Cji^J  j^r'°  , gi-C;  ^LaLc  |*ÜawJ)  #^A^o)  < çlLo  <jdJ)  <LeJUw 

i . ^^w^a\L  j^*~  ^ ^ 1 i 0 ^ dl JjS^c 

uJ 

^f»Aj)  jJ^Ami  iXî  i ÇiXWt  |*Xi j ^"tLc  ^--L')  Lej  ^CjLt».  j^.j^  yp" 

^ y_  ^^sô  eJ^  i_S“^"  *Sj\s&  ^5la»S)  <Ui  Uij  )Ââ>  Joj  Aai- 

( *)  ^Lïil)  L_J j£  ^c  ^2SU  )ji  Luj  ( ) ^«.&m*AJ  (_J^)  &‘\Z  i j)  H/"  (2)  £x^ 

wJ 

)^lflÜJ  *»J  J»y_  I6_J  Ll>  ^ J*_J^)_J  Le  ^ UL?^ 

l*J 

OL^e  ^u)^=sJL  (*y.  (if0  eX'1’  (5)  (J^-(3.J  Le 

&i  /ï  ^ |*^  k>  *(fl)  U^r  ^ us®  C^  ^yr6^ 

(-0)  „Fâché”. 

(*)  P.  13.  (*1  Du  malais  , .espèce  de  cotonnades".  (3)  Pour  IjjLw.»- 

(‘)  Du  hollandais  Iloofd-Djalisa  ,,l)jaksa  en  chef",  titre  du  Djaksa  ou  Procureur  du  Uoi 
indigène  à Batavia  et  dans  les  autres  chefs-lieux  des  Résidences.  L'auteur  de  la  lettre  avait 
été  déclaré  failli  et  avait  été  emprisonné  en  vertu  de  l'article  776  du  Code  de  Commerce 
(—  art.  455  dit  Code  de  Commerce  français).  (’)  PourlftJ.il)  ..mercredi”.  V.  n.21  de  N°.  1. 
(’)  Du  hollandais  Weeskamcr  „la  Chambre  des  Tutelles  et  des  Successions",  chargée  de  plein  droit 
du  syndicat.  P.  141.  (“)  Plur.  île  jAài  ..livre  de  commerce".  P.  75ell40.  (!)  ..Ajourd'hui 
il  y a déjà  trois  mois  et  demi  qu'ils  s’occupent  à chercher  mes  livres.  Je  n’en  comprend 
rien’’.  P.  140.  (6)  3 p.  f.  pl.  du  prétérit  de  ^Lw. 


281 


uJ  y y 

) <x1a <xj*^\AAw  <xi!l  L<^  ( 'l  A 

_ _ uJ  G J 

^ (,0)  (')  ÿji  U#2o  ^xL  <xin  C^l^GO 

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(n)  tjy^-Lv!)  'k&-yc  £**»->'  J^jiL«wl  c— a^a!)  (J^^-ï)  (mf^Ai. 

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)^Lu  ^LS"  U)J  ('■)  ^.jlGo  ,_5yL£)  <L>U  Jc*aïv<  lej)  tXs>  yj)  c_£!Â^ 

W (*  ) ^ (u)  *^*^)  (n)  ^5  lL^!«îj  uS^1^- 

y^>-^  <o  (17)  IjLLâj).  (J *aj  yv-xh  Je*»-)  C_£!À£*  (Ifi)  Ia^ac  ^ ü) 

• ^ wJ 

il)  #^^£w*^!)  )j  L<  *o)^«cj)  *ii  Le  ^ 

Lvsa<  Le  (2°)  yJj  (J-ûA.1  jjü)  *(l))  t-SjLwJ  )j  ) J^~  ^ (13)  Ü j-< 

)±s>  *^î  l£  )Â.&  jjil)  *(J^")  iL  (JL*;  il*  (21)  ijAw^e  il*  ü ^«L*5 

llJ 

^iL*J)j  (*2)  (JLsu  u_» jsCü  jLs^  (__î^Ia5)j  ^Jokw 

1°.  16. 


aIî)  x«Jw*u  yiili  yjil;  ^ü)  |»yC«J)  j*^il)  L-jlla*.  J)  *sjo-*  <d!  j.*i»!) 
y 1 ^ '■  ‘ — -* ■ *\ *A;IS^*  a!])  ,^*  ^^e  ^*-Ca1a  |»L*!)  * ^A-<  ) 

t\5  ^5* l\Aam  s — **-  )*  <VAÎ  Le*  ^La  (JS\  ( ) ^ .^îLfl-Ljj  j lVA;  ^✓e 

rüt,  ^G!)  £~u=»!)  üy°j  )<*>&  uU*  ^y&p-T  ÀJu»-  cJa!) 

Ui  ? 

) ji  jSU  ^ ^.C  LjuLii'  ^Aïj  ,jLi  ^jZ  £jl$jj  Ajli  ^*Ge  Uu»Cj  LliUj 

oi  s ^ 

^.il)  'JG  ^J!Lu  (ô-îlaj  j*»G)  Jw*2a!K  y*s-  ^1^“)  (J^i  LuJLc 

(3)  C ~\)zï  JjJlS  si»,  d/jljce)  ^-ü)*  ^LftJ  ^«^!)  ü^“  (2)  CSj^Xk) 


(’)  , .Pourtant  vous  n’avez  jamais  eu  d’autres  livres  que  celui  des  ventes  el  des  achats  et  celui 
des  lettres”.  Le  destinataire  avait  été  l’associé  de  l’auteur,  c’est  pourquoi  celui-ci  lui  demande  des 
informations  au  sujet  des  livres.  (8)  Jeu-de-mots  ironique:  „Est-ce  que  par  hasard  ils  auraient 

besoin  des  livres  que  Dieu  a révélés  à Scs  prophètes’’.  (9)  i sLi  VIII  ..paraître".  (10)  L^JjC 

n.  a.  lùjZ  ..frotter",  ..gratter”,  ici  au  figuré  ..faire  des  recherches”.  (xl)  P.  47.  (12)  Du 
hollandais  makelaar  ..courtier”.  (13)  ,,Et  il  n’a  pas  abandonné  la  marchandise".  (14)  Du 

O^C 

malais  j*3,  „rusé".  ..malin”.  (13)  P.  245.  (16)  „Je  ne  suis  pas  capable  de  fabriquer 

après  coup  des  livres  de  commerce,  à moins  que  ce  ne  soit  à l’aide  d’annotations  ou 
d’autres  données.  P.  140.  (”)  ^J*  VIII  ..avoir  une  entrevue  avec",  se  construit  avec  U_>. 

Ci 

(ls)  P.  258.  (19)  Pluriel  irrégulier  de  ,, Excepté  une  seule  fois  pendant  la  nuit,  tout 

va  bien;  c’est  ici  une  série  de  divertissements".  Il  va  sans  dire  que  ceci  est  de  l’ironie- 

ç > 

(10)  Abréviation  de  (2I)  P.  239.  (l2)  Proverbe  --  „A  bon  entendeur  demi  mot". 

(2)  Singapour.  (*)  P.  241.  (3)  P.  90. 


282 


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(*)  „0r".  (5)  l*.  13.  (6)  1’.  34.  (7)  Plur.  de  <JCsA^ô^o  „digue”,  „vannc".  (8)  Dialecte 
de  Terim  pour  iX«æ-).  (“)  „Et  mon  Dieu"!  il  n'y  a pas  encore  de  lettre  de  vous". 

(10)  Pour  y/î}£  ^ji-  P-  40. 

(*)  P.  68.  (7)  ,, Faites-moi  savoir  le  plutôt  possible  ce  que  vous  voulez  et  le  montant  de 

la  somme  que  vous  avez  reçue”.  (3)  P.  ‘256.  (')  Du  hollandais  rekcsl  ..requête". 


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283 


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(s)  V.  n.  10  de  la  lettre  précédente.  (6)  = ^ ^ J'- 

(J)  T.  40  et  s.  (“)  Ampanan,  dans  1 île  de  Lornbok.  (’)  Bouléleng,  dans  l’île  de  Bali. 
'(')  Badoung,  dans  la  même  île.  (5)  Du  malais  èju  ,,111”.  P.  235.  (6)  „La  Grâce  du 
Créateur”,  nom  d’un  vaisseau.  (’)  Du  hollandais  mail  „malle”.  (“)  P.  258.  (3)  V.  n.  37 
et  38  de  N°.  13.  (10)  Quelquefois  on  dit  poui-  ^jlsvi).  P.  247. 


284 


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(’)  Chéribon.  (2)  V.  n.  3 de  N°.  8.  (3)  „Puissc-t-il  arriver  que  nous  célébrions  cetle 

fête  une  autre  fois  dans  la  patrie”.  (“)  ..Félicitation".  Celui  qui  vient  féliciter  quelqu'un 
le  jour  de  la  fête,  s'appelle  iXolc,  et  la  félicitation  ordinaire  consiste  dans  les  mots 
^ ^jsc  „Je  suis  de  ceux  qui  viennent  vous  féliciter".  Souvent  on  ajoute  I. 

(*)  Soumenep,  dans  l'ile  de  Madoura.  On  peut  également  dire  L . ^ j . vii 
et  (jujjs^l)  L_yGoc^u  C)  11  s'entend  que  Ia.O  ) est  ici  le  sujet  de 

(J)  t. s.sJù  VIII  ..être  mécontent".  ( 1 ) ..Huilc",  mais  ici:  „ philtre".  „Le  philtre  de 

Ponlianak  semble  devenir  un  peu  plus  fort",  c'est-à-dire:  „il  parait  que  vous  commence/, 
à aimer  un  peu  plus  la  femme  que  vous  ave/  à.  Ponlianak".  P.  186.  (5)  ,,I1  (c'est-à-dire 

le  philtre)  fait  que  vous  m'oublie/".  * 


285 


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(*)  Pris  ici  dans  le  sens  de  , .jeune  ami”.  P.  254.  (J)  Du  malais „est”.  (3)  L'île 

de  Banda,  f4)  P.  40.  (5)  V.  n.  3 de  N°.  15.  (6)  Du  hollandais  voogd',, tuteur".  (’)  P.  235. 
(8)  „L’Inde  anglaise".  La  phrase  présente  une  ellipse:  „il  écrivit  à son  frère  qui  se 
trouvait  dans  l'Inde  anglaise,  de  venir".  (9)  C'est-à-dire  l'héritage  de  leurs  femmes,  lequel 
avait  été  administré  par  la  Chambre  des  Tutelles  et  des  Successions  pendant  la  minorité 
de  celles-ci.  (10)  , .Réellement".  ('*)  ..Mariage”.  (12)  Proverbe:  ,,’Alî  a roulé  la  pierre”, 

c'est-à-dire:  „il  a trompé  les  gens”.  (13)  Ambon  ou  Amboine.  (14j  P.  96. 


28G 


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(15)  C'est  ainsi  que  les  Arabes  appellent  ordinairement  le  premier  ecclésiastique  indigène 
d'une  Résidence,  à cause  de  sa  juridiction  relativement  aux  mariages  et  aux  successions. 

(*•)  J>ic  IV  ..conclure  un  mariage”,  ..marier”,  ..faire  épouser”.  (17)  Jü  11  ..faire", 
..construire”,  ..fonder"  ; V ..être  fait,  construit,  fondé”,  etc.  (,8)  ,,El  quant  à lui”. 

C 

(l9)  Proverbe:  ..C'est  teindre  dans  l'obscurité”,  pour  ..C'est  une  intrigue".  ^y*,J 

signifie  un  ..recoin  obscur  dans  une  maison".  (lu)  Nom  de  femme.  (,l)  P.  45.  L'auteur 
de  la  lettre  se  trompe,  en  croyant  que  ceci  est  une  prescription  de  la  loi  musulmane. 
(“)  „Une  consultation  rédigée  en  forme  de  demande  et  réponse".  (ï3)  P.  32.  (’“)  P.  164. 
(î5)  ..Signature".  (JG)  „Et  si  vous  ajoutez  encore  une  transcription  du  malais  en  caractères 
latins”.  (27j  ,, Stupide”,  „ ignorant". 


287 


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N°.  33. 

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liu  lydls.  (*)  ^^aAa!)  lili-J  ^j)  ^-**-)  (')  ^Ij^iJuJ) 

^Jyc»  ^cxs  )^a15c.  ^wlxi)  t -J  <Cc5Lfti)j  lv^l*w  t\j  IâLî  ^l> y**y^ 

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N°.  23. 

^ Jjlî  jj^ï  |*j£*S)  4- ^J)  *<)dL£i  <XÜ  iX^v!) 

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(îs)  ..Jamais  il  n’auva  des  notions  précises  sur  le  droit’’.  (M)  ..Explication”,  ..interprétation”. 
(3U)  P.  65.  ,,La  fiancée  est  déjà  sur  la  natte”,  c’est-à-dire  „le  mariage  sera  bientôt  célébré’’. 
C'est  une  des  cérémonies  du  mariage  en  Hadhramout  que  la  fiancée  s’assied  sur  une  natte 
pour  recevoir  les  félicitations  de  ses  parentes  et  de  ses  amies.  Le  mot  (non 

est  seulement  employé  pour  ..francée”:  ..fiancé”  est  yj5o.  P.  246. 

O ^ 

(*)  Du  malais  ^j^lsvi •’  pour  ^a-lî  ,,1’impôt  sur  les  métiers”.  (2)  Du 

hollandais  yus  „passe-port".  Ordinairement  on  refuse  aux  Arabes  et  aux  Chinois  un  passe-port 
à moins  qu’ils  ne  produisent  une  quittance  constatant  le  payement  de  l’impôt  du  par  eux. 

(3)  P.  243.  C").  Du  hollandais  nommer  ..numéro”.  (3)  <^À-k,  II  ..faire  disparaître”,  ..décharger”. 


288 


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i\«.  34. 

» >U~^  ^gl)  *1877  jX^xLm  5 ij* 

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U)  ' f 1 / • 

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C y O ^ ^ c 

(JaÜ!  )Âï  g)^^;  yjl  (2)  ijXs\AJ  Uâs-  ÜJ^ai  '^-^) 


(’)  Du  hollandais  prolest  „prolêt”.  (2)  L'Agenl  de  la  Chambre  des  Tutelles  et  des 
Successions  de  Samarang  à Tegal.  (J)  P.  214.  (*)  P.  246.  (5)  „Ou  bien  si  les  enfants 

resteront  sous  la  puissance  des  membres  de  la  Chambre  des  Tutelles  et  des  Successions". 
(6)  ..Frais".  La  Chambre  prélève  une  redevance  proportionnelle  des  capitaux  dont  elle 
a l'administration.  (’)  Du  hollandais  generaal  ..général"  ; ici:  le  Gouverneur-Général. 

C/ 

(“)  P.  251.  (9)  „II  y a une  année".  (,0)  ..Ecrit  par”.  (")  Du  malais  cÿ  ..clair". 

..évident",  mais  employé  ici  pour  ..preuve",  ..pièce  justificative”. 

(*)  ..C'est  ce  que  je  n'avais  pas  pensé  de  vous".  (*)  „A  l'amiable". 


289 


^ps\j  # j\s>-  <xül  1-uJsC  LlS-f^y^-y  l f lXÀc  Le  (_)wj^> 

G ) vJ  f 

CSïjàj  '^SsjZ  lÂa  c^ô)j  C_A=-IjôU  i__sLo  jlc  Uo^J  Le 

<xü)  <xü)  tJJiùz  U )sa>  UJai-  ^J.c  t_Juu  Jl=»  oo)_j 

LÜ-JU  v >' ^=>-  liiXoï  * (")  |*^i«**ï  1b  laibl  tijfcj  k__>y.b^c 

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N°.  *5  (>). 


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^Lc  jlr  )<ili  j*£l»-e  ^gl)  |*.XLc)  1 j^gSy*!)  * bi 

^ r;  ^ r!  ^ 

X<iLwi)  LJ^Ska«  ^Uu  f j ) ^»J^îlwj  i^J  ^Xj)  iXAa**!) 

4 -N-*I  ( ^ir.  I Q^iL-^\'îU  L I Cjt  ^lx)  Ij!  j* ^ (iT^ 

Lgc  ^ 1 1 js>-  ^ ) àjb  ^ ^ ti/^  ) j 

j£sÀz  _j!  i>b jM  ^ U|)  ^ioLjcïO  LkiU  ïj*  yS^ÿ  (Jj  y^c  ^ y 

0i_p>^,l«*ï  y;)  i^Xjlls.  ^e  G_>jik«JU  f>J>  Uj J y 

^ S%  *t  * £1  A!  (^*b^  ^A,'b  Ij^sysiJ  kJCCÛÏ^ôsil* 


(3)  P.  246.  „Cette  lettre  n’est  pas  affranchie”.  ("■)  „Vous  pouvez  mettre  le  port  en 
ligne  de  compte”.  (s)  Variante  ironique  de  l’expression  IcjJ)  t,  ^UU  \,  n.  22  de  N°.  1. 

(‘)  La  lettre  qui  va  suivre  m’a  été  adressée  par  un  Sayyid  de  Sourabaya.  Je  ne  la  donne 
point  comme  un  spécimen  de  l’idiome  du  Hadhramout,  mais  pour  servir  d’illustration  à ce 
que  je  viens  de  dire  à la  page  232  au  sujet  du  style  épistolaire  affecté.  (2)  Du  hollandais 
m eester  ,, maître”,  titre  qu’on  donne  en  Hollande  à ceux  qui  sont  docteurs  en  droit. 

19 


290 


l * t jJx  Aj  ^ t cVXwjJ) 

Ic/aSÏ  ïj*œï  jf^,  (4)  <xil^ej  (3)  ^ac  (JjJj  l^jki  syuus  iuL: 

^ y<>^  0^5  y^&&)  ^ lîulc  ^}  C-£!^  Îji-^ÂS’ 

& , .mo  ü , .^- 1*  L?  <l<  fcX>-  • ^ tCs*-  l **  * ^ x 0 *L^>~  ^ t ç?  L> 

i*j 

^■2t^  lx<  ^.C  ^Jb  1 JL*cj£*^)  l ** — ^Ju  Lce^Xs*»  ) 

y*u  **b  iXXm>J  ) cj  ^^wkvl  ^ 

ij*  l^n^UûS)  ^ 


<Ü!)  <ûc 


^s  27  ffl  )f~ 
1885  xi*u 


(3)  Employé  ici,  comme  dans  l'arabe  littéraire,  dans  le  sens  de  .parfum"  en  général,  el 
non  dans  le  sens  spécial  de  „essence  de  roses”.  P.  102.  (*)  Espèce  d’encens. 


CORRECTIONS. 


PaSe  >•  5 d’en  bas,  ajoutez:  Par  suite  de  la  nature  de  la  lithographie  il  y a, 

dans  quelques  exemplaires  de  la  carte,  des  signes 
diacritiques  qui  sont  devenus  imperceptibles  ou 
même  qui  ont  été  effacés.  Le  lecteur  est  donc 
averti  de  s’en  tenir  pour  l’orthographe  des  noms 
géographiques  à la  manière  dont  ceux-ci  se 
trouvent  écrits  dans  le  corps  de  l’ouvrage. 


13, 

1. 

5 et  8 

» au 

lieu 

de:  al-Qasm  lisez: 

Qasrn 

24, 

1. 

10 

B 

» ajoutez 

A demi  chemin  entre  Sidbah  et  Ghourb 

village  d’al-Bâtinah 

28, 

1. 

1 

» 

» au 

lieu  de:  aç-Çowaigharah  lisez:  aç-Çowaighirah 

29, 

1. 

I 

* 

> ajoutez  : 

La  vallée  entre 

Huçn  bin  Thavvbàn  et  le 

de  Huro  s’appelle  la  vallée  d'an-Ni’r 

31, 

1. 

6 

haut,  au 

lieu 

de:  ’Uthmân  lisez:  ’Uthmàn 

33, 

1. 

7 

B 

» a 

» 

» Yahjà 

Yahyâ 

35, 

1. 

4 

» 

a a 

a 

» de  Nahd 

des  Nahd 

37, 

1. 

4 

B 

bas,  » 

a 

... 

» 

41, 

1. 

7 

a 

» ’lnat 

’lnàt 

49, 

1. 

11 

■ ’Uthmân 

’Uthmân 

52, 

1. 

13 

haut,  > 

■ Tàhir  • 

Tàhir  ou  bin  Tàhir 

54, 

1. 

1 

■ * 

■ de  Aswad 

d’Aswad 

56, 

1. 

18 

B 

. , 

ath-'£hobayyi  » 

ath-Thobayyi 

57, 

1. 

13 

» 

• ■ 

B 

» d’al-Hazàzah  » 

de  Hazâzah. 

65, 

1. 

1 

X 

bas,  » 

» monaitharah  » 

monaithirah 

98, 

1. 

14 

a 

haut,  • 

• qals  » 

qals  ou  qils,  et  ajoutez 

dernier  est  même  le  plus  usité. 
Les  deux  mots  sont  encore 
connus  dans  le  sens  de  „corde 
servant  à attacher  un  animal’’ 


292 

Page  108  Au  lieu  de  Benkoelen,  il  faut  lire  Benkoulen,  tandis  que  les  chiffres  294  et 
2746  donnés  pour  les  totaux  de  la  population  arabe  de  la  Côte  orientale  de 
Sumatra  et  d’Atjeh  doivent  être  changés  en  295  et  2848.  D'un  rapport  reçu 
après  coup  il  résulte  encore  que  la  colonie  arabe  à Bouloungan  (V.  n.  4)  ne 
compte  à l’heure  qu’il  est  que  15  âmes. 

• 135,  1.  2 d’en  bas,  au  lieu  de:  al-Habchî  lisez:  al-Habchi 

» 152,  1.  14  » haut,  » > » Anjar  lisez:  Anyar 

• 165,  1.  14  • * > * * Zahr  » az-Zahr 

l>J  > O ✓ 

• 241,  1.  15  • bas,  ajoutez:  Ce  n’est  que  dans  quelques  formules  comme  éd! 

etc.,  qu’on  prononce  les  désinences  grammaticales 
même  dans  la  conversation. 


•AW«/  À!  Qu. 


KAam/JaA 


iftOwaA 


Ç,  9tW 
al'-  tViefiafi 


niât  AJ  AS  J ai  J 


Okefil 


HADHRAMOUT 


' ftahmnb 


MERIOIEN 


VUE  DANS  LA  VILLE  D ’ A L - GH  0 R F A H (p  6 5 e t 71  ) 


HADHRAMOUT,(p  62  et  s.) 


PI  IV 


RESERVOIR  ET  MOSQUEE  EN  HADHRAMOUT  (p:  76  et  83  ) 


\ 


* \ 


/ 


PI  V 


COSTUMES  D’HOMMES  EN  H A D H R A M O U T . l p 98  et  s.) 


COSTUMES  DE  FEMMES  EN  HADHR'AMOüT  (p  IOO  e t s ) 


' 


AMu-, 

I 

'A  lui  Al  IA  li  Azlmr. 

Wakhls. 

Modnkir. 

A lui  Ail, Ml. 

Khnmns. 

Mobirok 
’Abil  AIIAli. 

IJasan  oil-iltn. 

Djamal. 

Ahmad. 

‘ I 

Abd  AllAli. 

’AbhAs. 

I 

Abd  AIIAb. 

Khonramès. 

ni  ar-Itahmnii  nommé  eu  javanais  Arm  Tédjo, 
Gouverneur  de  Toubnn. 

Tédjo  Lnkou,  Gonvomeur  de  Modjopnhit. 

I 

l.einbou  Souri),  Gouvorneur  de  Sotirabnvn. 

I 

Ario  Netnbé. 


Mohammad  al-Baqir. 
Dja'fnr  aç-ÇAdiq. 
Hadjr. 

MoÙsA. 


Mosarrir. 

Alioiad. 

; i 


Mohammad  WAbid. 
Asllab. 


ARBRE  GÉNÉALOGIQUE  DES  ARABES  QUI  ONT  INTRODUIT  L’ISLAMISME  DANS  L’ELE  DE  JAVA  (p.  195)  ('). 

ABD  AL-MOTTALIB. 


nl-Hosnin. 

;i 

Ali  Znin  al-'Abidîn  de  Médine. 


AVâlid  Zain  al-'Àlim. 

Wilid  Zain  al-'Âlim  de  la  Mecque. 


'Omar  Zain  al-Hosain. 
Zaid  Zain  al-Kabîr  de  Médine. 


Nadjm  ad-din  al-Kabir. 

I 

Nadjm  ad-din  al-KobrA. 

I 

SaraA'oun. 

Hasao. 


'Abd  AllAh  de  Baghdâd. 

i 

'Abd  ar-RahmAn. 


Ario  Tédjo  Kousoiimo,  Gouverneur  de  Toubnn.  al-GhAibi.  Hosain. 

Tonnienggoung  Wilo  Tikln.  Gouverneur  de  Japnra.  Le  Sousouhounnn  de  Pnkounn.  Le  Sousoubounan  de  Ngoudoung.  Le  Sousoubounnn  deGese 


Le  Soiisoiibounan  de  Koudou». 


27. 


Mohammad  al-Kabir. 

Mohammad  Zain  al-Kabir. 

Ali  Zain  al-Kobrâ. 
Modakir  Znin  al-Kobrâ. 

WAhid  al-KobrA. 
’Âbid  al-KobrA. 

Ahmad  PJontnAdA  1-Kobrà. 


Makhdoura  Djali,  prince  de  BnnUim. 
Le  Sousoubounan  Pakula  Nangka  de  Dantai 


Mahmoud  al-Kabir. 


HamdAn  al-KobrA. 

I 

Djn'far  aç-ÇMiq. 
Maiik. 

IbrAbim  surnommé  i 


Mahmoud  al-KobrA. 

I 

. DjoumàdA  1-Kabir. 


Almii  Ali  Ibrahim  Asn 


Abou  Ahmad  IsliAq  de  Malnccn. 


javanais,  'Ali,  surnommé  en  javanais  le 


usouliounan  d'Ampel. 


le  Sousouhounnn  du  Pouger. 


Rodjo  Pendilo  de  Gris1 
Hâdjdji  '(JlhniAit. 


Lu  Sousoubounan  de  llonang.  Le  Sousoubounan  de  Drndjat. 


Le  Sousoubounnn  de  Kalinjamal. 


Ahmad  al-Kobrà  de  Médine. 

I 

Nour  ad-din  Ali.  Ya'qoub.  nommé  en  javanais 

Soulomo  Rodjo. 

Chihâb  ad-din.  Ibrahim , surnomme  en  javanais  le 

Sousoubounan  de  Gounoung  Rjnli('). 

I 

Le  Kiahi  Agong  de  l.ouromig  Teugab.  Basait  nil-diu,  surnommé  en  javanais 
Pangérnu  Sabakinkmg  ('). 


Tonsknra,  Imim  du  Yémeo 
Ibrfllum  AsfnrAni. 


Abou  Bakr  Asfnrlm. 

I 

Mohammad  AsfhrAni. 


Abd  nl-Mnlik  As  fardai. 


1 ad-din. 


Djomàdé  l-Kobrt. 

Makbdoum  Kobra. 

I- 

Abou  Sallàm  DjoumAd.  surnommé  eu  javanais 
le  Sonsouhounan  d'Aias  Anein. 


Le  Sousouhounnn  de  • 


! en  javanais  le  Wali  Lnnnng 
üalomlinngaii. 

iri.  Mobammnil  Mania  nl-IsUm. 


Le  Sousoubounan  de  Ttralmjnt. 


ié  en  javanais  le 
Wall  AllAh. 


(')  Lui  noms  qui  sont  mniiifeslomcnl  arabes,  ont  été  transcrits  selon  le  système  que  j'ai  adopté  dans  mon  ouvrage.  Ceux  qui  me  paraissaient  incertains,  ont  été  écrits  comme  je  les  ai  trouvés  dans  le  manuscrit  javanais. 

i‘|  D'après  l'arbre  généalogique  dans  la  possession  de  ses  descendants,  les  Sultans  médiatisés  de  Cliéribon.  le  Sonsouhounan  Gounouug  Djali  serait  le  llls  du  Sultan  Hottl,  fils  du  Raton  des  Bani  Israël,  fils  du  Cliaikh  DjoumàdA  1-KobrA,  fils  du  Cliaikh  Mahmoud 
iil-Kaliir.  fil»  du  Cliaikh  Zain  nl-Kabir,  fils  de  'AU  Znin  al-'Âbidiu.  Je  n'ai  pas  besoin  de  démontrer  que  cette  généalogie  est  historiquement  des  plus  impossibles. 

(')  Selon  le  manuscrit  il  serait  le  llls  du  Sotisouliounnn  Pakala  Nangka  de  Bnnlnm,  mais  celte  descendance  est  en  contradiction  avec  la  commuais  opinio  des  Javanais,  constatée  par  des  Européens  depuis  plus  de  Jeux  siècles. 


> 


DS632  .A6B4 

Le  Hadhramout  et  les  colonies  arabes 


Princeton  Theological  Semmary-Speer  Library 


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